Texte intégral
Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames
et Messieurs les Représentants des travailleurs et des employeurs,
Permettez-moi d'abord, au nom du gouvernement français, de vous féliciter, Madame la Présidente, pour votre élection à la présidence de cette 89ème session de la Conférence et pour le rôle que vous y jouez.
Je suis très heureuse de participer à cette session plénière consacrée à l'examen du rapport global sur le suivi de la Déclaration de l'OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Je remercie et je félicite le directeur général pour la qualité de ce rapport sur le travail forcé.
Il faut le rappeler sans cesse le travail forcé ou obligatoire est intolérable. C'est la négation même de la liberté. Le rapport rappelle avec raison qu'il concerne malheureusement tous nos pays et qu'il est multiforme. L'esclavage moderne recouvre aussi bien la traite des êtres humains, les servitudes de toutes sortes, que certaines formes de travail dans les prisons.
C'est un problème auquel le gouvernement français, tant dans son action nationale, qu'européenne et internationale, est très sensible. J'ai moi-même dans mes fonctions antérieures de ministre de la Justice très directement agi dans ce domaine et je remercie le directeur général d'avoir dans son rapport cité le gouvernement français pour la coopération interministérielle mise en place en matière de lutte contre les opérations clandestines liées au trafic de main d'oeuvre. Une commission parlementaire sur l'esclavage moderne a également été créée.
La France soutient les efforts de l'OIT sur ce sujet à travers l'accord de coopération technique sur le suivi de la Déclaration et le programme IPEC de lutte contre le travail des enfants. Nous avons également soutenu le principe de l'application de l'article 33 de la Constitution de l'OIT à l'égard de la Birmanie, qui ne respecte pas l'interdiction du travail forcé.
Nous partageons tout à fait l'idée de plan d'action préconisé dans le rapport global notamment dans le cadre d'une approche intégrée avec les autres organisations internationales.
Je me réjouis enfin de l'initiative prise par trois pays, la Tanzanie, le Salvador et le Népal à l'occasion de notre conférence, pour éliminer les pires formes du travail des enfants. La France pour sa part a déposé son instrument de ratification de la convention 182 sur ce sujet le 5 juin dernier.
Je voudrais également féliciter Juan Somavia pour son rapport général sur le travail décent, concept que nous avons voulu central pour notre Organisation.
Comme lui, je suis persuadée qu'un travail décent est un facteur crucial pour un développement harmonieux et durable. Ceci est inscrit dans de nombreux textes adoptés au plus haut niveau par la communauté internationale et aussi dans les travaux de l'Union européenne, qui a, sous l'impulsion de la présidence française du second semestre 2000, promu l'objectif de qualité des emplois.
Il s'agit de promouvoir au sens large des formes d'emploi et des conditions de travail qui assurent une garantie effective des droits fondamentaux et du travail, une protection sociale élevée, un véritable dialogue social, une véritable et durable insertion sociale et une réelle qualité de vie. Ceci doit profiter aux individus, à l'économie et à la société dans son ensemble.
Je souhaiterais enfin conclure sur la dimension sociale de la mondialisation et la conciliation nécessaire entre commerce et normes de travail, que Juan Somavia aborde également dans son rapport.
Le besoin de mieux réguler les conséquences de la mondialisation appelle, au-delà des responsabilités propres évidentes qui incombent aux Etats, une coopération internationale renforcée, sur la base de quelques objectifs consensuels.
Nous avons beaucoup progressé. La dimension sociale ne pourra plus jamais être ignorée des discussions internationales. Mais comme nous y engagent la mobilisation de la société civile et nos grands sommets, il nous faut continuer. L'OIT peut aujourd'hui s'appuyer sur le concept de travail décent, sur la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, sur la volonté partagée des Etats de lutter ensemble contre la pauvreté et l'exclusion, deux fois réaffirmée l'année dernière, à l'occasion de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies à Genève en juin 2000, puis en septembre à New York à l'occasion des cérémonies du Sommet du millénaire.
En même temps, la voie est difficile, car il faut respecter la légitime diversité des sociétés et des cultures, ne pas imposer un modèle unique de développement social, tenir compte des inquiétudes des pays qui craignent l'imposition de normes sociales comme un des derniers avatars du protectionnisme des pays riches.
