Déclaration de Mme Carole Delga, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, sur la place du tourisme dans l'économie, Paris le 1er juillet 2014.

Prononcé le 1er octobre 2014

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontres parlementaires sur le tourisme, sur le thème "Et si le redressement passait par le tourisme", à Paris le 1er juillet 2014

Texte intégral

Intervention de Mme Carole Delga
Secrétaire d'Etat chargée du Commerce,
de l'Artisanat, de la Consommation
Monsieur le secrétaire général de l'OMT, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, le tourisme n'est pas un sujet anecdotique en France, qui reste le pays le plus visité au monde. Le tourisme est plus qu'un simple vecteur économique : c'est un élément essentiel du rayonnement de la France, et donc de notre identité. Nous pouvons être fiers de cette image que nous renvoient les touristes du monde entier : la France est un beau et grand pays. Notre nation est un puzzle harmonieux de territoires riches de leur diversité, et complémentaires. La France a su devenir une destination incontournable des touristes. Nous ne devons pas pour autant nous endormir sur nos lauriers, mais nous devons au contraire agir efficacement pour que la France conserve cette place, car des défis devront être relevés dans les prochaines années.
Rappelons quelques chiffres à même de caractériser l'impact du tourisme en France. Nous sommes la première destination au monde, avec 83 millions de touristes étrangers sur notre sol en 2012. Toutefois, la France n'arrive qu'en troisième position en termes de recettes. Les entreprises rattachées au secteur du tourisme – les hébergements, la restauration traditionnelle, les débits de boisson, les agences de voyages et voyagistes – représentaient plus de 273 000 entreprises employant plus d'un million de salariés en équivalent temps plein, selon une étude de l'Insee de 2011. Ces données ne comptabilisent pas toutes les entreprises ni toutes les activités induites dont on estime qu'elles supportent au moins autant d'emplois. Le tourisme est ainsi créateur d'emplois.
Vous m'invitez à ouvrir vos débats autour de deux thèmes qui sont chers à mon ministre de tutelle, Arnaud Montebourg : je veux parler de l'industrie et du redressement. Nous sommes pleinement engagés auprès des professionnels du tourisme. Ce secteur répond à tous les critères qui caractérisent une industrie : un produit de sortie unique et exceptionnel, une expérience qui fabriquera un souvenir durable, et de préférence agréable. Chaque séjour touristique, pour permettre ce résultat, combine ainsi des composants multiples : activité, hébergement, transport, restauration. L'industrie touristique est leader dans l'économie française, et la consommation touristique intérieure représente 7,35 % du PIB. La France est non seulement la première destination internationale au monde, mais également celle qui a la préférence de nos propres concitoyens. Il est important de s'intéresser à la composition de ces 7,35 % du PIB. La consommation des touristes français représente à elle seule 4,87 % du PIB, contre 2,47 % de PIB pour les touristes étrangers. Nos concitoyens privilégient donc leur propre pays, à l'inverse de ce que l'on observe chez d'autres nations. Les Français partent aussi à la découverte d'autres pays, mais leur attachement à leur propre territoire est très fort.
L'industrie française du tourisme doit néanmoins réagir. De nombreux défis se posent à nous. La concurrence s'accroît, et depuis plusieurs années, la France ne bénéficie plus autant que par le passé de la croissance du tourisme mondial. S'il s'agit d'une question majeure concernant l'attractivité de notre destination, qui concerne également nos concitoyens à qui nous devons une offre d'excellence, ce sujet est également sensible pour les territoires qui connaissent de grandes inégalités face aux retombées économiques touristiques. Le gouvernement s'est très largement mobilisé autour du tourisme. Comme je l'ai annoncé lors de la clôture des Assises du tourisme, le ministère de l'économie, du Redressement productif et du Numérique défendra un ensemble de nouvelles actions aux côtés de celles déjà déclinées par les ministères sectoriels, et rappelées par Laurent Fabius. Nous souhaitons doter la filière d'un comité stratégique, à l'image de celui mis en oeuvre pour les secteurs prioritaires et adaptés à sa spécificité. Cette spécificité devra tenir compte du fait que ce secteur est composé d'acteurs de toutes natures et de toutes tailles. Il conviendra de bâtir une feuille de route inclusive qui ne laisse personne de côté.
