Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Maintenant vous savez dans quelles conditions est morte cette patiente entrée à l'hôpital Cochin à 16H30, un jour, aux urgences, et retrouvée morte à 23H00. Quels sont les principaux défauts d'organisation relevés ?
MARISOL TOURAINE
C'est évidemment un accident dramatique, un rapport a été immédiatement commandé
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Que dit-il ?
MARISOL TOURAINE
Qui montre qu'il y a des problèmes d'organisation, en particulier un manque de communication, au sein de l'équipe soignante, il pointe d'autres éléments. Je fais toute confiance, et à l'équipe de Cochin, et à la direction des Hôpitaux de Paris, pour faire en sorte
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ils peuvent continuer à laisser mourir ?
MARISOL TOURAINE
Non, pour faire en sorte, je leur fais toute confiance pour faire en sorte que les réorganisations qui s'imposent, au terme de cet accident et de ce rapport, soient mises en oeuvre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il n'y a pas que la communication. C'est vrai que le comble dans ce rapport, je cite, « la communication verbale entre les différents intervenants est peu privilégiée », c'est-à-dire que, urgentistes, infirmières, aides-soignantes, ne se parlent pas. Alors on dit manque de temps, de moyens, d'indifférence, mais c'est un aveu.
MARISOL TOURAINE
Oui, il y a manifestement des dysfonctionnements, des dysfonctionnements doivent être réglés et je sais que les personnels du service d'urgences ont la volonté d'aller de l'avant. Parce que, vous savez, des gens qui soignent, des médecins, des professionnels de santé, n'acceptent jamais ce type de situation, ils ne se résignent pas à ce type de situation, ils sont là pour sauver des vies et c'est donc toujours un échec auquel ils veulent remédier, lorsque ça ne se produit pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y a faute, est-ce qu'il y aura sanction ?
MARISOL TOURAINE
Le rapport ne laisse pas entendre qu'il y a de faute individuelle mais un défaut d'organisation, et c'est donc à ce défaut d'organisation qu'il faut répondre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est extraordinaire, parce que les erreurs, les dysfonctionnements, se commettent dans les hôpitaux, dans certains cas, tout seuls, il n'y a pas de responsable ?
MARISOL TOURAINE
Non, ce n'est pas ça, ça veut dire que et vous le savez très bien Jean-Pierre ELKABBACH comme dans beaucoup de structures l'organisation ce sont des choses qui ne fonctionnent pas comme elles devraient, sans pour autant qu'il y ait une personne identifiée qui porte la responsabilité d'un échec.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous avez été choquée, vous ministre de la Santé ?
MARISOL TOURAINE
Mais j'ai d'autant plus été j'ai tellement été choquée que j'ai demandé que soit immédiatement lancée cette enquête, ce qui a été réalisé, et encore une fois, je souhaite que nous puissions faire le point régulièrement sur la manière dont les décisions qui s'imposent, à la suite de ce rapport, seront mises en oeuvre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand on parle d'actions correctrices, qu'est-ce qu'on veut dire ? Qu'est-ce qu'on va corriger, à Cochin et dans les autres hôpitaux ?
MARISOL TOURAINE
Dans les hôpitaux qui sont concernés, c'est définir des mécanismes de communication, faire en sorte que
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Que les gens se parlent quoi !
MARISOL TOURAINE
Faire en sorte que
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aussi simple que ça.
MARISOL TOURAINE
Lorsqu'un patient rentre et est enregistré, on puisse suivre de manière régulière l'endroit où il se trouve et la façon dont il avance dans le processus des urgences, ce sont des choses qui fonctionnent dans beaucoup d'hôpitaux en France. Parce que ne faisons pas comme si je reviens sur votre première formule on mourrait normalement, classiquement, dans les urgences dans notre pays, notre pays connaît des hôpitaux extraordinairement performants
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Nous sommes d'accord
MARISOL TOURAINE
Les services d'urgences sont confrontés parfois à des difficultés, à des surcharges, mais de façon générale les patients sont très bien pris en charge au service des urgences.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on peut penser, plaindre, les patients potentiels des urgences qui ont aujourd'hui peur, mais vous essayez de les rassurer. A partir d'aujourd'hui les cliniques privées ferment leurs portes à des étudiants infirmiers qui ont besoin de stages pour être qualifiés. Ils vont manifester d'ailleurs demain et le 13. Qu'est-ce que vont devenir, et est-ce que c'est normal, est-ce que ce n'est pas une forme de chantage de la part des cliniques ?
MARISOL TOURAINE
Je trouve que l'attitude des cliniques n'est pas une bonne attitude, mais je veux d'abord rassurer les étudiants, parce que les étudiants infirmiers, qui attendent leur stage, pouvaient se demander où ils allaient aller. 100% des étudiants ont aujourd'hui un stage, parce que nous nous sommes retroussés les manches, grâce à la mobilisation du ministère, des hôpitaux publics, des instituts de lutte contre le cancer, de certaines cliniques aussi, qui n'ont pas accepté de rejeter les étudiants, des établissements privés à but non lucratif, il y a donc 100% d'étudiants, 100% des étudiants, ont un stage. Et moi je le dis
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça va les rassurer ?
MARISOL TOURAINE
Oui, ça va les rassurer, et je dis
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est à titre provisoire.
MARISOL TOURAINE
La durée de leur stage, et moi je dis aux cliniques qu'elles n'ont rien à gagner à transformer les étudiants en pions sur un jeu qui ne les concernent pas. Il y a sans doute des tensions, y compris au sein de la Fédération des cliniques, des établissements privés
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On me dit qu'elles sont en campagne électorale.