Notre organisation a, je le crois, les moyens d'exercer une sorte de "régulation sociale", que nous attendons. Elle dispose pour ce faire d'atouts très efficaces et originaux :
Tout d'abord, le caractère tripartite du processus d'élaboration des conventions et des normes. Le travail que vous menez actuellement sur le développement d'une approche intégrée de la politique normative, pour en accentuer l'efficacité et l'adaptation aux besoins actuels, me paraît extrêmement fécond. Ensuite, l'existence de mécanismes de suivi adaptés, qui permettent d'exercer une pression effective en faveur de l'application des normes : je citerai par exemple le comité de la liberté syndicale, et sa capacité d'interpellation des gouvernements et de l'opinion mondiale, ou encore les dispositions spécifiques au suivi de la déclaration de 1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail, qui proscrivent clairement l'utilisation des normes à des fins protectionnistes.
Enfin, la possibilité de mettre en demeure des Etats défaillants. Ce type de procédure n'a pas pour objet de sanctionner des gouvernements ou des pays, mais d'aboutir à une sanction du droit ; en développant un processus gradué, soucieux d'objectivité, respectueux des gouvernements, toujours assorti d'offres d'assistance technique et de coopération.
Pour autant, l'OIT doit jouer la carte d'un partenariat étroit et permanent avec les autres organisations internationales concernées par la lutte contre la pauvreté, par la promotion du développement et la réduction des inégalités entre les nations. L'Union européenne a ainsi affiché clairement dans l'agenda social européen que les performances économiques et le progrès social doivent aller de pair. Ce thème a ensuite été repris dans le cadre du G8. Cet intérêt pour la dimension sociale a aussi été exprimé dans les institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Dans cette perspective, je voudrais enfin souligner tout l'intérêt et le soutien que nous apportons au groupe de travail sur la "dimension sociale de la mondialisation", qui constitue le seul lieu tripartite où puissent être discutés, entre l'OIT, les institutions de Bretton Woods, la CNUCED et l'OMC, la maîtrise des conséquences sociales de la mondialisation et la promotion du développement social.
Notre objectif est bien de peser sur la mondialisation pour qu'elle prenne en compte l'humain, pour qu'elle ne soit pas soumise à la loi du plus fort.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2001)
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames
et Messieurs les Représentants des travailleurs et des employeurs,
Permettez-moi d'abord, au nom du gouvernement français, de vous féliciter, Madame la Présidente, pour votre élection à la présidence de cette 89ème session de la Conférence et pour le rôle que vous y jouez.
Je suis très heureuse de participer à cette session plénière consacrée à l'examen du rapport global sur le suivi de la Déclaration de l'OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Je remercie et je félicite le directeur général pour la qualité de ce rapport sur le travail forcé.
Il faut le rappeler sans cesse le travail forcé ou obligatoire est intolérable. C'est la négation même de la liberté. Le rapport rappelle avec raison qu'il concerne malheureusement tous nos pays et qu'il est multiforme. L'esclavage moderne recouvre aussi bien la traite des êtres humains, les servitudes de toutes sortes, que certaines formes de travail dans les prisons.
C'est un problème auquel le gouvernement français, tant dans son action nationale, qu'européenne et internationale, est très sensible. J'ai moi-même dans mes fonctions antérieures de ministre de la Justice très directement agi dans ce domaine et je remercie le directeur général d'avoir dans son rapport cité le gouvernement français pour la coopération interministérielle mise en place en matière de lutte contre les opérations clandestines liées au trafic de main d'oeuvre. Une commission parlementaire sur l'esclavage moderne a également été créée.
La France soutient les efforts de l'OIT sur ce sujet à travers l'accord de coopération technique sur le suivi de la Déclaration et le programme IPEC de lutte contre le travail des enfants. Nous avons également soutenu le principe de l'application de l'article 33 de la Constitution de l'OIT à l'égard de la Birmanie, qui ne respecte pas l'interdiction du travail forcé.
Nous partageons tout à fait l'idée de plan d'action préconisé dans le rapport global notamment dans le cadre d'une approche intégrée avec les autres organisations internationales.
Je me réjouis enfin de l'initiative prise par trois pays, la Tanzanie, le Salvador et le Népal à l'occasion de notre conférence, pour éliminer les pires formes du travail des enfants. La France pour sa part a déposé son instrument de ratification de la convention 182 sur ce sujet le 5 juin dernier.