Rappelons rapidement les cinq axes stratégiques exposés par Laurent Fabius, et qui font ensuite l'objet de trente mesures concrètes : le développement d'une offre touristique de qualité diversifiée ; l'amélioration de l'accueil ; le développement du numérique ; le renforcement de la formation – outil essentiel pour un meilleur accueil et des prestations de qualité ; et enfin l'accessibilité aux vacances, y compris pour les ménages les plus modestes. Cette dernière question, particulièrement importante, permet de fédérer les Français. Le ministère de l'économie, du Redressement productif et du Numérique ne manquera pas d'y ajouter un certain nombre de mesures en faveur de la compétitivité.
C'est ce souci d'équité qui nous conduira à déployer un nouvel outil de structuration de l'offre parallèlement aux contrats de destination, davantage réservés aux territoires à visibilité internationale. Il est nécessaire, dans le cadre d'une équité territoriale, d'avoir des contrats qui permettent à un échelon plus local de décliner les atouts, de les mettre en valeur et de les faire reconnaître de façon complémentaire à ces contrats de destination qui sont des aimants sur le plan touristique au niveau international. Nous accorderons, en outre, une attention particulière au taux de départ en vacances, car le gouvernement et le président de la République sont convaincus que l'objectif de 100 millions de visiteurs internationaux ne doit pas se traduire par un désintérêt pour le tourisme des Français, qui continuera à être encouragé. Conformément à sa mission, le ministère continuera à travailler aux dispositions nécessaires pour inscrire de manière pérenne tous les acteurs économiques dans une économie créatrice de valeur et contributive à la société.
Comme cela a été annoncé, les mesures en cours de finalisation par les services pourront prospérer dans le cadre du projet de loi d'habilitation qui permet au gouvernement de légiférer par ordonnance, ce aux fins de simplifier l'environnement économique des entreprises. Il devrait aboutir d'ici à la fin de l'année. Je vous invite donc à partager ce programme de travail, qui ne pourra être collectif que si vous participez ; son succès dépend d'ailleurs précisément de son caractère collectif. Dans ce contexte économique difficile, il peut être tentant de baisser les bras. Si les Français doutent d'eux et n'ont pas confiance en l'avenir, il est urgent de nous remobiliser et de reconsidérer l'image que nous renvoient les touristes venus du monde entier, qui se bousculent dans notre pays pour y découvrir l'art de vivre à la française. Pour des dizaines de millions de visiteurs, la France est un pays qui fait rêver. Ne perdons pas de vue cet élément qui doit être à même de nous redonner confiance.
Le redressement du pays peut passer par le tourisme. Je suis ravie d'observer que nous nourrissons des préoccupations communes et que nous pouvons unir nos forces en faveur de ce secteur essentiel qu'est le tourisme. Je vous assure de la détermination du gouvernement pour développer ces secteurs. Nous pourrons agir en ce sens de manière collective et volontaire.
PASCALE GOT, députée de la Gironde
Merci, madame la ministre. Le tourisme a pris un nouvel élan – du moins si l'on en croit l'organisation gouvernementale, avec plusieurs ministères concernés. Il serait intéressant de savoir comment va s'articuler la politique touristique entre les différents ministères, notamment avec Fleur Pellerin ou encore avec Axelle Lemaire s'agissant du numérique. Pouvez-vous nous en dire plus sur la déclinaison de cette politique et le rôle de chacun ?
CAROLE DELGA
Les décrets d'attribution prévoient clairement que le ministère des Affaires étrangères oeuvre à la promotion à l'international du tourisme. Il doit pouvoir mener des actions qui facilitent la communication de l'image France à l'international, en utilisant de manière complémentaire Atout France et le réseau des ambassades. Il participe également à l'élaboration de produits touristiques innovants et attractifs. Dans notre ministère, dirigé par Arnaud Montebourg, le suivi des professionnels, la nécessité de remettre à niveau les équipements touristiques, la simplification des normes et le tourisme social sont autant de sujets de préoccupation. Le tourisme est un secteur transversal, ce qui justifie la cohérence de l'intergouvernementalité, qu'il faut encourager. Les touristes qui visitent notre pays sont Français, mais aussi internationaux, et il est dès lors nécessaire de disposer de produits qui correspondent à cette visibilité internationale, mais également à une nécessité d'ancrage territorial, afin de renforcer l'identité de la France. Nous avons commencé à travailler ensemble, Laurent Fabius, Fleur Pellerin et moi-même, concernant le projet de loi par habilitation, pour pouvoir légiférer en matière d'ordonnance. L'information circule de manière fluide entre nos cabinets. L'aspect numérique sera pris en charge par Axelle Lemaire, en coordination avec Fleur Pellerin.
