Interview de M. Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "LCI" le 25 septembre 2014, sur l'assassinat de l'otage Hervé Gourdel, sur la surveillance du territoire face aux menaces terroristes, sur la grève des pilotes d'Air-France.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Bienvenue. Première question, j'en ai énormément de questions, c'est normal, j'ai une journée très importante, est-ce que vous partagez l'avis de Christian ESTROSI, pour qu'il y ait une journée de deuil national après ce qui s'est passé ?
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, d'abord, moi, je voudrais dire ce matin la douleur qui est celle de tous les Français après ce crime horrible, je voudrais aussi m'adresser à tous ceux qui sont proches d'Hervé GOURDEL, des gens de son village, de tous ses proches, pour leur dire que c'est des moments extrêmement pénibles, et qu'on est là aussi pour les soutenir. Alors, après, est-ce qu'une décision sera prise ? Ce n'est pas à moi, ce matin…
GUILLAUME DURAND
Je sais, mais est-ce que vous êtes favorable, à titre personnel ?
STEPHANE LE FOLL
A titre personnel, je pourrais avoir tel ou tel avis, c'est une décision qui sera prise, si elle doit être prise, en Conseil des ministres, par le président de la République et le Premier ministre. Donc moi, je ne veux pas…
GUILLAUME DURAND
En Conseil des ministres, donc juste après la sortie de ce studio ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, s'il devait y avoir une décision, elle serait annoncée à ce moment-là. Mais après, je ne peux pas savoir, et je sais que, j'ai vu ça, que monsieur ESTROSI demandait, avait demandé ça hier, je ne peux pas répondre.
GUILLAUME DURAND
D'accord. Deuxième question qui est importante, qui est la question de fond, il y a pour l'instant union nationale autour des frappes, mais est-ce que ces frappes ne sont pas finalement l'accélération du terrorisme, à la fois en France et vis-à-vis des Français à l'étranger…
STEPHANE LE FOLL
Qu'est-ce qui…
GUILLAUME DURAND
… Evidemment que notre communauté, ça concerne volontiers…
STEPHANE LE FOLL
Oui, non, mais je comprends, je comprends parfaitement ce que vous avez dit, d'abord, il y avait des otages avant, il y a eu des otages qui ont été pris, et certains ont été tués, il ne faut pas l'oublier. Déjà, donc cette question du terrorisme et des otages, elle est posée depuis longtemps. La deuxième question qui est posée, c'est que…
GUILLAUME DURAND
Donc GOURDEL n'est pas la réponse à nos frappes de ces dernières heures ?
STEPHANE LE FOLL
C'est ce qui a été dit par les terroristes et ceux qui l'ont assassiné, mais il y a eu des otages, et il y a encore un otage aussi français qui est en Afrique, bon. Le deuxième point, c'est que, aujourd'hui, on a la constitution avec Daech de groupes terroristes qui, entre le Proche-Moyen-Orient et l'Afrique, veulent engager le monde, et ce qu'on peut avoir comme idée du monde par rapport aux rapports humains dans cette espèce de terreur et d'horreur, alors qu'est-ce qu'on fait à partir de là ? On se dit : on fait le moins possible, on essaie d'éviter d'être un jour, alors que je l'ai dit, je l'ai rappelé, il y a eu des otages, un jour, on peut éviter d'être devant ce qui vient de se passer, devant cette horreur, ou alors, on se dit que le terrorisme, ce terrorisme, cette horreur, de toute façon, si on ne lutte pas contre, elle nous rattrapera, elle nous a déjà rattrapés, elle nous rattrapera. Donc la détermination est d'autant plus forte, le président de la République l'a dit, que, après ce qui vient de se passer, il y a de toute façon un combat qui est à conduire, parce que derrière, il y a de toute façon des risques énormes…
GUILLAUME DURAND
Donc on continue ?
STEPHANE LE FOLL
Donc on continue.
GUILLAUME DURAND
Question, est-ce qu'il faut, puisqu'il s'agit d'union nationale, que le gouvernement retienne un certain nombre d'amendements de l'opposition concernant la loi CAZENEUVE, c'est-à-dire que, effectivement, les gens qui reviennent ne reviennent pas, c'est-à-dire ceux qui ont combattu ou ceux qui ont été en Syrie, comme par exemple les trois qui sont passés à la frontière à Marseille, qu'ils ne reviennent plus en France, et qu'ils soient définitivement expulsés ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien…
GUILLAUME DURAND
Ou qu'on leur retire la nationalité française, ça fait partie des amendements ?
