Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem,ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à France-Info le 27 août 2014, sur la théorie du genre et la rentrée scolaire.

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Média : France Info

Texte intégral


MATHILDE MUNOS
L'invitée de France Info ce matin est la nouvelle ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
MATHILDE MUNOS
C'est votre troisième ministère en deux ans, vous avez la bougeotte ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
J'ai le sens du devoir et le président de la République et le Premier ministre ont considéré que je pouvais être utile dans ces responsabilités-là, j'en suis évidemment très honorée, c'est un très beau ministère que celui de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et donc je le rejoins avec plaisir.
MATHILDE MUNOS
Et à peine nommée vous suscitez déjà de très très très nombreuses critiques à droite, j'imagine que vous les avez entendues, Christine BOUTIN, Nadine MORANO, Laurent WAUQUIEZ vous reprochent en fait d'avoir une idéologie dangereuse marquée par la théorie du genre. Que leur répondez-vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je leur réponds que la responsabilité de la ministre de l'Education nationale que je suis désormais c'est de mettre en oeuvre la politique que le président François HOLLANDE a annoncée en 2012 à savoir la priorité à la jeunesse, priorité à l'éducation, ne surtout pas lésiner sur les moyens pour faire en sorte que le plus de petits français possible réussissent à l'école et faire en sorte que nous soyons à nouveau fiers de notre école, que nous retrouvions notre place dans les classements internationaux, que nous créions les conditions pour les enseignants comme pour les enfants de transmettre et d'apprendre le mieux possible. Donc il y a derrière ces mots beaucoup de réformes qui ont déjà été engagées, je pense par exemple à la réforme des temps scolaires…
MATHILDE MUNOS
On va y venir, parce que là vous ne répondez pas sur cette question de la théorie du genre, on entendait dans le journal de 8 h 00 la présidente du mouvement « la manif pour tous » dire que selon elle, tout ce qui est féminin est dévalorisée dans votre bouche.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, si j'ai commencé comme je l'ai fait, c'est précisément pour vous expliquer à quel point la polémique inutile, les débats stériles, les instrumentalisations insupportables de l'école n'auront pas de place dans le ministère qui est le mien. Moi j'estime qu'aujourd'hui, l'une de nos responsabilités principales c'est de faire en sorte que les parents aient confiance dans l'école. C'est de faire en sorte que les Français sachent que l'école c'est l'outil numéro un au service de l'équation républicaine, de l'ambition républicaine et donc quand ils envoient leurs enfants à l'école, ils soient rassurés sur le fait que ces enfants y apprendront des disciplines, apprendront à lire, à écrire, à compter et y apprendront des valeurs et parmi ces valeurs il y a bien évidemment celle de l'égalité et notamment l'égalité entre les filles et les garçons. Ce sont des principes auxquels je tiens plus que tout, je les défendrai, je ferai en sorte que l'ensemble de la communauté éducative des parents et des enfants s'y retrouve.