PHILIPPE LEFEBVRE
La semaine dernière, lors des Assises du tourisme, les acteurs du secteur avaient le moral, et se réjouissaient de la perspective de voir ainsi quatre ministres chargés de s'occuper d'eux. Quelques jours plus tard, cet enthousiasme est vite retombé, avec l'hypothèse de voir la taxe de séjour passer de huit euros à dix euros pour Paris – une hausse destinée à financer les travaux du Grand Paris. Avec ce dispositif, les députés n'ont-ils pas porté un coup au tourisme français ?
CAROLE DELGA
Je suis familière des initiatives parlementaires en tant qu'ex-députée. Je regrette que ces amendements aient été déposés, comme j'ai déjà pu l'expliquer aux professionnels. En effet, un rapport est en cours en ce moment même sur la fiscalité des hébergements touristiques, à la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Il aurait été utile de pouvoir attendre les conclusions de ce rapport pour pouvoir disposer d'une vision d'ensemble sur tous les hébergements touristiques.
Actuellement, la taxe de séjour pose problème. Il peut exister une iniquité dans l'application de cette taxe selon les différents modes d'hébergement touristique en France. Or précisément, cette question a été abordée par la commission en charge du rapport. Avant d'augmenter la taxe de séjour, il aurait fallu s'assurer au préalable de son équité. Par ailleurs, affirmer que l'on augmente la taxe de séjour et qu'un complément est prévu par l'intermédiaire d'une taxe régionale est un signal défavorable adressé aux touristes internationaux. Enfin, il faut rappeler qu'en France, près de 60 % des touristes sont des Français. Il est inexact de dire que la contribution viendra principalement des touristes internationaux. D'autre part, les transports ne sauraient être financés au coup par coup par nous-mêmes ; il ne s'agit certainement pas de la bonne méthode. Je respecte l'initiative parlementaire, mais je regrette que ces mêmes députés n'aient pas attendu les conclusions du rapport sur la fiscalité de l'hébergement touristique. Une réforme était à mener sur la taxe de séjour, telle avait d'ailleurs été ma position devant la commission. Une taxe de séjour plus équitable, plus proportionnée est à imaginer. M. Faure s'est dit ouvert à une discussion, donc Laurent Fabius, Arnaud Montebourg et moi-même tâcherons de rappeler la nécessité d'une cohérence sur le secteur du tourisme et d'une fiscalité de l'hébergement qui soit équitable et proportionnée.
DANIEL FASQUELLE, député du Pas-de-Calais
En effet, augmenter le plafond de la taxe de séjour ou financer les investissements du transport par les acteurs du tourisme est une très mauvaise idée. Si les emplois ne sont pas délocalisables, les clients le sont. Pour les attirer en France, le prix des séjours doit être compétitif, or la question de la fiscalité sur ce sujet est très importante. Étant donné la situation financière des communes françaises, un déplafonnement constituerait une aubaine pour de nombreux maires et l'occasion d'une très forte hausse. Il faudra donc remettre à plat ces questions, d'autant plus que dans ce secteur les entreprises doivent investir en permanence et que la main d'oeuvre y est importante.
En ce qui concerne les agences de réservation en ligne, nous rendrons prochainement notre rapport et j'aimerais savoir si Carole Delga s'y intéresse. Concernant l'image de la France, je dirais qu'il importe de l'entretenir et de la mettre en adéquation avec les attentes des clients, au risque que ces derniers s'en détournent. Je m'inquiète car, chaque année, le budget d'Atout France et de la promotion de la destination France est réduit ; droite et gauche doivent se mobiliser, car la dépense dans ce secteur rapporte de l'argent ultérieurement : c'est un investissement utile. J'aimerais connaître le point de vue de Carole Delga sur ce sujet.
CAROLE DELGA
Il est nécessaire de maintenir une politique offensive en matière de promotion de l'image de la France à l'international, y compris avec des images plus modernes qui montrent à quel point la France propose un panel d'offres diverses et complémentaires. Au niveau de mon secrétariat d'État, je prône le maintien des moyens d'Atout France.
Les réservations en ligne sont un sujet complexe sur le plan de notre intervention juridique. Nous devons faire des propositions afin d'obtenir plus d'égalité entre les opérateurs en évitant le déséquilibre entre les prestataires hôteliers et les grandes centrales de réservation. Cela nécessitera un ciselage juridique très délicat. Nous attendrons les conclusions des députés afin de trouver une solution solide sur ce plan.
Source www.veilleinfotourisme.fr, le 13 octobre 2014