Texte intégral
Mon général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de passer l'après-midi avec vous. En vous rendant visite, j'ai souhaité mieux connaître, à travers ce contact direct, le service de renseignement qui m'est le plus proche, puisqu'il est, comme vous le savez, celui qui est le plus directement placé sous mes ordres, avec la DGSE.
Vous connaissez aussi l'importance que j'attache au renseignement, instrument fondamental de notre autonomie stratégique, c'est-à-dire de la capacité de la France à comprendre, décider pour agir librement, agir souverainement, dans un monde qui a rarement été aussi complexe, qui a rarement été aussi incertain. C'est pourquoi je commencerai par revenir sur cette ambition qui concerne l'ensemble des services de renseignement que j'ai portée moi-même dans le Livre blanc et dans la LPM, et que je continuerai de porter, la DPSD doit y prendre toute sa place, j'y reviendrai.
Le Livre blanc et la loi de programmation militaire portent la marque de cette donnée d'entrée : « nous ne pouvons plus agir sans savoir ».
Nous ne pouvons plus agir sans savoir,car, pour les responsables de sa sécurité, notre pays fait face à une gamme élargie de menaces complexes et évolutives. Ces menaces ne peuvent être combattues avec efficacité qu'après avoir été détectées, analysées et décryptées par la communauté du renseignement. C'est tout le sens de votre action, à vous et à vos camarades des autres services.
Il est primordial de le rappeler, le travail collectif du renseignement est déterminant pour la préservation de nos intérêts vitaux. Il permet en effet de dimensionner au plus juste notre force de frappe nucléaire ; il permet par ailleurs de l'adapter aux évolutions opérationnelles, doctrinales et technologiques de nos adversaires potentiels. Vous jouez, ici, un rôle important dans la garde de cette capacité nucléaire,élément essentiel de notre sécurité.
Vous jouez également, et bien évidemment, un rôle crucial dans notre dispositif d'intervention et de contre-terrorisme. Sur le territoire national, comme à l'étranger, vous uvrez de manière coordonnée à détecter les menaces, à identifier les réseaux et à les entraver avant qu'ils ne passent à l'action. Au quotidien, vous êtes confrontés à la complexité des interconnexions intérieures et extérieures des émules du terrorisme international. Le rôle décisif que vous avez joué dans la résolution de l'affaire Merah en est un exemple très parlant. Aujourd'hui, c'est un fait que l'analyse de la menace représentée par les groupes djihadistes sahéliens,nous renvoie à un ensemble de ramifications qui s'étendent de l'Asie centrale à l'Ouest du continent africain, et cherchent des prolongements dans notre pays.
Nous savons tous ici le risque potentiel que font peser sur nous les combattants radicalisés qui vont et viennent entre la Syrie et la France. Nous ne pourrons canaliser cette menace que par le partage des connaissances de ces réseaux entre tous les services ; je parle ici de leur géographie, de leurs soutiens logistiques, des courants intellectuels ou spirituels qui les inspirent, de leurs méthodes de recrutement et de travail, de leurs financements, ou encore des relais dont ils disposent dans des pays tiers.
Au-delà de ces menaces évidentes,j'ai aussi la conviction qu'au sein d'un système économique mondialisé, dérégulé et concurrentiel, le renseignement à finalité économique occupe une place majeure. Vous contribuez au quotidien à la protection de notre patrimoine industriel, scientifique et technologique, contre des entités et des entreprises peu scrupuleuses qui peuvent aller jusqu'au pillage technologique. C'est une contribution déterminante pour notre compétitivité. Enfin, votre rôle au sein du dispositif de contrôle des exportations d'armement contribue à garantir les intérêts bien compris de notre pays, dans un domaine où certains pensent que tous les coups sont permis.
