Texte intégral
Madame la vice-Présidente du CICR,
Monsieur le Président de la Croix-Rouge française
Monsieur le Président de la Fédération internationale du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
Monsieur le Secrétaire général
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Directeurs, Chers Collègues, Chers Amis
C'est avec beaucoup d'émotion, de plaisir et d'honneur que je me permets d'ouvrir, en votre présence, cette cérémonie de commémoration des 150 ans de la Croix-Rouge française.
La Croix-Rouge française, ce sont d'abord 54.000 bénévoles, 18.000 salariés et plus de 1.000 délégations locales en France, au service des personnes les plus vulnérables dans un idéal de solidarité et de générosité et avec l'ambition «d'humaniser la vie». La Croix-Rouge française, c'est aussi le visage français de la plus grande et la plus ancienne organisation humanitaire mondiale, d'un mouvement qui réunit les sociétés nationales de 189 pays et dispose d'un réseau, et le chiffre est impressionnant, de plus de 100 millions de bénévoles dans le monde.
150 ans après, les principes et l'élan d'humanité qui avaient conduit à l'adoption de la première Convention de Genève, sont toujours aussi vivants et d'actualité. L'idée humanitaire portée par Henri Dunant s'est dotée pour la première fois en 1864 d'un cadre : une philosophie, une organisation et un droit. Après la Shoah et la barbarie de la Seconde guerre mondiale, les Conventions de Genève de 1949 et 1951 vont doter ces principes fondateurs de fondements plus robustes et universels avec la naissance concomitante du système des Nations unies et de ses premières agences humanitaires.
La gravité, la complexité et l'ampleur des crises actuelles nous démontrent encore aujourd'hui que ces valeurs, ces principes et ce droit - que vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, appliquez chaque jour - ont besoin d'être appliqués, renforcés et soutenus partout dans le monde et en toutes circonstances.
Les acteurs humanitaires, comme les États, doivent agir dans un environnement complexe et incertain où les lignes de démarcation se sont estompées. Elles se sont estompées en raison de la «dépolarisation du monde», de repères idéologiques brouillés ; elles se sont estompées entre les différentes formes de violence organisée, les conflits armés, le terrorisme, mais aussi entre les différentes normes de droit applicables. Mais devant ces évolutions, dont certaines sont redoutables, et face à ces incertitudes, il faut conserver la volonté et la capacité d'agir. Sur le plan humanitaire, tout d'abord en restant fidèle aux principes essentiels du droit international humanitaire.
Réaffirmer ces principes et œuvrer à leur renforcement, c'est aussi notre responsabilité en tant qu'États, acteurs de la communauté internationale, dans toutes les enceintes, en particulier au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale des Nations unies. Et la France s'est engagée à prendre cette responsabilité, de manière ferme, réfléchie et volontaire, partout dans le monde.
Mesdames et Messieurs,
Le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est l'expression de ces principes, il en est l'emblème et le porte-drapeau. La présence des plus hautes autorités du CICR, du président de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, de son secrétaire général, ainsi que des présidentes et présidents de près de 30 des 189 sociétés nationales est le signe de l'universalité du mouvement. Elle est aussi pour la France un gage de confiance et le meilleur témoignage de l'excellence, de la qualité et de la solidité des liens noués entre nos institutions. La convention-cadre que je viens de signer avec le président de la Croix-Rouge française vise à renforcer encore ce lien.
Cette commémoration et la signature de notre convention sont aussi et avant tout l'occasion de rendre hommage aux travailleurs humanitaires partout dans le monde, aux millions de bénévoles, d'employés locaux, de travailleurs expatriés, et de médecins qui portent secours et assistance aux populations civiles, victimes des conflits armés, de la violence et des catastrophes naturelles.
Je veux, au nom du gouvernement et du peuple français, rendre un hommage particulier à leur courage et à leur dévouement, alors qu'ils sont aujourd'hui des cibles, au mépris des principes d'humanité et d'impartialité qui gouvernent pourtant leur action. En 2013, 155 travailleurs humanitaires ont perdu la vie dans l'exercice de leur mission, c'est inacceptable. Comme vous le savez, la France a œuvré à l'adoption récente d'une résolution au Conseil de sécurité sur la protection du personnel humanitaire. Pour la première fois, le Conseil a souligné l'obligation de respecter le droit international humanitaire «en toutes circonstances», sans possibilité d'y déroger sous quelque prétexte que ce soit.
Respecter le droit international humanitaire, c'est aussi respecter l'emblème de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, que vous portez et que vous représentez, partout dans le monde. Il apporte une protection et permet d'identifier les missions médicales et les travailleurs humanitaires en période de conflit armé ou de violence. Il est aussi le symbole de la mission du mouvement, qui est d'alléger les souffrances humaines, de protéger la vie et la santé et de faire respecter la dignité humaine. Le mouvement, notre mouvement, ce sont des valeurs, mais aussi un patrimoine qui nous oblige à nous souvenir mais qui doit nous encourager à aller de l'avant.
