Déclaration de M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, sur l'intervention de l'Etat dans le dossier Alstom, à l'Assemblée nationale le 30 avril 2014.

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Circonstance : séance de questions d'actualité, à l'Assemblée nationale le 30 avril 2014

Texte intégral

* Madame la Députée,
Vous l'avez mesuré : dans cette affaire, le gouvernement n'a pas accepté d'être mis devant le fait accompli. Notre première action a consisté à invoquer le décret de contrôle des investissements étrangers en France et à saisir, à travers le commissaire du gouvernement placé sous mon autorité, l'Autorité des marchés financiers, le gendarme de la Bourse, afin que l'égalité de traitement entre General Electric et Siemens soit garantie. Cela nous a permis de gagner un mois. Hier, c'était quarante-huit heures et nous disposons désormais d'un mois. Si nous ne l'avions pas fait, General Electric aurait déjà acquis Alstom. Nous avons donc un mois pour examiner l'ensemble des possibilités.
Je veux préciser l'état d'esprit du gouvernement. Premièrement, nous souhaitons la bienvenue en France aux investisseurs étrangers, qu'ils soient américains ou allemands, et nous les remercions. Mais nous leur disons également que notre préférence va aux alliances, et non aux absorptions. Nous préférons les alliances, parce que la France est un grand pays industriel et qu'elle a réussi de telles alliances. Un bon exemple est celle qui unit précisément General Electric avec Safran, l'ancienne Snecma, qui fabrique des moteurs d'avion et qui en a vendu 25 000 dans le monde depuis cinquante ans. Cette alliance permet à la France et aux Américains de General Electric de constituer un leader mondial des moteurs d'avion.
Avec le président de la République, nous avons donc affirmé que nous souhaitions former des alliances. M. Immelt, le président de General Electric, n'a pas répondu comme nous le souhaitions. La discussion commence, la négociation continue, et nous entendons défendre nos intérêts.
* Monsieur le Député,
Il n'est pas écrit que le démantèlement d'Alstom serait salutaire pour cette belle entreprise ! Il n'est pas écrit que ce démantèlement, ce dépeçage, devrait se faire de surcroît au détriment de nos centres de décision ! Je n'ai pas envie que les vingt-cinq départements de France concernés par ce dossier et leurs députés viennent nous voir pour solliciter des investissements, à charge pour nous d'aller les demander dans le Connecticut ! Il n'est pas écrit cela.
Voilà pourquoi nous nous sommes battus pour avoir le choix entre au moins deux solutions de reprise. La proposition de Siemens, qui n'a pas la préférence d'Alstom aujourd'hui, a le mérite d'être sur la table et d'intéresser le gouvernement. Pourquoi ? Parce que constituer une alliance européenne nous fournit des cordes de rappel. Lorsque Bosch désinvestit en France, lorsqu'Areva rencontre des problèmes en Allemagne, nous nous parlons, entre membres des deux gouvernements français et allemand ! Ce n'est pas le cas avec le gouvernement américain, qui est fédéral, très éloigné des intérêts de ses entreprises et qui ne souhaite donc pas intervenir. Mais notre tradition, celle du capitalisme rhénan, du capitalisme français, du capitalisme européen, se caractérise par une coopération des entreprises avec les pouvoirs publics. Voilà pourquoi nous avons sollicité Siemens : nous lui avons demandé de faire une proposition qui corresponde aussi à nos intérêts industriels, humains, sociaux et économiques. À nous, maintenant, de nous positionner.
Monsieur le Député,
Vous avez évoqué une troisième solution. Elle a été proposée par les syndicats et évoquée ce matin par certains parlementaires, issus de tous les bancs de cet hémicycle. Nous la mettons à l'étude, car rien n'est jamais écrit. Je ne suis pas un apôtre de la fatalité des marchés.
* Monsieur le Député,
Je voudrais d'abord dire - je pourrais d'ailleurs le dire à chaque député dans cet hémicycle, quels que soient son banc ou sa sensibilité - que le gouvernement souhaite travailler dans un esprit d'union nationale autour d'Alstom. C'est la raison pour laquelle j'ai reçu les cinq centrales syndicales à Bercy pour partager des informations avec elles. J'ai sollicité chacun des groupes de l'Assemblée pour que nous puissions partager les informations dont nous disposons et éventuellement nous mettre d'accord - ou pas - sur la stratégie qui maintenant s'ouvre à nous.
Nous avons gagné du temps : nous avons un mois devant nous. Nous avons, c'est vrai, deux solutions, dont une qui a la préférence d'Alstom. À nous de voir comment nous pouvons décider : soit les offres s'améliorent et nous donnent satisfaction, nous permettant de trouver un accord, un compromis qu'aujourd'hui General Electric ne nous a pas offert ; soit nous avons la solution Siemens, auquel cas nous devrons convaincre le management d'Alstom qui ne semble pas décidé à travailler avec Siemens ; soit il y a d'autres voies, que nous explorons. Je vous indique, Monsieur le Député, que nous les avons mises à l'étude, car nous ne sommes pas surpris par la nécessité pour Alstom de nouer des alliances au plan mondial et international. Il ne s'agit pas d'abandonner la souveraineté française sur Alstom : il s'agit de nouer des alliances égalitaires, puissantes. Elles peuvent être européennes, elles peuvent être aussi extra-européennes : nous avons notre idée sur le sujet. C'est une des raisons pour lesquelles, par anticipation des problèmes que nous connaissons, car nous n'aimons pas être pris par surprise, nous avons fait un travail, achevé dès le mois de février, sur ce sujet. Tout est sur la table et je souhaiterais partager avec vous ces informations. J'espère que nous pourrons prendre la décision ensemble dans l'intérêt de la nation.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2014