Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Najat VALLAUD-BELKACEM est l'invitée d'ITELE ce matin, bonjour.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous. Qui va garder les enfants cette semaine, la demi-journée de concertation des enseignants bouscule l'agenda des enfants et des parents, pas celui des professeurs, vous l'aurez remarqué, est-ce que vous comprenez l'agacement de certaines familles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je comprends que ça puisse poser des contraintes et des difficultés, mais je voudrais juste réexpliquer de quoi il s'agit exactement. Donc vous savez que cette année est une année très importante parce que nous allons réformer ce que nous appelons « le socle commun de connaissances, compétences et culture », c'est-à-dire ce que tout élève en France doit avoir acquis à la fin de sa scolarité obligatoire. C'est un sujet qui est majeur parce que de ce socle commun vont découler les programmes, année par année, et la façon dont on apprend finalement les choses aux enfants pour avoir les meilleures performances scolaires et les faire réussir dans la vie. Ce socle commun, plutôt que de le décider tout seul dans un coin, nous avons voulu que l'ensemble des enseignants, l'ensemble des personnels de l'Education nationale puisse donner leur avis sur son contenu. Et pour ce faire, nous avons organisé une demi-journée pendant laquelle, ces enseignants et ces personnels de l'Education nationale peuvent travailler ensemble et donner leur avis, être consultés. Donc cette demi-journée, c'est une demi-journée qui doit avoir lieu avant les vacances de la Toussaint, qui dans chaque académie a été organisée en tenant compte au maximum possible des contraintes des acteurs locaux. Mais c'est vrai que c'est une demi-journée pour laquelle on demande l'effort aux parents, aux collectivités locales de prendre en charge les enfants qui ne sont pas accueillis.
BRUCE TOUSSAINT
Ça aurait été trop simple de faire ça le même jour pour tout le monde, trop simple aussi de le faire par exemple hors calendrier scolaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors le faire le même jour, ça peut paraître une solution simple comme ça
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais en réalité, ça ne répond pas plus aux préoccupations des parents ou des élus locaux, puisque le même jour ça ne veut pas dire faciliter la vie de l'ensemble des familles sur tout le territoire. D'une académie à l'autre
BRUCE TOUSSAINT
Si vous avez plusieurs enfants, ça fait deux demi-journées par exemple si vous avez deux enfants
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais alors je vous rassure
BRUCE TOUSSAINT
3 ou 4, etc.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je comprends votre interrogation mais je vous rassure, d'une académie à l'autre c'est une seule journée qui est retenue, mais dans chaque académie cette journée a été retenue en fonction vous savez, il y a des particularités, certaines académies ont l'habitude par exemple, au moment des vacances ou au moment de l'Ascension, d'avoir d'avantage de liberté, de souplesse sur le temps. Eh bien ! Nous prenons en considération l'ensemble des éléments de la réalité locale. En revanche j'insiste vraiment sur une chose, c'est que cette consultation sur une demi-journée de temps scolaire, elle est rarissime, elle s'était déjà faite dans le passé, à chaque fois qu'on entame une réforme importante on fait comme cela, mais il n'y en aura qu'une dans l'année et pas plusieurs, comme ça a pu s'écrire.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et puis deuxièmement, c'est vrai que c'est un effort qu'on demande notamment aux parents, mais c'est pour le bien de leur enfant, c'est-à-dire pour que les enseignants s'approprient ce qu'ils doivent apprendre à leurs enfants.
BRUCE TOUSSAINT
Quand cessera le désordre à Marseille sur les rythmes scolaires, ce n'est toujours pas réglé, Marseille c'est quoi, c'est le village la grande ville d'irréductibles gaulois, comme dans Astérix, qui ne veut pas qui résiste et qui résiste à l'envahisseur romain, pourquoi ce n'est toujours pas réglé cette affaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce n'est pas réglé parce que la municipalité de Marseille a résisté longtemps contre la réforme des rythmes scolaires, et du coup n'a pas organisé, n'a pas anticipé la rentrée scolaire. Et donc c'est vrai que les familles marseillaises se retrouvent mises dans un embarras total aujourd'hui, avec leurs enfants qui ne sont pas accueillis en périscolaire le vendredi après-midi, alors que la ville de Marseille s'était engagée à le faire. Donc nous sommes en discussion extrêmement étroite et régulière avec les élus marseillais pour que les choses avancent, je rappelle
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez promis 10 millions d'euros !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui parce que
BRUCE TOUSSAINT
A la ville pour
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est la règle, je vous rappelle que la réforme des rythmes scolaires, le temps scolaire a été modifié pour que les enfants apprennent mieux en 5 matinées plutôt qu'en 4. Et le périscolaire c'est aux municipalités de l'organiser mais l'Etat leur apporte une comment dire, un fonds, un fonds d'amorçage, donc une aide financière, s'agissant de la ville de Marseille elle peut prétendre jusqu'à 10 millions d'euros. Donc avec ces 10 millions d'euros, elle a de quoi payer les animateurs qui s'avèrent nécessaires pour organiser ce temps périscolaire. Et on lui demande aujourd'hui de le faire, ça fait plusieurs semaines que la rentrée scolaire s'est déroulée. Dans la plupart si ce n'est l'immense majorité des autres villes le périscolaire est en bonne voie d'organisation, eh bien ! Charge à Marseille de se mettre dans la roue.
