Interview de M. Benoit Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à RTL le 20 mai 2014, sur les élections européennes du 25 mai et le report de la rentrée scolaire 2014.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE, vous recevez ce matin le ministre de l'Education nationale, Benoît HAMON.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Benoît HAMON.
BENOIT HAMON
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous voterons dimanche pour élire nos députés européens, un mandat que vous avez exercé entre 2004 et 2009. Sondage IPSOS LE MONDE, seuls 39 % des Français jugent aujourd'hui que l'Europe est une bonne chose pour la France, 54 % des sondés jugent que l'Union européenne présente aujourd'hui plus d'inconvénients que d'avantages. Figurez-vous, parmi les eurosceptiques, Benoît HAMON ?
BENOIT HAMON
Oh, mais je suis déçu, parce que je crois que d'abord, l'Europe aujourd'hui c'est une attente déçue, une promesse non tenue, même sur la croissance, puisque...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la faute à qui ?
BENOIT HAMON
Eh bien d'abord à ceux qui aujourd'hui font les choix, et la majorité qui est libérale et conservatrice, qui fait les choix au Parlement européen.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la faute de la droite.
BENOIT HAMON
Eh bien c'est une instance politique, on oublie de le dire. Moi, je suis en désaccord avec les politiques européennes, c'est pas pour autant que je dis : « il faut en finir avec l'Europe ». Si j'étais demain en désaccord avec le politique du gouvernement français, je ne dirais pas qu'il faut en finir avec la France. Donc je pense qu'aujourd'hui il faut regarder qui dirige l'Europe et se concentrer sur la façon dont on conçoit les 5 années qui viennent et il y a un choix très très simple, pour une fois il est d'une simplicité limpide. Il y a deux dirigeants qui ont un CV, une histoire, une expérience, et surtout un bilan, qui s'opposent, pour demain prendre la tête de la Commission européenne : Martin SCHULZ, un Allemand, social-démocrate, et monsieur JUNCKER, ancien Premier ministre luxembourgeois, conservateur. Ils n'ont pas du tout les mêmes projets et la même vision de la construction européenne, et l'enjeu dimanche, ils est pas seulement de voter pour des listes françaises et d'attendre que l'on ait un résultat national, il est de savoir, est-ce qu'on veut que l'Europe soit dirigée par Martin SCHULZ, qui souhaite demain qu'il y ait de la convergence sociale, qui souhaite que l'on avance vers un Smic européen, qui souhaite qu'il y ait davantage de régulation sur le marché intérieur, que l'Europe protège mieux ses intérêts, notamment dans le cadre des discussions avec les Américains, ou un conservateur luxembourgeois, dont je vous rappelle qu'il était Premier ministre d'un pays qui a été le dernier pays qui a résisté, au moment de remettre en cause le principe du secret bancaire, puisque le Luxembourg a...
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne peut pas résumer à Jean-Claude JUNCKER, ça, hein.
BENOIT HAMON
Ça ne peut pas résumer...
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne veux pas le défendre, mais on ne peut pas le résumer à cela.
BENOIT HAMON
Non, mais évidemment, on ne peut pas... Il ne se résume pas à cela, sauf que, à la clef il y a quoi, avec le maintien du secret bancaire ? C'est un petit peu compliqué pour l'Union européenne d'aller discuter avec la Suisse ou d'autres paradis fiscaux sur les conditions dans lesquelles on échange des informations, dès lors qu'en son sein, subsistait trois pays paradis fiscaux, dont le Luxembourg, à une époque la Belgique mais elle a remis en cause cela, et l'Autriche. Et le fait est que cette résistance des Luxembourgeois ne nous a pas facilité, incontestablement, la vie. Donc on juge aussi les dirigeants politiques à leur bilan, et ce bilan-là, c'est celui de monsieur JUNCKER.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour beaucoup de français, Benoît HAMON, plutôt que le match SCHULZ – JUNCKER, l'Europe c'est la règle des 3 %, pas plus de 3 % de déficit, et c'est au nom de cette règle que le gouvernement auquel vous appartenez, a fait un plan d'économies de 50 milliards d'euros, que 41 députés socialistes d'ailleurs n'ont pas voulu voter. Vous l'auriez voté, vous, le plan, si vous aviez été député ?
