Déclaration de M. Kader Arif, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, sur le 80ème anniversaire de l'armée de l'air et sur Antoine de Saint-Exupéry, à Cognac le 27 juin 2014.

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Circonstance : Hommage à Saint-Exupéry et 80 ans de l'armée de l'air, à Cognac (Charente) le 27 juin 2014

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Chef d'Etat-major de l'armée de l'air, mon général,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le maire de Châteaubernard,
Monsieur le Commandant de base, mon colonel,
Monsieur le Président de la fondation « Antoine de Saint-Exupéry pour la jeunesse »,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
L'Armée de l'Air a 80 ans. 80 ans au service de la France. 80 ans qui ont vu l'armée de l'air remplir avec excellence les missions qui lui sont confiées : la préservation de l'espace aérien national, la dissuasion et la capacité d'intervention.
C'est un véritable plaisir et un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui à vos côtés pour célébrer cet anniversaire, quelques jours après que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, se soit rendu sur la base aérienne de Cazaux.
Cet anniversaire nous invite aujourd'hui à rappeler les origines de l'aviation militaire, les premiers faits d'armes de ces aviateurs d'exception qui, à bord de leurs appareils, nous font tant rêver. Et je dois dire que c'est avec des yeux d'enfants que je viens d'assister à ces démonstrations aériennes de Rafale, de Mirage, des engins de la patrouille EVAA comme ce fut le cas lorsque j'embarquai il y a près de 2 ans dans un Alphajet de la Patrouille de France.
Tout commença en réalité il y a 100 ans.
Il y a 100 ans, 8 millions de combattants français étaient jetés dans la guerre. 1,4 millions n'allaient pas en revenir. Une réalité dépeinte par Antoine de Saint-Exupéry en ces termes : « La guerre, ce n'est pas l'acceptation du risque. Ce n'est pas l'acceptation du combat. C'est à certaines heures, pour le combattant, l'acceptation pure et simple de la mort ».
Il y a 100 ans, des millions d'hommes et de femmes s'apprêtaient à sceller leurs destins à celui de leur pays. La France accueillait sur son sol des combattants venus de tous les continents. Elle vivait au rythme d'une guerre totale, les soldats du front créant l'arrière, condamné à tenir et à maintenir la France debout. Mais il y a 100 ans aussi, pour la première fois dans notre histoire, des hommes allaient mener le combat depuis les airs. A bord de leurs Nieuport 10 ou 12, de leur Farman F40 ou de leur Paul Schmitt 7, les aviateurs de 14-18 allaient faire de la Grande Guerre, une guerre vue du ciel. Ils s'engageaient au sein d'escadrilles qui allaient écrire les débuts de l'histoire de l'aviation militaire.
L'escadrille MF 33, créée le 2 octobre 1914 à Tours, est initialement placée sous le commandement du capitaine Alfred Bordage puis sous les ordres de la 10e armée. Elle est ensuite engagée dans la bataille de l'Yser, dans celle d'Ypres avant de rejoindre le Nord-Pas-de-Calais début 1915. Un an plus tard, elle prend part aux combats à Verdun puis dans la Somme. Ayant touchée des Salmson 2A2, avions conçus pour des missions d'observation, l'escadrille devient alors l'escadrille SAL 33.
4 ans d'engagement sans faille qui valent à l'unité la Croix de guerre 14-18. Depuis lors, elle n'aura jamais cessé de mettre au service de la France et de la défense nationale ses P38, ses Mirage et ses drones, s'adaptant toujours aux missions qui lui sont confiées.
A bord de ces engins, beaucoup d'aviateurs ont marqué l'histoire de leur empreinte dès la Grande Guerre. Certains eurent un destin tragique, tombèrent sur nos terres, avant de tomber dans l'oubli. Je pense à Maurice Boyau, as de l'aviation française, mort au champ d'honneur le 16 septembre 1918. Fait Officier de la Légion d'honneur quelques jours auparavant, avec une citation dont je vous livre quelques mots : « Pilote le plus brave, athlète le plus complet, dont les merveilleuses qualités physiques sont mises en action par l'âme la plus belle et la volonté la plus haute. […] Remarquablement doué, a excellé dans toutes les branches de l'aviation : reconnaissance, photographie en monoplace, bombardement à faible altitude ».
D'autres eurent un destin plus heureux, inscrivant leur nom dans la postérité : je pense à Roland Garros, cet aviateur réunionnais à qui nous avons rendu hommage le 8 juin dernier au cours de la finale des Internationaux de France.
Le 80e anniversaire de l'Armée de l'air nous invite aussi à célébrer ses grandes figures de la Seconde Guerre mondiale. Des aviateurs de la France Libre à l'image de Romain Gary, dont nous avons commémoré cette année les 100 ans de la naissance. Romain Gary qui résuma son expérience de la guerre en ces termes : « ma France, c'est la France libre ». Patriote venu d'ailleurs, Romain Gary est resté fidèle à cette France libre jusqu'à sa mort, lui qui a marqué de son empreinte l'histoire littéraire et l'histoire de l'aviation française.
Aujourd'hui, c'est le souvenir d'un autre aviateur qui nous réunit. Antoine de Saint-Exupéry est d'abord cet écrivain dont tout le monde a lu ou entendu, dans son enfance, Le Petit Prince. Mais il fut aussi un grand aviateur de la Seconde Guerre mondiale. Nombreux sont ceux qui ont été directement ou indirectement touchés par cette guerre.
Rares sont, en revanche, ceux qui ont pu et su mettre des mots sur cette terrible épreuve. Antoine de Saint-Exupéry le fait dans son ouvrage Pilote de guerre paru en 1942 avec courage, avec talent, avec authenticité, livrant au coeur de sa plume ses convictions, son esprit de fraternité, son idéal de liberté.
