Interview de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à RTL le 25 mars 2014, sur les résultats du premier tour des élections municipales de mars 2014.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a des faits objectifs, François HOLLANDE a écourté sont passage à La Haye hier soir, il a évité la conférence de presse qui était prévue à l'issue de la réunion du G7. Pourquoi ?
MICHEL SAPIN
Mais parce que l'on ne tire pas des enseignements d'une élection municipale, ce qu'il faudra faire, au lendemain d'un premier tour, on le fait au lendemain d'un second tour. D'ailleurs…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc c'était volontaire de la part du président, il ne voulait pas parler des élections municipales.
MICHEL SAPIN
Il n'avait pas à parler, à ce stade-là, et vous savez bien que lorsque l'on va à l'étranger, avec des journalistes français, ils vous interrogent sur la politique française et non pas sur la politique étrangère, ça fait partie des grands classiques.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et d'habitude, François HOLLANDE répond aux questions de politique extérieur à l'étranger.
MICHEL SAPIN
Et quand il a quelque chose à dire, parce que le moment est là pour faire un commentaire qui est quelque chose qui est une densité, il le voit.
JEAN-MICHEL APHATIE
On lit dans la presse ce matin…
MICHEL SAPIN
L'avantage des archives, on entendait une archive qui avait sa cruauté mais qui a aussi sa banalité, ça n'est pas la première fois qu'un gouvernement au pouvoir, dans une période de crise comme celle-ci, rencontre de graves difficultés électorales, dans des élections municipales ou cantonales ou régionales. Ce fut le cas quand la gauche était au pouvoir, ce fut le cas quand la droite était au pouvoir, et souvenons-nous de 2008. 2008 a été une cuisante défaite pour la droite. On comparera, on comptera, on verra l'intensité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce qui apparait ce matin, c'est que, plusieurs députés socialistes le disent, le climat est en train de s'installer, ce premier tour a condamné le Premier ministre. Qu'en dites-vous Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Je redirais encore la même chose, une élection municipale est une élection à deux tours. Il est légitime de tirer les enseignements du premier tour, pour préparer le deuxième tour, pas pour préparer l'après deuxième tour. Moi, je ne suis pas un commentateur, c'est votre privilège, ça n'est pas si simple que ça d'ailleurs de commenter, mais ce n'est pas non plus simple d'agir. Moi je suis un acteur politique, et je sais qu'il y a encore une élection devant nous, que dimanche prochain, un certain nombre de résultats peuvent être, dans un sens ou dans l'autre, en fonction de la réaction, des électeurs de tous les électeurs, et donc mon premier devoir, c'est d'appeler les électeurs à venir voter, voter pour des maires qui soient des bons maires, qui soient des maires à leur portée, qui apportent quelque chose dans leur ville et qui soient aussi en capacité de faire barrage, oui, barrage au Front national.
JEAN-MICHEL APHATIE
Delphine BATHO, ancienne ministre, « changer de Premier ministre est indispensable », elle le dit ce matin. Jean GLAVANY, député socialiste des Hautes Pyrénées, il parle lui, je le cite, de l'ahurissante allocation du Premier ministre dimanche soir, incapable de tenir un discours mobilisateur. Ces gens-là s'expriment avant le deuxième tour. Vous ne leur direz rien avant le deuxième tour ?
MICHEL SAPIN
Mais j'ai cru comprendre qu'il n'était pas ministre, parfois ils sont anciens ministres…
JEAN-MICHEL APHATIE
Anciens, les deux, là, en l'occurrence…
MICHEL SAPIN
… peut permettre, pour l'une en tous les cas, d'expression d'une forme de …
JEAN-MICHEL APHATIE
Rancoeur.
