Texte intégral
PATRICK COHEN
Troisième ministre de l'Education en moins de cinq mois. Vous vous apprêtez à orchestrer une rentrée scolaire que vous n'avez pas préparée, qui sera marquée par la généralisation parfois chaotique des nouveaux rythmes scolaires. Réforme désapprouvée par 60% des Français, d'après un sondage CSA, réalisé ces derniers jours. Que dites-vous aux parents d'élèves qui vous écoutent ce matin, et qui sont sincèrement inquiets ou désorientés par cette nouvelle organisation ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bon, d'abord, soyons clairs, ça n'est pas parce que je suis arrivée il y a trois jours en effet à la tête de ce ministère que la rentrée m'a attendue pour être préparée, je vous rassure, une rentrée scolaire, et je le dis à l'intention des parents en particulier, ça se prépare des mois à l'avance, ça a commencé pour celle-ci à se préparer en novembre 2013, donc vous imaginez bien
PATRICK COHEN
Donc avec Vincent PEILLON, puis par Benoît HAMON, à partir d'avril
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, donc vous imaginez bien que, évidemment, les choses sur le terrain sont faites pour bien se passer, que dans chaque salle de classe, il y aura un enseignant, que nous abordons, bien sûr, une rentrée particulière avec la généralisation des nouveaux rythmes, mais que les communes qui l'ont expérimentée cette nouvelle organisation, l'année dernière, nous font remonter ses vertus, et que je suis persuadée que dans chaque école, très vite, les enseignants, les parents vont pouvoir constater que leurs enfants apprennent mieux grâce à cinq matinées au lieu de quatre, et que leurs enfants surtout peuvent accéder à des activités périscolaires, artistiques, culturelles, sportives auxquelles beaucoup n'avaient pas accès jusqu'à présent, c'est le sens de la réforme.
PATRICK COHEN
Pas partout et pas partout dans les mêmes conditions, il y a d'abord une question de garde pour les parents, dans beaucoup de communes, il n'y a pas de cantine le mercredi midi, ce qui fait une sortie des classes à 11h30, c'est difficile pour les familles.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est vrai que l'organisation n'est pas exactement la même évidemment d'une commune à une autre, d'une école à une autre, pour une raison simple, c'est que le temps scolaire relève de la responsabilité de l'Etat, le périscolaire en revanche et son organisation relèvent de la responsabilité des communes, des élus locaux, qui ont eu, ces derniers mois, ces dernières semaines, à finaliser un projet harmonieux avec, à la fois, les associations, les acteurs, les animateurs qui gèrent le périscolaire, les parents eux-mêmes. Donc d'un endroit à un autre, l'organisation n'est pas tout à fait la même. Je souhaite que ça se passe
PATRICK COHEN
Il y a un endroit où ce n'est pas du tout finalisé, c'est Marseille, deuxième ville de France, les activités du vendredi après-midi, puisque toutes les activités périscolaires c'est le choix de la ville de Marseille seront concentrées le vendredi après-midi. C'est d'ailleurs aussi le choix de votre ville, celle de Lyon
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tout à fait.
PATRICK COHEN
Najat VALLAUD-BELKACEM, et les spécialistes disent que ce n'est pas l'idéal. Donc ces activités à Marseille ne seront mises en place que progressivement, ce qui fait que les enfants seront sans doute en week-end dès le vendredi midi. Qu'est-ce que vous en dites ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Plusieurs choses, d'abord, c'est vrai que mon prédécesseur, Benoît HAMON, pour permettre la mise en application à peu près facilitée de cette réforme, avait laissé la possibilité aux communes qui le souhaitaient d'avoir des aménagements, des assouplissements, et de rassembler les activités périscolaires sur une demi-journée, c'est le choix qu'ont fait Lyon, Marseille, en effet, ou d'autres communes. Mais Lyon et Marseille aujourd'hui ne sont pas dans la même situation, Lyon s'est donnée les moyens d'être prête, et donc les activités périscolaires seront disponibles dès la rentrée. Marseille a pris indéniablement beaucoup de retard, c'est de la responsabilité des élus locaux, je vous le dis clairement
PATRICK COHEN
Donc c'est la faute de Jean-Claude GAUDIN et de la mairie ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous le dis clairement, bien sûr, puisque, un projet éducatif territorial a été construit, donc la mairie avait pris des engagements, des responsabilités, qu'elle n'a pas tenus, donc moi, je fais en sorte que les services de l'Education soient aux côtés des acteurs locaux pour trouver des solutions partout où il le faut, et nous sommes évidemment sur cette affaire, mais je demande aux élus locaux de prendre leur responsabilité, encore une fois, ce qui est temps scolaire relève de la responsabilité de l'Etat, les règles valent pour tous, toutes les communes devront appliquer les cinq matinées, mais le périscolaire doit être organisé par les élus locaux en lien avec tous les acteurs du territoire, et nous leur demandons de le faire dans les meilleures conditions pour les familles.
