Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Je suis très heureux et honoré de me retrouver devant votre assemblée distinguée pour ce rendez-vous traditionnel auquel je me rends toujours avec beaucoup de plaisir. Notre réseau diplomatique doit, bien sûr, sa qualité à la compétence et au talent des hommes et des femmes qui le composent. Sa bonne information, dans un monde technologique qui évolue sans cesse, me paraît être le deuxième pilier de sa force, celui qu'il doit prioritairement renforcer et développer aussi. Aussi suis-je heureux, sur un sujet aussi pointu et décisif que les politiques énergétiques, de "plancher" devant vous cet après-midi.
Le contexte énergétique mondial
Dans le paysage énergétique mondial, les trois ensembles que sont les Etats-Unis, le Japon et l'Europe pèsent un poids considérable, avec 43 % de la consommation totale d'énergie. Ces trois pôles représentent aussi des importateurs majeurs au sein du marché énergétique mondial avec 62 % du commerce international de ce secteur. Ils exercent donc une influence décisive sur la conjoncture énergétique mondiale.
Dès lors, les enjeux et les défis énergétiques de la planète sont étroitement liés à ceux de ces trois acteurs. Or ces enjeux, quels sont-ils ? Leur premier déterminant est l'évolution démographique. Le monde compte aujourd'hui plus de 6 milliards d'habitants et la croissance de la population des pays en voie de développement devrait porter ce chiffre à 7-8 milliards en 2020, dont une majorité croissante se concentrera dans les grandes agglomérations. Aussi, la demande énergétique augmentera-t-elle d'environ 60 %, et l'accès à l'énergie pour tous deviendra alors l'un des défis majeurs de ce secteur.
Le respect de l'environnement et la réduction des émissions de gaz à effet de serre constituent le second enjeu clé de l'énergie. Au niveau mondial, le problème du changement climatique devient au moins aussi urgent que le risque d'épuisement des réserves de combustibles fossiles. A ce propos, je me réjouis de la cohésion retrouvée à la Conférence de Bonn par la majorité des pays participant à la convention sur le changement climatique, quand bien même la question du statut du nucléaire demeure problématique.
Par ailleurs, à court et moyen terme des tensions fortes vont apparaître sur le marché de l'énergie, bien avant l'épuisement des réserves qui reste inéluctable.
Les réserves conventionnelles de pétrole accessibles à des coûts raisonnables resteront concentrées dans des zones politiquement instables. Il suffit d'évoquer l'embargo pesant actuellement sur les importations iraquiennes. De plus, les pénuries d'électricité dans plusieurs pays nous alertent sur les difficultés de l'investissement relevant de la responsabilité des opérateurs publics ou privés. Il en est de même dans le secteur du gaz dont la filière nécessite elle aussi d'importants investissements. Assurer une sécurité d'approvisionnement à des prix économiques raisonnables constitue donc un troisième défi tout aussi délicat à relever.
1/ Les Etats-Unis
La prospective de la politique énergétique aux Etats-Unis est désormais formalisée grâce au Plan Bush qui constitue un tournant historique par son ampleur et représente une innovation, je dirais presque conceptuelle pour les Etats-Unis, en tant que document directeur et exercice de programmation. De plus, comme l'a qualifié la presse peut-être avec un peu d'emphase, il marque également "le retour du nucléaire".
Il s'agissait certes de répondre d'abord à la crise de l'offre qui s'est déclenchée en Californie. D'autres y ont vu un moyen d'habiller la décision de relancer les recherches d'hydrocarbures en Alaska, dans une réserve naturelle jusque là préservée de toute exploration. Mais le fait est que ce plan national poursuit un objectif ambitieux : il doit permettre de répondre aux besoins énergétiques des Etats-Unis "cette année et dans le futur."
Dans ses recommandations comme dans les perspectives qu'il expose, ce document s'analyse bien comme une vision stratégique à long terme des besoins et de l'offre d'énergie. En tête des objectifs exprimés dans ses recommandations, on note le renforcement de la sécurité d'approvisionnement qui passe principalement par une politique centrée autour d'une offre d'origine nationale ou continentale. Il y a donc une évolution conceptuelle significative dans ce plan, puisqu'il entend organiser ce qui était précédemment laissé aux forces du marché.
Dans le domaine de l'offre, l'aspect sans doute le plus spectaculaire réside dans l'affichage d'un regain d'intérêt pour le charbon propre et le nucléaire. Le Plan préconise également la lutte contre la "balkanisation" des marchés avec le développement d'un réseau national de transport d'électricité.
