Conférence de presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les défis et priorités de la politique étrangère de la France, à New York le 22 septembre 2014.

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Circonstance : Déplacement à New York (Etats-Unis) à l’occasion de la semaine ministérielle de l’Assemblée générale des Nations unies, du 21 au 26 septembre 2014

Texte intégral


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- Lutte contre le terrorisme -
Deuxième sujet, et la déclaration que je faisais au début de mon propos [otage français] l'illustre tragiquement, c'est la lutte contre le terrorisme et plus particulièrement ce qui se passe en Irak et en Syrie. Vous connaissez l'engagement de la France dans ce domaine, et ce sera un autre fil rouge de notre action cette semaine.
Le président de la République participera, le 24 septembre, au sommet du Conseil de sécurité qui est organisé par le président Obama - pour mémoire, les États-Unis assurent en ce moment la présidence du Conseil de sécurité - sur les combattants terroristes étrangers. Lors de cette réunion, il sera proposé d'adopter une résolution qui renforce les obligations des États, par exemple en prévenant l'entrée ou le transit des terroristes sur leur territoire, en réprimant le fait de se rendre à l'étranger pour participer à des actes terroristes ou d'aider ces personnes, ou encore en renforçant la coopération internationale en ce sens.
Vous savez que la France a adopté, il y a quelques jours - à l'unanimité - des textes pour renforcer notre arsenal dans ce domaine. Aussi bien le ministre de l'Intérieur, M. Cazeneuve, moi-même ainsi que, dans son domaine, le ministre de la Défense, nous sommes extrêmement vigilants et actifs sur ce sujet.
Au nom de notre priorité sur la paix et la sécurité, nous allons participer ou nous avons déjà participé à plusieurs évènements qui portent ou qui vont porter sur l'Irak, sur la Libye, sur la Syrie et sur d'autres. Nous avons déjà eu vendredi dernier une réunion sur l'Irak, ce qui m'a permis de faire un aller-retour entre vendredi, samedi, dimanche. Tout à l'heure, il y a de cela quelques heures, il y avait une réunion sur la Libye et, bien évidemment, tout au long de cette semaine, les réunions vont continuer sur ces sujets importants.
Sur ces sujets, la France fera entendre son message, que vous connaissez : lutte déterminée contre le terrorisme ; nécessité, à chaque fois, d'une solution politique qui soit inclusive et démocratique pour sortir ces pays de la crise - parce que le salut ne peut pas venir uniquement de l'extérieur ; soutien à ceux qui sont prêts à oeuvrer dans ce sens, notamment l'opposition démocratique en Syrie, et de ce point de vue-là, à chaque fois nous rappelons notre condamnation de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, et encore aujourd'hui, nourrissent la barbarie, le terrorisme, au rang desquels il faut citer M. Bachar Al-Assad.
Pour trouver une solution à ces crises qui sont diverses mais qui ont aussi des points communs, il faut à chaque fois une solution globale qui associe le politique, le militaire et l'humanitaire. Souvent, le militaire ou le sécuritaire est nécessaire, mais ce n'est jamais suffisant pour trouver une solution. Nous revenons donc toujours à ces exigences politiques, même s'il faut un accompagnement évident sur le plan sécuritaire, sans oublier jamais la dimension humanitaire, et par exemple en Irak vous savez à quel point nous sommes mobilisés dans cette direction.
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La Libye, je vous en dis un mot, mais c'est un sujet majeur de préoccupation puisque évidemment le chaos libyen peut alimenter le terrorisme en Afrique du nord et au-delà. (...).
- Otage/Algérie -
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Évidemment, pour nous, l'actualité est dominée par l'otage français qui a été enlevé. Le ministère des Affaires étrangères et du Développement international vient de publier un communiqué qui confirme, malheureusement, l'authenticité de la vidéo comportant des images de M. Hervé Gourdel, enlevé en Algérie dimanche, dans la région de Tizi Ouzou. Les menaces proférées par ce groupe terroriste sont extrêmement graves et elles témoignent, une fois encore, de la cruauté extrême de ce mouvement que nous appelons Daech et de tous ceux qui s'en réclament.
J'ai eu l'occasion, il y a quelques heures, de m'entretenir avec le ministre algérien des Affaires étrangères ; le président de la République s'est entretenu avec le Premier ministre algérien. Tout est mis en oeuvre, en concertation étroite avec les autorités algériennes, pour obtenir la libération de notre compatriote mais il ne faut pas cacher que la situation est extrêmement critique. Voilà ce que je pouvais vous dire sur ce sujet très grave.
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Q - Votre réaction sur cette prise d'otage.
R - Malheureusement elle a été confirmée et il s'agit d'une menace extrêmement grave.