La prochaine et 32ème Conférence internationale du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sera l'occasion de faire un bilan des engagements pris par la France, avec la Croix-Rouge française notamment, sur le renforcement du respect du droit international humanitaire. De nombreuses avancées ont été réalisées : la France vient de ratifier le traité sur le commerce des armes, que nous avons été les tout premiers à soutenir et à signer en juin 2013. La France participe, comme plus de 90 États, à l'initiative prise par la Suisse et le CICR en faveur du renforcement du respect du droit international humanitaire et à celle prise par le CICR sur la protection des personnes privées de liberté dans le cadre des conflits armés. La France soutient par ailleurs, le programme sur les «soins de santé en danger» mis en œuvre par le mouvement pour améliorer la sécurité des missions médicales.
Mesdames, Messieurs,
Les humanitaires doivent faire face à une multiplicité de crises alors que l'espace humanitaire se réduit, les parties aux conflits faisant de l'accès de l'assistance aux populations civiles un outil, malheureusement, au service d'une stratégie.
En Irak, en Ukraine, en Syrie, en République Centrafricaine, au Soudan et au Soudan du Sud, l'accès des humanitaires aux populations dans le besoin n'est pas garanti pleinement, en raison des questions de sécurité mais aussi de la volonté des acteurs armés de détourner l'assistance, qui ne peut dès lors bénéficier à toutes les populations dans le besoin. Il y a là une forme de «chantage» à l'aide humanitaire qui est totalement inacceptable.
Sur ces nombreux théâtres de crise, la Croix-Rouge française agit, aux côtés du CICR et des sociétés nationales pour accéder à ces populations afin d'alléger leurs souffrances. Elle intervient dans des situations de crise et de conflit, comme en Irak, en République Centrafricaine, au Mali, au Liban pour les réfugiés syriens, mais aussi de catastrophes naturelles comme elle l'a fait en Haïti ou aux Philippines plus récemment. Son rôle est aussi d'agir en amont pour prévenir les conséquences humanitaires des catastrophes et être prête à répondre à l'urgence, pour permettre aussi de faire le lien entre l'action humanitaire, la reconstruction et le développement.
Le partenariat des sociétés nationales avec les gouvernements, vous le savez, est essentiel, mais il doit respecter les principes d'action du mouvement : l'humanité, l'impartialité, la neutralité et l'indépendance. C'est tout le sens de la convention que nous venons de conclure.
Ces partenariats ne doivent pas s'arrêter aux relations des sociétés nationales avec les États. L'assistance humanitaire a vocation à s'appuyer sur des financements innovants. La participation du secteur privé à l'action humanitaire a augmenté de manière significative ces dix dernières années et elle a vocation à se renforcer. En France, ce partenariat est en marche. Comme vous le savez, j'ai signé le 27 août dernier cinq nouvelles conventions avec des entreprises, afin de renforcer la coopération avec le secteur privé dans ce domaine. La Croix-Rouge française a, elle aussi, noué ces liens étroits avec le secteur privé que ce soit au titre de ses actions en France ou à l'étranger. Je souhaite saluer la présence de représentants de ces entreprises et leur engagement au service de cette cause.
C'est dans cette perspective que nous devons conduire une réflexion sur la modernisation, l'efficacité de l'action humanitaire et l'innovation, au sein de nos institutions et avec les différents acteurs, au premier titre la Croix-Rouge française, dans son rôle d'auxiliaire des pouvoirs publics. Nous y travaillons notamment au sein du groupe de concertation humanitaire auquel participent de nombreuses ONG, qui sont aussi présentes à nos côtés aujourd'hui et je les en remercie.
Cette réflexion est conduite dans d'autres enceintes internationales, au sein de l'Union européenne dans le cadre du consensus européen pour l'aide humanitaire, aux Nations unies également sous la responsabilité de la secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires, Mme Valerie Amos. À ce sujet, la France se félicite de l'organisation en 2016 du premier Sommet humanitaire mondial, dont la Turquie sera l'hôte. Il s'agit d'une opportunité unique pour toutes les parties prenantes de se réunir afin de rendre l'action humanitaire plus efficace, plus inclusive et globale, avant tout plus moderne. Ce sommet a vocation à réunir tous les acteurs, y compris le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et le CICR.
Mesdames et Messieurs les Présidentes et les Présidents,
Chers Amis,
Avant de vous remercier à nouveau et vous laisser la parole, je souhaite conclure mon propos en rappelant que vous avez une responsabilité particulière, qui découle des 150 ans passés aux services des autres, en France et à l'étranger partout où se trouvent ceux qui souffrent. Nous savons tous que votre indépendance et votre neutralité sont l'essence de votre mission, mais ce n'est pas parce que vous êtes indépendants que les États ne doivent pas vous défendre et vous soutenir dans votre action. C'est à l'occasion de la célébration, exceptionnelle, de vos 150 ans d'existence que, au nom du gouvernement et du peuple français, mon pays vous réitère son engagement et son soutien sans faille. Nous savons que dans le respect de votre indépendance et de votre neutralité, les hommes et les femmes du monde entier peuvent compter sur vous. Je tiens à vous dire ce soir que vous pouvez compter sur l'appui sans réserve de la France. Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2014