En ce qui concerne le nucléaire, le Plan Bush le qualifie lui-même d'énergie "propre et illimitée" et lui reconnaît un rôle décisif dans la sécurité d'approvisionnement. La France est citée en exemple, ce qui ne manque pas, bien sûr, de nous conforter dans la justesse de nos choix ! Le nucléaire est ainsi élevé au rang de composante non substituable de la politique énergétique nationale américaine. Cette position ouvre de nouvelles perspectives pour cette filière ; la production d'électricité d'origine nucléaire a d'ailleurs augmenté aux Etats-Unis de 31 % entre 1990 et 2000, ceci malgré le blocage lié à l'accident de Three Miles Island en 1979. L'allongement de la durée de vie des centrales, l'augmentation de leur puissance et l'accélération des procédures d'autorisation des nouvelles tranches sont désormais à l'ordre du jour ; le retraitement est également envisagé comme une solution d'avenir.
2/ Le Japon
Le Japon ressemble à bien des égards à la France, notamment par sa pauvreté en ressources énergétiques, et par les réponses apportées à cette situation.
Ainsi, le nucléaire représente plus du tiers de la production d'électricité et il concourt évidemment à limiter sa dépendance. Toutefois, il interpelle, peut-être plus qu'ailleurs, les autorités publiques quant aux réactions qu'il suscite dans la société civile. La situation peut paraître ainsi contradictoire avec le retentissement donné au référendum négatif sur l'utilisation du Mox à Kariwa. Par ailleurs, on ne saurait occulter la réalité du développement du nucléaire japonais : 5 réacteurs sont en construction, la réalisation d'une usine de fabrication de combustibles Mox est acquise et des progrès sensibles ont été faits dans le domaine des stockages géologiques des déchets ultimes.
D'autre part, avec une consommation d'électricité où entre une forte composante de centrales au charbon dans son parc, le Japon rejette plus de carbone par habitant que la moyenne européenne. Aussi, l'engagement du Japon dans le cadre de la convention sur le changement climatique de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6 % d'ici 2010 représente-t-il un objectif très ambitieux que le Japon entend atteindre tant par des économies d'énergie que par la poursuite de son programme nucléaire. Ces orientations ont été confirmées par le nouveau programme énergétique, le "national energy plan", publié le 12 juillet dernier.
3/ Les perspectives pour l'Europe
Quant aux perspectives énergétiques en Europe, elles sont clairement identifiables. Elles sont marquées tout d'abord par l'accélération de la libéralisation du marché de l'énergie conformément aux engagements pris au Sommet de Lisbonne en mars 2000.
Ce processus va approfondir le marché intérieur de l'énergie : il doit être plus opérationnel, plus intégré et viser l'instauration d'un marché unique de l'électricité et du gaz à la place de quinze marchés juxtaposés ayant des échanges énergétiques transfrontaliers limités entre eux. Bien entendu, la France pour sa part souhaite que l'on procède de manière progressive, équilibrée et proportionnée en prenant en compte les nécessités du service public, les risques de pénuries énergétiques sans oublier la prise en compte des besoins sociaux des clients les plus vulnérables.
Cette dynamique de l'ouverture des marchés ne saurait faire abstraction de la tendance lourde de l'aggravation de la vulnérabilité énergétique de l'Europe. Le récent et excellent Livre vert de la Commission sur la sécurité d'approvisionnement l'a parfaitement mis en lumière. Si rien n'est fait, la dépendance énergétique de l'Europe ne cessera de s'aggraver et verra son taux de dépendance énergétique passer de 50 % aujourd'hui à 70 % à l'horizon 2030.
Les réponses à cette vulnérabilité énergétique sont en voie d'élaboration puisque le débat sur le Livre vert est en cours et que des conclusions opérationnelles sur ce document de politique énergétique devront être adoptées sous présidence belge. Je suis sûr que M. Lamoureux, qui participe à notre table ronde, a certainement des idées sur les suites qu'il convient de donner à ce Livre vert.
Je relève également que dans ce Livre vert, le nucléaire est considéré à sa juste place comme participant à la lutte contre l'effet de serre et à la construction d'une indépendance énergétique durable.
Ce document met ainsi en lumière la contradiction évidente entre le respect des engagements du Protocole de Kyoto et l'abandon du nucléaire prôné par certains. Quand bien même on développerait à une échelle sans précédent les énergies renouvelables, on ne voit pas par quoi remplacer les 34 % de production d'électricité d'origine nucléaire au sein de l'Union européenne.
Si j'essaie de déterminer les convergences entre les trois politiques énergétiques suivies par les Etats-Unis, le Japon et l'Europe, j'en constate trois.