Les autorités algériennes font le maximum pour essayer de le libérer mais nous sommes extrêmement inquiets et le message qui a été adressé par les terroristes confirme à quel point leur cruauté et leur inhumanité sont totales.
Q - Quelle est la situation ?
R - La situation est très préoccupante parce que nous avons confirmation que la vidéo est exacte et que c'est un de nos compatriotes. Il dit qu'il est de Nice et qu'il est un guide.
Nous sommes en contact permanent avec les autorités algériennes bien sûr et compte tenu de la nature de ces terroristes, nous sommes évidemment très inquiets. Nous faisons le maximum, à la fois avec les Algériens et en liaison avec nous.
Maintenant, le propre des terroristes est d'essayer de faire du chantage. Nous faisons le maximum pour libérer l'otage. Il n'est pas question que la politique de la France qui est faite pour assurer la sécurité des Français puisse être infléchie par des preneurs d'otages (...).
- Irak -
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Q - Beaucoup pensent maintenant que le problème de Daech est un problème d'abord arabe et musulman. Alors on a bien vu que la France était partante dès le départ, est ce que vous pouvez nous expliquez ici un peu quelle est la particularité de la vision française de ce problème, de ce danger ? Et puis une deuxième question, est ce que vous pensez qu'en France, dans l'évaluation française des choses, qu'à partir d'un certain moment, des forces terrestres devraient être envoyés en Irak ou peut-être même en Syrie ?
R - D'abord, vous avez raison de dire, s'agissant de Daech, que c'est d'abord le territoire sur lequel ce groupe agit qui doit réagir. S'agissant de l'Irak, nous avons dit que c'est d'abord aux Irakiens eux-mêmes de mener ce combat. Simplement, pour qu'ils puissent le faire, une unité politique était nécessaire. Le nouveau gouvernement de M. Al-Abadi permet d'aller en ce sens, et c'est à ce titre que nous le soutenons tous ensemble parce que, dans le passé, le gouvernement précèdent, par les choix qu'il avait fait, ne permettait pas cette unité.
Donc d'un point de vue à la fois politique et stratégique, nous pensons que c'est aux Irakiens de mener ce combat. Maintenant, l'Irak nous a demandé de façon tout à fait officielle, par lettre, d'assurer une protection, un soutien aérien et le président de la République, chef de l'État, chef des armées a décidé qu'il en serait ainsi. Demain la question sera examinée comme c'est normal par l'Assemblée nationale. Il n'y a pas de vote mais c'est une consultation tout à fait légitime et donc nous avons décidé d'apporter à la demande de l'Irak et conformément au droit international notre soutien aérien et je vous confirme qu'il n'y aura pas d'engagement des troupes au sol. D'ailleurs je crois avoir vu que le gouvernement irakien avait précisé récemment qu'il ne le souhaitait pas.
Alors vous posez la question des arabes. Oui, bien sûr le monde arabe est directement concerné. Vous avez vu qu'il y a eu une réunion importante avant celle de Paris qui a eu lieu à Djeddah. Il y a toute une série de conversations qui ont lieu en ce moment. Et nous souhaitons bien sûr que le maximum de pays s'engage car la vision selon laquelle Daech serait opposé aux chrétiens, ou serait opposé à telle ou telle minorité est complètement inexacte et même erronée. Daech, ce groupe terroriste, se prétend un califat, c'est-à-dire qu'il veut exercer un contrôle sur l'Irak, sur la Syrie, sur la Jordanie, sur le Liban, sur la Palestine, sur Israël, en attendant le reste. Et donc tous ces pays, toute la région est concernée et j'ajouterais nous aussi puisque vous avez vu les déclarations et au fond, son message c'est : tous ceux qui ne pensent pas comme nous, Daech, doivent être tués. Et donc, nous attendons de nos amis arabes et du monde arabe en général, qu'il s'engage fermement puisque c'est sa propre défense qui est en cause.
Q - Est-ce que le fait d'avoir un otage peut infléchir ou remettre en cause notre intervention militaire en Irak ?
R - Nous avons affaire à un groupe terroriste d'une cruauté extrême. Vous avez vu leurs déclarations préalables et puis les déclarations après la prise d'otage. Ils veulent, c'est leur raison d'être, inspirer la terreur et faire pression sur la politique de la France. L'attitude de la France est constante dans ce domaine. Nous essayons de faire le maximum pour libérer les otages, et en l'espèce, cet otage. Mais un groupe terroriste ne peut pas infléchir la position de la France.
Q - Est-ce qu'il y aurait moyen d'imaginer par exemple une pause dans les frappes pour laisser un espace à la négociation ?
