Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à France 2 le 24 mars 2014, sur le deuxième tour des élections municipales 2014, l'abstention et le "Front républicain".

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Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Bonjour à tous. Bonjour, Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ROLAND SICARD
On parle ce matin, beaucoup de l'abstention, on parle beaucoup de la percée du Front national. Est-ce que la première leçon ce n'est pas simplement que le gouvernement a été très sévèrement sanctionné ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord on est au lendemain du premier tour de cette élection municipale. Donc il reste une semaine de campagne, un deuxième tour, et il faut que les électeurs de gauche se mobilisent le plus largement possible…
ROLAND SICARD
Ils se sont beaucoup abstenus.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour ce second tour. C'est vrai, quand on compare en effet…
ROLAND SICARD
Beaucoup plus que ceux de la droite ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument ! Quand on compare la mobilisation des électeurs de gauche et celle des électeurs de droite, indéniablement, ceux de gauche ne se sont pas autant mobilisés. Et donc aujourd'hui, moi le message que je veux leur envoyer, c'est que nous avons besoin, nous avons besoin d'eux, nous avons besoin que les forces de gauche se rassemblent pour ce second tour. Et nous avons besoin d'avoir des municipalités qui au soir de dimanche prochain, soient des municipalités d'actions, qui soient dans la même dynamique, que celle que nous impulsons au niveau national pour l'emploi, pour le logement, pour les services de proximité, donc nous avons un seul message…
ROLAND SICARD
Mais s'ils se sont abstenus…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aujourd'hui, c'est une semaine de campagne de mobilisation.
ROLAND SICARD
S'ils se sont abstenus, ces électeurs de gauche, ce n'est pas d'abord parce qu'ils sont déçus par le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je pense qu'il y a deux phénomènes à l'oeuvre, que l'on connait bien. D'abord, on sait bien, qu'une élection intermédiaire pour un pouvoir en place, ce n'est pas jamais facile, parce que c'est la force des choses. Lorsque vous avez un pouvoir en place, les électeurs de ce pouvoir se sentent d'une certaine façon déjà, comment dire représentés, donc on voit plus facilement sortir ceux qui sont contre que ceux qui sont pour…
ROLAND SICARD
Mais est-ce que vous êtes surprise par l'ampleur ? Est-ce que vous êtes surprise par l'ampleur de ces contres ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ca c'est une norme et puis ensuite, il y a en effet, sans doute, un message qui est envoyé parce que quoi qu'on dise, et même si je persiste à marteler que ce sont des enjeux locaux, ces élections municipales, tous les électeurs ne répondent pas nécessairement à la question qui leur est posée. Donc pour ceux qui répondent à la question qui leur est posée, c'est-à-dire quelle municipalité voulez-vous voir arriver aux responsabilités demain ? Eh bien vous avez quand même dans un certain nombre de grandes villes, de grands maires de gauche sortants des résultats qui sont intéressants. Regardez par exemple à Lyon, à Lille, à Paris où les choses vont bien se passer….
ROLAND SICARD
Il y a aussi Marseille où le PS arrive troisième, derrière le Front national ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Marseille, pour l'instant, Marseille pour l'instant est une déception, c'est vrai indéniablement. Maintenant encore une fois, il reste une semaine de campagne et une semaine notamment pour que toutes les forces de gauche se rassemblent, je le répète, parce que dans un certain nombre de villes, elles sont parties désunies et c'est aussi cet élément-là qui doit être pris en considération souvent à droite, la droite a fait bloc, là où la gauche est partie un peu éparpillée, donc cette semaine va servir aussi à rassembler nos forces.
ROLAND SICARD
Mais est-ce que les électeurs n'ont pas dit aussi : on veut que le gouvernement change de politique ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sans doute, certains d'entre eux l'ont dit, soit par leur vote, soit par leur abstention. Est-ce que pour autant, c'est une raison aujourd'hui d'annoncer un changement ? Moi, je ne le crois pas. Moi, je crois qu'au contraire ce qui fera la force de ce gouvernement c'est de tenir le cap sur les politiques et les réformes qu'il a commencé à conduire qui certes n'ont pas toutes encore portées leurs fruits, mais qui le prétend ? C'est long de transformer un pays comme nous le faisons, de réformer le marché du travail, de redonner de la compétitivité aux entreprises, de faire en sorte que les Français soient mieux formés. Mais bien sûr que ça prend du temps, tout le monde peut très bien le comprendre. En même temps, ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que depuis 20 mois, nous réparons la gestion catastrophique par la droite de ce pays. Et ça, les Français ont au moins ce bilan-là en tête. Le bilan de la droite a été catastrophique, donc ne faites la même chose dans les municipalités que ce que vous avez déploré à la tête du pays. Aujourd'hui, en revanche, ce que le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT est en train de faire, c'est de mener à bien des politiques qui prennent du temps et pour lesquelles nous avons besoin de municipalités qui nous accompagnent pour faire des emplois d'avenir, pour créer des logements, pour créer des places de crèches. Et pas des municipalités qui demain seront dans l'obstruction systématique par idéologie et par sectarisme.