Cette vigilance au quotidien ne doit pas nous détourner de ce que nous devrons affronter demain. C'est pourquoi, dès à présent, la menace immatérielle, pernicieuse et souvent anonyme que constituent les actions dans le champ du cyber revêt une très haute priorité. Qu'elles relèvent de la subversion ou de la destruction, ces menaces impliquent que nous veillions sur cet espace, que nous le protégions et que nous soyons en capacité d'agir, y compris de manière offensive. Vous connaissez la réalité des attaques informatiques qui ne cessent de croître en capacité de pénétration et de destruction. Les services de renseignement jouent ici un rôle fondamental. Je considère que c'est un enjeu majeur pour demain, qui nécessite dès à présent toute notre mobilisation. C'est un enjeu de souveraineté. Le ministère s'y emploie, avec ses services d'une part et les armées d'autre part.
Je terminerai ce bref panorama des menaces, que je n'ai pas hiérarchisées, par ce qui touche l'action militaire. Elle est naturellement au cur de mes préoccupations. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, présente sur les cinq continents, la France s'engage dans des opérations militaires de coercition ou de gestion de crise, en coalition ou de manière autonome. A ce titre, qu'il s'agisse d'anticipation stratégique ou d'appui aux opérations, elle doit pouvoir à tout instant bénéficier d'un renseignement d'intérêt militaire et de sécurité militaire qui soit acquis et actualisé en toute indépendance. C'est la clé de nos engagements militaires et de leur réussite.
De fait, depuis 18 mois, nous n'avons pas fait un pas sans renseignement : en janvier 2013, nous nous sommes engagés aux côtés des Maliens sur la base des analyses de vos services, qui ont ainsi permis d'éviter une menace directe des djihadistes sur Bamako ; de la même manière, l'été dernier, les services français ont pu mettre en évidence les agissements du régime de Damas, ce qui a conduit à la mise en uvre du démantèlement de l'arsenal chimique syrien, évitant les frappes ; enfin plus récemment en RCA, ce sont bien les signaux d'alerte envoyés par la communauté du renseignement qui nous ont permis de mobiliser à nos côtés nos partenaires africains, européens et américains.
La préservation de notre autonomie stratégique, dont le renseignement est l'une des clés, a un coût, que nous devons assumer. En conséquence, les dépenses qui lui correspondent revêtent pour moi un caractère prioritaire. C'est une des grandes conclusions du Livre blanc et de sa déclinaison dans la loi de programmation militaire.
Vous l'avez constaté, la place du renseignement est confortée. Dans une même perspective, les efforts amorcés de renforcement et de mise en cohérence de la communauté nationale du renseignement, sous l'égide du coordonnateur national, sont appelés à se poursuivre.
La période qui s'ouvre, depuis le vote de la LPM par le Parlement fin décembre, devrait ainsi permettre de poursuivre l'accroissement et la modernisation des capacités de renseignement, aussi bien pour le renseignement extérieur que pour le renseignement intérieur, pour le renseignement d'intérêt militaire comme pour le renseignement économique et financier.
Il s'agit de doter notre pays des capacités techniques qui garantiront notre autonomie d'appréciation et donc notre liberté de décision et d'action, depuis le niveau stratégique jusqu'au niveau tactique.
Il s'agit aussi de consacrer au recueil et à l'analyse du renseignement des effectifs, en quantité et en qualité, qui soient adaptés à la diversité de la menace comme à la mise en uvre des nouveaux équipements. Dès cette année, je vous confirme que les services de la défense entameront la montée en puissance de leurs ressources humaines telle qu'elle est prévue par la loi de programmation militaire.
Les grandes orientations adoptées en 2013 confirment la stratégie d'adaptation permanente des moyens. Ainsi, à l'horizon 2019, plus de 800 agents seront recrutés pour accompagner la modernisation des équipements et prendre en compte de nouveaux champs de recherche comme le cyber-espace. La DCRI deviendra une direction générale de la sécurité intérieure directement rattachée au ministre de l'Intérieur. De grands programmes techniques, satellitaires, aériens et navals seront lancés ; ils nous permettront de conserver notre indépendance stratégique. Enfin, l'accès à certains fichiers administratifs ou judiciaires, ainsi qu'aux données de connexion et de géolocalisation, permettra aux services de mieux détecter des comportements menaçants, qu'il s'agisse de lutte contre le terrorisme ou de protection des intérêts fondamentaux de la Nation. Le Parlement a bien voulu suivre mes propositions à cet égard.