R - Non, la position de la France a été déterminée par le président de la République. Elle est guidée par la défense de nos propres intérêts. C'est non seulement parce que ce groupe est un groupe qui sème la terreur et qui n'a que la haine comme programme. Mais c'est aussi notre défense, à nous Europe, à nous Français qui est en jeu. C'est notre sécurité qui est en jeu. Et il n'est pas question de céder, si peu que ce soit, aux menaces des terroristes.
(...).
- Syrie - Irak -
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Q - La Coalition nationale syrienne a appelé aujourd'hui, a formulé la même demande que le gouvernement irakien. C'est une coalition que vous avez reconnue, est-ce de nature à faire changer la position de la France ?
R - Nous aurons l'occasion de voir le président de la Coalition demain ou après-demain et nous discuterons avec lui. Mais vous avez entendu la position de la France définie par le président français. En Irak, cela nous a été demandé et nous assurons un soutien aérien en même temps qu'un soutien humanitaire et un soutien politique.
Nous ne pouvons pas en même temps tout faire, chacun le comprend. Depuis le début, nous avons dit que nous étions au soutien de l'opposition modérée : et cela dès juin 2012. Peut-être d'ailleurs si on nous avait écoutés à tel ou tel moment les choses eussent été différentes. Nous continuons à dire que cette opposition modérée doit être soutenue et c'est l'accent principal que met la France. Alors soutenue, cela veut dire quoi ? Soutenue politiquement, soutenue en termes de formation, le cas échéant en termes d'armements. Le président de la République avait confirmé qu'il y avait eu un certain nombre de livraisons qui avaient été opérées.
Il n'y a pas à notre sens d'empêchement juridique à ce que les attaques de Daech fassent l'objet de réactions aussi bien en Irak qu'en Syrie. Cela nous semble faire partie, dans l'analyse que nous faisons, de la possible légitime défense, au titre de l'article 51.
Nous, nous voulons nous concentrer sur l'appui, dans les termes que j'ai dits, à l'opposition modérée. Et puis il y a un autre aspect à avoir à l'esprit - qu'évidemment l'opposition modérée a à l'esprit -, c'est qu'il ne faut pas, si des attaques sont menées - elles seront certainement menées - contre Daech en Syrie, que ce soit le gouvernement de M. Bachar Al-Assad qui prenne le relais, parce que, vous m'avez déjà entendu dire cela, le choix ne peut pas être entre les terroristes et les dictateurs. Les peuples arabes, singulièrement le peuple syrien, doit avoir la possibilité d'avoir une Syrie unie qui réunisse les différentes familles ; c'est la thèse que défend l'opposition modérée. Voilà où nous en sommes. Il y aura certainement des conversations, mais c'est la position qui a été définie par la France et donc c'est celle qui sera présentée demain par le Premier ministre à l'Assemblée nationale et par mon collègue Le Drian au Sénat.
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Q - Sur Daech, vous venez de dire qu'à votre avis il n'y avait pas d'empêchement juridique pour des actions contre Daech en Syrie et en Irak. Est-ce que cela veut dire que la France peut soutenir des frappes aériennes en Syrie sans accord du Conseil de sécurité, notamment pour contourner l'obstacle russe ? Et est-ce que cela veut dire que la France pourrait éventuellement participer à des éventuelles frappes en Syrie ?
R - Sur la première question, nous verrons si la question est soulevée mais nos analystes juridiques nous disent qu'il n'y a pas d'empêchement.
Q - Pouvez-vous nous expliquer, surtout au public arabe, quelle serait la particularité française dans cette participation au-delà de la Coalition ? Qu'est-ce qui fait que la France était partante dès le départ, bien avant d'autres pays arabes qui devraient probablement prendre le devant ?
R - La France est l'amie de toute cette région. Quand on me demande ce qui définit la position de la politique étrangère de la France, je dis toujours qu'il y a quatre grands principes, et nous essayons avec le président de la République, à chaque fois, d'inscrire des décisions ponctuelles par rapport à ces grands principes. Le premier de ces grands principes est la paix et la sécurité. La France travaille pour la paix et la sécurité. Évidemment la question est posée au Proche et Moyen-Orient qui est une région qui souvent est en effervescence. Or, nous estimons que le mouvement terroriste Daech en Irak est une grave menace pour la paix et la sécurité de la région et au-delà.
De la même façon, nous avons estimé dès le début que ce que faisait M. Bachar Al-Assad en Syrie était une grave menace pour la paix et la sécurité. N'oublions jamais, parce nous avons tous la mémoire courte, aujourd'hui en Syrie, il y eu près de 200.000 morts. À l'origine de tout cela, il y a une révolte pacifique avec quelques jeunes, cette révolte a été réprimée d'une manière telle que là, au bout de 2 - 3 ans, le bilan est de : 200.000 morts ; la Syrie a volé en morceaux ; le nombre des déplacés et le nombre des réfugiés sont en constante augmentation, des exactions et l'utilisation des armements chimiques contrairement à tous les engagements internationaux s'y déroulent.