1. Chez chacune d'entre elles, une prise de conscience identique de notre vulnérabilité énergétique en matière de sécurité d'approvisionnement. Cette conscience est ancienne au Japon, actualisée en Europe avec la publication du Livre vert tout à fait récente et manifeste pour les Etats-Unis avec l'approbation du Plan Bush.
2. Ces trois ensembles ont également conscience que la politique énergétique ne peut pas être abandonnée aux seules forces du marché mais que l'Etat détient une indispensable fonction de définition des choix énergétiques à long terme et de suivi de leur mise en uvre. L'Etat est le garant du long terme dans le secteur énergétique en matière de recherche, de sécurité d'approvisionnement et de programmation d'investissements.
3. Enfin dans ces trois ensembles, l'énergie nucléaire est également présente et joue un rôle non négligeable dans le bilan énergétique. Mais les termes de son avenir ne se déclinent pas exactement de la même façon. Au Japon, le développement du nucléaire se poursuit sur sa lancée grâce à la construction de nouvelles centrales. A l'échelle de l'Union européenne, cette option est conservée grâce au maintien de la capacité de recherche communautaire. Il est d'ailleurs écrit dans le Livre vert que pour garder la maîtrise technologique du nucléaire civil, on doit "développer des réacteurs de fission plus efficaces et permettre à la fusion de voir le jour". Aux Etats-Unis, la relance du nucléaire est actée par le Plan Bush, même si la mise en uvre de cette orientation est exposée à des difficultés politiques potentielles.
Toutefois, la même problématique se pose à ces trois ensembles en ce qui concerne l'aval du cycle. Il s'agit pour tous les pays nucléaires d'optimiser les conditions de stockage et d'accentuer la recherche portant sur le retraitement et la transmutation des éléments les plus radioactifs.
Dans ce contexte, l'idée qui a été retenue par les chefs d'Etat et de gouvernement à Gênes de réunir l'année prochaine un G8 thématique consacré à l'énergie peut constituer une opportunité diplomatique à saisir pour faire converger les politiques énergétiques des Etats-Unis, des principaux pays membres de l'Union européenne et du Japon dans ce secteur stratégique.
Il s'agit là d'un mouvement encourageant pour l'avenir en vue d'un rapprochement plus marqué entre les politiques énergétiques poursuivies par ces trois ensembles.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 2001)
Je suis très heureux et honoré de me retrouver devant votre assemblée distinguée pour ce rendez-vous traditionnel auquel je me rends toujours avec beaucoup de plaisir. Notre réseau diplomatique doit, bien sûr, sa qualité à la compétence et au talent des hommes et des femmes qui le composent. Sa bonne information, dans un monde technologique qui évolue sans cesse, me paraît être le deuxième pilier de sa force, celui qu'il doit prioritairement renforcer et développer aussi. Aussi suis-je heureux, sur un sujet aussi pointu et décisif que les politiques énergétiques, de "plancher" devant vous cet après-midi.
Le contexte énergétique mondial
Dans le paysage énergétique mondial, les trois ensembles que sont les Etats-Unis, le Japon et l'Europe pèsent un poids considérable, avec 43 % de la consommation totale d'énergie. Ces trois pôles représentent aussi des importateurs majeurs au sein du marché énergétique mondial avec 62 % du commerce international de ce secteur. Ils exercent donc une influence décisive sur la conjoncture énergétique mondiale.
Dès lors, les enjeux et les défis énergétiques de la planète sont étroitement liés à ceux de ces trois acteurs. Or ces enjeux, quels sont-ils ? Leur premier déterminant est l'évolution démographique. Le monde compte aujourd'hui plus de 6 milliards d'habitants et la croissance de la population des pays en voie de développement devrait porter ce chiffre à 7-8 milliards en 2020, dont une majorité croissante se concentrera dans les grandes agglomérations. Aussi, la demande énergétique augmentera-t-elle d'environ 60 %, et l'accès à l'énergie pour tous deviendra alors l'un des défis majeurs de ce secteur.
Le respect de l'environnement et la réduction des émissions de gaz à effet de serre constituent le second enjeu clé de l'énergie. Au niveau mondial, le problème du changement climatique devient au moins aussi urgent que le risque d'épuisement des réserves de combustibles fossiles. A ce propos, je me réjouis de la cohésion retrouvée à la Conférence de Bonn par la majorité des pays participant à la convention sur le changement climatique, quand bien même la question du statut du nucléaire demeure problématique.
Par ailleurs, à court et moyen terme des tensions fortes vont apparaître sur le marché de l'énergie, bien avant l'épuisement des réserves qui reste inéluctable.