MICHEL SAPIN
… rancoeur personnelle. Ça n'empêche pas d'avoir aussi un jugement et un jugement libre, mais tout enseignement d'une élection, se tire après le deuxième tour, vous n'en connaissez pas aujourd'hui le résultat à l'avance, heureusement pour les Français, sinon ça ne serait pas la peine, même pour les appels aux urnes dimanche prochain. Ils iront aux urnes dimanche prochain, ils feront le résultat, et le résultat ne sera peut-être pas exactement conforme aux commentaires d'aujourd'hui, je l'espère en tous les cas.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'entre-deux tours, Michel SAPIN, ne semble pas voué qu'à la campagne électorale, on lit ce matin que François HOLLANDE a allégé son agenda, il est totalement vide et il reçoit plusieurs ministres. Faites-vous partie, Michel SAPIN, des ministres qui seront reçus à l'Elysée ?
MICHEL SAPIN
Mais je ne connais pas le calendrier du président de la République.
JEAN-MICHEL APHATIE
Faites-vous partie des ministres qui seront reçus aujourd'hui à l'Elysée ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien, si le président de la République veut parler avec qui il veut, il le fait.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous ne voulez pas dire que vous allez aller à l'Elysée tout à l'heure ?
MICHEL SAPIN
Ça n'intéresse personne de savoir…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si, moi ! Rien que moi !
MICHEL SAPIN
… ce que je fais ou ce qu'il fait, ça n'a aucune importance de ce point de vue là, beaucoup plus important est évidemment quels enseignements tirer, d'un résultat du premier tour, mais surtout d'un résultat du deuxième tour, et dans les enseignements, il y a entendre. Les Français ont dit quelque chose dimanche dernier, ils rediront quelque chose dimanche prochain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, pourquoi la claque a-t-elle été ce qu'elle a été dimanche, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Mais, parce que d'abord vous ne connaissez pas ce qui se passera dimanche prochain, je le répète…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, on ne sait pas ce qui va se passer dimanche prochain, on sait ce qui s'est passé dimanche dernier.
MICHEL SAPIN
On sait ce qui s'est passé dimanche dernier. Dimanche dernier il s'est passé deux choses. Premièrement, des électeurs sont restés chez eux, plus que d'habitude…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi ?
MICHEL SAPIN
Pourquoi ? Bonne raison… parce qu'ils ont exprimé par une forme de silence…
JEAN-MICHEL APHATIE
Des électeurs de gauche.
MICHEL SAPIN
… ce qu'ils ressentent comme une colère, comme un mécontentement. Vous savez, il y a deux manières d'exprimer son mécontentement aujourd'hui. La première manière, c'est le silence, je reste chez moi, et la deuxième manière, c'est le vote Front national. Je vote pour ce qui fait le plus de bruit, et c'est ce qui s'est passé aussi dans certaines régions, ou dans certaines villes, où la misère sociale, où la difficulté sociale est réelle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Colère ou mécontentement vis-à-vis…
MICHEL SAPIN
Il faut l'entendre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vis-à-vis du gouvernement.
MICHEL SAPIN
Mais bien sûr, vis-à-vis de la situation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vis-à-vis du gouvernement.
MICHEL SAPIN
Evidemment. Vis-à-vis de la situation économique et sociale qui n'est pas aujourd'hui à la hauteur de ce que les uns ou les autres peuvent espérer. Ça ne veut pas dire qu'elle ne va pas évoluer, qu'elle n'est pas en train d'évoluer, mais ils ne le constatent pas aujourd'hui, et donc vis-à-vis de ceux qui gouvernent. C'eut été un autre gouvernement, c'eut été de la même manière, c'est normal. Enfin, si les gouvernants ne sont pas porteurs d'une part de la responsabilité de la situation de la France, je ne comprends plus rien. Et donc c'est évidemment, vis-à-vis de ce gouvernement-là, celui-là, que les électeurs expriment un message.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il faut changer quelque chose.
MICHEL SAPIN
Mais bien entendu qu'il faudra évoluer, bien entendu qu'il faudra changer, mais de quoi, de qui, comment ? C'est toutes les questions que vous posez aujourd'hui, mais qui ne sont à la portée d'un raisonnement solide, qu'au lendemain vrai du résultat des élections municipales, c'est-à-dire dimanche soir et lundi prochains.