Nous considérons donc qu'il aurait été beaucoup plus sage de prendre des mesures dès le début contre le régime syrien et de suivre cette ligne. Cela n'a pas pu être fait pour différents motifs. Aujourd'hui nous continuons à considérer que l'intérêt de la paix et de la sécurité est de lutter contre les mouvements terroristes, Daech bien sûr, mais aussi contre ceux qui ont aidé les mouvements terroristes. Quand vous reprenez la genèse de tout cela, M. Bachar Al-Assad a libéré des terroristes des prisons qui ensuite sont devenus pour une part Daech. En outre, il faut couper les finances de ces mouvements. Daech contrôle maintenant des puits de pétrole à production importante. Ces puits de pétrole existent physiquement, il existe des camions qui transportent ce pétrole, il y a des gens qui l'achètent. On dit même, puisque ce que vous faisiez allusion à M. Bachar Al-Assad, que le régime syrien à acheter, voir même continue d'acheter un certain nombre de ces productions. C'est contre tout cela qu'il faut s'élever.
La spécificité de la France, qu'on voudrait contagieuse dans le bon sens du terme, est de travailler dans l'intérêt de la paix et de la sécurité des peuples arabes et de ne jamais confondre les musulmans avec les terroristes. C'est un abus de langage, c'est la raison pour laquelle on m'a parfois un peu brocardé mais je continue à dire que je ne suis pas d'accord pour appeler ce mouvement qui se nomme lui-même État islamiste. Il est en effet étrange de faire le crédit à son ennemi d'accepter le nom qu'il se donne. Ce n'est pas un État, il voudrait être un État mais il n'a absolument pas la légitimité d'un État. Il n'est pas représentatif des musulmans. (...).
- Iran -
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Il y aura des contacts pour un règlement du dossier du nucléaire iranien. Ce n'est pas l'Assemblée générale des Nations unies qui va traiter directement de cette question mais nous avons des réunions qui sont prévues. Le président français rencontrera le président iranien à l'occasion de son séjour.
Q - John Kerry a parlé de l'Iran comme d'un potentiel partenaire contre l'organisation État islamique. M. Al-Bahra a dit il y a quelques heures que l'Iran était un partenaire dans les crimes de masse en Syrie. Alors comment la France considère l'Iran ?
R - Alors, d'abord il faut séparer je crois - je ne crois pas, j'en suis convaincu - la question de l'Iran par rapport à l'Irak, Daech, à la Syrie et, une autre question, sur laquelle nous discutons, qui est la question du nucléaire iranien. Ce sont deux questions tout à fait différentes parce que la question du nucléaire iranien se pose en elle-même.
Sur la question que vous soulevez. Il y a une réalité géographique. L'Iran est dans la région et c'est évidemment un acteur puissant. Et puis il y a une réalité politique, c'est que l'Iran a pris position contre Daech. Mais je pense qu'il n'a jamais été question du côté de l'Iran ou de l'autre côté, qu'il y ait une coalition à proprement parler qui puisse l'inclure. Donc, il va y avoir, il y a eu déjà des discussions entre les Américains et Iraniens, sans qu'il y ait du tout de coalition, mais il est normal quand il y a un pays qui est voisin et qui s'est prononcé explicitement contre un mouvement terroriste, de savoir ce qu'il souhaite faire, ce qu'il va faire, ce qu'il peut faire. Cette question concrète, j'imagine sans qu'il soit du tout question d'alliance, va être posée lors de l'entretien qui aura lieu entre le président français et le président Rouhani parce que les Iraniens vont certainement demander quelles sont nos intentions et nous, j'imagine, que nous allons dire aux Iraniens «nous avons vu que vous prenez telle ou telle position, qu'est-ce que vous allez faire ?». Je ne pense pas que cela ira plus loin mais c'est déjà un point important.
Q - Sur le nucléaire iranien, il y a eu des avancées ?
R - Sur le nucléaire iranien, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises. Il y a un délai butoir qui est le 24 novembre. Il y a des discussions qui sont menées par le directeur politique. J'aurai l'occasion certainement de voir M. Zarif, peut-être il y aura une réunion du 5+1 comme on l'appelle avec les Iraniens. C'est une question importante que nous suivons. Pour l'instant nous ne pouvons pas nous prononcer puisque nous avons toujours dit que tant qu'il n'y a pas d'accord sur l'ensemble, il n'y avait pas d'accord. Et il y a évidemment des points sur lesquels nous avons avancé mais beaucoup de points sur lesquels la distance, le fossé est encore très large.