Les réserves conventionnelles de pétrole accessibles à des coûts raisonnables resteront concentrées dans des zones politiquement instables. Il suffit d'évoquer l'embargo pesant actuellement sur les importations iraquiennes. De plus, les pénuries d'électricité dans plusieurs pays nous alertent sur les difficultés de l'investissement relevant de la responsabilité des opérateurs publics ou privés. Il en est de même dans le secteur du gaz dont la filière nécessite elle aussi d'importants investissements. Assurer une sécurité d'approvisionnement à des prix économiques raisonnables constitue donc un troisième défi tout aussi délicat à relever.
1/ Les Etats-Unis
La prospective de la politique énergétique aux Etats-Unis est désormais formalisée grâce au Plan Bush qui constitue un tournant historique par son ampleur et représente une innovation, je dirais presque conceptuelle pour les Etats-Unis, en tant que document directeur et exercice de programmation. De plus, comme l'a qualifié la presse peut-être avec un peu d'emphase, il marque également "le retour du nucléaire".
Il s'agissait certes de répondre d'abord à la crise de l'offre qui s'est déclenchée en Californie. D'autres y ont vu un moyen d'habiller la décision de relancer les recherches d'hydrocarbures en Alaska, dans une réserve naturelle jusque là préservée de toute exploration. Mais le fait est que ce plan national poursuit un objectif ambitieux : il doit permettre de répondre aux besoins énergétiques des Etats-Unis "cette année et dans le futur."
Dans ses recommandations comme dans les perspectives qu'il expose, ce document s'analyse bien comme une vision stratégique à long terme des besoins et de l'offre d'énergie. En tête des objectifs exprimés dans ses recommandations, on note le renforcement de la sécurité d'approvisionnement qui passe principalement par une politique centrée autour d'une offre d'origine nationale ou continentale. Il y a donc une évolution conceptuelle significative dans ce plan, puisqu'il entend organiser ce qui était précédemment laissé aux forces du marché.
Dans le domaine de l'offre, l'aspect sans doute le plus spectaculaire réside dans l'affichage d'un regain d'intérêt pour le charbon propre et le nucléaire. Le Plan préconise également la lutte contre la "balkanisation" des marchés avec le développement d'un réseau national de transport d'électricité.
En ce qui concerne le nucléaire, le Plan Bush le qualifie lui-même d'énergie "propre et illimitée" et lui reconnaît un rôle décisif dans la sécurité d'approvisionnement. La France est citée en exemple, ce qui ne manque pas, bien sûr, de nous conforter dans la justesse de nos choix ! Le nucléaire est ainsi élevé au rang de composante non substituable de la politique énergétique nationale américaine. Cette position ouvre de nouvelles perspectives pour cette filière ; la production d'électricité d'origine nucléaire a d'ailleurs augmenté aux Etats-Unis de 31 % entre 1990 et 2000, ceci malgré le blocage lié à l'accident de Three Miles Island en 1979. L'allongement de la durée de vie des centrales, l'augmentation de leur puissance et l'accélération des procédures d'autorisation des nouvelles tranches sont désormais à l'ordre du jour ; le retraitement est également envisagé comme une solution d'avenir.
2/ Le Japon
Le Japon ressemble à bien des égards à la France, notamment par sa pauvreté en ressources énergétiques, et par les réponses apportées à cette situation.
Ainsi, le nucléaire représente plus du tiers de la production d'électricité et il concourt évidemment à limiter sa dépendance. Toutefois, il interpelle, peut-être plus qu'ailleurs, les autorités publiques quant aux réactions qu'il suscite dans la société civile. La situation peut paraître ainsi contradictoire avec le retentissement donné au référendum négatif sur l'utilisation du Mox à Kariwa. Par ailleurs, on ne saurait occulter la réalité du développement du nucléaire japonais : 5 réacteurs sont en construction, la réalisation d'une usine de fabrication de combustibles Mox est acquise et des progrès sensibles ont été faits dans le domaine des stockages géologiques des déchets ultimes.
D'autre part, avec une consommation d'électricité où entre une forte composante de centrales au charbon dans son parc, le Japon rejette plus de carbone par habitant que la moyenne européenne. Aussi, l'engagement du Japon dans le cadre de la convention sur le changement climatique de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6 % d'ici 2010 représente-t-il un objectif très ambitieux que le Japon entend atteindre tant par des économies d'énergie que par la poursuite de son programme nucléaire. Ces orientations ont été confirmées par le nouveau programme énergétique, le "national energy plan", publié le 12 juillet dernier.
