Texte intégral
Monsieur le Député,
Je voudrais d'abord dire que, si le gouvernement n'avait pas utilisé les moyens de pression à sa disposition, Alstom aurait été vendu, pour 75 % de ses activités, le dernier dimanche d'avril, sans coup férir, trois jours après que nous l'ayons tous appris.
C'est parce que nous avons décidé de nous saisir des moyens à notre disposition - et notamment l'Autorité des marchés financiers - qu'une autre offre a pu surgir, celle de Siemens, que celle-ci a pu être traitée de façon égalitaire avec celle de General Electric, et que nous disposons d'un mois pour faire valoir un certain nombre de positions.
Hier, en réponse à la lettre que General Electric avait adressée au président de la République, j'ai fait connaître un certain nombre d'exigences du pays, de la nation, au sujet d'Alstom dont je rappelle que c'est une entreprise qui vit quasi exclusivement de la commande publique, locale, nationale ou internationale, et qu'il s'agit par ailleurs d'une industrie de souveraineté en matière nucléaire.
Nous avons dit qu'il y avait deux éléments inacceptables. Premièrement, il ne s'agissait pas d'une alliance, mais d'une absorption. Deuxièmement, il s'agissait d'une coupure en deux, laissant Alstom Transport subsister seul dans un monde de géants. Nous avons dit que, pour nous, il n'était pas acceptable qu'Alstom Transport ne sorte pas renforcé de cette opération.
Nous avons donc fait des contre-propositions à General Electric. Nous allons attendre ses réponses. Ces contre-propositions portent d'abord sur une alliance, comme il en existe avec Safran pour les moteurs d'avion. Il faudrait aussi qu'ils nous vendent leurs actifs américains dans le domaine des transports, comme Siemens en a fait la proposition.
Ce sont des propositions raisonnables et acceptables. La France a désormais entre ses mains le destin d'Alstom.
Madame la Députée,
Je crois l'avoir dit à plusieurs reprises, et je trouve utile de le redire : nous sommes disponibles pour des alliances.
Des alliances entre égaux, des partenariats équilibrés, des alliances gagnant-gagnant. Mais, s'agissant d'industries stratégiques, de souveraineté, qui mettent en jeu les sites industriels de notre pays, il est évident que des rachats purs et simples, des absorptions, peuvent être préjudiciables.
Lorsque Lafarge et Holcim, conglomérat suisse du ciment, décident de s'unir entre égaux, nous savons parfaitement que cette alliance permettra de résister à la mondialisation et même de fabriquer un leader incontestable et incontesté.
Et d'ailleurs, il n'y a pas de risque que les industries cimentières délocalisent : elles produisent sur place, là où est consommé le ciment.
Lorsqu'il s'agit d'une industrie qui peut délocaliser, nous sommes beaucoup plus prudents, et d'ailleurs tout le monde comprend la politique de patriotisme économique : pas seulement les Français, mais également les Américains.
Je rappelle que le gouvernement américain dispose d'une loi permettant au président des États-Unis de bloquer un certain nombre de rachats purs et simples, dans les domaines des infrastructures, de la sécurité et d'un certain nombre d'industries comme l'énergie. J'ai donc expliqué aux dirigeants de General Electric qu'il était naturel que, comprenant leur patriotisme économique, nous soyons nous-mêmes en mesure de pratiquer ce qui se fait dans tous les pays européens : Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni également, comme le montre M. Cameron dans l'affaire du rachat d'Astra Zeneca par Pfizer.
Nous avons donc les moyens de nous entendre, de nous comprendre, de travailler ensemble et de nous respecter.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2014