Interview de M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale à France-Inter le 3 septembre 2013, sur la rentrée scolaire et les réformes avec notamment les activités périscolaires et les rythmes scolaires.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN
Avant de parler d’éducation, la Syrie, avez-vous consulté les documents de nos services de renseignements qui attribuent à Bachar EL-ASSAD l’attaque chimique du 29 août ?
VINCENT PEILLON
Je les ai vus, oui.
PATRICK COHEN
Qu’en avez-vous pensé ?
VINCENT PEILLON
Je pense que nous sommes face à une horreur historique, qui contredit tous nos principes et les principes de la communauté internationale. Il y a des débats qui prolifèrent comme d’habitude, sur l’accessoire, sur le débat, des gens qui voudraient mettre en cause des preuves matérielles, qui sont apportées. Ce n’est pas sérieux. Nous avons une question majeure qui est de savoir comment, lorsque nous avons tenté de construire un ordre international avec toutes ses faiblesses, nous le faisons respecter. Il s’agit de vies humaines, il s’agit de pratiques qui déjà sont horribles, mais si elles se reproduisaient, si elles n’étaient pas sanctionnées. Donc nous avons cette question et chacun voit qu’elle est difficile parce que le jour d’après sur le plan politique, sur le plan militaire, n’est pas clair et parce qu’il y a une forme de paralysie à ce moment de la communauté internationale. Ce n’est pas un bon moment d’ailleurs, pour la communauté internationale. La position de la France, celle du président HOLLANDE est courageuse, elle est responsable. Nous avons maintenant à construire une solution pour ne pas perdre l’essentiel. Car on ne pourra pas dire « je ne savais pas. » Je vois certains qui tenteraient encore ce matin, de dire « on ne savait pas » nous étions sourds et aveugles. Non ! Nous ne sommes pas sourds et aveugles. Et cette responsabilité, elle appartient à la nation, et bien sûr au président de la République évidemment, et à chacun d’entre nous. Nous sommes face à une décision très difficile et je crois que nous devons sans doute être habiles. Il y a beaucoup de gens habiles, j’entends ces derniers jours. Mais nous devons aussi voir quels sont les principes, et ce que nous ne pouvons pas accepter.
PATRICK COHEN
La décision appartient au président de la République de part la Constitution, à la nation avez-vous dit, peut-être un peu aux parlementaires. Est-ce qu’un vote au Parlement, ne donnerait pas une plus large assise à une éventuelle intervention, Vincent PEILLON.
VINCENT PEILLON
Il y aura demain, un débat au parlement, c’est important…
PATRICK COHEN
Sans doute.
VINCENT PEILLON
Vous soyez, on a vu sans vote, c’est notre tradition. Maintenant, le temps de cette action est plus long que ce qui était prévu initialement, et il ne faut fermer aucune porte. Mais le premier moment, c’est que chacun aille chercher dans sa conscience, les raisons profondes d’une inaction ou d’une action. Je suis partisan de l’action.
PATRICK COHEN
La rentrée scolaire, Vincent PEILLON, pour 12 millions d’élèves aujourd’hui, avec une modification des rythmes, une semaine de 4 jours et demi, pour 22 % d’entre eux, seulement. Et ici et là, l’inquiétude des parents, dont les enfants seront confiés à des animateurs et pas à des enseignants, 3 heures par semaine. Que savez-vous de ce que les communes ont mise en place pour ce qu’on appelle le temps périscolaire ?
VINCENT PEILLON
D’abord les enfants ne sont pas confiés 3 heures de plus à des animateurs, comme on dit d’ailleurs avec un ton dépréciatif à l’égard des animateurs, qui n’est pas correct, puisque les enfants sont repris par l’école 3 heures le mercredi matin. Et le mercredi matin, ils étaient confiés à des animateurs ou ils étaient gardés chez eux. Toute la réforme vise au contraire à donner davantage de temps public à nos enfants, un meilleur temps scolaire. Même nombre d’heures, on n’enlève pas un quart d’heure, on le répartit autrement, pour qu’il soit meilleur pour apprendre à lire, écrire et compter. C’est la mission que le président de la République nous a confié avec la refondation de l’école. Que les petits Français apprennent mieux à l’école, pour mieux apprendre, il faut du meilleur temps scolaire.
PATRICK COHEN
Il n’y aura pas d’heures de cours en plus, Vincent PEILLON ? Il est réparti différemment ?
VINCENT PEILLON
Non, il n’y en a pas en moins, voilà. C’est ce que je viens de dire, alors que vous aviez dit qu’il y avait plus de… et sur le temps périscolaire, alors aujourd’hui, seul 20 % des enfants ont droit à un temps périscolaire éducatif, payant d’ailleurs. Par exemple, le mercredi matin, quand vous emmenez vos enfants au centre aéré. Aujourd’hui, c’est 80 % des enfants avec cette réforme qui pourront avoir accès à ces activités périscolaires, culturelles, sportives, aides aux devoirs. Et elles doivent être gratuites puisque nous avons prévu les financements à la fois des financements d’Etat qui n’ont jamais existé dans ce pays et des financements de la Caisse Nationale d’Allocations Familiales, qui dit bien, les parents ne doivent pas payer un euro, pour que nous, nous apportions 50 euros, la caisse. Donc c’est un progrès à la fois scolaire et périscolaire. Et c’est important, parce que vous avez entendu le sujet tout à l’heure, sur votre antenne de cet enfant en souffrance, avec cette mère qui parle, nous avons besoin d’un système et d’une mobilisation de toute la nation qui soit plus forte. Et d’un système plus accueillant, plus bienveillant à l’égard des enfants.
