Texte intégral
Mesdames et Messieurs bonsoir,
Je suis très heureux de me trouver ce soir en Uruguay. C'est la première fois que j'y viens. Il y a longtemps que je voulais venir dans cette région du monde et dans ce pays et je n'en avais pas eu l'occasion à ce jour.
Ce voyage m'intéressait pour toutes sortes de raisons. J'ai une curiosité personnelle en raison des liens historiques entre la France et l'Uruguay et des liens culturels entre les deux pays. D'autre part, en tant que ministre des Affaires étrangères de la France, tout ce qui se passe dans le Mercosur m'intéresse au plus haut point et je crois qu'il est important d'être en contact et d'écouter chacun des pays membres. J'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de m'entretenir avec M. Opertti et je suis très heureux de cette occasion de continuer cette discussion. Je crois par ailleurs que c'est la première visite d'un ministre des Affaires étrangères ici depuis l'investiture du président Batlle. Pour l'anecdote, je vous dirai que la dernière fois qu'un ministre français des Affaires étrangères est venu à Montevideo c'est en 1964 et c'était M. Couve de Murville, ministre du général de Gaulle. Cela n'a pas empêché les contacts à Paris ou New York mais je trouve que c'est encore mieux d'être ici. Je viens d'avoir un entretien long et passionnant avec le président Batlle et en plus il m'a fait l'extrême amitié de s'exprimer en français. Nous avons parlé des relations économiques entre nos deux pays. La France est, comme vous le savez, le troisième investisseur étranger en Uruguay. Nous avons également parlé des perspectives de la négociation qui s'est ouverte entre l'UE et le Mercosur. C'est une négociation très importante qui sera difficile de part et d'autre et qui nécessitera des concessions de part et d'autre et le simple fait que cette négociation existe depuis l'accord que nous avons passé avant le Sommet de Rio est en soi un fait important. Nous allons pouvoir ainsi mettre toutes les questions sur la table. Il y a beaucoup d'autres sujets d'intérêt commun entre la France et l'Uruguay. La contribution de l'Uruguay en casques bleus des Nations unies est très importante et très appréciée. Avec le président nous avons évoqué d'autres grandes questions du moment, comme l'élargissement de l'Europe, la situation en Russie, l'Asie centrale, enfin beaucoup de sujets. Le ministre et moi-même allons poursuivre les discussions sur d'autres points comme par exemple la relance des relations culturelles entre nos deux pays et des Nations unies dont M. Opperti est un expert !
Voilà, Mesdames et Messieurs un résumé d'entretien.
Q - Quel est l'avenir des relations entre la France et le Mercosur ?
R - On ne peut pas parler des relations spéciales de la France et du Mercosur. On peut parler des relations entre la France et l'Uruguay ou entre la France et chacun des autres pays du Mercosur. Là, il faut parler de relations entre l'UE et le Mercosur. La négociation a d'ailleurs pu être commencée, ces jours-ci, à Buenos Aires. C'est une relation entre le Mercosur et les Quinze. Ce que je peux indiquer simplement c'est que pour nous Français dans notre conception du monde c'est un équilibre nécessaire à trouver dans le monde de demain. Nous souhaitons que le Mercosur soit fort, qu'il se développe, qu'il surmonte les inévitables difficultés, qu'il soit dynamique, que les choses marchent bien.
Question conjointe au ministre uruguayen, M.Opertti et à M. Védrine
Q - Comment définissez-vous les relations économiques bilatérales entre l'Uruguay et la France ? Quel type d'équilibre existe ?