PATRICK COHEN
Que dites-vous des villes qui feront payer les parents pour les activités périscolaires, comme à Nice, 15 euros par mois ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le choix a pu être fait en effet dans quelques villes de faire payer, nous, nous assurons le fait que les activités soient payantes n'excluent pas certaines familles de l'accès à ces activités, c'est le sens de la réforme, donc qu'il y ait une prise en compte évidemment des ressources des familles, dans une ville comme Lyon, qui a choisi de faire payer, cette prise en compte existe bel et bien, donc nous serons très vigilants à ce que, aucune famille ne soit exclue du système.
PATRICK COHEN
Bon, et puis, il y a les communes rebelles, il y a les frondeurs comme au Parti socialiste, ces mairies qui vont fermer leur école le mercredi matin, c'est le cas par exemple dans l'Essonne, où une trentaine de maires ont annoncé qu'ils n'ouvriraient pas l'école mercredi matin, c'est le cas de celui qui était notre invité tout à l'heure, à 07h50, le maire d'Hyères et président de Debout la République, Nicolas DUPONT-AIGNAN. Il explique qu'il n'a pas trouvé le personnel suffisant pour assurer la réforme et ses activités périscolaires. On l'écoute trente secondes et vous lui répondrez ensuite.
NICOLAS DUPONT-AIGNAN, DEBOUT LA REPUBLIQUE
Est-ce que vous croyez que c'est de gaieté de coeur que je vais fermer l'école ? Je préfère désobéir provisoirement au ministre de l'Education nationale que de mettre en danger et d'accueillir des enfants, parce que s'il y a un incident dans mon école, dans mes écoles, qui va aller en prison ? Qui va être responsable devant le code pénal ? C'est moi, le maire ! Donc je demande de la compréhension et de l'intelligence au ministre, laissez un peu de temps pour les communes qui n'ont pas encore l'organisation possible.
PATRICK COHEN
Nicolas DUPONT-AIGNAN, tout à l'heure, sur INTER. Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bon, d'abord, ne pas ouvrir une école, ça revient à empêcher les enfants d'accéder au droit à la scolarisation obligatoire. Donc monsieur DUPONT-AIGNAN, et les maires qui seraient tentés de verrouiller l'accès à une école seront en illégalité totale, puisque je vous rappelle que les collectivités, les mairies en l'occurrence, ont l'obligation de mettre à disposition les locaux pour que l'obligation scolaire puisse tout simplement être rendue possible.
PATRICK COHEN
Ils sont passibles de sanctions ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr qu'ils sont passibles de sanctions, mais
PATRICK COHEN
Quels types de sanctions ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais au fond, ce qui intéresse les parents, ce n'est pas tant les sanctions
PATRICK COHEN
Ça peut aller jusqu'à la révocation en Conseil des ministres ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce n'est pas tant les sanctions dont sont passibles les élus, c'est comment ça va se passer pour mes enfants ? Est-ce que l'école va être ouverte ou pas. Donc je le dis ici, lorsque les maires ne rempliront pas leur mission, les préfets le feront à leur place, se substitueront à eux, c'est la règle en matière d'action publique, le maire doit appliquer la loi, c'est d'ailleurs, je trouve, particulièrement étonnant qu'un maire songe un instant, lui, qui est quand même le garant du respect de la chose publique, à ne pas appliquer la loi, à la violer délibérément, donc je demande aux maires de retrouver leurs esprits
PATRICK COHEN
Délibérément, mais contraint et forcé dit-il parce qu'il ne trouve pas les animateurs pour assurer les activités périscolaires.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais que signifie ne pas trouver les animateurs pour assurer les activités scolaires ? Si ça signifie ne pas avoir
PATRICK COHEN
Du personnel formé
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ne pas avoir les moyens de les payer, je rappelle tout de même que les communes ne sont pas livrées à elles-mêmes pour cette mise en place du périscolaire, que l'Etat a mis la main à la pâte, a mis les moyens qu'il fallait avec le fonds d'amorçage
PATRICK COHEN