BENOIT HAMON
Mais c'est un tort. Alors, soit on parle d'Europe, soit on parle de la scène politique nationale. Mais je vis vous dire une chose sur les 3 %.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais l'un et l'autre ne peuvent pas être séparés, évidemment.
BENOIT HAMON
Oui, mais c'est intéressant d'écouter la campagne européenne. Soit on parle de la campagne européenne, soit pas. Dans la campagne européenne, que défendent les sociaux-démocrates, et notamment Martin SCHULZ ? Que les dépenses, qui sont des dépenses de préparation de l'avenir, ne soient pas calculées de la même que des dépenses qui consistent à faire des cadeaux fiscaux aux plus riches. Je m'explique. Que quand on calcule les déficits et qu'on a l'oeil absolument concentré sur cette règle des 3 %, investir dans la formation, investir dans l'éducation, dans le niveau de qualification des européens, c'est préparer de la croissance, tandis que distribuer des cadeaux fiscaux, qui vont enrichir ceux qui étaient déjà riches, c'est pas forcément préparer la croissance, d'ailleurs on est bien payé pour le savoir, ça fait dix ans que la plupart des pays européens le font, et la croissance n'est pas au rendez-vous. Eh bien, ce débat-là, sur la manière dont on apprécie les déficits, c'est un débat, d'aujourd'hui, là, que l'on va trancher dimanche, pardon de le dire, mais quasiment personne n'en parle, et là encore, SCHULZ contre JUNCKER, ce sera pas la même chose. Mais c'est cela dont il faut se convaincre. Si Martin SCHULZ est président de la Commission Européenne, on fera d'autres choix, c'est aussi clair que cela.
JEAN-MICHEL APHATIE
A 5 jours du scrutin, vous êtes bien l'un des rares français à avoir compris qu'il y avait un match SCHULZ – JUNCKER, mais enfin...
BENOIT HAMON
Mais je le regrette. Mais dimanche vous verrez que l'on commentera quoi ? Non pas ce que sera le résultat agrégé...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on commentera les résultats en France.
BENOIT HAMON
Oui, mais pas le résultat agrégé en Europe et ce que ça change de politique, mais on commentera effectivement le résultat français, qui est important.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et notamment le résultat des listes socialistes qui risque d'être très mauvais.
BENOIT HAMON
Eh bien nous verrons, et c'est pour ça...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et qui risque, vous dites, de rendre encore plus difficile votre ... au gouvernement.
BENOIT HAMON
Ma responsabilité aujourd'hui, c'est d'encourager à voter socialiste pour que SCHULZ, demain, devienne président de la Commission européenne. Ce n'est pas neutre, on ne peut pas dire « L'Europe ça ne va pas, l'Europe nous fait du mal » et en même temps se désintéresser de qui sera demain le vrai patron de l'Europe. Si c'est Martin SCHULZ, ce sera bien mieux que si c'est Jean-Claude JUNCKER.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et puis, dernière question, mais elle est trop grande pour être traitée complètement : pourquoi l'Allemagne a aussi bien réussi en Europe, et la France aussi mal ?
BENOIT HAMON
Parce qu'elle a pratiqué une politique non coopérative, qui consistait à baisser drastiquement...
JEAN-MICHEL APHATIE
L'Allemagne ? Ah, les égoïstes !
BENOIT HAMON
Non, pas du tout. Qui consistait à baisser drastiquement son coût du travail et à devenir de ce point de vue là...
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh ben on n'a qu'à faire la même chose, aussi, 5 % de chômeurs en Allemagne.
BENOIT HAMON
Ben oui, sauf que nous, nous avons aujourd'hui... oui, mais vous avez aussi...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et nous 11 %.
BENOIT HAMON
Vous avez aussi des millions de salariés allemands qui sont salariés en mini jobs. Donc si vous voulez que les français soient payés entre 400 et 700 €, on peut aussi choisir ce modèle là, ce n'est pas celui que l'on a choisi. Et vous observerez...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il ne s'agit pas de choisir un modèle, mais il s'agit de reconnaitre qu'aujourd'hui, un pays se porte bien, un pays se porte mal.
BENOIT HAMON
Oui, mais Jean-Michel APHATIE...
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ou non ?
BENOIT HAMON
...chacun sa voie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ou non, vous en convenez ?
BENOIT HAMON
Pas sur le plan social, moi je...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce pays se porte bien, l'Allemagne se porte mieux que nous.
