Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "Europe 1" le 3 juillet 2014, sur la garde à vue de l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, sur la préparation de la Conférence sociale.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue. Stéphane LE FOLL, bonjour.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Nicolas SARKOZY a donc ressurgi soudainement pour s'expliquer, hier sur EUROPE 1 et TF1. Votre adversaire numéro ne peut pas vous convaincre, ça c'est une évidence, il a livré hier sa part de vérité, mais est-ce qu'il vous a paru au moins sincère ?
STEPHANE LE FOLL
Non, ce qui est apparu c'est qu'il a, dans une stratégie bien connue, joué la contre-attaque ou l'attaque. C'est-à-dire que, dans une position défensive, j'attaque. J'attaque et je porte des accusations, de manière assez générale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce que vous comprenez qu'il soit humilié, blessé ?
STEPHANE LE FOLL
Je peux comprendre que, après une garde à vue, ça a été 17 heures, il y ait quelque chose qui touche l'individu, la personne Nicolas SARKOZY, mais au-delà, après, il y a les sujets qui sont sur la table, qui étaient les raisons pour lesquelles il a été convoqué, tout ça reste là. Il y a une procédure judiciaire, elle doit aller, je l'avais dit, au bout, pour que les choses soient claires. Il est arrivé, d'ailleurs il l'a rappelé hier soir, sur l'affaire BETTENCOURT, qu'à la fin de la procédure il y ait eu un non-lieu, donc la présomption d'innocence, comme l'indépendance de la justice, c'est les deux principes qu'a rappelés le président de la République, ils restent plus que jamais la règle pour le gouvernement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est très bien au niveau des principes, l'indépendance des juges, etc., mais il y a des progrès à faire, il faut que la justice démontre qu'elle est vraiment impartiale. Non, vous ne croyez pas ?
STEPHANE LE FOLL
Là, vous portez une accusation qui vous engage vous, moi je ne reprendrai surtout pas ça, je considère que la justice est indépendante, qu'il n'y a plus d'intervention, et qu'à partir de là on doit faire confiance à la justice. Les procédures…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous voulez dire, il n'y a pas d'intervention de caractère politique ?
STEPHANE LE FOLL
Aucune intervention, ça a été répété. Alors, certains ont du mal à l'imaginer, et pour des raisons que je ne veux pas ici commenter, mais c'est le cas, et je le répète, deux principes, indépendance de la justice, présomption d'innocence, à partir de là moi j'évite les commentaires et surtout les jugements, pour le coup.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous auriez dû entendre tout à l'heure, avec Thomas SOTTO, Françoise MARTRES, qui est la présidente du Syndicat de la magistrature, elle reconnaissait qu'elle était un syndicat de gauche. Et d'ailleurs…
STEPHANE LE FOLL
Oui, mais c'est comme l'a dit Nicolas SARKOZY très justement hier, il y a aussi des procureurs de droite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Evidemment.
STEPHANE LE FOLL
Eh bien voilà ! je veux dire… il faut se garder, Monsieur ELKABBACH, se garder d'entrer dans ce type de débat, parce qu'il y a aussi des journalistes de droite, il y a aussi des journalistes de gauche, et il y a le journalisme, et il y a l'information, donc surtout… et puis il y a des hommes politiques qui assument leurs convictions devant tout le monde, c'est mon cas, c'est le cas d'autres. Voilà, il faut qu'on en reste là. Il y a des institutions, il faut laisser ces institutions travailler. Et je rappelle, d'ailleurs, que toutes ces procédures qui sont aujourd'hui, la procédure de garde à vue, ce qui a pu aussi être le sujet des écoutes, tout ça c'est des procédures et des règles législatives qui ont été prises bien avant, ce n'est pas le gouvernement qui les a prises !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elles n'ont pas été faites spécialement pour Nicolas SARKOZY.
STEPHANE LE FOLL
Exactement. Elles ont été faites, quelquefois, par Nicolas SARKOZY et sa majorité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les deux juges savaient qu'elles le mettraient en examen, pourquoi avoir attendu 3H00 du matin ? Simplement une indication. Est-ce qu'une garde à vue si longue était nécessaire ? Est-ce qu'il était nécessaire de le transférer à Nanterre dans un car de la police ?