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- Proche et Moyen-Orient -
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La situation au Proche et Moyen-Orient va être abordée dans de nombreux forums et de nombreuses occasions. S'agissant de la consolidation du cessez-le-feu à Gaza, le président Abbas était vendredi après-midi à Paris avec le président. Malheureusement je n'ai pas pu m'y joindre mais il y a eu toute une série de questions abordées.
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De même il y aura des réunions prévues concernant le soutien international à la stabilité du Liban. (...).
- Ukraine - Russie -
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D'autres crises feront également l'objet de discussions importantes. Une réunion ministérielle du G7 est prévue le 25 septembre, qui permettra notamment d'aborder la crise russo-ukrainienne. (...)./.
- Mali -
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Le secrétaire général des Nations unies, qui est très engagé sur tous ces sujets, va organiser aussi une réunion sur le Mali, qui va permettre de mesurer le chemin parcouru et de prolonger les efforts en faveur du développement et d'un règlement politique durable dans ce pays.
Je me suis entretenu encore tout à l'heure avec mon collègue algérien puisque vous savez que la médiation se fait largement, en ce moment même, en Algérie. Nous souhaitons qu'on arrive à un accord entre, d'un côté, la présidence de M. Ibrahim Keïta et, de l'autre, ce qu'on appelle les groupes du nord. (...).
- République centrafricaine -
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Sur la République centrafricaine, un évènement présidé par Ban Ki-moon permettra de mobiliser la communauté internationale. Il y a de cela quelques jours, puisque c'était le 15 septembre, il y a eu le transfert du commandement des opérations à l'ONU, le passage de la MISCA à ce que l'on appelle la MINUSCA.
Nous devons continuer les efforts pour à la fois stabiliser la situation sécuritaire, et développer le processus politique et le dialogue national pour le développement. J'aurai l'occasion de voir notamment Madame Samba-Panza, la présidente, pour avoir une série de discussions sur ces sujets. (...).
- Virus Ebola -
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Un mot sur un sujet qui va être aussi abordé, qui est très important et où la France est également en pointe, c'est la lutte contre l'épidémie du virus Ebola. Cette question va être au centre de beaucoup de débats et de décisions cette semaine. Compte tenu de l'ampleur et de la gravité de la crise, un sommet coprésidé par le Secrétaire général des Nations unies y sera consacré. La France soutient totalement cette initiative qui doit mobiliser l'ensemble des acteurs nationaux, régionaux et internationaux, et permettre de mieux coordonner leurs efforts.
La semaine dernière nous avons soutenu l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité sur ce sujet. Cela a posé les premiers jalons d'un effort de mobilisation indispensable.
À titre national nous avons déjà pris beaucoup de décisions. À l'occasion de ce sommet nous allons confirmer notre niveau d'engagement et la diversité des moyens humains et financiers qui sont mis à la disposition des pays touchés, en particulier de la Guinée. Vous avez vu la décision annoncée par le président de la République lors de sa conférence de presse, notamment pour déployer un hôpital en Guinée forestière et pour envoyer des équipes de soignants.
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- Dérèglements climatiques -
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D'abord tout ce qui concerne le Sommet climat et ce qu'on appelle la «Climate Week». C'est une initiative du secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, que nous soutenons totalement. L'Assemblée générale est précédée cette année d'un sommet qui est consacré au climat et qui va réunir, demain, plus de 120 chefs d'État et de gouvernement. Parfois, on souligne l'absence de tel ou tel pays mais je crois qu'il faut d'abord souligner que c'est la première fois qu'autour de ce sujet, en particulier aux Nations unies, se réunissent tant de responsables au plus haut niveau.
L'objectif de cette réunion est tout simplement de mobiliser, en amont d'autres évènements qui vont être très importants : le sommet de Lima - ce qu'on appelle en jargon la «COP20» et qui aura lieu au moins de décembre - que nous préparons en coopération avec nos amis péruviens - ; et puis, l'année prochaine, comme on commence à le dire partout, la Conférence de Paris de décembre 2015 qui sera présidée par la France et qui est l'occasion nécessaire de trouver des solutions aux dérèglements climatiques. L'initiative de Ban Ki-moon est extrêmement opportune et, bien évidemment, nous y serons très présents. Le président de la République y tiendra une place importante, notamment parce qu'il va co-présider, avec son homologue péruvien, l'une des trois sessions plénières. Il en présentera les conclusions en clôture du sommet. Il interviendra également avec M. Ban Ki-moon lors de la conférence de presse et lors d'un déjeuner spécifique qui est organisé sur la question du prix du carbone. Sur ces sujets, sont également présentes Mme Royal et Mme Girardin. Je suis accompagné de Mme Tubiana qu'un certain nombre d'entre vous connaissent et qui me remplace lorsque je dois être remplacé pour la préparation de la COP21. Bien sûr, en tant que future présidence, la France doit participer à beaucoup d'évènements publics pour présenter ce que sera notre vision de la COP21.