Evidemment, dans le contexte de fortes tensions budgétaires que nous connaissons, un tel effort ne saurait être consenti sans qu'il y ait des contreparties légitimes. Je pense à l'optimisation des finances publiques dont bénéficie le renseignement, et notamment à la recherche des meilleures synergies possibles entre les services. C'est pourquoi les travaux visant à continuer la mutualisation de nos capacités de recueil se poursuivent. Cela étant, mutualiser n'est pas uniformiser et, pour éviter la pensée unique dans le domaine du renseignement et pour conserver les pôles d'expertise que représentent les différents services, je demeurerai attaché à l'autonomie de chacun en matière d'analyse.
Cette liberté d'action que je vous confirme et qui vous est consentie par l'État vous et nous oblige. C'est pour cette raison que votre action fait l'objet d'un contrôle démocratique. La Loi de programmation qui vient d'être votée renforce donc le contrôle parlementaire en matière de renseignement, en élargissant les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Cette délégation parlementaire exerce dorénavant le contrôle de l'activité du Gouvernement en matière de renseignement, ainsi que l'évaluation de la politique publique en la matière. Je note qu'elle a, depuis sa création, développé une relation de confiance avec la communauté du renseignement, dont elle est devenue un partenaire majeur, et je m'en félicite.
Dans cette architecture du renseignement, la direction de la protection et de la sécurité de la Défense a toute sa place, elle apporte un éclairage irremplaçable.
Au titre de sa mission principale de contre-ingérence, elle assure le ministre que je suis de l'intégrité de notre outil de défense, qu'il s'agisse des forces, de l'administration ou de notre industrie de défense, sur notre sol ou partout où nos troupes se trouvent engagées. Il lui est souvent demandé de transmettre son savoir-faire à d'autres pays, signe de son excellence dans ce domaine.
Au titre de sa mission plus générale de renseignement, elle contribue à nourrir ma réflexion et constitue en cela,au même titre que les autres services, une aide considérable à la décision. J'ajoute que, du fait de sa forte intégration avec le reste du ministère, elle se révèle être un excellent baromètre. Grâce à l'esprit qui vous anime, vous pouvez avoir l'ambition de protéger l'institution, mais aussi chacun en son sein.
C'est dans cet esprit que votre service, sous la direction du général Bosser, poursuit la mutation profonde qu'il a engagée il y a quelques années. Autrefois service de sécurité militaire, il est désormais un service de renseignement à part entière, je suis venu vous le dire avec force. Cette évolution est passée par une rationalisation de votre format, ainsi que par une profonde réorganisation interne. En parallèle, vous avez accru vos coopérations avec les services partenaires du ministère, DGSE et DRM, mais aussi avec la DCRI, la DNRED et TRACFIN.
Aujourd'hui, la DPSD est donc le service de contre-ingérence dont le ministère de la Défense a impérativement besoin.
Nous en avons besoin d'abord pour lutter contre les menaces qui pèsent sur notre communauté ; je pense au terrorisme, à l'espionnage, aux risques subversifs ou aux trafics d'armes.
Nous en avons aussi besoin pour soutenir notre action militaire, notamment à travers l'évaluation des risques et menaces qui pèsent sur nos forces en opérations, pré-positionnées ou déployées outre-mer. Ce volet de votre action est primordial. J'y insiste,d'autant que les armées savent pouvoir compter sur votre engagement à leurs côtés. Au gré de mes déplacements, j'ai pu mesurer la grande valeur et pertinence de votre action et la sécurité que vous apportez, en Afghanistan depuis plusieurs années, au Sahel et en RCA aujourd'hui.
Enfin, nous avons besoin d'un service de contre-ingérence pour défendre nos intérêts économiques, et contribuer ainsi à la protection de notre patrimoine économique et éviter toute forme d'action malveillante.