STEPHANE LE FOLL
Le principe que je vous évoquais tout à l'heure, c'est de laisser ces procédures judiciaires se faire, et de réaffirmer l'indépendance de la justice.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ah, vous êtes embarrassé, vous êtes embarrassé !
STEPHANE LE FOLL
Je ne suis pas embarrassé, je ne porterai - non, Monsieur ELKABBACH, soyons sérieux – aucun jugement sur ce qui a été fait, parce que, par définition, je respecte, et je souhaite que ça aille au bout et que la vérité on finisse par la connaître, point. Et si je commence moi-même - et je vous le répète, attention – à faire des commentaires sur les juges, il y aurait des juges de gauche, il y aurait des juges de droite, j'aurais…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, oui, c'est ce que vous dites.
STEPHANE LE FOLL
Est-ce que ça c'est bien, est-ce que ça ce n'est pas bien ? Ce n'est pas à moi, les procédures elles sont définies, ce n'est pas à moi de faire quelque commentaire que ce soit.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est une manière de vous adresser…
STEPHANE LE FOLL
Il faut être, là-dessus, d'une fermeté totale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est une manière de vous adresser à certains de vos amis comme Bruno LE ROUX qui dit « c'est d'une gravité exceptionnelle. » Moi je me demande, comment tant d'affirmations, quand on ne connaît pas le dossier, même nous. Quand on ne connaît pas le dossier, comment dire, c'est grave, c'est pas grave ? Et tiens, d'ailleurs, vous, vous n'avez pas dit ce matin, comme votre Premier ministre hier « ce sont des faits graves », parce que là on s'est dit est-ce qu'il était informé depuis longtemps des charges contre Nicolas SARKOZY, est-ce qu'il sait ? Est-ce que vous reconnaissez, comme hier monsieur URVOAS, dans l'émission avec Nicolas POINCARE, que c'était une formule malheureuse, ou pour le moins maladroite ?
STEPHANE LE FOLL
Moi je rappelle que le Premier ministre, derrière, a dit qu'il y avait la présomption d'innocence. S'il y a des faits qui peuvent être, sur ce que l'on sait, ce que tout le monde sait. Le trafic…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les accusations sont graves, les allégations sont graves, mais les faits, ça veut dire « je sais. »
STEPHANE LE FOLL
Les accusations, ça ne préjuge en rien de ce que sera la décision de justice, l'enquête est en cours, et à partir de là – il l'a rappelé, d'ailleurs, le Premier ministre – c'est la présomption d'innocence. Il l'a dit, vous avez oublié de le dire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, il l'a dit, comme le président de la République, avec beaucoup d'énergie, je le disais tout à l'heure.
STEPHANE LE FOLL
C'est moi qui en fais le rapport, d'ailleurs, hier.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le rapport, après le Conseil des ministres.
STEPHANE LE FOLL
… porte-parole.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous êtes porte-parole d'un gouvernement.
STEPHANE LE FOLL
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut parler d'autre chose. Demain les patrons du MEDEF décident s'ils participent ou non à la conférence sociale de lundi prochain, les 7 et 8 juillet. Ce sera probablement oui. Le Premier ministre Manuel VALLS a accordé à Pierre GATTAZ ce qu'il réclamait dès lundi, ici-même devant nous : le rapport d'un an au 1er janvier 2016 du compte pénibilité. Est-ce que pour Manuel VALLS, gouverner c'est ne pas s'entêter si on veut réformer et concéder ?
STEPHANE LE FOLL
Je pense qu'il y a des moments, lorsqu'on gouverne, où il faut effectivement être capable d'écouter, de dialoguer et d'adapter ce que l'on doit faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On dit qu'il recule. Pour vous, il recule pour mieux sauter ou peut-être sauver le compte pénibilité plus tard ?
STEPHANE LE FOLL
Sur ce compte pénibilité, je voudrais rappeler une chose. C'est que sur les quatre points qui sont quand même majeurs, sur le travail de nuit, sur la pénibilité de la répétition des gestes, sur les situations difficiles et sur les 3x8, la pénibilité va se mettre en place comme prévu. C'est sur le reste qu'il y a eu un rapport, parce qu'il y a un vrai souci pour un certain nombre d'entreprises sur les calculs de la pénibilité. Mais le compte pénibilité se met en route.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, il se met en route. Manuel VALLS a donné son accord aussi à l'autre demande du MEDEF, la réforme du code du travail avec les syndicats, et cætera, et il a dit hier dans les Echos qu'il n'apprécie pas que Pierre GATTAZ crie « au loup ». On a l'impression que quand Manuel VALLS entend le cri du loup, il s'adapte.