R - Sur ce sujet je voudrais dire que les échanges commerciaux ne sont pas décidés par les ministres des Affaires étrangères pour commencer, en tout cas dans les économies libérales. C'est la première remarque ; naturellement quand on peut créer des contextes favorables au rééquilibrage tant mieux. La seconde remarque c'est que quand on regarde les chiffres, les choses apparaissent comme plus complexes, et comme plus nuancées. C'est ce que l'on croit en général. Je vous épargnerai tout un développement sur le fait que l'UE est beaucoup plus ouverte aux exportations uruguayennes que l'ALENA par exemple notamment sur le plan agro-alimentaire. L'UE est le deuxième client pour les produits agricoles uruguayens derrière le Brésil et devant les Etats-Unis par exemple. Et même quand on prend le marché français proprement dit, l'ouverture du marché français aux produits locaux progresse. D'ailleurs notre excédent bilatéral pour l'ensemble des produits a reculé de 55 % l'an dernier ; l'an dernier les achats ont progressé 127 % alors que dans le même temps les exportations uruguayennes dans le monde diminuaient de 18 %. En matière agricole, où en général vous croyez que nous sommes protectionnistes, nos achats de produits agricoles uruguayens se maintiennent depuis 5 ans à hauteur de 100 millions de francs alors que nos ventes l'an dernier ont été de 50 millions de francs. Donc nous avons un solde négatif. Au total nous exportons dans votre pays beaucoup d'équipements électriques et automobiles qui sont utilisés pour les ventes uruguayennes en Argentine et au Brésil, qui font donc partie des exportations. Je ne vais pas vous donner trop de chiffres mais le ministre lui-même a rappelé tout à l'heure que nous sommes le troisième investisseur. Cela dit, je suis bien conscient du problème des exportations agricoles de l'Uruguay, je voulais simplement remettre les choses dans leur contexte et je souhaite sincèrement qu'à l'occasion des négociations dont j'ai parlé, on retrouve une façon d'avancer sur le plan UE-Mercosur et peut être aussi sur un plan bilatéral.
Q - (inaudible)
R - L'Europe a déjà commencé à changer sa Politique agricole commune. L'an dernier à Berlin, nous avons pris, les Quinze, des décisions dans ce sens. Je veux être franc avec vous : l'Europe gardera une Politique agricole commune parce qu'elle a une fonction qui est très importante, non seulement sur le plan agricole mais également sur le plan social, sur le plan humain et sur le plan de l'aménagement du territoire et donc de l'équilibre de nos sociétés. Nous avons déjà décidé de réduire les subventions à l'exportation et les crédits pour les interventions sur les prix. Cette réduction commence à partir de cette année.
Q - (inaudible)
R - Il est normal que le président de l'Uruguay défende les intérêts de l'Uruguay et de mon côté, il est normal que j'essaye d'apporter plus d'informations sur la politique réelle de l'UE. Sur la politique des subventions à l'exportation j'ai donné une réponse déjà tout à l'heure. Mon impression de cet entretien c'est que nous sommes de part et d'autre d'une entière bonne foi, que les affinités et les éléments d'amitié sont réels et profonds, que nous avons des visions très proches de l'avenir à long terme sur le rôle de l'Europe et du Mercosur dans le monde et que pour le moment nous avons un problème de contradictions d'intérêts sur le plan agricole jusqu'à un certain point. C'est pour ça qu'on négocie. Donc, négocions.
Q - (inaudible)
R - Je n'ai pas eu l'occasion d'aborder cette question avec le président. Les sujets dont j'ai parlé tout à l'heure nous ont beaucoup occupés. Et je sais que l'Uruguay d'aujourd'hui, et le président en particulier, accordent une importance très particulière à la question des disparus notamment. Et nous comprenons à quel point c'est important à la fois en ce qui concerne le devoir de mémoire, en ce qui concerne les familles de disparus. C'est un thème qui a une grande résonance en France. Vous savez sans doute que la France présente d'ailleurs depuis plusieurs années à Genève, à la Commission des Droits de l'Homme, une résolution sur la question des disparus. Donc nous avons tout à fait confiance dans l'action que peut mener l'Uruguay dans la démocratie de ce pays, dans son engagement, dans l'engagement personnel du président par rapport à cette question et je salue cette démarche en soulignant que cela s'inscrit dans un mouvement d'ensemble.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 avril 2000)
Je suis très heureux de me trouver ce soir en Uruguay. C'est la première fois que j'y viens. Il y a longtemps que je voulais venir dans cette région du monde et dans ce pays et je n'en avais pas eu l'occasion à ce jour.