Hier, plusieurs d'entre nous ont pris part à la marche citoyenne pour le climat. Il y avait beaucoup de monde ici à New York, ce qui m'a donné l'occasion d'avoir déjà plusieurs entretiens avec l'ancien vice-président Al Gore avec qui j'ai déjeuné hier, avec l'ancien secrétaire au Trésor Henry Paulson, que j'ai eu ce matin à petit déjeuner, avec Christiana Figueres, la secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur le changement climatique, avec toute une série d'ONG internationales que nous avons reçues au consulat au début de mon séjour. Ce matin, je suis intervenu devant le Council of Foreign Relations sur ce sujet et j'ai clôturé l'ouverture de la «Climate Week» qui réunit les acteurs de la société civile.
Hier avec mon collègue péruvien nous avons participé, aux côtés de John Kerry, au Forum des économies majeures que nous avons animé. Ces réunions, en marge du Sommet, sont extrêmement importantes car c'est là que les bons messages peuvent être passés et que l'on commence déjà à anticiper, notamment avec nos amis péruviens, une fois de plus, ce que pourra être l'accord souhaité, souhaitable de Paris 2015.
Tout cela s'inscrit dans le cadre de la mobilisation pour que Paris 2015 soit un succès. C'est à mon avis la principale échéance diplomatique du quinquennat parce que c'est la possibilité même de vivre correctement qui est en cause, non pas comme on le laisse entendre pour dans 100 ans ou dans 50 ans, mais pour les années qui viennent. Il y a un travail à la fois de négociation, de sensibilisation, de propositions à faire : les collègues des autres pays comptent beaucoup sur la France et nous allons essayer de ne pas les décevoir. Voilà le premier grand sujet qui est posé, abordé, au cours de cette Assemblée générale.
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Q - On est ici aux États-Unis, qui est quand même le territoire du climato-scepticisme. Les climato-sceptiques sont arrivés un petit peu à bloquer la politique américaine. Ne craignez-vous pas qu'ils parviennent aussi à bloquer les négociations internationales, dans la mesure où décarbonner nos économies de 80 % ça gêne un peu tout le monde.
R - Sur le plan scientifique, le phénomène est absolument avéré. Il n'y a pas simplement comme on dit parfois un «réchauffement climatique», car dans certains cas il y a réchauffement, dans d'autres cas refroidissement. Ce que j'appelle «dérèglements climatiques» (climate disruption en anglais) est un phénomène qui existe. Qu'il se soit accéléré au cours des dernières années et qu'il soit dû à l'activité humaine et, singulièrement, à l'émission des gaz à effet de serre, c'est une réalité scientifique.
En France d'ailleurs, ce que vous appelez le climato-scepticisme, est beaucoup moins fort qu'il y a quelques années. Désormais, aux États-Unis c'est plus compliqué parce qu'un responsable comme le président Obama est tout à fait convaincu ; un responsable comme John Kerry qui a consacré une partie de sa vie à cela est tout à fait convaincu. Mais vous avez, dans certains milieux et dans certains partis politiques, encore un climato-scepticisme. Donc il faut surmonter cela. Simplement, l'une des raisons pour lesquelles il faut avoir une dose d'optimisme - raisonnable, il y a beaucoup de travail à faire - pour la COP21, c'est que vous avez d'abord une prise de conscience extrêmement forte de la population. Le fait qu'il y ait hier 200.000 - 300.000 personnes, c'est quelque chose quand même de singulier. Malheureusement, l'ampleur des typhons, des sècheresses, des catastrophes qui sont intervenues, aussi bien ici aux États-Unis, qu'en Europe ou en Asie, je pense au typhon des Philippines, a commencé à convaincre les gens qu'il y avait un problème. Donc la prise de conscience est plus forte.
Je suis convaincu qu'à travers leurs dirigeants, les deux principaux émetteurs, qui sont les États-Unis d'une part et la Chine d'autre part, souhaitent évoluer. Les autorités américaines, je viens d'en parler. Les autorités chinoises que je connais bien, avec lesquelles je discute souvent sur ce sujet, veulent aussi bouger. Non pas à cause d'une pression internationale, mais parce que pour eux c'est un sujet absolument majeur sur le plan social, sur le plan politique, sur le plan économique. Certains d'entre vous sont certainement allés à Pékin ou d'autres villes de cette sorte, il y a un certain nombre de jours où en raison notamment des centrales à charbon, c'est absolument irrespirable. Donc, je pense que les autorités chinoises veulent bouger, les autorités américaines veulent bouger. Il y a une prise de conscience.