STEPHANE LE FOLL
« Le cri du loup », je ne sais pas, mais je pense que Pierre GATTAZ en fait beaucoup trop. Là, il manque à la responsabilité qui devrait être la sienne. On est dans une situation économique où on demande des efforts à tout le monde et on ne peut pas avoir des patrons qui n'arrêtent pas de faire de la surenchère.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A trop concéder et à trop demander en même temps, est-ce que le Premier ministre ne risque pas un grand écart ? Vous voyez que les syndicats protestent et risquent à leur tour de dire : « On va boycotter cette conférence sociale ».
STEPHANE LE FOLL
Je le dis, les syndicats ont été jusqu'ici les partenaires qui assument une responsabilité en défendant l'intérêt des salariés. Il se trouve que de l'autre côté, du côté du patronat, on a certes un défenseur des intérêts des entreprises mais qui n'a pas le niveau de la responsabilité qui est pourtant nécessaire aujourd'hui pour notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Stéphane LE FOLL, vous avez obtenu un beau succès à l'Assemblée. Les frondeurs ont voté le correctif du budget. Les frondeurs ont fondu. Ils continuent à protester mais apparemment ils s'époumonent pour finalement rentrer dans le rang. Sur la réforme territoriale, est-ce que vous êtes d'accord avec Didier GUILLAUME qui préside le groupe PS au Sénat ? Il pense que les élections régionales auront lieu l'an prochain sur la base d'une nouvelle carte des régions. Vous arriverez à lutter contre tant de conservatisme et d'opposition ? Est-ce que la réforme se fera ?
STEPHANE LE FOLL
C'est une vraie difficulté, monsieur ELKABBACH. Vous qui commentez beaucoup la vie politique, le conservatisme existe sur ces questions au Sénat comme ailleurs, mais au Sénat en particulier. Il faut donc arriver à le dépasser. L'objectif comme l'a dit Didier GUILLAUME, c'est aller au bout d'une réforme qui doit moderniser l'organisation territoriale de la France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout à l'heure à propos de Nicolas SARKOZY, j'ai noté qu'il n'avait pas parlé d'acharnement ou de complot mais qu'il avait dit qu'il y avait une instrumentalisation politique de la justice. Longtemps, on a dit que vous étiez, Stéphane LE FOLL, à la tête d'un petit groupe, d'une cellule. Est-ce que c'est vrai ? Mais même si c'est vrai, vous me direz ‘non' !
STEPHANE LE FOLL
Mais c'est une plaisanterie ! C'est ahurissant ! A-hu-ris-sant ! Je ne vais même pas faire de commentaires. Moi, je dis ce que j'ai à dire ici, demain, après-demain.
THOMAS SOTTO
Merci Stéphane LE FOLL. Juste un commentaire peut-être sur les attaques très violentes contre Manuel VALLS, François HOLLANDE, Christiane TAUBIRA ?
STEPHANE LE FOLL
J'ai d'ailleurs noté que le président SARKOZY, puisque Jean-Pierre ELKABBACH l'interviewait en disant « Monsieur le président », n'a jamais dit « le président HOLLANDE ». Il disait « Monsieur HOLLANDE ».
THOMAS SOTTO
Un mot sur la violence des attaques ?
STEPHANE LE FOLL
Sur la violence des attaques ? Elle ne nous surprend pas !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je lui ai dit « Nicolas SARKOZY » et « Monsieur le président ». On peut respecter ses adversaires.
THOMAS SOTTO
On va vous laisser à la sémantique.
STEPHANE LE FOLL
Je parlais de Nicolas SARKOZY qui disait « Monsieur HOLLANDE ».
THOMAS SOTTO
Merci monsieur LE FOLL, monsieur le porte-parole du gouvernement, monsieur le Ministre de l'Agriculture.
STEPHANE LE FOLL
Tout ça à la fois. Et n'oubliez pas la forêt.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et la mer, non ?
STEPHANE LE FOLL
La mer, non.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juillet 2014