Ce voyage m'intéressait pour toutes sortes de raisons. J'ai une curiosité personnelle en raison des liens historiques entre la France et l'Uruguay et des liens culturels entre les deux pays. D'autre part, en tant que ministre des Affaires étrangères de la France, tout ce qui se passe dans le Mercosur m'intéresse au plus haut point et je crois qu'il est important d'être en contact et d'écouter chacun des pays membres. J'ai déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de m'entretenir avec M. Opertti et je suis très heureux de cette occasion de continuer cette discussion. Je crois par ailleurs que c'est la première visite d'un ministre des Affaires étrangères ici depuis l'investiture du président Batlle. Pour l'anecdote, je vous dirai que la dernière fois qu'un ministre français des Affaires étrangères est venu à Montevideo c'est en 1964 et c'était M. Couve de Murville, ministre du général de Gaulle. Cela n'a pas empêché les contacts à Paris ou New York mais je trouve que c'est encore mieux d'être ici. Je viens d'avoir un entretien long et passionnant avec le président Batlle et en plus il m'a fait l'extrême amitié de s'exprimer en français. Nous avons parlé des relations économiques entre nos deux pays. La France est, comme vous le savez, le troisième investisseur étranger en Uruguay. Nous avons également parlé des perspectives de la négociation qui s'est ouverte entre l'UE et le Mercosur. C'est une négociation très importante qui sera difficile de part et d'autre et qui nécessitera des concessions de part et d'autre et le simple fait que cette négociation existe depuis l'accord que nous avons passé avant le Sommet de Rio est en soi un fait important. Nous allons pouvoir ainsi mettre toutes les questions sur la table. Il y a beaucoup d'autres sujets d'intérêt commun entre la France et l'Uruguay. La contribution de l'Uruguay en casques bleus des Nations unies est très importante et très appréciée. Avec le président nous avons évoqué d'autres grandes questions du moment, comme l'élargissement de l'Europe, la situation en Russie, l'Asie centrale, enfin beaucoup de sujets. Le ministre et moi-même allons poursuivre les discussions sur d'autres points comme par exemple la relance des relations culturelles entre nos deux pays et des Nations unies dont M. Opperti est un expert !
Voilà, Mesdames et Messieurs un résumé d'entretien.
Q - Quel est l'avenir des relations entre la France et le Mercosur ?
R - On ne peut pas parler des relations spéciales de la France et du Mercosur. On peut parler des relations entre la France et l'Uruguay ou entre la France et chacun des autres pays du Mercosur. Là, il faut parler de relations entre l'UE et le Mercosur. La négociation a d'ailleurs pu être commencée, ces jours-ci, à Buenos Aires. C'est une relation entre le Mercosur et les Quinze. Ce que je peux indiquer simplement c'est que pour nous Français dans notre conception du monde c'est un équilibre nécessaire à trouver dans le monde de demain. Nous souhaitons que le Mercosur soit fort, qu'il se développe, qu'il surmonte les inévitables difficultés, qu'il soit dynamique, que les choses marchent bien.
Question conjointe au ministre uruguayen, M.Opertti et à M. Védrine
Q - Comment définissez-vous les relations économiques bilatérales entre l'Uruguay et la France ? Quel type d'équilibre existe ?