MATHILDE MUNOS
Alors votre ministère est un très gros ministère, c'est le premier budget, il y a de très nombreux chantiers, l'évaluation… le système de notation, les rythmes scolaires, la formation, le salaire des enseignants, il y en a vraiment beaucoup, quelles sont vos priorités ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien beaucoup de choses ont déjà été lancées comme vous le savez et d'une certaine façon je m'inscrirai dans la continuité à la fois de Vincent PEILLON et de Benoît HAMON mais dans une continuité que j'assume totalement. Pourquoi ? D'abord parce que je pense qu'en la matière on a besoin de stabilité et de continuité, on a besoin que les gens y voient clair sur ce vers quoi l'école va. Et puis ensuite…
MATHILDE MUNOS
Il vous fallait garder Benoît HAMON alors.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les circonstances de son départ ne dépendaient pas de moi comme vous le savez mais, je pense en effet qu'il a fait du beau travail et je le lui dirai dans un instant lors de la passation de pouvoir, mais aussi continuité parce que ce qui a été engagé est un travail en réalité fondamental, dont notre école avait besoin. Il s'agit à la fois je le disais, priorité à l'éducation nationale, ça veut dire des moyens c'est quand même le poste qui est le plus préservé dans un moment qu'on sait difficile pour les finances publiques, 60.000 postes d'enseignants qui sont créés sur les cinq ans. C'est l'Education nationale qui va connaitre des réformes aussi considérables que celles de l'organisation des temps scolaires, on en parle beaucoup dans l'intérêt des enfants puisqu'il s'agit de leur permettre de mieux apprendre pour mieux réussir tout simplement, on y reviendra peut être. C'est dans l'intérêt de notre école, de notre économie, de notre compétitivité que nous allons mettre l'école sur le chemin du numérique et cette année va être une année décisive pour cela puisque nous allons à la fois équiper…
MATHILDE MUNOS
Cela va se traduire comment ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
…dès cette rentrée 2014, équiper les établissements scolaires qui pouvaient encore souffrir de lacune en la matière, 9.000 établissements vont être concernés dès cette rentrée donc en numérique, tablettes, ordinateur etc…
MATHILDE MUNOS
Ca c'était déjà prévu, mais vous, qu'est-ce que vous avez envie de mettre en place ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais moi ce à quoi je tiens c'est à ce qu'on réalise les engagements qu'on a pris auprès des Français. Simplement pour finir sur le numérique, l'apprentissage du codage pour les enfants dès l'école élémentaire, c'est quelque chose de nouveau qui va se mettre en place en cette rentrée scolaire aussi et puis ce à quoi je tiens évidemment, c'est à l'égalité, tout simplement. Vous savez c'est ce qui fait le fil rouge de tous mes ministère, je tiens à l'égalité des chances bien sûr quand on parle de réussite à l'école, je tiens à ce que, quel que soit le territoire, la catégorie, la famille dont sont issus ces enfants, devant l'école de la République, ils puissent aspirer aux mêmes choses et que le mérite, le mérite soit la clé de l'accès aux métiers, aux orientations professionnelles et aux réussites.
MATHILDE MUNOS
Najat VALLAUD-BELKACEM, la réforme des rythmes scolaires on va beaucoup en reparler la semaine prochaine avec la rentrée, vous êtes sur quelle position ? C'est une bonne réforme, vous voulez un peu l'assouplir, on la maintient coûte que coûte à cette rentrée pour tout le monde ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors d'abord cette réforme elle a fait l'objet d'une première salve d'expérimentation en quelque sorte…
MATHILDE MUNOS
Pendant un an voilà et cette année c'est pour le reste.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
…puisque 4.000 communes ont testé cette réforme en 2013. Vous savez que l'évaluation qui en a été faite révèle que plus de 80 % des maires et des personnels qui ont eu à la mettre en oeuvre étaient très satisfaits. Donc de fait ils relèvent tous que s'agissant de la qualité…
MATHILDE MUNOS
Ceux qui l'ont mis en place en priorité c'était aussi des personnes qui vous soutenaient, c'était des maires qui étaient socialistes, qui soutenaient cette réforme, là ce sera certainement plus compliqué cette année.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non alors voilà, un exemple précis de ce sur quoi je veux sortir de la polémique. Je ne crois pas qu'on puisse dire que la réforme des rythmes scolaires ce soit la gauche contre la droite. Vous savez comme moi que tous les spécialistes, chronobiologistes, enseignants, syndicats etc, étaient d'accord pour dire que notre pays souffrait d'avoir un nombre trop limité de jours de classe pour des enfants de cet âge qui ont besoin de répartir un peu mieux les moments de concentration pour être meilleur tout simplement et mieux s'épanouir. Donc nous l'avons mise en place de façon progressive et je crois que ça a été une bonne décision parce que comme ça on a un peu de recul sur l'expérience de 2013 et aujourd'hui eh bien c'est l'ensemble des écoles qui vont être concernées donc c'est 12 millions… enfin c'est l'ensemble des élèves qui vont être concernés, 36.000 communes plutôt pardon, et nous avons fait en sorte, Benoît HAMON a adopté les décrets qu'il fallait pour cela, qu'une certaine souplesse puisse être laissée pour que, d'une situation à l'autre…
MATHILDE MUNOS
Et vous restez sur cette ligne ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
…on puisse choisir de rassembler les activités périscolaires sur une seule après-midi, soit de les avoir sur plusieurs journées. Je crois qu'il faut rester sur cette ligne, aujourd'hui nous savons pourquoi nous faisons cette réforme, c'est dans l'intérêt des seuls enfants.
