Interview de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication à I Télé le 25 mars 2014, sur le deuxième tour des élections municipales 2014 et la stratégie du "Front républicain".

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Média : Itélé

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
La suite des Municipales avec l'indiscipline au Parti Socialiste. Que se passe-t-il ? Pourquoi ? Certains candidats refusent de participer à ce que l'on appelle le front républicain, on en parle évidemment tout au long de la matinée et notamment maintenant avec l'invitée de Christophe BARBIER, Aurélie FILIPPETTI, la ministre de la Culture.
CHRISTOPHE BARBIER
Aurélie FILIPPETTI bonjour, bienvenue.
AURELIE FILIPPETTI
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous l'avez entendu le front républicain ça ne marche pas, ça coince au PS, à Béziers par exemple Jean-Michel DUPLAT - votre candidat - refuse de se retirer, que lui dites-vous ce matin ?
AURELIE FILIPPETTI
Je dis qu'il faut avoir la meilleure stratégie pour empêcher que le Front National gère des villes ! Pourquoi ? Parce que c'est une catastrophe, à chaque fois que par le passé le Front National a géré des villes ça été terrible pour les habitants de ces villes. Donc moi je n'ai pas de leçon à donner à nos candidats ci ou là, je suis moi-même engagée dans un combat municipal à Metz et je sais à quel point ces choses sont délicates et sensibles, néanmoins il faut vraiment tout faire et adopter la meilleure stratégie pour pouvoir empêcher le Front National d'avoir les manettes au sein d'une ville.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que retirer ses candidats c'est la meilleure manière, les électeurs peuvent bouder, ils peuvent même pour certains électeurs très populaires passer au FN ?
AURELIE FILIPPETTI
Non ! Il ne faut pas… l'électorat de gauche c'est un électorat qui n'est pas un électorat qui peut passer au Front National, l'électorat socialiste en tout cas qui a voté au premier tour socialiste n'est pas un électorat qui va aller voter Front National. Maintenant, évidemment je comprends aussi nos élus, nos militants qui disent : « mais nous on veut aussi pouvoir suivre les dossiers au fur et à mesure des six années qui viennent…
CHRISTOPHE BARBIER
Et combattre le FN de l'intérieur ?
AURELIE FILIPPETTI
Et combattre le FN de l'intérieur, ce sont des arguments qu'il faut entendre et il ne faut pas jeter l'opprobre sur ceux qui se posent la question aujourd'hui, même si l'objectif c'est bien sûr d'empêcher le Front National de prendre des villes.
CHRISTOPHE BARBIER
D'autant qu'avoir quelques conseillers municipaux en opposition à des municipalités FN ça permet de préparer les Cantonales, les Régionales, c'est des gens qui s'incrustent dans le paysage ?
AURELIE FILIPPETTI
Ah ! Il ne faut pas non plus surestimer le poids de conseillers municipaux d'opposition mais, disons, qu'au moins il y a quand même un regard qui peut être jeté sur des dossiers qui sont traités à la mairie. Parce qu'on l'a vu par le passé le Front National ça été aussi toujours des affaires dans les municipalités qui ont été gérées par le FN et des affaires avec la clé des condamnations comme on s'en rappelle à Vitrolles par exemple, donc ça c'est dangereux pour la démocratie et c'est pour ça que nos candidats et nos militants doivent avoir la meilleure stratégie face au Front National.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc, ce matin, vous demandez une sorte de front républicain au cas par cas ?
AURELIE FILIPPETTI
Moi je n'aime pas l'expression front républicain, on n'est pas avec l'UMP, on n'est pas dans un front… on n'est pas dans un front je veux dire, on est dans une stratégie pragmatique, d'une forme d'alliance objective, mais surtout contre un ennemi pour le bien-être des habitants de ces communes.
CHRISTOPHE BARBIER
« FN et PS se valent », c'est ce qu'a dit Guillaume PELLETIER hier pour expliquer le ni-ni de l'UMP, comment réagissez-vous ?
AURELIE FILIPPETTI
Lui il fait partie de cette branche de l'UMP qui, de toute façon, est – et depuis longtemps – totalement perméable au FN et qui, donc, n'attends qu'une chose c'est de pouvoir faire des alliances plus ou moins officielles avec le Front National, donc ses propos ne sont pas étonnants évidemment venant de cette branche-là de l'UMP, j'attendrai qu'il y ait une clarification de la part de gens comme Alain JUPPE ou qui se sont positionnés d'une manière beaucoup plus claire et plus républicaine en tout cas et je me demande ce qu'ils peuvent penser à la lecture de propos pareils.