Les résultats que vous obtenez sont nombreux, mais ils ne font pas la une des journaux mais c'est là un point dont nous devons nous féliciter Je profite toutefois de l'occasion qui m'est donnée pour vous témoigner de ma reconnaissance pour votre action quotidienne,patiente, décisive. En presque deux ans, j'ai eu de nombreuses occasions de vérifier l'intensité et la fiabilité de votre engagement. J'ai pris la mesure de vos succès, aussi discrets que réels, dans des domaines qui sont stratégiques pour nous, tels la veille des filières djihadistes syriennes, la détection de cyber-manipulations d'entreprises, le suivi actif des menées de services étrangers sur notre sol, la détection d'exportation de technologies duales, la lutte contre les activités subversives menaçant les armées, l'entrave de trafics d'armes, ou encore l'identification de risques d'espionnage sur nos forces.
Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité, lors des travaux du Livre blanc, confirmer la DPSD dans sa mission de contre-ingérence. La traduction la plus concrète de cette volonté est la sanctuarisation des effectifs de votre service à 1100. Dès cette année, vous devriez bénéficier des premiers recrutements prévus par la Programmation militaire. Cette évolution éminemment positive devra s'accompagner, et c'est notre rôle à tous, d'un effort de promotion de votre service, dont le rayonnement est encore insuffisant à mes yeux. Votre action au bénéfice des forces et à l'extérieur doit être mieux reconnue.
Vous le comprenez, les défis ne manquent pas.
Dans les mois et les années à venir, les menaces ouvertes ou souterraines qui visent aujourd'hui notre sécurité individuelle et collective ne vous permettront guère de vous reposer Vos capacités sont et seront cruciales pour renforcer encore notre stratégie de renseignement, et garantir ainsi le meilleur niveau d'information et la meilleure capacité de décision. C'est à cette condition que nous pourrons continuer à assurer à nos concitoyens que tout est fait pour les protéger.
J'en ai à nouveau pris la mesure aujourd'hui, votre professionnalisme vous honore. Il vous oblige aussi car, comme le disait Napoléon, « on nous pardonnera peut-être d'avoir été battus,[mais] jamais d'avoir été surpris ».
Bravo à tous. Vous avez toute ma confiance.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mars 2014
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de passer l'après-midi avec vous. En vous rendant visite, j'ai souhaité mieux connaître, à travers ce contact direct, le service de renseignement qui m'est le plus proche, puisqu'il est, comme vous le savez, celui qui est le plus directement placé sous mes ordres, avec la DGSE.
Vous connaissez aussi l'importance que j'attache au renseignement, instrument fondamental de notre autonomie stratégique, c'est-à-dire de la capacité de la France à comprendre, décider pour agir librement, agir souverainement, dans un monde qui a rarement été aussi complexe, qui a rarement été aussi incertain. C'est pourquoi je commencerai par revenir sur cette ambition qui concerne l'ensemble des services de renseignement que j'ai portée moi-même dans le Livre blanc et dans la LPM, et que je continuerai de porter, la DPSD doit y prendre toute sa place, j'y reviendrai.
Le Livre blanc et la loi de programmation militaire portent la marque de cette donnée d'entrée : « nous ne pouvons plus agir sans savoir ».
Nous ne pouvons plus agir sans savoir,car, pour les responsables de sa sécurité, notre pays fait face à une gamme élargie de menaces complexes et évolutives. Ces menaces ne peuvent être combattues avec efficacité qu'après avoir été détectées, analysées et décryptées par la communauté du renseignement. C'est tout le sens de votre action, à vous et à vos camarades des autres services.
Il est primordial de le rappeler, le travail collectif du renseignement est déterminant pour la préservation de nos intérêts vitaux. Il permet en effet de dimensionner au plus juste notre force de frappe nucléaire ; il permet par ailleurs de l'adapter aux évolutions opérationnelles, doctrinales et technologiques de nos adversaires potentiels. Vous jouez, ici, un rôle important dans la garde de cette capacité nucléaire,élément essentiel de notre sécurité.
