Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la conférence de l'OMC au Qatar et les inégalités de développement, Montreuil le 3 octobre 2001.

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Circonstance : Courrier adressé par la CGT au Président de la République et au Premier ministre sur la conférence de l'OMC à Dhoa (Qatar)

Texte intégral

Les événements tragiques qui viennent d'avoir lieu aux États-Unis renforcent notre conviction du danger que représentent les inégalités du développement qui se creusent et se polarisent, portées par la vague d'une libéralisation sans retenue et sans principe.
Le fait que le terrorisme et les autres activités criminelles utilisent l'opacité du système et les failles de la réglementation internationale pour prospérer, est révélateur de l'insécurité foncière du système mondial actuel. Ce constat appelle une prise de conscience par la communauté internationale de l'urgence d'une mise à jour au plan politique, économique et social et de la nécessité d'instaurer une régulation des échanges et de la circulation des capitaux.
Dans quelques semaines se réunira, à DOHA dans le Qatar, la conférence de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette conférence se trouve évidemment placée sous un éclairage totalement nouveau, disqualifiant toute approche étroitement mercantile" qui ne s'inscrirait pas dans une vision saine et équitable des conditions du développement.
Pourtant, des indices convergents nous font penser que la dimension sociale de la mondialisation des échanges serait vraisemblablement la première victime des marchandages en cours sur le contenu de l'agenda large promu par les instances européennes.
En préconisant maintenant de renforcer les sanctions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) en matière de violation des normes fondamentales, la Commission européenne accrédite l'illusion que l'OIT pourrait disposer à brève échéance des moyens d'exercer un tel rôle. Seule l'Organisation Mondiale du Commerce peut recourir à des sanctions économiques ou financières. La seule voie actuellement efficace est donc que l'OMC ne se défausse pas, et respecte scrupuleusement, dans les règles qu'elle édicte et à l'occasion du règlement des différends, les politiques des organes spécialisés et compétents des Nations Unies, notamment l'OIT pour le travail.
L'exploitation éhontée d'une main d'oeuvre enfantine au mépris de sa santé physique et morale, le travail forcé ou servile, le non respect des libertés et des droits syndicaux, ne sont pas admissibles. Aucune de ces pratiques ne saurait être associée à ce que l'on appelle "des avantages comparatifs légitimes" dans le droit de la concurrence. Les normes fondamentales du travail ne sont rien d'autre que les droits humains les plus fondamentaux, elles ne sont pas négociables.
La rencontre de DOHA ne peut pas être la simple suite du "round" précédent, celui de l'échec de SEATTLE. Le monde a changé et il faut en prendre acte. Les responsabilités de l'Europe et celles de la France sont importantes pour que cette négociation soit un des premiers actes d'une véritable refondation. La dérobade projetée par la Commission européenne est à l'opposé d'une telle ambition et nous vous demandons instamment de la désapprouver officiellement. "
(source http://www.cgt.fr, le 09 octobre 2001)