Il y a, dans les milieux économiques de plus en plus d'entreprises qui se rendent compte non seulement que c'est nécessaire mais que cela peut être «a big thing for the future».
Il y a de grandes villes qui sont engagées, des gouverneurs qui sont engagés. L'autre jour, j'ai reçu à Paris Michael Bloomberg, à qui Ban Ki-moon a confié une mission pour coordonner tous ces efforts. Donc les choses vont dans le bon sens. Et c'est à nous maintenant, les négociateurs, d'essayer de faire bouger les choses suffisamment, et en amont - parce qu'il ne faut pas s'y prendre au dernier moment - pour qu'en décembre, lorsque tous les négociateurs seront à Paris, on puisse apporter un bon accord.
Q - Pourquoi Paris ne serait pas un nouveau Copenhague, dans la mesure où à Copenhague aussi tout le monde était mobilisé ?
R - Tout d'abord, je reste très prudent. Et en début de mon propos, je vous dis que c'est très difficile. Je me rappelle que lorsque la France a été désignée, ce qui était rendu plus facile par le fait que nous étions les seuls candidats, tous ceux qui sont venus me voir à l'issue de cette désignation m'ont à la fois présenté leurs félicitations et leurs craintes.
Je ne suis pas du tout naïf, je sais que c'est extrêmement difficile, tout simplement parce qu'à Copenhague cela n'a pas fonctionné. Mais je crois que les choses ont changé dans la prise de conscience. Elles se sont aggravées sur le terrain. Et il y a eu une évolution, du moins je le crois, de deux principaux émetteurs, et probablement d'autres.
Et puis, il y a une question de méthode. J'étais à Varsovie pour la conférence sur le climat l'année dernière. La conférence a décidé quelque chose de très important : c'est qu'avant mars prochain, tous les pays sont censés devoir déposer leurs engagements pour le futur. Nous allons donc avoir une espèce de cartographie de ce que les différents pays sont prêts à faire pour atteindre cet objectif de 2°. Cela n'existait pas du tout avant. Ce qui m'a frappé quand j'ai interrogé les spécialistes. Je leur ai demandé pourquoi Copenhague n'avait pas marché. Beaucoup de spécialistes m'ont dit qu'à Copenhague, les choses n'étaient pas prêtes et au dernier moment les grands leaders politiques sont arrivés et ont pensé qu'en se réunissant, - parce que quand cela ne marchait pas, la dernière nuit dans un bureau au forcing -, ils allaient pouvoir bâtir une déclaration et qu'à cause de leurs poids politiques, ils allaient présenter cette déclaration devant l'Assemblée générale et cela passerait comme une lettre à la poste. Évidemment cette méthode n'a pas marché du tout. Mais la conclusion que j'en tire c'est que les politiques doivent intervenir en amont. Là par exemple, le sommet de cette semaine va être intéressant. Pour le reste, il faut laisser aux négociateurs le soin très en amont de préparer les choses pour qu'il n'y ait pas de surprise de dernier moment. Ce n'est par l'intervention de tel ou tel très grand leader politique qui au dernier moment peut résoudre. C'est donc une méthode assez différente. C'est aussi différent parce que, dans mon esprit, mais il va falloir confronter ça avec ce que souhaite les 194 pays.
À Paris, nous devrions avoir potentiellement quatre éléments à l'accord :
- l'accord lui-même «legally binding» difficile à obtenir mais très important ;
- les engagements des nations : il faut que les pays les présentent avant mars ; ce sera le deuxième volet ;
- le troisième volet est un volet financier et technologique, en particulier c'est la contribution au fond vert. J'espère que dans les discours qui auront lieu de la part des leaders au moment du sommet un certain nombre de pays vont s'engager à dire «voilà la contribution que j'apporte au fond vert» ;
- et puis le quatrième point, tout à fait nouveau, est que nous allons essayer de rassembler les engagements à la fois des grandes régions, des grandes cités, par exemple New York, Paris, San Francisco, beaucoup d'autres, et d'un certain nombre de grandes entreprises qui sont prêts à dire «voilà notre programme».
Nous travaillons sur ces quatre piliers, ce qui n'était pas du tout le cas à Copenhague. Je ne veux pas dire que cela rend les choses plus faciles, mais on voit bien que c'est à la fois réaliste et ambitieux. Nous essayons de mettre tous nos atouts de notre côté.
Après, je dois dire que je ferai mienne une remarque très forte qui a été faite par Ban Ki-Moon. Il faut se méfier des formules mais celle-là est excellente, je lui ai donc demandé l'autorisation de la reprendre et il me l'a accordé «il n'y a pas de plan B parce qu'il n'y a pas de planète B». Je pense que cela résume très bien la situation. (...)
