Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, à RMC le 22 février 2001, sur le projet de loi sur la Corse, les candidatures à l'élection présidentielle de 2002, l'accueil de 900 réfugiés kurdes naufragés en Méditerranée et la préparation des élections municipales 2001.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

P. Lapousterle Soutenez-vous dans l'affaire corse, qui est une affaire très importante, les réserves du Président de la République exprimées hier sur le projet de loi, pour attirer l'attention des Français, ou bien la volonté de L. Jospin, Premier ministre, de faire aboutir le processus dont il pense qu'il est seul susceptible de ramener la paix sur l'île ?
- "Je crois que tous les deux font des gesticulations hypocrites et électoralistes. Je n'approuve pas du tout la position du Président de la République car je vais bien au-delà. Et je sais, d'ailleurs monsieur Jospin le lui a rappelé, quelles sont les responsabilités des Gouvernements de droite dans l'évolution du processus corse en direction de l'indépendance. Mais pour ce qui concerne la Corse, il y a pour moi une question préalable. Le problème n'est pas constitutionnel mais politique. Est-ce que l'on accepte le phénomène terroriste ou est-ce qu'on le réduit ? Si on discute, comme c'est le cas, comme on l'admet, comme l'admet le Président de la République, comme l'admet le Premier ministre, comme l'admet l'Assemblée nationale, comme l'admet l'Assemblée Corse, si on admet de discuter avec des terroristes ..."
Et les élus vous voulez dire ?
- " ... la question est réglée."
Les élus ne sont pas terroristes ?!
- "Ils sont soumis au terrorisme ! Le terrorisme, c'est un phénomène qui fait suinter la peur partout. Les gens ont peur ! Ils ont peur d'être assassinés ! Ils ont peur qu'on fasse sauter leur commerce ou leur maison ! Ils ont peur qu'on s'en prenne à leur famille ! Et si on ne supprime pas cette peur-là, il n'y a pas démocratie. Par conséquent, tout le reste est hypocrisie et comédie, sinistre comédie."
Faut-il rechercher un processus ? Est-ce que le processus vous semble un moyen pour éviter que la terreur continue sur l'île ? C'est cela le sujet.
- "Bien sûr que non ! Il n'y a qu'un seul processus démocratique, c'est celui de la résolution des conflits par les urnes. Il n'y en a pas d'autre. Sorti de là, on est dans la tyrannie, dans la violence."
Vous demandez quoi ? Des élections en Corse ?
- "Non, je demande que soit éradiqué le terrorisme et que l'on prenne même des mesures économiques que quand cette menace constante aura été supprimée. C'est tout !"
Mais pour éviter la menace, il faut négocier.
- "Non, il ne faut pas négocier, il faut appliquer la loi. Car si on négocie, si les banques négocient avec les gangsters, elles vont être obligées de céder une partie de leur capital. Si on négocie avec la violence, à chaque fois, la démocratie a perdu."
Au niveau de la cohabitation, on a bien vu hier que le Président de la République et le Premier ministre s'affrontaient sur un point très important et que visiblement, l'affrontement va continuer au moins sur ce sujet-là, en attendant les autres. N'est-ce pas un problème pour la France de vivre les 14 mois à venir avec probablement les deux têtes de l'exécutif qui se livrent une guerre incessante ?
- " Oui, c'est tout à fait déplorable. Il est assez déplorable que la campagne électorale pour les présidentielles dans notre pays commence trois ans avant les élections et qu'elle soit, médiatiquement parlant, strictement réservée aux deux tenants du titre, comme si les Français n'existaient pas et comme s'ils étaient contraints de n'avoir à choisir qu'entre monsieur Jospin et monsieur Chirac, alors que, peut-être dans 14 mois ni Jospin ni Chirac ne seront en position d'être Président de la République."
Pourquoi dites-vous cela ?
- "D'abord, parce que ce sont des hommes comme nous tous et que personne ne peut dire qu'il sera vivant à cette période-là ..."
Politiquement .
- " Personne ne peut dire qu'il ne sera pas poursuivi par les tribunaux, et un certain nombre d'entre eux semble avoir de ce côté-là accumulé quelques pronostics défavorables."
Un mot sur une phrase qui est ressortie hier et qui est publiée par L'Express. D. Cohn-Bendit a été dénoncé par une ex-amie, députée européenne, qui a remis un texte qui est tiré d'un livre publié en 1975 qui s'appelle "Le grand bazar." Un texte dans lequel le député européen Cohn-Bendit, alors éducateur à Francfort, décrit des situations de caresses sexuelles avec des enfants, affirmant toutefois qu'il ne s'y était pas livré lui-même, et utilisant le je comme formule littéraire. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
- "Cela m'inspire que 68 a été une période de désintégration des moeurs dont nous recueillons aujourd'hui les fruits amers et empoisonnés. Et quand monsieur Cohn-Bendit, qui avait écrit lui-même ses expériences sexuelles avec des enfants, essaye aujourd'hui de les amoindrir, il devrait se rendre compte qu'il a été - pas le seul - un des professeurs de démoralisation de la société ! On apprend dans le même temps d'ailleurs qu'il avait des relations ..."
