Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "France Info" le 30 avril 2014, sur le dossier Alstom et le plan d'économies du gouvernement.

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Média : France Info

Texte intégral

APHAËLLE DUCHEMIN
Votre invité ce matin, Jean LEYMARIE, est porte-parole du gouvernement.
JEAN LEYMARIE
Bonjour Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN LEYMARIE
C'est donc officiel depuis ce matin, le groupe ALSTOM choisit l'américain GENERAL ELECTRIC, en tout cas il est prêt à lui vendre ses activités dans l'énergie, allez-vous le laisser faire ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien il y a eu un vote hier soir si j'ai bien compris au niveau du conseil d'administration d'ALSTOM et puis il y a aussi la possibilité qui est ouverte que d'autres puissent faire d'autres offres – et je pense en particulier à SIEMENS - donc on va attendre. Ce qui a été fixé par le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Economie depuis le départ c'est que, par rapport à cette entreprise et les enjeux qui vont avec, à la fois en termes de technologies, en termes de centres de décision, en termes d'emplois, l'Etat a fixé ce qu'il souhaitait, c'est-à-dire que ces centres de décision restent ici en France, qu'il n'y ait pas de transfert de technologies – parce que ce sont des technologies importantes, en particulier dans le domaine de l'énergie, voire d'ailleurs dans le transport – et puis, deuxièmement, il y a une question qui est posée pour l'emploi. Les choses sont claires, tout est sur la table, il faut qu'on pense à l'avenir de cette entreprise, qu'on pense aussi à l'avenir de la technologie française.
JEAN LEYMARIE
Quelles garanties avez-vous, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien, écoutez, moi je ne vais pas faire de commentaire. Mais il y a eu des lettres qui ont été envoyées par le président de G.E, il y en a d'autres qui arriveront...
JEAN LEYMARIE
Et qui sont dans la presse ce matin !
STEPHANE LE FOLL
Et qui sont dans la presse ! Donc chacun peut ne prendre connaissance et, par rapport aux critères qui sont fixés, il y a dans ces courriers des éléments, donc moi je ne fais pas de commentaire, chacun peut les avoir.
JEAN LEYMARIE
Est-ce que la France, est-ce que l'Etat a une préférence entre GENERAL ELECTRIC et SIEMENS ?
STEPHANE LE FOLL
La France et l'Etat français, le président de la République pour être clair a une préférence oui c'est que l'activité économique d'ALSTOM, les technologies, l'emploi, ce qui peut permettre à cette entreprise de se développer, ça soit pour aujourd'hui et surtout pour demain l'enjeu des moments et des décisions.
JEAN LEYMARIE
Non ! Mais ça tout le monde le veut, monsieur le ministre, mais entre ces 2 entreprises étrangères…
STEPHANE LE FOLL
Mais parfois…
JEAN LEYMARIE
Qui convoitent ALSTOM ?
STEPHANE LE FOLL
Par définition, monsieur, ce matin, alors que les portes sont ouvertes, qu'il y a des décisions qui sont prises par un conseil d'administration, l'Etat dans son rôle fixe des critères et des objectifs, après c'est les entreprises qui décident et un conseil d'administration en l'occurrence. Il y a une offre aujourd'hui qui a été mise sur la table et une deuxième qui arrive ou qui va arriver, donc laissons les choses se faire, je n'ai pas à faire de choix, à donner une préférence, je vous le dis la préférence c'est tout l'avenir d'ALSTOM, rien que l'avenir d'ALSTOM.
JEAN LEYMARIE
Des syndicats et une partie de l'opposition souhaitent que l'Etat entre dans le capital d'ALSTOM, revienne dans le capital d'ALSTOM, comme il l'a fait il y a une dizaine d'années. Est-ce que c'est une possibilité, ça, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
La question qu'il faut se poser ce n'est pas simplement ça, ça… alors il y a des moments où l‘entrée dans le capital… parce que la situation de l'entreprise, c'était en 2004, c'était la faillite, c'était la disparition, ramener de l'argent frais à un moment donné pour pouvoir redonner la capacité à l'entreprise de repartir ou alors on la laisse sur le carreau, ça c'est un choix. Aujourd'hui quel est le choix ? On n'est pas dans cette situation, on est dans la préparation de l'avenir, comment on peut faire en sorte que cette entreprise ait un accès à l'ensemble des potentialités d'une demande qui s'est mondialisée, c'est ça l'enjeu, avec des concurrents.., il y a… vous avez… j'en ai cités quelques-uns, mais il y en a d'autres en Asie aussi. Donc, on est là pour essayer de construire un avenir, on n'est pas du tout dans une situation où il y aurait une urgence à régler.
JEAN LEYMARIE
Donc vous resterez un observateur, rien de plus ?
STEPHANE LE FOLL
On restera un acteur ! On a parfaitement compris les enjeux, on a défini les objectifs.
JEAN LEYMARIE
C'est la vigilance patriotique dont parle Arnaud MONTEBOURG ?
STEPHANE LE FOLL
C'est la vigilance ! Oui, oui, oui.
JEAN LEYMARIE
Je n'ai toujours pas compris ce que ça voulait dire, là, dans le dossier ?
STEPHANE LE FOLL
La vigilance patriotique mais c'est de dire qu'on ne laisse pas faire…
JEAN LEYMARIE
Mais comment ?
STEPHANE LE FOLL
N'importe quoi…
JEAN LEYMARIE
Mais comment ?
STEPHANE LE FOLL
Mais comment ? Eh bien vous avez vu ! Regardez, je le dis, que chacun prenne connaissance du courrier qui a été envoyé par rapport aux objectifs qui ont été fixés.
