Entretien de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Les Echos" du 29 août 2014, sur les propositions de la France pour relancer l'activité économique au sein de l'Union européenne.

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Q - Quels objectifs François Hollande poursuit-il en demandant la tenue d'un sommet de la zone euro ?
R - La stagnation du PIB de la zone euro et le risque de déflation appellent des décisions rapides et fortes. À la suite du débat qui s'est déroulé les 26 et 27 juin derniers au Conseil européen pour donner une feuille de route à la nouvelle Commission qui prendra ses fonctions cet automne, il est urgent d'aller plus loin et de bâtir un nouveau consensus pour la croissance et la réforme. On voit bien que, à l'échelle mondiale, l'Europe tarde à rallumer le moteur de la croissance quand les autres continents sont repartis. L'Union aussi doit être capable de sortir de la crise. Pour nous, cette stratégie de croissance doit reposer sur quatre piliers : une politique monétaire appropriée et dynamique ; une coordination budgétaire qui tienne compte des circonstances exceptionnelles et des réformes engagées ; un soutien européen fort aux investissements publics et privés, avec notamment la mise en oeuvre d'un plan d'investissements supplémentaires de 300 milliards d'euros sur trois ans comme l'a annoncé Jean-Claude Juncker ; la mise en oeuvre immédiate de la «garantie jeunesse», afin de lutter contre le chômage massif des jeunes.
Q - En 2012, François Hollande avait réclamé un pal de relance, peu suivi d'effets. Ne tourne-t-on pas en rond ?
R - Le plan de 2012 a eu des effets, en particulier l'augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui lui a permis d'augmenter ses prêts de 60 milliards d'euros. Mais il faut aller au-delà, mobiliser plus rapidement tous les instruments existants, comme le budget européen pluriannuel, prévoir une nouvelle augmentation de capital de la BEI, car l'effet de levier est efficace, généraliser les «project bonds», poursuivre la réflexion sur une titrisation sécurisée pour orienter plus de fonds vers les PME et le financement de l'économie réelle.
Enfin, nous proposons de créer un outil pour orienter l'épargne privée vers l'économie européenne, une forme de livret d'épargne européen, qui serait distribué dans tout le réseau bancaire et pourrait permettre à la BEI de relancer les investissements dans les infrastructures : énergie, transport, numérique, qui généreront la croissance de demain.
Q - la France parle investissement, l'Allemagne réformes et respect du pacte de stabilité. Les conditions d'une «réorientation» sont-elles réunies ?
R - Il faut dépasser cette opposition et toute suspicion. La France et l'Allemagne sont partenaires et doivent bâtir une vision et un message communs au service de la relance du projet européen. C'est vrai que les perceptions entre les Français et les Allemands sont différentes. L'Allemagne, lorsqu'elle a mené ses réformes dans les années 2000, connaissait des déficits importants. Elle n'a pas mené de front les réformes et la consolidation budgétaire. Et le succès des unes a facilité la réussite de l'autre.
La France a engagé un train de réformes sans précédent pour renforcer sa compétitivité et chacun peut se retrouver en Europe sur la nécessité de soutenir la croissance sans attendre. Ce qui suppose d'investir plus en fonction des possibilités des uns et des autres. Et d'utiliser les flexibilités prévues concernant le rythme de la consolidation budgétaire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2014