Qu'il regrette.
- "Tout le monde s'en repent maintenant ..."
Il regrette les phrases écrites.
- "Oui, bien sûr. Il essaye de faire croire que ces phrases ne correspondaient pas à la réalité. C'est un bluffeur, c'est un menteur, ou bien alors il s'est livré à des activités plus ou moins pédophiles. Et quand des gens de ce niveau-là écrivent cela, font la propagande pour la pédophilie, il y a beaucoup de gens qui pensent que c'est devenu la nouvelle règle morale. On apprend dans le même temps d'ailleurs qu'il a aussi des relations avec des terroristes en Allemagne. Le passé vous rattrape à un moment donné."
Sur les kurdes naufragés en France, vous n'approuvez pas le Gouvernement français qui a accordé un sauf-conduit à ces 900 malheureux ?
- "Pas du tout ! Je fais partie des gens qui réagissent à ce phénomène non pas comme un citoyen ordinaire mais comme un responsable politique et comme un homme d'Etat. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir quel est le rapport entre cette invasion forcée de notre territoire et l'intérêt national ?"
Mais on ne peut pas politiser le mot "invasion" pour ...
- "Mais si, invasion ! Quand des gens entrent chez vous de force et vous obligent à les recevoir et à les soigner.... Je suis d'accord pour qu'on les réconforte, qu'on les réchauffe, qu'on les habille, tout ce que vous voulez, et qu'on les renvoie dans le port d'où ils sont partis ! Il n'y a pas d'autre solution. Je sais bien que cela apparaîtra ..."
Même s'ils arrivent d'un port où ils sont recherchés ?!
- .".. aux yeux des gens comme très dur. Mais un Etat, un pays comme la France, surtout menacé par ce formidable problème migratoire, dont nous ne connaissons que les débuts, que les tous débuts, doit défendre l'intérêt du peuple français."
Cela fait 20 ans que vous nous annoncez la catastrophe de ce point de vue-là et elle n'est toujours pas arrivée.
- "Comment ça elle n'est pas arrivée ?! Il y a 10 millions d'étrangers en France qui sont entrés en 20 ans ! Vous trouvez qu'elle n'est pas arrivée ! Elle est en train de se constituer. Mais vous savez, j'ai aussi été le premier à annoncer le Sida. Madame Barzach m'a dit à l'Assemblée nationale : "Monsieur Le Pen, ce n'est pas le Sida que nous craignons, c'est vous !", seulement le Sida a fait 25 millions de morts depuis. Nous avons été les premiers à annoncer la vache folle ; nous avons été les premiers à dénoncer, à jouer notre rôle de guetteurs au créneau, au nom du peuple français. Et nous n'avons pas toujours été entendus, c'est le moins qu'on puisse dire."
Les municipales à Paris, le spectacle de Paris.
- "Heureusement que je sais que Charles de Gaulle est tête de liste à Paris, parce que si je devais ..."
Charles de Gaulle, c'est donc votre candidat.
- "Oui, Charles de Gaulle est le tête de liste candidat à la mairie si vous voulez."
Parce ce que les gens pensent à quelqu'un d'autre.
- "Et puis, il y a 20 candidats puisqu'il y a 20 arrondissements. Mais autrement, si je lisais les journaux, si j'écoutais les radios, je ne saurais pas que Charles de Gaulle est candidat. Je vous le dis : au moins vos auditeurs le sauront."
L. Jospin qui soutenait hier la candidate socialiste à Toulon, madame Casanova, a parlé de "l'expérience désastreuse de l'extrême droite à la tête des municipalités qu'ils ont conquises."
- "Je ne crois pas. Je crois en tout cas que celle qui est Front national, celle dont j'ai à répondre en quelque sorte politiquement, Orange, a en effet fait beaucoup de réalisations et je pense que monsieur Bompard sera réélu. Les autres, ce sont des traîtres au Front national .."
A l'époque, c'était les vôtres.
- "Oui. Ils ont, je crois, assez bien agi au début tant qu'ils ont été en tout cas sous la responsabilité du Front national. Après ... D'ailleurs j'irai dire tout cela. Si vous le permettez, je serai le 28 à Toulouse et ..."
Et monsieur Le Chevallier aujourd'hui, c'est qui pour vous ?
- "Monsieur Le Chevallier, c'est le futur ancien-maire de Toulon. Et puis, le 6 mars, je serai à Toulon justement, le matin, devant la mairie. Et puis à 20 heures 30 à Marseille, le soir. Voyez, je fais aussi comme Jospin, je parcours la France. Mais pas avec les mêmes moyens !"
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 février 2001)