Vous jouez également, et bien évidemment, un rôle crucial dans notre dispositif d'intervention et de contre-terrorisme. Sur le territoire national, comme à l'étranger, vous uvrez de manière coordonnée à détecter les menaces, à identifier les réseaux et à les entraver avant qu'ils ne passent à l'action. Au quotidien, vous êtes confrontés à la complexité des interconnexions intérieures et extérieures des émules du terrorisme international. Le rôle décisif que vous avez joué dans la résolution de l'affaire Merah en est un exemple très parlant. Aujourd'hui, c'est un fait que l'analyse de la menace représentée par les groupes djihadistes sahéliens,nous renvoie à un ensemble de ramifications qui s'étendent de l'Asie centrale à l'Ouest du continent africain, et cherchent des prolongements dans notre pays.
Nous savons tous ici le risque potentiel que font peser sur nous les combattants radicalisés qui vont et viennent entre la Syrie et la France. Nous ne pourrons canaliser cette menace que par le partage des connaissances de ces réseaux entre tous les services ; je parle ici de leur géographie, de leurs soutiens logistiques, des courants intellectuels ou spirituels qui les inspirent, de leurs méthodes de recrutement et de travail, de leurs financements, ou encore des relais dont ils disposent dans des pays tiers.
Au-delà de ces menaces évidentes,j'ai aussi la conviction qu'au sein d'un système économique mondialisé, dérégulé et concurrentiel, le renseignement à finalité économique occupe une place majeure. Vous contribuez au quotidien à la protection de notre patrimoine industriel, scientifique et technologique, contre des entités et des entreprises peu scrupuleuses qui peuvent aller jusqu'au pillage technologique. C'est une contribution déterminante pour notre compétitivité. Enfin, votre rôle au sein du dispositif de contrôle des exportations d'armement contribue à garantir les intérêts bien compris de notre pays, dans un domaine où certains pensent que tous les coups sont permis.
Cette vigilance au quotidien ne doit pas nous détourner de ce que nous devrons affronter demain. C'est pourquoi, dès à présent, la menace immatérielle, pernicieuse et souvent anonyme que constituent les actions dans le champ du cyber revêt une très haute priorité. Qu'elles relèvent de la subversion ou de la destruction, ces menaces impliquent que nous veillions sur cet espace, que nous le protégions et que nous soyons en capacité d'agir, y compris de manière offensive. Vous connaissez la réalité des attaques informatiques qui ne cessent de croître en capacité de pénétration et de destruction. Les services de renseignement jouent ici un rôle fondamental. Je considère que c'est un enjeu majeur pour demain, qui nécessite dès à présent toute notre mobilisation. C'est un enjeu de souveraineté. Le ministère s'y emploie, avec ses services d'une part et les armées d'autre part.
Je terminerai ce bref panorama des menaces, que je n'ai pas hiérarchisées, par ce qui touche l'action militaire. Elle est naturellement au cur de mes préoccupations. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, présente sur les cinq continents, la France s'engage dans des opérations militaires de coercition ou de gestion de crise, en coalition ou de manière autonome. A ce titre, qu'il s'agisse d'anticipation stratégique ou d'appui aux opérations, elle doit pouvoir à tout instant bénéficier d'un renseignement d'intérêt militaire et de sécurité militaire qui soit acquis et actualisé en toute indépendance. C'est la clé de nos engagements militaires et de leur réussite.
De fait, depuis 18 mois, nous n'avons pas fait un pas sans renseignement : en janvier 2013, nous nous sommes engagés aux côtés des Maliens sur la base des analyses de vos services, qui ont ainsi permis d'éviter une menace directe des djihadistes sur Bamako ; de la même manière, l'été dernier, les services français ont pu mettre en évidence les agissements du régime de Damas, ce qui a conduit à la mise en uvre du démantèlement de l'arsenal chimique syrien, évitant les frappes ; enfin plus récemment en RCA, ce sont bien les signaux d'alerte envoyés par la communauté du renseignement qui nous ont permis de mobiliser à nos côtés nos partenaires africains, européens et américains.
La préservation de notre autonomie stratégique, dont le renseignement est l'une des clés, a un coût, que nous devons assumer. En conséquence, les dépenses qui lui correspondent revêtent pour moi un caractère prioritaire. C'est une des grandes conclusions du Livre blanc et de sa déclinaison dans la loi de programmation militaire.