- Attractivité de la France -
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Comme chaque année, cette semaine est mise à profit pour essayer d'insister sur l'attractivité et le rayonnement de la France. Il y a des évènements tragiques, on les a cité, et, évidemment, ils mobilisent, au premier rang, notre attention et notre coeur. Mais il y a aussi le travail de fond qu'il faut faire sur l'attractivité et le rayonnement de la France.
Ce séjour aura aussi un volet de diplomatie économique. Aujourd'hui, j'ai rencontré les entrepreneurs français du secteur des hautes technologies qui sont réunis au sein d'un club qu'anime le consul général de France à New York et qui s'appelle «French Tech». L'objectif est de faire la promotion de l'innovation et de l'excellence technologique française et d'aider les entreprises françaises innovantes à se développer aux États-Unis.
Il y aura aussi une manifestation d'un tout autre ordre, lié aux arts de la table, parce qu'il y a beaucoup de chefs ici.
La culture, - je suis sûr que vous vous en réjouirez -, occupera une place importante dans ce programme. L'année dernière j'avais posé la première pierre de la librairie française qui est installée au sein de l'Institut culturel français à New York ; cette année, je l'inaugurerai. Grâce à la générosité de toute une série de mécènes et au travail de nos services, en particulier de M. Baudry que peut être certain d'entre vous connaissent, nous aurons maintenant une librairie francophone ; la seule car il n'y en avait plus d'ailleurs, à New York. C'est un projet tout à fait emblématique puisque cela fait déjà plusieurs années que la dernière librairie française avait fermé ses portes à New York.
Ce soir, j'aurais l'occasion de remettre la Légion d'Honneur à trois personnalités représentatives de l'amitié entre les États-Unis et la France. Une personnalité, que peut-être certains d'entre vous connaissent : le professeur Diouf, un historien-chercheur sénégalais et un grand spécialiste. Il a peut-être importé de la manière la plus efficace les «African studies», et il a vécu à la fois en France et aux États-Unis. Je remettrai également la Légion d'Honneur aux patrons, co-présidents de Sony Pictures Classics, M. Michael Barker et M. Tom Bernard, les distributeurs de l'immense majorité des films français depuis plus de trente ans. Là-aussi je pense que c'est une occasion de faire valoir le rayonnement de la France.
En ce qui me concerne, comme il faut faire passer les messages, et pas seulement à la presse française, grâce à vous mais aussi un petit peu grâce à nos amis américains et internationaux, je viens de répondre sur CNN à une interview de Mme Amanpour. Comme je le fais chaque année et grâce à son amabilité constante, je répondrai demain aux questions de Charlie Rose.
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- Droits de l'Homme -
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Avant de terminer, je voudrais dire un mot important sur la question des droits de l'Homme. Les Nations unies sont une enceinte naturelle pour travailler en faveur des droits de l'Homme, qui sont l'une des priorités politiques - depuis toujours d'ailleurs - pour la France.
Je rencontrerai, pour leur apporter notre soutien, et recueillir leurs préoccupations, des ONG françaises et internationales. J'aurai l'occasion de défendre à nouveau, au cours d'une réunion que la France coprésidera, l'abolition universelle de la peine de mort, puisque c'est un thème sur lequel chaque année et tout au long de l'année, nous essayons de mobiliser les organisations régionales des pays en développement et le plus grand nombre de pays possibles.
Et puis il y a une initiative, dont j'espère qu'elle permettra d'avancer, et qui se présente comme ayant beaucoup d'audiences. Vous vous rappelez peut-être que nous avons fait une proposition d'un encadrement du droit de veto en cas d'atrocités de masse. Nous proposons que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui disposent du droit de veto décident volontairement de suspendre l'utilisation de ce droit en cas d'atrocités de masse. Le président français y avait fait allusion l'an dernier, nous avons depuis fait un travail patient auprès de toute une série de chancelleries et nous souhaitons faire officiellement avancer le sujet ici. À cette fin, avec le soutien de nombreux pays - je suis d'ailleurs frappé par le nombre de pays qui soutiennent cette initiative -, je coprésiderai une réunion ministérielle sur le sujet le jeudi 25 septembre.
Ce n'est qu'un pas, bien sûr, et nous savons que ce sera difficile parce qu'il s'agit de convaincre les autres titulaires du droit de veto, mais il y a une écoute et un écho considérable qui d'ailleurs sont à la mesure de ce qu'on a éprouvé par exemple dans l'affaire syrienne où, plusieurs fois de suite, le veto était opposé alors qu'il s'agissait de crimes de masse et que le Conseil de sécurité aurait dû jouer son rôle. (...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 septembre 2014