BRUCE TOUSSAINT
Ce week-end, vous avez tweeté : le ministère recrute enseignants et personnels, ne ratez pas les dates d'inscription, vous avez jusqu'au 21 octobre. Ça s'adresse à qui, combien de postes sont disponibles, à qui vous adressez-vous ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça s'adresse à tous les étudiants qui souhaitent s'engager dans l'exercice des merveilleuses missions d'enseignant. Et donc nous ouvrons pour la rentrée 2015 24.000 postes au concours, soit 11.000 dans le premier degré et puis 13.000 dans le second degré, donc collèges lycées. Et nous souhaitons vraiment que les étudiants affluent en nombre parce que l'Education nationale aujourd'hui recrute, que c'est une mission qui est à la fois noble, belle et exigeante
BRUCE TOUSSAINT
Ça fait moins rêver, il faut être honnête.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qu'il y a eu ces dernières années en effet peut-être une espèce de désillusion à l'égard du métier d'enseignant, à la fois du fait que l'Education nationale détruisait des postes, c'était la politique de l'ancienne majorité de droite, 80.000 postes supprimés en 10 ans ; mais aussi du fait que les conditions d'enseignement étaient de plus en plus dévalorisées. Et nous, nous avons décidé de les revaloriser ces conditions d'enseignement, ça passe à la fois par la rémunération, nous essayons métier par métier de redonner des primes, par exemple aujourd'hui il s'agit des catégories B et C de l'Education nationale qui vont bénéficier d'une prime qui va leur être annoncée aujourd'hui, qui est faible, je n'exagère pas
BRUCE TOUSSAINT
Alors de quoi s'agit-il précisément, ça concerne uniquement le scolaire, ça concerne aussi le secondaire, ça concerne qui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça concerne tous les personnels administratifs, techniques et sociaux, donc ceux qui font vivre les établissements, que ce soit du scolaire ou de l'enseignement supérieur. Donc ces personnels-là qui font vivre au quotidien les établissements, qui sont en gros 90.000 personnels qui vont bénéficier d'une prime exceptionnelle de 50 pour les catégories B et 100 pour les catégories C, c'est-à-dire ceux qui sont le moins payés. Encore une fois, ce n'est pas non plus
BRUCE TOUSSAINT
Ça, ça va être effectif à la fin de l'année ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est pour cette année, donc ils vont la recevoir au mois de décembre, donc c'est simplement une façon aussi de leur dire à quel point l'exercice de leur mission est important pour les établissements dans lesquels ils exercent.
BRUCE TOUSSAINT
Et les enseignants ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les enseignants eux-mêmes ont bénéficié, il y a quelques moi maintenant s'agissant des personnels du premier degré, donc les enseignants du premier degré écoles maternelles et primaires, ils ont bénéficié d'une prime exceptionnelle de 400 , parce que nous savons que dans ce pays, les enseignants du premier degré ont une rémunération bien moindre que ceux du second degré, et qu'il s'agit un petit peu de rapprocher les deux. Donc c'est des choses qui ont été entamées, des chantiers de métiers qui ont été entamés, que nous voulons poursuivre parce que nous estimons que la revalorisation des conditions d'exercice des enseignants est importante, et des personnels de l'Education de manière plus générale.