Vous l'avez constaté, la place du renseignement est confortée. Dans une même perspective, les efforts amorcés de renforcement et de mise en cohérence de la communauté nationale du renseignement, sous l'égide du coordonnateur national, sont appelés à se poursuivre.
La période qui s'ouvre, depuis le vote de la LPM par le Parlement fin décembre, devrait ainsi permettre de poursuivre l'accroissement et la modernisation des capacités de renseignement, aussi bien pour le renseignement extérieur que pour le renseignement intérieur, pour le renseignement d'intérêt militaire comme pour le renseignement économique et financier.
Il s'agit de doter notre pays des capacités techniques qui garantiront notre autonomie d'appréciation et donc notre liberté de décision et d'action, depuis le niveau stratégique jusqu'au niveau tactique.
Il s'agit aussi de consacrer au recueil et à l'analyse du renseignement des effectifs, en quantité et en qualité, qui soient adaptés à la diversité de la menace comme à la mise en uvre des nouveaux équipements. Dès cette année, je vous confirme que les services de la défense entameront la montée en puissance de leurs ressources humaines telle qu'elle est prévue par la loi de programmation militaire.
Les grandes orientations adoptées en 2013 confirment la stratégie d'adaptation permanente des moyens. Ainsi, à l'horizon 2019, plus de 800 agents seront recrutés pour accompagner la modernisation des équipements et prendre en compte de nouveaux champs de recherche comme le cyber-espace. La DCRI deviendra une direction générale de la sécurité intérieure directement rattachée au ministre de l'Intérieur. De grands programmes techniques, satellitaires, aériens et navals seront lancés ; ils nous permettront de conserver notre indépendance stratégique. Enfin, l'accès à certains fichiers administratifs ou judiciaires, ainsi qu'aux données de connexion et de géolocalisation, permettra aux services de mieux détecter des comportements menaçants, qu'il s'agisse de lutte contre le terrorisme ou de protection des intérêts fondamentaux de la Nation. Le Parlement a bien voulu suivre mes propositions à cet égard.
Evidemment, dans le contexte de fortes tensions budgétaires que nous connaissons, un tel effort ne saurait être consenti sans qu'il y ait des contreparties légitimes. Je pense à l'optimisation des finances publiques dont bénéficie le renseignement, et notamment à la recherche des meilleures synergies possibles entre les services. C'est pourquoi les travaux visant à continuer la mutualisation de nos capacités de recueil se poursuivent. Cela étant, mutualiser n'est pas uniformiser et, pour éviter la pensée unique dans le domaine du renseignement et pour conserver les pôles d'expertise que représentent les différents services, je demeurerai attaché à l'autonomie de chacun en matière d'analyse.
Cette liberté d'action que je vous confirme et qui vous est consentie par l'État vous et nous oblige. C'est pour cette raison que votre action fait l'objet d'un contrôle démocratique. La Loi de programmation qui vient d'être votée renforce donc le contrôle parlementaire en matière de renseignement, en élargissant les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Cette délégation parlementaire exerce dorénavant le contrôle de l'activité du Gouvernement en matière de renseignement, ainsi que l'évaluation de la politique publique en la matière. Je note qu'elle a, depuis sa création, développé une relation de confiance avec la communauté du renseignement, dont elle est devenue un partenaire majeur, et je m'en félicite.
Dans cette architecture du renseignement, la direction de la protection et de la sécurité de la Défense a toute sa place, elle apporte un éclairage irremplaçable.
Au titre de sa mission principale de contre-ingérence, elle assure le ministre que je suis de l'intégrité de notre outil de défense, qu'il s'agisse des forces, de l'administration ou de notre industrie de défense, sur notre sol ou partout où nos troupes se trouvent engagées. Il lui est souvent demandé de transmettre son savoir-faire à d'autres pays, signe de son excellence dans ce domaine.