BENOIT HAMON
Eh bien écoutez, je conteste aujourd'hui...
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle se porte mieux que nous l'Allemagne.
BENOIT HAMON
Je conteste aujourd'hui que même s'ils ont un taux de chômage plus bas que le nôtre, le fait d'avoir des millions de salariés en jobs, parce que ça s'appelle comme ça, en jobs, entre 400 et 700 €, ce soit l'idéal pour une démocratie européenne. J'ajoute que nous, nous avons montré depuis maintenant quelques mois, que l'on peut mieux protéger nos intérêts. Quand le Premier ministre décide de prendre un décret, qui protège les entreprises françaises, d'investissements étrangers qui pourraient dépecer voire démanteler nos capacités productives, on montre que l'on peut changer les règles du jeu, comme nous l'avions fait sur la fameuse directive travailleurs détachés, où on pouvait s'autoriser à voir des travailleurs venus d'autre pays, être payés selon les conditions sociales de leur pays d'origine. Qui a changé cela ? La France. Avec Martin SCHULZ, on amplifiera ce changement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Allez, on va attendre dimanche soir, maintenant, pour faire les comptes. Vous êtes aussi ministre de l'Education, donc...
BENOIT HAMON
Absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
Surtout ministre de l'Education, Benoît HAMON, on vous reproche beaucoup d'avoir repoussé la rentrée scolaire de... la prochaine rentrée scolaire, elle devait intervenir le vendredi 29 août et vous avez décidé que ce ne serait que le lundi 1er septembre...
BENOIT HAMON
Pour la prérentrée des professeurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Prérentrée des professeurs et donc les élèves un jour plus tard, le 2. LIBERATION de ce week-end vous épingle assez méchamment : « Rentrée repoussée : la grande vacance », prétextant des raisons techniques, Benoît HAMON a cédé aux pressions des enseignants, pour repousser la rentrée ? Personne ne croit, LIBERATION parle d'abracadabrantesque – c'est dur à dire – votre explication sur …
BENOIT HAMON
Oui, mais moi je suis rigoureux, je suis rigoureux, et pardon même si le dénigrement domine, quand il y a une situation où je suis confronté à un problème qui est un problème de préparation de la rentrée, non pas pour tous les enseignants, mais pour les 40 000 nouveaux enseignants qui vont arriver, sur une difficulté objective, informatique, que nous n'avons pas su régler. Quelles est ma responsabilité ? C'est de le dire, y compris au risque de passer pour quelqu'un qui ne sait pas régler un problème informatique et que la plupart des journalistes ridiculisent cette raison. Eh bien moi, j'ai fait le choix, et c'est le choix de ce gouvernement, d'être rigoureux, je ne prendrai pas...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez pas cédé aux pressions des enseignants.
BENOIT HAMON
Mais non, absolument pas, et d'ailleurs ce serait parfaitement ridicule vu l'explication que nous donnons aujourd'hui. Et ce n'est pas un communiqué syndical qui m'amène à changer la date de la rentrée, c'est une difficulté objective. Si on nous reproche de reconnaitre notre difficulté, pour ne pas fragiliser une rentrée qui est une rentrée qui angoisse naturellement les parents, et les élèves et les enseignants, eh bien je trouve ça dommage. A un moment, moi, je suis rigoureux, j'assume des difficultés, je préfère les dire et préparer dans de bonnes conditions la rentrée, le 2 septembre, pour tous les élèves de France.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est dit. Benoît HAMON, ministre de l'Education, était l'invité de RTL ce matin, bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci beaucoup.
BENOIT HAMON
Merci monsieur BAZIN.
LAURENT BAZIN
Benoît HAMON, d'un mot, simplement, vous soutenez le directeur de l'IUT de Saint-Denis, menacé de mort ?
BENOIT HAMON
Ah ben évidemment, je suis content qu'il y ait deux plaintes qui aient été déposées par lui et par le président de l'université dont il dépend, Jean-Loup SALZMANN, et il y a maintenant une enquête judiciaire, une information judiciaire, qui est ouverte, la police enquête, et elle fera je l'espère très vite la lumière sur cette affaire.
LAURENT BAZIN
Merci d'avoir été notre invité ce matin. Merci Jean-Michel, à demain.
JEAN-MICHEL APHATIE
A demain.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mai 2014