R - Sur ce sujet je voudrais dire que les échanges commerciaux ne sont pas décidés par les ministres des Affaires étrangères pour commencer, en tout cas dans les économies libérales. C'est la première remarque ; naturellement quand on peut créer des contextes favorables au rééquilibrage tant mieux. La seconde remarque c'est que quand on regarde les chiffres, les choses apparaissent comme plus complexes, et comme plus nuancées. C'est ce que l'on croit en général. Je vous épargnerai tout un développement sur le fait que l'UE est beaucoup plus ouverte aux exportations uruguayennes que l'ALENA par exemple notamment sur le plan agro-alimentaire. L'UE est le deuxième client pour les produits agricoles uruguayens derrière le Brésil et devant les Etats-Unis par exemple. Et même quand on prend le marché français proprement dit, l'ouverture du marché français aux produits locaux progresse. D'ailleurs notre excédent bilatéral pour l'ensemble des produits a reculé de 55 % l'an dernier ; l'an dernier les achats ont progressé 127 % alors que dans le même temps les exportations uruguayennes dans le monde diminuaient de 18 %. En matière agricole, où en général vous croyez que nous sommes protectionnistes, nos achats de produits agricoles uruguayens se maintiennent depuis 5 ans à hauteur de 100 millions de francs alors que nos ventes l'an dernier ont été de 50 millions de francs. Donc nous avons un solde négatif. Au total nous exportons dans votre pays beaucoup d'équipements électriques et automobiles qui sont utilisés pour les ventes uruguayennes en Argentine et au Brésil, qui font donc partie des exportations. Je ne vais pas vous donner trop de chiffres mais le ministre lui-même a rappelé tout à l'heure que nous sommes le troisième investisseur. Cela dit, je suis bien conscient du problème des exportations agricoles de l'Uruguay, je voulais simplement remettre les choses dans leur contexte et je souhaite sincèrement qu'à l'occasion des négociations dont j'ai parlé, on retrouve une façon d'avancer sur le plan UE-Mercosur et peut être aussi sur un plan bilatéral.
Q - (inaudible)
R - L'Europe a déjà commencé à changer sa Politique agricole commune. L'an dernier à Berlin, nous avons pris, les Quinze, des décisions dans ce sens. Je veux être franc avec vous : l'Europe gardera une Politique agricole commune parce qu'elle a une fonction qui est très importante, non seulement sur le plan agricole mais également sur le plan social, sur le plan humain et sur le plan de l'aménagement du territoire et donc de l'équilibre de nos sociétés. Nous avons déjà décidé de réduire les subventions à l'exportation et les crédits pour les interventions sur les prix. Cette réduction commence à partir de cette année.
Q - (inaudible)
R - Il est normal que le président de l'Uruguay défende les intérêts de l'Uruguay et de mon côté, il est normal que j'essaye d'apporter plus d'informations sur la politique réelle de l'UE. Sur la politique des subventions à l'exportation j'ai donné une réponse déjà tout à l'heure. Mon impression de cet entretien c'est que nous sommes de part et d'autre d'une entière bonne foi, que les affinités et les éléments d'amitié sont réels et profonds, que nous avons des visions très proches de l'avenir à long terme sur le rôle de l'Europe et du Mercosur dans le monde et que pour le moment nous avons un problème de contradictions d'intérêts sur le plan agricole jusqu'à un certain point. C'est pour ça qu'on négocie. Donc, négocions.
Q - (inaudible)
R - Je n'ai pas eu l'occasion d'aborder cette question avec le président. Les sujets dont j'ai parlé tout à l'heure nous ont beaucoup occupés. Et je sais que l'Uruguay d'aujourd'hui, et le président en particulier, accordent une importance très particulière à la question des disparus notamment. Et nous comprenons à quel point c'est important à la fois en ce qui concerne le devoir de mémoire, en ce qui concerne les familles de disparus. C'est un thème qui a une grande résonance en France. Vous savez sans doute que la France présente d'ailleurs depuis plusieurs années à Genève, à la Commission des Droits de l'Homme, une résolution sur la question des disparus. Donc nous avons tout à fait confiance dans l'action que peut mener l'Uruguay dans la démocratie de ce pays, dans son engagement, dans l'engagement personnel du président par rapport à cette question et je salue cette démarche en soulignant que cela s'inscrit dans un mouvement d'ensemble.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 avril 2000)