JEAN LEYMARIE
Stéphane LE FOLL…
STEPHANE LE FOLL
On l'appuie et on joue notre rôle.
JEAN LEYMARIE
On va suivre ce dossier ALSTOM, ça va durer pendant tout le mois de mai sans doute.
Je voudrais qu'on parle aussi ce matin de ce qui vous a beaucoup occupé hier, ce fameux plan d'économies, la trajectoire budgétaire finalement adoptée au Parlement. Mais 41 députés socialistes se sont abstenus, c'est beaucoup ?
STEPHANE LE FOLL
C'est d'abord une décision extrêmement importante et lourde qui a été prise, lourde dans le sens où il est rare que dans une situation de difficulté et depuis que nous sommes arrivés avec Jean-Marc AYRAULT et aujourd'hui avec ce plan, de ce Pacte de stabilité, on définit une trajectoire pour la France sur les 3 ans qui viennent, trajectoire qui cherche à combiner 2 choses : faire en sorte que notre pays se renforce en termes économiques pour l'emploi et, deuxièmement, réduire des déficits, parce que sinon l'endettement va exploser. Je rappelle ce chiffre, pour que tous les Français et tous ceux qui nous écoutent l'aient bien en tête, les intérêts de la dette, de l'endettement de la France aujourd'hui c'est 45 milliards d'euros…
JEAN LEYMARIE
Donc, c'est le budget de l'Education nationale.
STEPHANE LE FOLL
C'est les 2/3 du budget de l'Education nationale et ça doit être plus que le budget de la Défense. Donc est-ce que, ça, ça doit être un enjeu ? Oui ! Il faut qu'on réduise cette dépendance.
JEAN LEYMARIE
Et, je le répète, 41 députés socialistes se sont abstenus...
STEPHANE LE FOLL
Alors enjeu majeur…
JEAN LEYMARIE
C'est-à-dire 30 députés de plus…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Enjeu majeur…
JEAN LEYMARIE
Que le vote de confiance.
STEPHANE LE FOLL
Et je comprends ! Et j'ai parfaitement entendu et d'ailleurs le Premier ministre a pris le temps de la discussion, mais je comprends parce que j'en ai rencontrés de ceux qui ne voulaient pas voter ou qui avaient des doutes. Quand on dit 50 milliards d'économies, même si rapportés aux 1.100 à 1.200 milliards de la dépense publique – 50 milliards, 1.100 à 1.200 milliards - mais il y a quelque chose qui est difficile à la fois à accepter parce qu'on en voit les conséquences sur eh bien l'ensemble de ce qui a été présenté, mais en même temps, au fur et à mesure de cette discussion, maintenant que cette étape est passée, on a à surtout faire tout pour que la France prenne le train de la croissance et de l'emploi et on ne peut le faire… on ne peut le faire que si on se réorganise, qu'on retrouve un équilibre économique et social. Le tout derrière tout ça crée de la richesse, c'est aussi pour défendre notre modèle.
JEAN LEYMARIE
Stéphane LE FOLL vous ne répondez pas à ma question sur cette inquiétude, sur ce mécontentement…
STEPHANE LE FOLL
Oui !
JEAN LEYMARIE
Parfois sur cette fureur de députés socialistes, de vos amis, qui ne comprennent pas la politique qui est menée. Que leur dites-vous aujourd'hui ?
STEPHANE LE FOLL
Je leur dis qu'il ne faut pas s'arrêter à un plan et au moment T là où on est, il faut essayer de se projeter. Qu'est-ce qui se passe ? Il y a un retour de la croissance ! Qu'est-ce qu'on fait ? On a perdu des milliers d'emplois industriels, la France a aujourd'hui une part de l'industrie dans son PIB qui est équivalent à 10 %, à 10 %, on a un problème de compétitivité qu'il faut regarder objectivement, moi je leur dis faisons autrement - vieille méthode sur la relance de la demande - eh bien depuis des années, 15 ans, les économistes le disent de manière très claire, la demande en biens industriels en France elle a augmenté de 20 %, pendant ce temps-là la production industrielle en France elle a baissé de 10 %. Qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien on importe ! Et qu'est-ce qu'on a comme conséquence, une balance commerciale qui est déficitaire. Donc, on a besoin de redresser ça si on veut réussir. Et c'est ce moment qui est… c'est ce moment-là qu'on a fait ce choix, mais derrière il y a la perspective, la perspective c'est la France avec de la croissance et de la création d'emplois.
JEAN LEYMARIE
La majorité est fragilisée, est-ce qu'elle est menacée, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Non ! Elle n'est pas menacée. Parce que, au-delà du fait qu'il y ait 41 députés qui se soient abstenus, il y a eu une majorité de gauche et même PS, si elle est juste – elle est très juste d'ailleurs – le Parti Socialiste a lui seul…
JEAN LEYMARIE
Ca va être difficile pour la loi de finance, hein, pour la loi rectificative…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Mais il n'y a plus…
JEAN LEYMARIE
Dans quelques semaines ?
STEPHANE LE FOLL
Il n'y a plus que 3 voix d'avance - de toute façon on le sait depuis les Partielles - donc maintenant il faut qu'on soit dans l'objectif, dans l'après, il y a eu un débat, il y a eu des doutes, il faut maintenant avancer.
JEAN LEYMARIE
Et vous ne changez rien ?
STEPHANE LE FOLL
Mais si on a changé ! D'ailleurs le Premier ministre l'a fait, courageusement il a écouté, il a changé, il a fait des propositions.
JEAN LEYMARIE
Stéphane LE FOLL, merci.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci beaucoup, vous étiez l'invité de 8 h 15, en vidéo bien sûr à revoir très vite sur franceinfo.fr
source : Service d'information du gouvernement, le 15 mai 2014