CHRISTOPHE BARBIER
Parfois un FN fort ça aide la gauche dans des triangulaires, c'est le cas à Metz par exemple, le FN puissant peut vous permettre de garder la ville, ça ne vous gêne pas ?
AURELIE FILIPPETTI
Vous savez à Metz on a augmenté notre score, le maire Dominique GROS, qui est le maire sortant - maire depuis 2008 alors que Metz était une ville de droit depuis la guerre – il a augmenté son score de 2% par rapport au premier tour de 2008, c'est le signe de la satisfaction des habitants de Metz vis-à-vis de cette équipe dont j'ai l'honneur de faire partie parce que je suis deuxième de liste. Et c'est ça notre plus grande satisfaction ! On est en tête pour aborder ce deuxième tour, donc on va mobiliser les autres forces de la gauche, les écologistes qui n'étaient pas encore complètement avec nous au premier tour, on va mobiliser pour l'emporter au deuxième.
CHRISTOPHE BARBIER
Oui ! Mais sans avoir le total de plus de 50%, c'est parce que le FN se maintient que vous gagnez. Prenons un autre exemple, Strasbourg…
AURELIE FILIPPETTI
Vous savez en 2008…
CHRISTOPHE BARBIER
Strasbourg vous le gagnerez, vous le garderez peut-être parce que le FN est candidat ?
AURELIE FILIPPETTI
J'espère qu'on gardera Strasbourg parce que Roland RIES, là aussi, est engagé dans une politique de long terme…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais c'est grâce au FN qu'il est présent !
AURELIE FILIPPETTI
Non ! Mais vous savez à Metz, en 2008, il y avait deux listes de droite. Ce que je constate c'est qu'à Metz en 2008 les listes de droite rassemblées au premier tour faisaient 60%, aujourd'hui elles font 34%, donc la droite doit s'interroger elle-même sur les raisons de cet effondrement.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que finalement le ni-ni, ni UMP, ni FN, ça ne serait pas plus simple pour le PS et puis les électeurs font ce qu'ils veulent, ils sont grands ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais vous savez, quand on fait de la politique, c'est parce qu'on a des valeurs et parmi ces valeurs il y a surtout ces valeurs républicaines, ces valeurs de démocratie. Moi vous savez je suis ministre de la Culture, je suis frappée de voir à quel point la culture, les associations culturelles, la liberté de création, les bibliothèques ont été les premières cibles des municipalités Front National par le passé, que ce soit à Vitrolles, à Marignane, à Toulon, à Orange, les bibliothèques, les théâtres - on se rappelle Châteauvallon - mais il faut voir qu'ils sont allés jusqu'à interdire des livres dans les rayonnages des bibliothèques, jusqu'à censurer Marek HALTER par exemple qui devait recevoir un prix littéraire à Toulon. C'est ça réalité du Front National, ce sont des attaques contre ce qui fait le coeur de la démocratie et de la République.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors justement au nom de ce risque, un homme de culture, auteur, metteur en scène, directeur, Olivier PY, à Avignon, dit : « si le FN gagne, je proposerai de délocaliser le Festival d'Avignon et je donnerai ma démission ». Est-ce que vous le soutenez ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais vous savez ce qui se passera si jamais et ça n'arrivera pas parce que Cécile HELLE va gagner à Avignon, c'est une excellente candidate, qui en plus incarne la jeunesse, l'énergie de cette ville, investie dans la culture…
CHRISTOPHE BARBIER
Oui ! Mais si ça arrive ?
AURELIE FILIPPETTI
Si ça arrive, le problème c'est que ce sera le Front National qui ciblera la culture, qui fait… alors que la culture c'est le coeur d'Avignon, ce sont eux – comme ils l'ont fait à Vitrolles par exemple, comme ils l'ont fait à Toulon – qui obligeront, qui couperont les subventions qui sont passées par exemple à Vitrolles de huit millions à trois millions d'euros pour l'ensemble des associations de la ville.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est 13% à Avignon ! C'est l'Etat qui a la main sur le Festival.
AURELIE FILIPPETTI
Mais la question il faut la prendre à l'envers, ce n'est pas : que fera le Festival d'Avignon ? C'est : que fera la municipalité Front National face au Festival d'Avignon, qui a toujours incarné cet esprit rebelle du théâtre, cette liberté de ton, cette provocation aussi qui fait l'essence même du grand théâtre tel que nous l'aimons et tel qu'il est accueilli chaque année à Avignon ? Donc, il n'est pas question qu'Avignon se transforme en festival folklorique aux mains de je ne sais qui. Le Festival d'Avignon c'est un festival qui est un festival national et même international, c'est l'Etat, c'est la France le Festival d'Avignon.