PATRICK COHEN
Activités culturelles et sportives, avez-vous dit, partout ! Il n’y aura pas de garderie comme l’a dénoncé le SNUipp dans un rapport, ils ont interrogé 2000 communes et 2000 écoles et ils disent que dans certains endroits quasiment rien n’est prévu, sauf simplement de la garderie ?
VINCENT PEILLON
Les activités périscolaires en France, ne sont pas obligatoires et sont déjà très différentes, selon les communes. Si vous allez à Lyon ou si vous allez dans une commune rurale, on parle du périscolaire, vous interrogez d’ailleurs le ministre de l’Education nationale du scolaire, sur du temps qui n’est pas du temps scolaire obligatoire, mais qui est du temps d’activité de loisirs périscolaires. Les inégalités aujourd’hui vont de 1 à 10. Je pense qu’avec cette réforme, elles seront diminuées par des multiples. J’évoquais tout à l’heure 4ou 5. Donc c’est une très grande réforme de justice. Est-ce que c’est différent selon les endroits ? Evidemment ! Ce n’est pas le temps scolaire obligatoire, donc vous pouvez choisir ici de faire de la peinture, choisir ici d’aller visiter un monument historique, choisir ici de faire de l’aide aux devoirs. Et malgré tout, quand il s’agit de millions d’enfants, de milliers d’école, il est assez naturel qu’il ait une diversité. Notre rôle, c’est de faire, qu’il y ait la meilleure offre éducative pour tous les enfants, péri-éducative. De ce point de vue, franchement, je fais confiance quand même aux élus et même aux familles pour faire pression sur les élus. Ce qu’il faut, nous y avons mis les moyens, c’est que ce temps périscolaire offert à tous les enfants, y compris ceux des milieux plus défavorisés, ce n’était pas le cas, soit le meilleur possible.
PATRICK COHEN
Et l’an prochain, c’est certain, tous les élèves seront aux 4 jours et demi ? C’est certain ?
VINCENT PEILLON
Il le faut ! Il le faut ! Pourquoi, il y a 25 % d’enfants qui sont en difficulté à l’entrée au collège ? Pourquoi nous sommes le pays brocardé dans le monde entier pour l’accroissement des inégalités ? Pourquoi nous sommes le pays, le deuxième dans le monde, dans lequel les enfants éprouvent le plus de souffrance à l’école ? Ou on change les choses, formation des enseignants, on l’a mis en place. Révision des programmes, on est en train de le faire. Numérique à l’école, nous sommes en train de le faire et aussi du temps scolaire, car je le redis : 6 heures de classe par jour, pour un élève de CP, seulement 144 jours par an, il n’y a qu’en France que l’on fait ça, c’est mauvais de l’avis de tout le monde, il faut changer.
PATRICK COHEN
144 jours, avez-vous dit par an, contre 208 en Allemagne, pour les spécialistes, le problème reste entier. Vous avez définitivement renoncé à vous attaquer aux vacances scolaires, le temps des vacances scolaires ?
VINCENT PEILLON
Ce n’est pas bien, ce n’est pas bien de dire ça. Je vous le dis.
PATRICK COHEN
Qu’est-ce qui n’est pas bien ?
VINCENT PEILLON
On passe de 144 jours avec la réforme dont nous parlons ensemble tous les deux à 180 donc le problème ne reste pas entier. Nous venons de progresser en rajoutant cette demi-journée, nous venons de progresser de façon considérable et voyez les résistances du pays ! De tout le monde ! Donc sur les 200 qui ne sont pas la moyenne, la moyenne européenne est de 187, nous, nous rapprochons. Mais qu’est-ce que nous faisons aussi, nous donnons à nos enfants ce que nous avions, nous ! Car tous les arbitrages français depuis 20 ans, ce sont des arbitrages contre la jeunesse, on se permet de leur faire subir, des choses que nous n’avons pas subi. Vous savez même, pour les plus vieux d’entre nous, qu’il y avait 5 jours pleins de classe et beaucoup de spécialistes les demandent. Nous sommes au début d’une grande réforme. On fait le premier pas dans la bonne direction, je vous promets, qu’il y en aura d’autres.
PATRICK COHEN
D’autres, y compris les vacances scolaires, les vacances d’été ? Oui ? Non ?
VINCENT PEILLON
Tous les sujets sont sur la table.
PATRICK COHEN
Sont sur la table, mais pas forcément traités. 7500 postes d’enseignants supplémentaires en cette rentrée. Dans les zones prioritaires avez-vous dit, dans les ZEP, dans les zones rurales, est-ce que c’est la garantie pour les parents que les profs absents ne resteront plus non-remplacés pendant des semaines, voire pendant des mois ?
VINCENT PEILLON
Vous savez, c’est toujours pareil, il faudrait que tout soit blanc ou que tout soit noir. Non ! Simplement, il y a un moment on avance dans la mauvaise direction, on supprime des postes, on les prend sur les enseignants qui ne sont pas devant les élèves, donc les remplaçants. Donc on a diminué de plus de 5000 le potentiel de remplacement sous la droite. Nous, cette année, nous avons mis sur le remplacement, 1000 postes. Est-ce que 1000 postes ça va résoudre tous les problèmes ? Non. Est-ce que ça va améliorer ? Certainement. Est-ce qu’il faudra continuer ? Bien entendu.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 septembre 2013