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, je n'ai pas suivi le débat, j'ai vu qu'en première lecture, il y a eu un vote unanime, unanime, donc on est quand même sur une ligne d'unité nationale qui est absolument nécessaire aujourd'hui. Elle est nécessaire, parce que la cause contre laquelle la France s'est engagée avec ses alliés est une cause qui mérite cette union, et puis, parce que c'est dangereux…
GUILLAUME DURAND
Et est-ce que CAZENEUVE doit regarder ces amendements avec attention, compte tenu du contexte ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, moi, je ne sais pas…et alors, en admettant, je n'ai pas regardé exactement ce que c'est que cet amendement. On empêche ou on dit : ceux qui sont partis ne reviennent plus, bon, on prend un risque, c'est qu'ils reviennent en dehors des circuits qui peuvent être surveillés…
GUILLAUME DURAND
Ça, ça prouve que le territoire est mal surveillé, alors, c'est ce qui s'est passé avec Keops…
STEPHANE LE FOLL
Mais attendez, attendez…
GUILLAUME DURAND
C'est ce qui s'est passé à Marseille…
STEPHANE LE FOLL
Monsieur DURAND, non, ce n'est pas ce qui s'est passé à Marseille, là, il y a eu un problème qui a été parfaitement identifié, mais je veux dire, le fait de dire : on ne veut plus que ceux qui sont partis reviennent, c'est ça l'amendement ? Je ne sais pas, je ne l'ai pas regardé…
GUILLAUME DURAND
Oui, il y en a plusieurs, oui, absolument.
STEPHANE LE FOLL
Bon. Et ça, ça…
GUILLAUME DURAND
Voire déchéance de la nationalité pour ceux qui ont combattu…
STEPHANE LE FOLL
Ça, c'est une chose, il y a autre chose, c'est-à-dire que ceux qui reviennent et qui ont conduit cette guerre sont dans les mains de la justice, c'est ça qui est aujourd'hui le cas, sont jugés et sont condamnés, est-ce que aller plus loin, ça résout le problème ? Moi, je pense aussi que, on a besoin – parce que ce sont des ressortissants français qui partent – de traiter cette question, non seulement de la traiter, pour empêcher que des jeunes partent aujourd'hui, traiter cette question pour empêcher que sur des réseaux sociaux, on ait toutes ces images de propagande qui font que certains jeunes finissent par céder, et troisièmement, que lorsque ceux qui sont allés sur place combattent et reviennent, ils soient saisis, arrêtés et qu'ils soient jugés. Enfin, c'est ça le principe. Alors après, les amendements, je ne les ai pas regardés. Le débat, je le rappelle, à l'Assemblée, a permis l'unité et une majorité large.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que des décisions vont être prises pour protéger les intérêts français dans le monde entier ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien, des décisions, il y a un Conseil…
GUILLAUME DURAND
Et est-ce que le plan Vigipirate va être accéléré d'une manière plus dense en France ?
STEPHANE LE FOLL
Le plan Vigipirate fonctionne, le plan Vigipirate est à son maximum, toutes les mesures de protection doivent être prises, que ça soit sur le territoire français ou à l'étranger, pour les Français qui vivent à l'étranger, c'est la responsabilité du gouvernement, de l'Etat, de l'ensemble des services, et je sais qu'ils sont tous mobilisés.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il y a les opérations des services qui vont poursuivre leur enquête pour trouver les assassins de Hervé GOURDEL ? Je sais que c'est compliqué…
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr ! Je veux dire, ce qu'a dit le président de la République, avec le contact qu'il a eu avec le Premier ministre algérien, c'est que tout sera fait pour retrouver les assassins. Tout, jusqu'au bout ! Ces gens qui ont fait ce qu'ils ont fait doivent être trouvés et châtiés, ça a été dit.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'on est bien d'accord qu'il n'y aura toujours pas d'intervention militaire terrestre, ce matin ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, ça a été rappelé de manière très claire par le président de la République.
