Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
La culture, c'est un patrimoine immatériel dont nous n'héritons pas des générations précédentes, mais que nous empruntons à nos enfants. La culture a donc une valeur humaine et une valeur sociale ; elle est aussi un formidable levier économique, dont il est de notre devoir de révéler tout le potentiel.
Diversum a imaginé le concept coloré d' « économie mauve » pour qualifier cette dimension de l'économie ; on pourrait même parler d'« or mauve », pour désigner toute cette richesse humaine et culturelle tellement diverse.
Je n'ai malheureusement pas pu assister aux débats des tables rondes qui se sont succédés durant cette journée d'échanges. Mais je tiens à féliciter Diversum pour avoir pris l'initiative de cette journée, et plus globalement, pour son engagement et son implication dans la reconnaissance et le développement d'une meilleure valorisation de la culture dans l'économie.
Les thèmes des tables rondes sont intéressants parce qu'ils sont très concrets. Ici, nous ne sommes pas dans les grands discours, ni dans les châteaux en Espagne, mais dans des actions quotidiennes tangibles, qui peuvent vraiment changer la vie quotidienne de chacun, et qui permettent de valoriser la dimension culturelle de nos biens et de nos services.
Au-delà du concept global de l'économie mauve, qui entend intégrer la dimension culturelle dans la valorisation des biens et des services, je vois 3 opportunités, pour la France, qu'il faut continuer à développer.
1) Premièrement, associer culture et économie, c'est rétablir une certaine confiance dans le fonctionnement global des choses : les marchés locaux, les marchés nationaux, les marchés mondiaux.
La confiance, c'est le moteur de l'économie. Et lorsque l'on est méfiant, on revient vers des repères intangibles : le local, le connu, le culturel. C'est typiquement l'affaire de la viande de cheval, dont tout le monde a entendu parler.
Au départ, il s'agissait d'une fraude organisée par quelques personnes. Et cette fraude s'est transformée en crise de confiance des consommateurs à l'égard des plats préparés, et à l'égard des viandes. Que s'est-il passé ensuite ? Les consommateurs ont moins consommé, mais ils se sont tournés vers des produits de qualité. Et les professionnels ont saisi cette opportunité, en développant des marques et des labels, qui permettent au consommateur d'identifier la provenance du produit.
Le concept de « marque territoriale », c'est un repère de confiance pour tous les acteurs. D'ailleurs, ce concept peut renvoyer à quelque chose de très petit, comme pour les indications géographiques, ou pour les marques qui utilisent le nom d'une commune [si vous voyez ce que je veux dire]. Ce concept de « marque territoriale » peut aussi désigner une origine nationale, ou le « made in » pour les produits manufacturés. Pour certains produits industriels, cela pourrait même être continental.
C'est d'ailleurs pour cela que les indications géographiques pour les produits manufacturés, - votées dans la loi Consommation et dont nous sommes en train de prendre les décrets -, sont plébiscitées par les professionnels et les consommateurs. On vient de reconnaître la gastronomie française au patrimoine mondial de l'UNESCO ; il faut valoriser ce patrimoine exceptionnel dans nos restaurants et c'est pourquoi la mention du « fait maison » va apparaître sur les menus.
Nous avons dans notre héritage national de très nombreux ancrages et savoir-faire locaux qui se sont développés tout au long de notre histoire, notamment dans le secteur alimentaire. Nous avons la chance que cet ancrage soit perçu comme un facteur de confiance. Notre économie en a besoin, alors ne nous en privons pas !
2) Deuxièmement, la culture est l'un des rares leviers de croissance dans une économie mature comme la nôtre.
La culture dans l'économie, c'est un facteur de confiance du point de vue du consommateur, mais c'est aussi un levier pour faire progresser nos industries et créer de la valeur et de la croissance.
Vous n'ignorez pas que la consommation alimentaire [en euros] des Français a plutôt tendance à décroître sur le long terme, et qu'il y a aujourd'hui une concurrence très rude sur les prix. Sans revenir sur le débat des relations industrie-commerce en France, je trouve le concept de l'économie mauve intéressant, dans la mesure où il donne des leviers de création de valeur et de croissance au secteur alimentaire.
Aujourd'hui, on ne peut pas espérer une augmentation massive de la consommation des Français en produits alimentaires. Le seul moyen de mieux répondre à leurs attentes, et donc de créer un surplus qui profitera à tous, c'est la qualité. Avec les critères scientifiques de qualité, - la normalisation, l'approche nutritionnelle -, c'est le territorial et le culturel qui arrivent en tête des critères qui peuvent développer ce potentiel.
Je crois que l'on a déjà amorcé, d'un certain point de vue, le changement de nos modes de production et de commercialisation. Aujourd'hui, tous les distributeurs ont développé des filières locales, ou traditionnelles, ou de qualité. La seule difficulté, c'est la lisibilité pour le consommateur, sans tomber dans la standardisation.
Il faut encourager toutes les initiatives qui remettent, - au cœur de nos choix quotidiens et de notre vie -, le local, l'écologie, et plus généralement la qualité, pour qu'il y ait de la diversité dans notre consommation.
Si nous réussissons à créer du bien-être économique, les industriels et les commerçants en profiteront. Et globalement, toute notre économie en bénéficiera.
3) Mon troisième point, c'est la dimension mondiale. Associer notre culture à nos productions, c'est faire rayonner la France bien au-delà de ses frontières. J'ai bien noté qu'à l'origine des travaux de Diversum, il y avait une donnée préalable majeure. Cette donnée, c'est l'émergence économique de certaines zones du monde, et donc des émergences culturelles, diverses, différentes des nôtres.
Nous devons donc être confiants dans notre culture et faire en sorte qu'elle soit connue et appréciée de tous, à travers nos produits. Nous devons nous appuyer sur elle pour attirer de nouveaux consommateurs. A ce titre, nous pouvons aussi être confiants dans nos labels, dans nos produits bios, - qui ne sont pas forcément rattachés au local, mais qui sont forcément appréciés -, parce que la France a des standards élevés dans ce domaine.
Conquérir des parts de marché en Chine, en Inde, au Brésil, pour ne citer que les plus grands émergents, c'est un enjeu vital pour nos entreprises. D'ailleurs, vous noterez que cet enjeu est le même pour les touristes de ces pays qui viennent visiter la France. Il ne faut certainement pas se contenter de leur présence en France ; il faut leur faire aimer la « marque France », il faut leur faire aimer nos produits locaux, et leur montrer qu'il s'agit d'une expérience unique.
Ne soyons pas chauvin, mais soyons simplement lucides à l'égard de nos forces et de nos faiblesses. Notre culture, c'est une force. Utilisons-la en économie, chez nous et à l'autre bout du monde. Que ce soit avec les produits alimentaires pour lesquels les productions françaises sont reconnues, comme avec toutes les autres productions. L'encyclopédiste Jean d'Alembert au XVIIIe siècle disait d'ailleurs que « l'Allemagne est faite pour y voyager, l'Italie pour y séjourner, l'Angleterre pour y penser, la France pour y vivre », montrons qu'aujourd'hui encore, cette idée est vraie ! Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 8 juillet 2014