Au titre de sa mission plus générale de renseignement, elle contribue à nourrir ma réflexion et constitue en cela,au même titre que les autres services, une aide considérable à la décision. J'ajoute que, du fait de sa forte intégration avec le reste du ministère, elle se révèle être un excellent baromètre. Grâce à l'esprit qui vous anime, vous pouvez avoir l'ambition de protéger l'institution, mais aussi chacun en son sein.
C'est dans cet esprit que votre service, sous la direction du général Bosser, poursuit la mutation profonde qu'il a engagée il y a quelques années. Autrefois service de sécurité militaire, il est désormais un service de renseignement à part entière, je suis venu vous le dire avec force. Cette évolution est passée par une rationalisation de votre format, ainsi que par une profonde réorganisation interne. En parallèle, vous avez accru vos coopérations avec les services partenaires du ministère, DGSE et DRM, mais aussi avec la DCRI, la DNRED et TRACFIN.
Aujourd'hui, la DPSD est donc le service de contre-ingérence dont le ministère de la Défense a impérativement besoin.
Nous en avons besoin d'abord pour lutter contre les menaces qui pèsent sur notre communauté ; je pense au terrorisme, à l'espionnage, aux risques subversifs ou aux trafics d'armes.
Nous en avons aussi besoin pour soutenir notre action militaire, notamment à travers l'évaluation des risques et menaces qui pèsent sur nos forces en opérations, pré-positionnées ou déployées outre-mer. Ce volet de votre action est primordial. J'y insiste,d'autant que les armées savent pouvoir compter sur votre engagement à leurs côtés. Au gré de mes déplacements, j'ai pu mesurer la grande valeur et pertinence de votre action et la sécurité que vous apportez, en Afghanistan depuis plusieurs années, au Sahel et en RCA aujourd'hui.
Enfin, nous avons besoin d'un service de contre-ingérence pour défendre nos intérêts économiques, et contribuer ainsi à la protection de notre patrimoine économique et éviter toute forme d'action malveillante.
Les résultats que vous obtenez sont nombreux, mais ils ne font pas la une des journaux mais c'est là un point dont nous devons nous féliciter Je profite toutefois de l'occasion qui m'est donnée pour vous témoigner de ma reconnaissance pour votre action quotidienne,patiente, décisive. En presque deux ans, j'ai eu de nombreuses occasions de vérifier l'intensité et la fiabilité de votre engagement. J'ai pris la mesure de vos succès, aussi discrets que réels, dans des domaines qui sont stratégiques pour nous, tels la veille des filières djihadistes syriennes, la détection de cyber-manipulations d'entreprises, le suivi actif des menées de services étrangers sur notre sol, la détection d'exportation de technologies duales, la lutte contre les activités subversives menaçant les armées, l'entrave de trafics d'armes, ou encore l'identification de risques d'espionnage sur nos forces.
Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité, lors des travaux du Livre blanc, confirmer la DPSD dans sa mission de contre-ingérence. La traduction la plus concrète de cette volonté est la sanctuarisation des effectifs de votre service à 1100. Dès cette année, vous devriez bénéficier des premiers recrutements prévus par la Programmation militaire. Cette évolution éminemment positive devra s'accompagner, et c'est notre rôle à tous, d'un effort de promotion de votre service, dont le rayonnement est encore insuffisant à mes yeux. Votre action au bénéfice des forces et à l'extérieur doit être mieux reconnue.
Vous le comprenez, les défis ne manquent pas.
Dans les mois et les années à venir, les menaces ouvertes ou souterraines qui visent aujourd'hui notre sécurité individuelle et collective ne vous permettront guère de vous reposer Vos capacités sont et seront cruciales pour renforcer encore notre stratégie de renseignement, et garantir ainsi le meilleur niveau d'information et la meilleure capacité de décision. C'est à cette condition que nous pourrons continuer à assurer à nos concitoyens que tout est fait pour les protéger.
J'en ai à nouveau pris la mesure aujourd'hui, votre professionnalisme vous honore. Il vous oblige aussi car, comme le disait Napoléon, « on nous pardonnera peut-être d'avoir été battus,[mais] jamais d'avoir été surpris ».
Bravo à tous. Vous avez toute ma confiance.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mars 2014