MATHILDE MUNOS
Najat VALLAUD-BELKACEM, vous avez un nouveau collègue dont on parle beaucoup, Emmanuel MACRON qui devient ministre de l'Economie, c'est un ancien de la banque ROTHSCHILD qui entre donc à Bercy, ça veut dire que la finance ce n'est plus l'ennemie de François HOLLANDE ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez Emmanuel MACRON moi j'ai eu à bien le connaitre puisque nous avons travaillé ensemble depuis deux ans, d'abord c'est un homme de gauche, je crois que personne ne pourra prétendre le contraire…
MATHILDE MUNOS
Opposé à la taxe à 75 % sur les très riches.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il peut y avoir en effet des divergences sur un point ou un autre mais en tout cas il a toujours été d'une loyauté et d'une fiabilité à toute épreuve. Il a durant deux ans résolument accompagné la politique économique mise en oeuvre par le président de la République donc aujourd'hui qu'on puisse avoir un jeune homme qui ait justement ce parcours-là, vous savez quand je parle de diversité nécessaire, je pense aussi à la nécessité d'avoir des profils comme celui-là venant de la banque, venant du privé…
MATHILDE MUNOS
Je croyais moi que François HOLLANDE voulait des ministres qui viennent du terrain, qui se frottent un peu aux élections et qui gagnent des élections, ce n'est pas du tout le cas d'Emmanuel MACRON, ce n'était pas un élu.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais la diversité c'est précisément ça, c'est d'avoir à la fois des gens qui viennent de la haute fonction publique, d'autres qui viennent du terrain, d'autres qui viennent…
MATHILDE MUNOS
Ce n'est pas ce que disait François HOLLANDE avant, avant il voulait des ministres élus…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais moi ce que je crois c'est que d'abord cessons de juger les gens avant même qu'ils aient commencé à faire leur preuve. Moi je crois que c'est un homme intelligent, brillant même, c'est assez unanimement reconnu. Je pense que nous sommes à une période de mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité qui réclame de nous en effet la plus profonde de cohérence et des cohésions…
MATHILDE MUNOS
Donc ça veut dire qu'on n'a plus le droit de critiquer le gouvernement maintenant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
…Donc la nouvelle équipe gouvernementale répondra à cette exigence-là parce qu'il ne s'agit pas de se brider, il s'agit simplement de donner à voir aux Français quelque chose qui relève de la confiance et on ne donnera pas cette image si entre nous, on n'est pas capable de respecter la dignité de la fonction ministérielle et la collégialité surtout du gouvernement.
MATHILDE MUNOS
Et ce gouvernement il va aller jusqu'au bout du quinquennat cette fois ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui peut le dire ? Moi je crois que nous avons aujourd'hui l'équipe qu'il faut, le Premier ministre va demander au Parlement un vote de confiance sur la politique que nous conduisons dans les prochaines semaines, je crois que nous aurons la majorité pour continuer à agir. Je crois surtout, parce que c'est pour ça, moi à titre personnel que je fais de la politique, je crois surtout que les réformes que nous sommes en train de mettre en oeuvre, même si on n'en perçoit pas forcément les résultats aussi vite qu'on l'aurait souhaité, sont les réformes dont ce pays avait besoin.
MATHILDE MUNOS
Merci beaucoup Najat VALLAUD-BELKACEM nouvelle ministre de l'Education nationale, je vous libère, vous avez rendez-vous avec Benoît HAMON pour la passation de pouvoir dans un quart d'heure.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 septembre 2014