GUILLAUME DURAND
Question – alors là, on change de domaine, et nous parlons d'AIR FRANCE – est-ce qu'on ne fait pas une erreur avec le gouvernement, que vous représentez, en soutenant finalement la grève des pilotes par rapport au projet qui est celui de la direction d'AIR FRANCE, qui était TRANSAVIA Europe ; on arrête tout pour ramener le calme, mais on arrête aussi peut-être AIR FRANCE ?
STEPHANE LE FOLL
Il y a un sujet stratégique pour la compagnie AIR FRANCE, c'est le positionnement sur ce qu'on appelle les vols low cost, il y avait un projet qui – si j'ai bien compris – avait un volet avec une compagnie qui aurait été avec un statut non français, sachant que AIR FRANCE aujourd'hui est plutôt de statut, je crois, néerlandais…
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que le gouvernement ce matin est content qu'on ait abandonné ce qui paraissait comme étant la survie d'AIR FRANCE ?
STEPHANE LE FOLL
Je continue, la survie d'AIR FRANCE, c'est que les vols reprennent, parce que ça coûte, je ne sais plus, quinze ou vingt millions par jour pour AIR FRANCE, qui devait, cette fois-ci, cette année, retrouver des bénéfices, après avoir perdu de l'argent pendant les cinq dernières années. Donc il y a une responsabilité pour tout le monde, l'Etat, parce que c'est une entreprise française, une grande entreprise française, avec une image AIR FRANCE, de la part des pilotes, depuis le départ, où on appelle au dialogue, et à la responsabilité des pilotes, Manuel VALLS s'était exprimé de manière très claire…
GUILLAUME DURAND
Mais il a dit plusieurs fois : il faut que la grève s'arrête !
STEPHANE LE FOLL
Il faut que la grève s'arrête, elle doit s'arrêter…
GUILLAUME DURAND
Sauf que là, on fout en l'air le plan de développement d'AIR FRANCE par TRANSAVIA…
STEPHANE LE FOLL
Elle doit s'arrêter. Maintenant, il y a eu des propositions qui sont faites, c'est-à-dire, TRANSAVIA a été repensée sur la proposition qui a été faite par le PDG d'AIR FRANCE, sur une entreprise TRANSAVIA France, parce que stratégiquement, la question des vols low cost est un enjeu stratégique pour AIR FRANCE.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais ce que je voulais vous poser comme question…
STEPHANE LE FOLL
J'ai bien compris…
GUILLAUME DURAND
Non, mais est-ce que vous cédez à la pression des pilotes…
STEPHANE LE FOLL
On ne cède pas à la pression des pilotes, on a en face de nous – enfin, c'est quand même un vrai sujet – on a en face de nous une grève qui dure depuis dix jours, avec une entreprise qui est une entreprise majeure, qui avait fait des efforts, qui devait retrouver des bénéfices à partir de cette année, et là, on est bloqué, bloqué sur un projet qui – je le dis – stratégiquement, est important pour l'entreprise. Alors, il faut qu'on trouve les voies et les moyens pour que l'entreprise AIR FRANCE puisse avoir ce prolongement de son activité sur les vols low cost, il faut trouver un accord et en même temps, les pilotes ont une responsabilité…
GUILLAUME DURAND
D'accord, les pilotes, vous leur demandez d'arrêter la grève ce matin ?
STEPHANE LE FOLL
On leur demande, ça a été dit, je le répète, que cette grève s'arrête maintenant.
GUILLAUME DURAND
Question, est-ce que vous approuvez ou pas, enfin, est-ce que vous allez donner une suite aux propositions du MEDEF en matière d'emplois, parce que le chômage, on a obtenu des bons chiffres du chômage pour une fois, allais-je dire, le MEDEF dit : maintenant, il faut accélérer la modification du code du travail, je ne vais pas redonner le détail, est-ce que vous retenez ces propositions ou est-ce que vous les jetez, comme ça a été le cas par tous les porte-paroles qui se sont exprimés jusqu'à présent du gouvernement, ou de la gauche en général ?
