Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "RTL" le 19 février 2014, sur la situation en Ukraine, l'avenir du pacte de responsabilité des entreprises, et l'entrée de l'Etat au capital de l'entreprise Peugeot-PSA.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
On va parler de PEUGEOT CITROËN dans un instant, avant cela, l'Ukraine qui s'embrase, 25 morts dans la répression. Vous participez tout à l'heure au Conseil des ministres franco-allemand. Paris, Berlin, l'Europe, peuvent-elles regarder sans rien faire ?
PIERRE MOSCOVICI
Evidemment pas. Je ne suis pas le chef de la diplomatie française. C'est Laurent FABIUS qui a déjà exprimé le fait que nous regrettions, déplorions, l'usage inconsidéré de la force. Il y a de l'émotion, il y a de l'inquiétude, et c'est vrai que ça sera au coeur des discussions du Conseil des ministres franco-allemands, entre la chancelière et le président de la République, qui ne manqueront pas, évidemment, d'évoquer ce sujet et les moyens de peser.
JEROME CHAPUIS
Et quand le Premier ministre polonais évoque un risque de guerre civile, c'est une inquiétude que vous partagez ?
PIERRE MOSCOVICI
Je viens de m'exprimer.
JEROME CHAPUIS
On en vient donc à PSA, c'est officiel depuis un peu plus d'une heure, l'Etat et le Chinois DONGFENG entrent au capital de PEUGEOT CITROËN. Est-ce que vous dites ce matin : PSA est tiré d'affaires ?
PIERRE MOSCOVICI
C'est une nouvelle histoire qui commence, dans laquelle l'Etat s'engage, avec une volonté, qui est de conforter l'ancrage en France de PSA. Ce que nous avons voulu faire, en montant au capital de cette entreprise, avec 800 millions d'euros, c'est assurer la pérennité de PSA, la solidité financière d'une entreprise qui, on le sait, a connu des difficultés, c'est constituer un nouvel actionnaire, dans un partenariat qui va ouvrir de nouveaux marchés, notamment le marché chinois, parce que derrière ça il y a un partenariat industriel, avec…Vous savez, l'Asie va représenter 70 %, demain, de la croissance du marché mondial, il y a déjà 500 000 PEUGEOT qui sont vendues, et CITROËN, en Chine, donc il y a cette volonté d'ouvrir cette nouvelle histoire, pour un groupe qui a des capacités de rebond, sans aucun doute.
JEROME CHAPUIS
Vous dites : l'Etat va mobiliser 800 millions d'euros, pour une entreprise qui en a perdu plus de 2 milliards l'an dernier, est-ce que c'est un bon investissement pour les Français ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, c'est un investissement avancé, avisé, c'est aussi un investissement tout à fait stratégique, parce qu'il faut rappeler que l'automobile c'est 400 000 emplois directs en France, c'est 2 millions d'emplois indirects, c'est une industrie qui est créatrice de richesses, et j'ajoute qu'il y a des engagements qui ont été pris par PSA, en France.
JEROME CHAPUIS
Vous voulez dire que le fait que l'Etat s'engage au capital, c'est la garantie qu'il n'y aura plus de fermeture d'usines PEUGEOT ou CITROËN en France ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, ce n'est pas… Il y a d'une part un accord financier, je viens de rappeler les conditions, trois millions d'euros d'augmentation de capital, 800 millions d'euros pour l'Etat, trois actionnaires qui seront à parité : la famille, qui a été l'actionnaire historique, et qui demeure présente, bien sûr, DONGFENG, ce constructeur chinois, et l'Etat, à hauteur de 14 % chacun, une gouvernance qui sera une gouvernance équilibrée pour l'entreprise, avec 6 administrateurs indépendants, puis 2 administrateurs, et par actionnaire principal, voilà ce que nous voulons faire, et en effet, derrière ça, ça c'est l'accord financier, il y a un accord industriel, qui implique, en effet, des devoirs envers la France.
JEROME CHAPUIS
Et ces devoirs, c'est pas de fermeture d'usine, pas de …
PIERRE MOSCOVICI
Ces devoirs c'est un million… Pas de fermeture d'usine, un million de véhicules produits en France d'ici en 2016, il y en a actuellement 930 000, les investissements à hauteur de 1,5 milliard d'euros, 75 % de la recherche et du développement de PSA qui va rester en France. L'idée de l'Etat, elle est claire, c'est d'assurer, je le répète, l'ancrage de ce constructeur en France, et de lui permettre son effort à l'international. Et je pense en effet que cette augmentation de capital, est de nature à lui donner, à PSA, des moyens d'investir, des moyens de se déployer, et je connais bien ce constructeur, je suis moi-même élu de Sochaux, dans le Doubs, à où est née l'aventure PEUGEOT, là où est née l'histoire PEUGEOT, et je sais que ce constructeur a la capacité d'être, de demeurer et de devenir encore plus un grand constructeur, de taille mondiale.
JEROME CHAPUIS
Ces 800 millions d'euros au capital, enfin, mobilisés par l'Etat, c'est un engagement qui a vocation à durer ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, nous sommes là pour durer, nous sommes un actionnaire stable, un actionnaire solide et un actionnaire qui n'a pas vocation à être dormant. Nous allons défendre tout simplement les intérêts, stratégiques, de la France, de la collectivité, et c'est la raison pour laquelle nous sommes là. Nous avons voulu faire en sorte qu'il y ait là une gouvernance qui soit équilibrée, que l'Etat soit présent, encore une fois pour assurer le caractère français de cette entreprise, car c'est une entreprise française…
JEROME CHAPUIS
Vous allez avoir du mal à convaincre qu'il s'agit de patriotisme économique, c'est le mot employé par votre collègue Arnaud MONTEBOURG, le fait que des Chinois entrent au capital d'une entreprise qui est française depuis deux siècles, est-ce que ce n'est pas aussi un symbole de déclin ?