Je voudrais également féliciter Juan Somavia pour son rapport général sur le travail décent, concept que nous avons voulu central pour notre Organisation.
Comme lui, je suis persuadée qu'un travail décent est un facteur crucial pour un développement harmonieux et durable. Ceci est inscrit dans de nombreux textes adoptés au plus haut niveau par la communauté internationale et aussi dans les travaux de l'Union européenne, qui a, sous l'impulsion de la présidence française du second semestre 2000, promu l'objectif de qualité des emplois.
Il s'agit de promouvoir au sens large des formes d'emploi et des conditions de travail qui assurent une garantie effective des droits fondamentaux et du travail, une protection sociale élevée, un véritable dialogue social, une véritable et durable insertion sociale et une réelle qualité de vie. Ceci doit profiter aux individus, à l'économie et à la société dans son ensemble.
Je souhaiterais enfin conclure sur la dimension sociale de la mondialisation et la conciliation nécessaire entre commerce et normes de travail, que Juan Somavia aborde également dans son rapport.
Le besoin de mieux réguler les conséquences de la mondialisation appelle, au-delà des responsabilités propres évidentes qui incombent aux Etats, une coopération internationale renforcée, sur la base de quelques objectifs consensuels.
Nous avons beaucoup progressé. La dimension sociale ne pourra plus jamais être ignorée des discussions internationales. Mais comme nous y engagent la mobilisation de la société civile et nos grands sommets, il nous faut continuer. L'OIT peut aujourd'hui s'appuyer sur le concept de travail décent, sur la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, sur la volonté partagée des Etats de lutter ensemble contre la pauvreté et l'exclusion, deux fois réaffirmée l'année dernière, à l'occasion de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies à Genève en juin 2000, puis en septembre à New York à l'occasion des cérémonies du Sommet du millénaire.
En même temps, la voie est difficile, car il faut respecter la légitime diversité des sociétés et des cultures, ne pas imposer un modèle unique de développement social, tenir compte des inquiétudes des pays qui craignent l'imposition de normes sociales comme un des derniers avatars du protectionnisme des pays riches.
Notre organisation a, je le crois, les moyens d'exercer une sorte de "régulation sociale", que nous attendons. Elle dispose pour ce faire d'atouts très efficaces et originaux :
Tout d'abord, le caractère tripartite du processus d'élaboration des conventions et des normes. Le travail que vous menez actuellement sur le développement d'une approche intégrée de la politique normative, pour en accentuer l'efficacité et l'adaptation aux besoins actuels, me paraît extrêmement fécond. Ensuite, l'existence de mécanismes de suivi adaptés, qui permettent d'exercer une pression effective en faveur de l'application des normes : je citerai par exemple le comité de la liberté syndicale, et sa capacité d'interpellation des gouvernements et de l'opinion mondiale, ou encore les dispositions spécifiques au suivi de la déclaration de 1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail, qui proscrivent clairement l'utilisation des normes à des fins protectionnistes.
Enfin, la possibilité de mettre en demeure des Etats défaillants. Ce type de procédure n'a pas pour objet de sanctionner des gouvernements ou des pays, mais d'aboutir à une sanction du droit ; en développant un processus gradué, soucieux d'objectivité, respectueux des gouvernements, toujours assorti d'offres d'assistance technique et de coopération.
Pour autant, l'OIT doit jouer la carte d'un partenariat étroit et permanent avec les autres organisations internationales concernées par la lutte contre la pauvreté, par la promotion du développement et la réduction des inégalités entre les nations. L'Union européenne a ainsi affiché clairement dans l'agenda social européen que les performances économiques et le progrès social doivent aller de pair. Ce thème a ensuite été repris dans le cadre du G8. Cet intérêt pour la dimension sociale a aussi été exprimé dans les institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Dans cette perspective, je voudrais enfin souligner tout l'intérêt et le soutien que nous apportons au groupe de travail sur la "dimension sociale de la mondialisation", qui constitue le seul lieu tripartite où puissent être discutés, entre l'OIT, les institutions de Bretton Woods, la CNUCED et l'OMC, la maîtrise des conséquences sociales de la mondialisation et la promotion du développement social.
Notre objectif est bien de peser sur la mondialisation pour qu'elle prenne en compte l'humain, pour qu'elle ne soit pas soumise à la loi du plus fort.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2001)