JEAN-MICHEL APHATIE
François HOLLANDE voulait réenchanter la politique, c'est un échec au bout de deux ans ?
MICHEL SAPIN
Eh bien ça ne se joue pas sur deux ans. Réenchanter la politique, lorsque la France en est à sa 6ème ou 7ème année de crise, l'une après l'autre, avec chaque mois ou chaque année des difficultés supplémentaires, avec chaque mois ou chaque année un chômage qui augmente, même si on a réussi à ralentir les choses, on ne l'a pas inversé, chacun le sait, en tous les cas, pas manifestement. C'est normal que les Français soient dans une forme de colère, et qu'ils l'expriment. S'ils n'expriment pas leurs opinions à l'occasion d'une élection municipale, alors ils le feraient d'une autre manière. Je préfère 100 fois qu'ils le fassent dans une élection comme celle-ci.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est difficile d'imaginer que la politique soit la même, avant les municipales, ou qu'elle soit la même, pardon, après les municipales, et qu'elle était avant les municipales.
MICHEL SAPIN
Oui, mais la politique ce sont à la fois des décisions de fond, et puis ce sont aussi des manières de les mettre en oeuvre. Je ne parle pas de communication, parce que si on dit simplement, « c'est une bonne ou une mauvaise communication », je crois qu'on n'est qu'à la superficie des choses. Mais, aujourd'hui, de quoi avons-nous besoin ? D'une France qui reparte, d'une France dont l'économie elle-même retrouve de la croissance, d'une France qui à partir de là, crée dans son tissu économique, les emplois nécessaires pour offrir des possibilités, un devenir, une profession, à ceux qui le souhaitent, soit parce qu'ils sont chômeurs, soit parce qu'ils sont jeunes. C'est cela dont nous avons besoin, c'est ce que nous sommes en train de mettre en oeuvre, c'est ce qui ne se voit pas aujourd'hui, et donc évidemment les français ne jugent pas par rapport à demain, ils jugent par rapport à hier. Et hier, c'était dur.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut privilégier la reprise de l'activité économique à l'assainissement des finances publiques ?
MICHEL SAPIN
Non, il ne peut pas y avoir de reprise de l'activité économique, sans assainissement des finances publiques, simplement il faut le faire avec intelligence.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faudra faire les 50 milliards de…
MICHEL SAPIN
Mais ils sont indispensables.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'économies.
MICHEL SAPIN
Mais, quelque soit…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne changera pas.
MICHEL SAPIN
L'important…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne changera pas.
MICHEL SAPIN
L'important, c'est de ne pas lâcher l'objectif qui est ce faire diminuer le déficit de la France, sinon on paie des intérêts, et moi je préfère payer des profs, des flics, plutôt que des intérêts, en particulier à la finance internationale. Donc ça, ça ne changera pas. Mais le comment, quelles sont les dépenses qu'il faut réduire, ça, il peut y avoir des différences absolument considérables.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et avec qui ? Et avec qui pour décider de ces choix-là ?
MICHEL SAPIN
Avec la majorité et le Premier ministre…
JEAN-MICHEL APHATIE
Avec quel Premier ministre ?
MICHEL SAPIN
Eh bien celui que choisira le Président de la République…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, donc il en choisira un.
MICHEL SAPIN
Il y a encore des décisions qui sont à faire. Mais bien sûr qu'il en choisira un.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, mais il en a déjà un. Donc…
MICHEL SAPIN
Ben oui, mais on peut choisir le même.
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut choisir le même. Bon. Vous irez à l'Elysée tout à l'heure ? Vous ne m'avez pas répondu.
MICHEL SAPIN
Mais quelle curiosité monsieur APHATIE !
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah lala lala ! Allez, vous avez bien résisté…
MICHEL SAPIN
A la manière de chacun de vivre sa vie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, je voudrais savoir ce que vous ferez aujourd'hui. Michel SAPIN, ministre du Travail, était l'invité de RTL ce matin, bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Merci.
LAURENT BAZIN
Et à demain Jean-Michel.
JEAN-MICHEL APHATIE
A demain Laurent.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2014