MARISOL TOURAINE
Oui, il va y avoir une élection dans quelques mois pour l'élection du bureau, de la direction de cette fédération, alors ne transformons pas les étudiants en monnaie d'échange dans cette bataille.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, ça se passe sur leur dos. Mais un mot, les cliniques font pression sur vous aussi, pas seulement pour la baisse des tarifs de 0,24% qu'elles n'ont pas acceptée, mais elles doivent l'appliquer, mais vous les avez privées du bénéfice du crédit impôt compétitivité emploi.
MARISOL TOURAINE
Mais c'est ça les 0,24%, c'est la baisse, c'est la répercussion du CICE, et donc
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais elles disent « discrimination », pourquoi pas les hôpitaux, parce que les hôpitaux ne touchent pas le CICE, alors eux ils disent « discrimination. »
MARISOL TOURAINE
Oui, voilà, donc il y a des tarifs qui sont des tarifs différents, entre les établissements publics et les établissements privés, qui n'ont pas exactement les mêmes missions, et on ne peut pas considérer que le CICE, qui doit favoriser la compétitivité, s'applique dans le cas des cliniques privées.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ça ne changera pas. Les sages-femmes, elles attendent vos décisions à partir de tous les rapports que vous avez demandés, les groupes de travail
MARISOL TOURAINE
Il n'y a pas tellement de rapports, il y a eu beaucoup de discussions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elles négocient, et elles menacent de poursuivre leurs défilés. Qu'est-ce que vous décidez ?
MARISOL TOURAINE
Que demandent les sages-femmes ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, qu'est-ce que vous décidez ?
MARISOL TOURAINE
Oui, que demandent les sages-femmes ? Elles demandent
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On les a entendues avec Thomas les sages-femmes.
MARISOL TOURAINE
Elles demandent que leurs compétences médicales, leur place, leur rôle, à l'hôpital public, soient mieux reconnus et mieux identifiés, ce sera le cas. J'annoncerai demain les décisions que je vais prendre, les dernières consultations sont en cours, mais d'ores et déjà je peux vous dire, Jean-Pierre ELKABBACH, que le statut des sages-femmes à l'hôpital va changer, que leur rôle médical, leurs compétences spécifiques, seront pleinement reconnus, mieux reconnus à l'hôpital public, et c'est une bonne chose.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elles avaient raison, donc elles avaient raison ?
MARISOL TOURAINE
Ça n'a jamais été fait. Cela fait plus de 10 ans que les sages-femmes souhaitent que leur rôle soit reconnu et demain nous allons pouvoir, ensemble, je l'espère, annonce de grandes choses.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et voilà, et elles commencent à le savoir en écoutant EUROPE 1. Le président de la République veut des économies partout pour atteindre 50 milliards en 3 ans, vous travaillez beaucoup avec l'Elysée, avec lui, avec Bernard CAZENEUVE qui vous a déjà reçue. Quelles économies, Marisol TOURAINE, vous pouvez faire d'ici à 3 ans dans votre secteur, la santé ?
MARISOL TOURAINE
Les économies qui seront faites s'appuieront sur des réformes de structure, parce que ce qui est important c'est que le modèle social français ne soit pas bradé. Moi, mon rôle, ma responsabilité, c'est de garantir aux Français, à tous les Français, qu'ils pourront continuer à se soigner de bonne manière, que la qualité des soins ne sera pas atteinte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La fourchette des économies ?
MARISOL TOURAINE
Il n'y a pas de fourchette à ce stade, Jean-Pierre ELKABBACH
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors des pistes.
MARISOL TOURAINE
Attendez, Jean-Pierre ELKABBACH, l'année dernière je m'étais engagée à faire 2,5 milliards d'économies, il y a eu 3,5 milliards d'économies, donc nous allons poursuivre, mais nous allons poursuivre comme jusqu'à maintenant, en mettant l'accent sur des choix de structures, et sans rogner sur la santé des Français. Ces choix de structures c'est quoi ? Développer les médicaments génériques, alors que la France reste l'un des pays où les médicaments sont le plus consommés au monde
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Au passage, vous avez annoncé, pour le début de l'année prochaine, la baisse du prix du paracétamol, Doliprane
MARISOL TOURAINE
Oui, la négociation sur les prix s'engage, je souhaite effectivement que le prix sur le paracétamol, sur les produits Doliprane, et autres
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous maintenez ?
MARISOL TOURAINE
Oui, je maintiens que je demande aux laboratoires de baisser les prix.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, ça va vous rapporter entre 50 à 100 millions, et on dit que vous pourriez atteindre, de cette façon, 3000 emplois qui seraient perdus.
MARISOL TOURAINE
Non, ça dépend du niveau de la baisse, mais j'ai entendu que les laboratoires étaient disposés à s'engager dans cette voie-là. Je vous l'ai dit, donc, médicaments
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les économies qui vous sont recommandées par la Cour des comptes
MARISOL TOURAINE
Génériques, la volonté de mettre l'accent sur ce qu'on appelle la chirurgie ambulatoire, c'est quoi ? C'est le fait d'aller se faire opérer en rentrant le matin et en sortant le soir de l'hôpital
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je sais, je sais et donc on ferme des lits après, des hôpitaux, qui deviennent moins utiles.
MARISOL TOURAINE
Non, on transforme la manière d'accueillir les malades et de les suivre, il y aura des économies, Jean-Pierre ELKABBACH, mais moi j'insiste, ces économies elles ne se feront pas en détricotant le modèle social qui est le nôtre
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je retiens qu'il y aura des économies, voilà.
MARISOL TOURAINE
C'est notre responsabilité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 mars 2014