Non, non, il parle d'une carence de personnels, de personnels formés pour assurer ce type d'activités.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien écoutez, les intéressés apprécieront. Donc dans ce pays, on n'arrive pas à trouver d'animateurs formés, d'animateurs compétents pour assurer des activités artistiques, culturelles, sportives auprès des enfants, écoutez, franchement, soyons sérieux un instant, je rappelle à nouveau que c'est par enfant 50 euros qui sont mis à disposition par l'Etat pour accompagner cette mise en place des rythmes enfin, du périscolaire, c'est dans les zones rurales, les zones sensibles, les zones urbaines, avec des difficultés, 40 euros de plus, donc on est déjà à près de cent euros qui sont mis à disposition par enfant pour justement payer les animateurs qui vont assurer les activités périscolaires. Donc je crois qu'il faut maintenant que la réforme a été adoptée, qu'elle va être mise en application partout, que nous soyons tous vigilants à prendre nos responsabilités, à le faire dans les meilleures conditions possibles pour aussi rassurer les parents. Et je veux dire aux parents que si nous faisons tout cela, ça n'est pour embêter personne, c'est pour l'intérêt de leurs enfants, c'est pour qu'ils apprennent mieux, c'est pour qu'ils soient plus reposés. Tout le monde sait très bien qu'ils ont le cerveau plus disponible le matin
PATRICK COHEN
Beaucoup ont été fatigués à la rentrée dernière, avec les nouveaux rythmes
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce que toute réforme et tout changement dans les habitudes entraînent forcément des frottements et des difficultés ici et là, je ne les nie pas, au contraire, j'ai demandé à mes services d'être vraiment aux côtés de tous ceux qui ont encore des difficultés, mais nous avons besoin d'avancer, nous avons besoin, nous étions l'un des pays on le sait bien de l'OCDE qui avait le nombre de journées les plus courtes, pour l'apprentissage des enfants, pour les résultats scolaires, pour la performance de notre pays, on sait que ça nous portait préjudice, donc passons à ce qui nous fera réussir.
PATRICK COHEN
On y reviendra tout à l'heure avec les questions des auditeurs de FRANCE INTER qui sont très nombreux sur la question de la réforme des rythmes scolaires. 01.45.24.7000, le standard et le #interactiv sur les réseaux sociaux. Un mot encore, quid d'un chantier lancé par votre prédécesseur Benoît HAMON, celui de l'évaluation des élèves et de la fin de la notation sanction, vous persévérez dans cette voie ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est un chantier auquel je suis très attachée, figurez-vous, et, bien entendu, je le poursuivrai, j'y suis très attachée parce que n'oubliez pas que j'étais auparavant ministre, notamment en charge de la Jeunesse, longtemps élue locale, et je sais trop les effets délétères de la perte de confiance des jeunes à l'école, de l'orientation scolaire subie, de l'échec intériorisé, pour ne pas avoir envie d'ouvrir ce chantier de l'évaluation, et de voir comment on peut avoir une évaluation plus exigeante, qui encourage l'élève, qui le stimule plutôt que de le décourager ou de le reléguer.
PATRICK COHEN
La mallette pédagogique pour éduquer à l'égalité filles/garçons, c'est pour quand ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est pour cette rentrée, nous sommes en train d'y travailler. Les services, la DGESCO, l'Inspection générale de l'Education nationale, comme nous l'avions annoncé avec Benoît HAMON en juin dernier, ont préparé les choses pour que, 1°) : les enseignants soient formés, notamment dans le cadre des ESPE, formés à la question de l'égalité filles/garçons, c'est-à-dire comment traiter, mettre fin à des traitements souvent inconscients, mais différenciés des filles et des garçons qui conduisent on le sait bien à des orientations scolaires différenciées, à une autocensure chez les filles, parfois à un manque de respect entre filles et garçons ; c'est de tout cela que nous voulons traiter, donc les enseignants seront formés à le faire dans les meilleures conditions possibles. Nous ferons en sorte de leur mettre à disposition des outils pédagogiques adaptés, qui leur permettent de théoriser et d'avoir des exemples pratiques pour aborder le sujet avec leurs élèves
PATRICK COHEN
Donc ce sera à disposition dans les prochaines semaines ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, absolument.
PATRICK COHEN
Et dans les programmes à la rentrée d'après, dans un an ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument, il y a la réflexion sur les nouveaux programmes, en effet, avec le Conseil supérieur des programmes, qui va prendre en compte cette donnée, puis, un dernier mot sur ce sujet égalité filles/garçons, comme il a fait couler beaucoup d'encre et que je ne veux plus
PATRICK COHEN
Et ça continue
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et que je ne veux plus revivre de polémiques stériles, les parents seront étroitement associés pour qu'ils soient informés de la démarche dans les conseils d'école, dans les conseils d'établissement, tout cela leur sera présenté et en toute transparence et pour que chaque adulte comprenne bien que c'est de l'intérêt des enfants que nous parlons.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2014