L'oeuvre est un véritable succès aux Etats-Unis : « Ce récit et les discours de Churchill représentent la meilleure réponse que les démocraties aient trouvée jusqu'ici au Mein Kampf », écrit Edward Weeks dans The Atlantic. En France, le texte finit par être interdit. Antoine de Saint-Exupéry excelle dans sa carrière militaire comme dans sa carrière littéraire. Les deux s'entremêlent durant tout le temps de guerre, son expérience dans le ciel déchiré par les bombardements lui inspirant de nombreux écrits et sa notoriété d'écrivain lui offrant un itinéraire de combattant tout à fait singulier.
A l'occasion des 100 ans des faits d'armes aériens et des 80 ans de l'armée de l'air, je me réjouis qu'une journée soit entièrement consacrée au parcours de ce grand homme dont je tiens à rappeler l'engagement.
Dès septembre 1939, Antoine de Saint-Exupéry est mobilisé et affecté au groupe de reconnaissances photographiques 2/33 basé à Orconte après un passage au bataillon de l'air 101 à Toulouse-Francazal. Le 23 mai 1940, une mission sur Arras nourrit le contenu de son prochain ouvrage Pilote de guerre et lui fournit le titre de la version anglaise : Flight to Arras. Il évoque, et je le cite, « la jeunesse de coeur, la confiance mutuelle et l'esprit d'équipe » des membres de la 3e escadrille du Groupe 2-33. Le 21 décembre 1940, il s'installe à New York. Un an plus tard, la base navale de Pearl Harbour est bombardée. Saint-Exupéry soutient alors l'entrée en guerre des Etats-Unis à travers un message lu devant le corps des étudiants volontaires.
Le 13 avril 1943, Saint-Exupéry quitte les Etats-Unis pour rejoindre les Forces françaises libres en Algérie puis le groupe 2/33. Les hommes sont intégrés dans le groupe de reconnaissance photographique commandé par le colonel Roosevelt. A 43 ans, Antoine de Saint-Exupéry obtient alors auprès du général Giraud une dispense exceptionnelle lui permettant de voler à bord d'avions qui exigent de ne pas avoir dépassé 30 ans, les Lightening P38.
Audace, courage et esprit de sacrifice. Telles sont les valeurs qui s'expriment à travers cet acte. Des valeurs magnifiquement incarnées par la sculpture d'Anilore Balon. Antoine de Saint-Exupéry effectue sa première mission de reconnaissance au-dessus de la Côte d'Azur en juillet 1943. Le 29 juin 1944, jour de son anniversaire, il survole Grenoble. Quelques jours après, son unité est transférée en Corse pour préparer le débarquement de Provence. Le 31 juillet, il prend place à bord d'un P38 n°233 pour une mission de reconnaissance près d'Annecy. A 8h35, il décolle de la base de Borgo pour une dixième mission dont il ne reviendra jamais.
La mémoire d'Antoine Saint-Exupéry vit aujourd'hui sur cette base 709 de Cognac. Elle vit au sein de l'escadron de drones 1/33 « Belfort » et de ces hommes qui accomplissent, sur des théâtres d'opérations difficiles, loin des leurs, de leurs foyers, de leurs familles, des missions de reconnaissance, de surveillance et d'appui au renseignement. Elle vit aussi à travers nos aviateurs d'exception, parmi les meilleurs du monde. Elle vit aussi à l'aune de l'incroyable évolution que l'Armée de l'Air a connue au service de toujours plus d'excellence et de performance.
Depuis le 17 janvier 2013, les drones Harfang et Reaper sont engagés au Mali. Dans la nuit du 15 au 16 février dernier, l'escadron de drones a passé la barre symbolique des 10 000 heures de vol. Et permettez-moi à cet instant d'avoir une pensée pour tous nos soldats, de l'infanterie, de l'air, de la marine, engagés au péril de leur vie dans nos opérations extérieures, et notamment ces derniers mois au Mali et en République centrafricaine.
Elle vit aussi à travers la jeunesse, celle qui fut bercée par les contes du Petit Prince dont l'auteur n'aura d'ailleurs pas eu le temps d'acheter la première édition française parue en 1946. Je tiens à saluer le travail remarquable réalisé par la Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la jeunesse en partenariat avec l'Armé de l'Air pour que survivent à ce grand aviateur ses grandes valeurs humaines. C'est ainsi par exemple que des lettres et dessins d'enfants sont envoyées chaque année aux pilotes engagés en opérations extérieures. C'est ainsi aussi que des jeunes sont invités à vivre leurs premiers baptêmes de l'air ou passer leurs brevets de pilote.
Mesdames et messieurs, un parcours comme celui d'Antoine de Saint-Exupéry nous apprend beaucoup. Il nous dit jusqu'où peut s'exprimer le courage des hommes. Il nous dit ce que représente l'engagement, jusqu'au sacrifice suprême. Il nous démontre toute l'importance de l'aviation dans les combats militaires. Il nous dit ce que sont les véritables valeurs humaines. Celles qui se lisent à l'aune des ouvrages de Saint-Exupéry. Celles, le courage, le professionnalisme, l'abnégation, l'esprit de sacrifice, la fraternité, dont vous avez héritées et que vous portez fièrement car si « La vérité de demain se nourrit de l'erreur d'hier » comme l'a écrit l'aviateur, les valeurs de demain sont celles qui ont fait leur preuve hier. C'est toute l'histoire de l'Armée de l'Air.
Je vous remercie.
Source http://www.charente.gouv.fr, le 16 juillet 2014