3/ Les perspectives pour l'Europe
Quant aux perspectives énergétiques en Europe, elles sont clairement identifiables. Elles sont marquées tout d'abord par l'accélération de la libéralisation du marché de l'énergie conformément aux engagements pris au Sommet de Lisbonne en mars 2000.
Ce processus va approfondir le marché intérieur de l'énergie : il doit être plus opérationnel, plus intégré et viser l'instauration d'un marché unique de l'électricité et du gaz à la place de quinze marchés juxtaposés ayant des échanges énergétiques transfrontaliers limités entre eux. Bien entendu, la France pour sa part souhaite que l'on procède de manière progressive, équilibrée et proportionnée en prenant en compte les nécessités du service public, les risques de pénuries énergétiques sans oublier la prise en compte des besoins sociaux des clients les plus vulnérables.
Cette dynamique de l'ouverture des marchés ne saurait faire abstraction de la tendance lourde de l'aggravation de la vulnérabilité énergétique de l'Europe. Le récent et excellent Livre vert de la Commission sur la sécurité d'approvisionnement l'a parfaitement mis en lumière. Si rien n'est fait, la dépendance énergétique de l'Europe ne cessera de s'aggraver et verra son taux de dépendance énergétique passer de 50 % aujourd'hui à 70 % à l'horizon 2030.
Les réponses à cette vulnérabilité énergétique sont en voie d'élaboration puisque le débat sur le Livre vert est en cours et que des conclusions opérationnelles sur ce document de politique énergétique devront être adoptées sous présidence belge. Je suis sûr que M. Lamoureux, qui participe à notre table ronde, a certainement des idées sur les suites qu'il convient de donner à ce Livre vert.
Je relève également que dans ce Livre vert, le nucléaire est considéré à sa juste place comme participant à la lutte contre l'effet de serre et à la construction d'une indépendance énergétique durable.
Ce document met ainsi en lumière la contradiction évidente entre le respect des engagements du Protocole de Kyoto et l'abandon du nucléaire prôné par certains. Quand bien même on développerait à une échelle sans précédent les énergies renouvelables, on ne voit pas par quoi remplacer les 34 % de production d'électricité d'origine nucléaire au sein de l'Union européenne.
Si j'essaie de déterminer les convergences entre les trois politiques énergétiques suivies par les Etats-Unis, le Japon et l'Europe, j'en constate trois.
1. Chez chacune d'entre elles, une prise de conscience identique de notre vulnérabilité énergétique en matière de sécurité d'approvisionnement. Cette conscience est ancienne au Japon, actualisée en Europe avec la publication du Livre vert tout à fait récente et manifeste pour les Etats-Unis avec l'approbation du Plan Bush.
2. Ces trois ensembles ont également conscience que la politique énergétique ne peut pas être abandonnée aux seules forces du marché mais que l'Etat détient une indispensable fonction de définition des choix énergétiques à long terme et de suivi de leur mise en uvre. L'Etat est le garant du long terme dans le secteur énergétique en matière de recherche, de sécurité d'approvisionnement et de programmation d'investissements.
3. Enfin dans ces trois ensembles, l'énergie nucléaire est également présente et joue un rôle non négligeable dans le bilan énergétique. Mais les termes de son avenir ne se déclinent pas exactement de la même façon. Au Japon, le développement du nucléaire se poursuit sur sa lancée grâce à la construction de nouvelles centrales. A l'échelle de l'Union européenne, cette option est conservée grâce au maintien de la capacité de recherche communautaire. Il est d'ailleurs écrit dans le Livre vert que pour garder la maîtrise technologique du nucléaire civil, on doit "développer des réacteurs de fission plus efficaces et permettre à la fusion de voir le jour". Aux Etats-Unis, la relance du nucléaire est actée par le Plan Bush, même si la mise en uvre de cette orientation est exposée à des difficultés politiques potentielles.
Toutefois, la même problématique se pose à ces trois ensembles en ce qui concerne l'aval du cycle. Il s'agit pour tous les pays nucléaires d'optimiser les conditions de stockage et d'accentuer la recherche portant sur le retraitement et la transmutation des éléments les plus radioactifs.
Dans ce contexte, l'idée qui a été retenue par les chefs d'Etat et de gouvernement à Gênes de réunir l'année prochaine un G8 thématique consacré à l'énergie peut constituer une opportunité diplomatique à saisir pour faire converger les politiques énergétiques des Etats-Unis, des principaux pays membres de l'Union européenne et du Japon dans ce secteur stratégique.
Il s'agit là d'un mouvement encourageant pour l'avenir en vue d'un rapprochement plus marqué entre les politiques énergétiques poursuivies par ces trois ensembles.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 août 2001)