ROLAND SICARD
Est-ce que ce gouvernement de Jean-Marc AYRAULT il faut le remanier aujourd'hui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne crois pas que la question se pose…
ROLAND SICARD
A la lumière de ces élections ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Honnêtement, je ne crois pas que la question se pose cette semaine. Je pense que cette semaine, la priorité, c'est de se mobiliser sur le deuxième tour des élections municipales.
ROLAND SICARD
Elle se posera la semaine d'après ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il appartiendra au président de la République d'en décider. Point ! Moi, je… vous savez, j'ai été, avant d'être ministre, j'ai été élue locale, et je sais l'importance de ces échéances de proximité. Je sais l'importance dans cette semaine de second tour, de ne pas se détourner des enjeux, je sais bien que la droite, la Front national, parfois certains observateurs cherchent à nous détourner des enjeux locaux de cette campagne. Mais nous, nous devons garder l'esprit clair quant à ces enjeux locaux d'autant, qu'ils représentent des choses fondamentales pour les Français. C'est fondamental pour les Français que de savoir dans quel cadre de vie, ils vont vivre demain, de savoir si leur municipalité est capable de prendre le train de l'innovation, du développement durable, du logement social ou pas ? Et d'une ville à l'autre, on voit bien qu'on ne vit pas de la même façon en France, qu'on vit plus ou moins bien, donc il faut bien choisir son maire.
ROLAND SICARD
Et vous appelez à faire barrage au Front national, à faire un front républicain, l'UMP refuse. Quelle conclusion vous en tirez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ma foi, je ne suis pas très surprise, c'est la tendance de l'UMP depuis déjà plusieurs années, ça avait commencé avec Nicolas SARKOZY qui a carrément repris à son compte un certain nombre de thèse du Front national. Rappelez-vous ! Son grand débat sur l'identité nationale, son discours pendant la présidentielle, sur les frontières etc. donc qu'il les a banalisées ses thèses, se faisant. Ca a continué avec Jean-François COPE, le patron de l'UMP qui a théorisé le fameux « ni-ni » mettant sur le même plan un candidat de gauche et le candidat du Front national.
ROLAND SICARD
Est-ce que le Front républicain, ça ne revient pas à dire ce que dit le Front national ? C'est-à-dire l'UMP et le PS c'est pareil ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tout faire pour empêcher qu'un candidat FN accède au pouvoir, c'est quoi exactement ? Ce n'est pas de l'idéologie ! C'est simplement préserver les Français et préserver la France, parce que nous savons, nous, ce qu'il y a derrière la façade du Front national. Soi-disant rénové, soi-disant modernisé, mais qui continue à porter avec lui, et à charrier, les plus vilaines idéologies, on voit bien les propos qui ont été tenus pendant cette campagne par des candidats du Front national, sur la nécessité de concentrer des Roms dans des camps parce qu'ils sont assimilés à de la lèpre, d'autres candidats qui vous disaient au fond, Mein Kampf ou le Coran, c'est du pareil au même. Donc vous voyez la violence des propos tenus. L'idéologie qui est toujours la même, je regardais les quelques points de programmes pour les municipales du Front national, écoutez, on n'y parle même pas de construire des logements, on y parle en revanche de faire en sorte qu'il y ait la plus grande transparence sur l'attribution des logements sociaux aujourd'hui, y compris en rendant public les critères pour lesquels ces logements sociaux ont été attribués. Ca veut dire quoi concrètement ? J'y réfléchissais ! Ca veut dire par exemple qu'une femme victime de violence devra rendre public dans son voisinage le fait qu'elle ait obtenu un logement social sur ce critère-là. Mais c'est formidable, dans quel monde nous voulons vivre demain ? Donc c'est ça ce que prépare les municipalités frontistes dont nous ne voulons pas, nous estimons que leur programme est dangereux en plus d'être totalement vain, qu'il va mener la France droit dans le mur et donc nous voulons, en effet, protéger les Français de cela. C'est ça, faire front républicain !
ROLAND SICARD
Merci. William !
WILLIAM LEYMERGIE
Merci, beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mars 2014