CHRISTOPHE BARBIER
Et vous le maintiendrez à Avignon quoi qu'il arrive, avec tout le poids de l'Etat pour que ce soit le vrai festival ?
AURELIE FILIPPETTI
On fera tout en tout cas pour que Cécile HELLE gagne la mairie d'Avignon et que le Festival d'Avignon soit ainsi un lieu de rassemblement, de liberté artistique et démocratique, comme ça toujours été depuis Jean VILAR.
CHRISTOPHE BARBIER
76% des Français souhaitent un remaniement, selon IFOP, 69% veulent un autre Premier ministre que Jean-Marc AYRAULT, est-ce que vous entendez ce message ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais je crois que le message, le message du premier tour des Elections Municipales, là il a été entendu par l'ensemble de la classe politique, c'est un…
CHRISTOPHE BARBIER
Donc, il y aura remaniement ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais je ne sais pas ! Je ne suis pas le président de la République, c'est à lui et à lui seul qu'il convient de prendre ce genre de décision.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que Jean-Marc AYRAULT a encore l'énergie à vos yeux de diriger un gouvernement ?
AURELIE FILIPPETTI
Ceux qui parlent de cela aujourd'hui ne savent pas de quoi ils parlent, parce que le seul qui peut prendre cette décision c'est le président de la République et donc c'est le président de la République qui évidemment tirera les conclusions qu'il souhaite de ces Elections Municipales. Mais l'enjeu maintenant pour dimanche prochain c'est bien de choisir des maires…
CHRISTOPHE BARBIER
C'est de se mobiliser !
AURELIE FILIPPETTI
Mais c'est de choisir des maires qui vont ensuite gérer la vie quotidienne des habitants, donc moi j'appelle les Français à bien regarder qui ils veulent comme maire et à regarder les visages de ceux qui se présentent dimanche prochain face à eux.
CHRISTOPHE BARBIER
Avez-vous envie de rester au gouvernement ou est-ce que vous êtes fatiguée après deux ans ?
AURELIE FILIPPETTI
Ah ! Non, moi je ne suis pas du tout fatiguée vous savez - je crois d'ailleurs que les ministres… je ne connais aucun ministre qui soit fatigué - moi je suis engagée dans une série de réformes, notamment le combat pour l'exception culturelle à Bruxelles et j'organise pour ça un forum avec une vingtaine de ministres Européens…
CHRISTOPHE BARBIER
Et vous barrerez la route à NETFLIX ?
AURELIE FILIPPETTI
Il n'est pas question de barrer la route, il est question de faire… d'intégrer les nouveaux acteurs du numérique dans le système de l'exception culturelle - qui a permis à la France d'avoir l'un des tous premiers cinémas au monde - et on en est très fiers.
CHRISTOPHE BARBIER
Le dossier des intermittents chauffe toujours, est-ce qu'il faut renoncer à la hausse de leurs cotisations et au plafonnement du cumul salaire-allocation ?
AURELIE FILIPPETTI
Alors, écoutez, c'est un accord qui est en cours…
CHRISTOPHE BARBIER
En discussion !
AURELIE FILIPPETTI
Avec les partenaires sociaux, donc ce sont eux qui ont établi une liste de propositions. Moi je suis très vigilante sur chacune de ces propositions, parce que certaines avaient été étudiés dans le cadre notamment d'une mission parlementaire, celle de Jean-Patrick GILLE, une de ces propositions n'avait pas été étudiée, donc j'attends les chiffres, j'attends le chiffrage, l'évaluation précise et l'impact précis que ça pourrait avoir.
CHRISTOPHE BARBIER
Si vous devez quand même quitter ce ministère, passer le témoin à Ségolène ROYAL pour un grand ministère Culture…
AURELIE FILIPPETTI
Je ne fais pas de…
CHRISTOPHE BARBIER
Education, Jeunesse ?
AURELIE FILIPPETTI
Je ne fais pas de politique fiction vous savez ! Et encore une fois je suis très bien à mon poste, et avec beaucoup de projets, je crois que la culture c'est quelque chose d'extrêmement important - surtout dans une période où on s'interroge sur les valeurs de notre République.
CHRISTOPHE BARBIER
Aurélie FILIPPETTI, merci, bonne journée.
AURELIE FILIPPETTI
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2014