STEPHANE LE FOLL
Bon, d'abord…
GUILLAUME DURAND
Et on terminera avec votre secteur, l'agriculture…
STEPHANE LE FOLL
Oui, les bons chiffres du chômage, tant mieux, mais ce n'est pas ça qui fait la tendance générale, là-dessus, il faut qu'on soit clair, c'est les chiffres aussi de l'INSEE, il y a une stabilisation à 9,7% du chômage, au sens du bureau international du travail, c'est aussi… comment dirais-je… il y a une stabilisation qu'on constate, c'est mieux pour tous ceux qui cherchent un emploi, et moins il y a de gens inscrits à Pôle emploi, mieux c'est. Donc après, il faut regarder tout ça sur la…
GUILLAUME DURAND
Mais vous allez les regarder ou vous les rejetez les propositions du MEDEF ?
STEPHANE LE FOLL
Mais les propositions du MEDEF, d'abord, s'il y a eu une baisse sur le chômage, ce n'est pas en écoutant monsieur GATTAZ, il y a aussi des mesures qui ont été prises, est-ce qu'on peut, à un moment, de la part du président du MEDEF avoir un engagement, par rapport à ce qui a été fait par le gouvernement, 41 milliards sont mis sur la table sur les trois ans, pour les entreprises, moi, hier, j'étais – vous l'avez vu – en rendez-vous avec la filière légumière, sur cette filière spécialisée, l'année prochaine, des baisses de charges qui seront proposées seront équivalentes à deux millions d'euros pour les spécialisées, les seuls producteurs, plus un crédit d'impôt à hauteur de neuf millions d'euros de baisses, qui vont être directement données à ces entreprises pour être plus…
GUILLAUME DURAND
Donc si je vous comprends bien, tout ce qui est dans le plan actuel est suffisant, on ne va pas aller vers la diminution du Smic, la…
STEPHANE LE FOLL
Mais écoutez, mais, est-ce que monsieur GATTAZ… et heureusement que des chefs d'entreprise, j'en ai vu hier, et on a mis en place un plan sur l'agroalimentaire et l'agriculture, avec monsieur GENESLAY, pour le suivi du pacte de responsabilité, heureusement qu'il y a des patrons qui s'engagent aujourd'hui, déjà, à embaucher et à se donner des perspectives, au lieu d'agiter les médias tous les jours, avec des propositions où, qu'est-ce qu'il est dit ? Il faut remettre en cause un certain nombre de choses, sachant très bien que pour les syndicats, qui sont les négociateurs dans les branches, c'est inacceptable, est-ce que monsieur GATTAZ pourrait arrêter, arrêter ses provocations et se mettre autour d'une table pour travailler ? Donner cette confiance dont on a besoin ! Pour les entreprises d'ailleurs !
GUILLAUME DURAND
Vous allez donner de l'argent aux légumiers bretons, on l'a évoqué, est-ce que vous allez traduire devant les tribunaux ceux qui ont tout cassé à Morlaix ?
STEPHANE LE FOLL
Mais la justice a été saisie par rapport à ce qui s'est passé à Morlaix, à Morlaix, c'est les impôts, et c'est la MSA qui a été touchée et brûlée, et je l'ai dit d'ailleurs à propos de la MSA, parce que je suis ministre de l'Agriculture, la Mutualité Sociale Agricole, je voudrais le répéter, on dit toujours : charges…
GUILLAUME DURAND
Ce sera votre dernier mot…
STEPHANE LE FOLL
Oui, ce sera le dernier mot. On dit toujours charges, charges, derrière la Mutualité Sociale, il y a des cotisations, oui, il y a des cotisations, mais pour se protéger de la maladie, des accidents du travail, s'il n'y avait pas la MSA, il faudrait que les agriculteurs s'assurent, et s'assurer pour la maladie, s'assurer pour les accidents du travail, je leur dis à chaque fois, ça coûterait beaucoup plus cher. Donc il faut arrêter aussi de dire charges, il faut dire cotisations, il faut dire solidarité, il faut dire mutualisme !
GUILLAUME DURAND
Stéphane Le FOLL set ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement. Merci beaucoup. Bonne journée à vous.
STEPHANE LE FOLL
Merci à vous.
GUILLAUME DURAND
UN CONSEIL DES MINISTRES ET UN CONSEIL DE DEFENSE DONC DANS LA MEME JOURNEE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2014