PIERRE MOSCOVICI
Pas du tout. Encore une fois, il faut avoir une vision mondiale pour ce constructeur. Un des problèmes de PSA, c'est d'avoir été un constructeur qui a été très centré sur le marché européen, lesquels marchés européens, on le sait, se sont mis à décliner, et notamment dans l'Europe du Sud. Et il faut s'ouvrir vers l'Asie. Je répète que l'Asie c'est 70 %, 70 % de la croissance future du marché mondial. Et…
JEROME CHAPUIS
Mais qu'est-ce qu'ils apportent au-delà de leur marché, les Chinois ?
PIERRE MOSCOVICI
Et c'est déjà tout à fait considérable, pardonnez-moi, mais il y a d'ores et déjà 500 000 véhicules de PSA qui sont produits, et ils seront produits là-bas et vendus en Chine. Il y a une capacité qui est encore supérieure. Etre allié avec un constructeur chinois, est à cet égard une plus-value. D'ailleurs, je veux rappeler une chose, c'est que ce n'est pas une invention tout ça, DONGFENG a déjà ce que l'on appelle une joint-venture avec PSA, depuis plusieurs années, et c'est le fait que ce partenariat industriel existe, qui a déjà permis cette pénétration significative de PSA, avec maintenant une phase supplémentaire, avec un accord industriel, avec un accord financier, eh bien on peut avoir des débouchés beaucoup plus importants. Et je rappelle que ce qui se passe en Chine, a bien sûr un impact sur la santé financière de l'entreprise, a un impact sur ses capacités d'investir, et donc a aussi un impact positif sur l'emploi en France. Vous vous doutez bien…
JEROME CHAPUIS
Je vous repose…
PIERRE MOSCOVICI
Vous vous doutez bien que, moi-même, qui suis, je le répète, un élu du Doubs, du pays de Montbéliard, de Sochaux, je n'aurais pas été celui qui aurait voulu brader le caractère français de cette entreprise. C'est bien l'encrage en France de PSA qui est aujourd'hui garanti. Et les travailleurs de PSA le savent, les salariés.
JEROME CHAPUIS
Et je vous repose la question : PEUGEOT est sauvé, selon vous, ce matin ?
PIERRE MOSCOVICI
PEUGEOT a maintenant les moyens d'un développement significatif, les capacités d'investissements, c'est ce que nous souhaitions, ça a été un dossier dans lequel je me suis beaucoup investi, qui représentait des milliers et des milliers d'heures, qui était un dossier stratégique, décisif, et je pense que l'Etat a pris sa part, que le gouvernement a joué son rôle et que c'est en effet une nouvelle histoire qui commence, de façon positive.
JEROME CHAPUIS
Je voudrais que l'on dise un mot du pacte de responsabilité, on ne voit pas comment vous allez mettre d'accord les syndicats, le patronat et votre majorité, sur ce qui est un engagement fort du président de la République, est-ce que vous imaginez que le pacte de responsabilité ne puisse pas voir le jour d'ici fin mars, comme s'y est engagé le président ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, moi je suis optimiste, avec l'optimisme de la volonté, sur le pacte de responsabilité.
JEROME CHAPUIS
Et il en faut de la volonté, parce que Laurent BERGER dit : « S'il n'y a pas d'engagement du MEDEF d'ici la fin de la semaine, il n'y aura pas de pacte ».
PIERRE MOSCOVICI
Attendez, moi je pense qu'il faut être très serein dans cette affaire, et très volontaire encore une fois. D'abord, parce que le pacte de responsabilité c'est une nécessité d'intérêt général pour le pays. Si on veut plus d'emploi, si on veut plus de croissance, il faut plus d'investissements, si on veut plus d'investissements il faut cet accord entre l'Etat, les entreprises et les partenaires sociaux.
JEROME CHAPUIS
Il verra le jour, le pacte de responsabilité ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, il verra le jour et il permettra encore une fois à la France de repartir de l'avant, d'avoir une croissance plus importante, d'avoir plus d'emploi, plus d'investissements. Et vous savez, ce qu'il faut faire maintenant, c'est être très serein, c'est créer les conditions du dialogue social, moi je souhaite qu'il se noue…
JEROME CHAPUIS
Mais quand Pierre GATTAZ dit : « vous stressez les entreprises » ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, par-delà les mots, sur lesquels je ne veux pas intervenir, il me semble que les conditions de ce dialogue se créent petit à petit, et qu'il y a un certain nombre de propositions qui sont sur la table, qui sont de nature à créer ce dialogue. On attend aujourd'hui ce que dira la CFDT, mais j'ai confiance dans le fait que la semaine prochaine, le 28 février, toutes ces organisations puissent se rencontrer, pour avancer, parce qu'encore une fois, le dialogue social c'est l'esprit, c'est la condition du pacte de responsabilité. Oui, il aura lieu et oui ce sera ce grand compromis économique et social, qui permettra à la France de repartir de l'avant, d'avoir une croissance plus forte, et plus d'emploi et donc de faire diminuer le chômage.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2014