BRUCE TOUSSAINT
Pour être clair, pour ce qui concerne les enseignants, il n'y a pas de nouvelle annonce aujourd'hui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, ça n'est pas une nouvelle annonce
BRUCE TOUSSAINT
Ça concerne les personnels
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aujourd'hui, c'est les personnels non-enseignants parce que dans les établissements scolaires, il y a des personnels enseignants mais il y a aussi des personnels non-enseignants qui sont bien utiles pour les enfants.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez vu cette étude de l'OCDE qui dit que les professeurs des écoles français sont sous-payés, moins bien payés par exemple que leurs collègues allemands, anglais, hollandais
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'est vrai
BRUCE TOUSSAINT
Et c'est très net d'ailleurs, les écarts sont très nets.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est vrai, et par ailleurs ils sont généralement mieux diplômés puisqu'aujourd'hui on recrute à bac +4, bac +5, donc c'est quand même on a la chance de vivre dans un pays dans lequel les professeurs sont très diplômés, très dévoués pour le coup et avec des rémunérations notamment dans le premier degré qui ne sont pas ce qu'elles devraient être, honnêtement il faut le dire. Donc c'est vrai qu'on a pris l'engagement dans ce gouvernement de commencer ce travail de revalorisation des rémunérations qui n'arrive pas à son terme, c'est-à-dire que dès que nous aurons les moyens d'aller plus loin, nous irons plus loin
BRUCE TOUSSAINT
Ça peut être dès 2015 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous le souhaitons, en tout cas nous le souhaitons sur l'ensemble du quinquennat aller encore plus loin, parce qu'il s'agit de reconnaître l'importance du travail qui est ainsi effectué. Mais pardonnez-moi mais la revalorisation des conditions d'enseignement, ce n'est pas seulement la rémunération, d'ailleurs ce n'est pas que cela que demandent les personnels, c'est aussi par exemple le fait de faire des décharges horaires aux enseignants, pour leur permettre de n'être pas seulement devant leur salle de classe mais de passer du temps à travailler en équipe, à mener des projets pédagogiques, à faire du rattrapage scolaire pour les élèves qui sont en difficulté. Voilà ! C'est tout ça qui fera progresser notre école.
BRUCE TOUSSAINT
On parle politique, totem ou tabou, est-ce que vous avez choisi votre camp ? Tabou, c'est le ministre de l'Economie qui dit « il n'y a pas de tabou à avoir sur l'Assurance chômage » ; et Jean-Christophe CAMBADELIS, le premier secrétaire du PS dit « il n'y a peut-être pas de tabous mais il y a des totems au Parti socialiste ». Vous choisissez quel camp ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi d'abord, je n'aime pas du tout les procès en sorcellerie et là, j'ai trouvé que les esprits s'échauffaient un peu rapidement. Parce que qu'est-ce qu'a dit le ministre de l'Economie ? Qu'un déficit de 4 milliards pour l'Assurance chômage, c'était problématique et que ça risquait de mettre en péril ce système auquel on est tellement attaché. Qui peut ne pas être d'accord avec cela ? Les partenaires sociaux et c'est de leur responsabilité que de faire évoluer les règles sont les premiers à être d'accord, puisqu'en juillet dernier ils ont eux-mêmes adopté une convention une nouvelle convention et signé une nouvelle convention, dans laquelle ils réduisent ils prévoient de réduire le déficit de l'Assurance chômage de 2 milliards.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord, donc il est aussi question de mettre sur la table la durée de l'indemnisation et son montant, est-ce que ça vous choque ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bon ! D'abord j'ai lu l'interview d'Emmanuel MACRON et je n'y ai pas lu cela, c'est bien pour cela que je vous dis que je trouve que les esprits s'échauffent un peu rapidement. Ensuite, je redis ici qu'il y a des règles dans ce pays, négocier le régime d'Assurance maladie cela relève des partenaires sociaux. Donc moi, je dirai que mon souhait en la matière c'est que nous restions dans un système assuranciel, paritaire, qui relève des partenaires sociaux, universel, tous les chômeurs à partir du moment où ils ont acquis le nombre d'annuités, etc., doivent pouvoir continuer à bénéficier d'une indemnisation, et un bon niveau d'indemnisation. Maintenant, que ce régime-là compte tenu du fait qu'on est dans une période de chômage de masse puisse être revu pour continuer à protéger le plus grand nombre, ça me semble de bon aloi oui.
BRUCE TOUSSAINT
C'est un bon partenaire Emmanuel MACRON, un bon collègue, il est très critiqué quand même depuis le début de son depuis sa prise de fonction ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je trouve que d'abord c'est un homme qui dit les choses telles qu'il les pense, qui ne compose pas, peut-être que ça déplaît à certains mais qui pose les problèmes, qui a l'avantage de la clarté dans son propos. Et je trouve que compte tenu de la situation qu'on traverse, il vaut mieux voilà, appeler un chat un chat et parler franchement. Je n'ai pas du tout apprécié la polémique qui a suivi ses propos sur les salariés de GAD, je trouve encore une fois qu'on lui fait beaucoup de procès en sorcellerie qui sont indus.
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL a dit hier « je ne serai pas candidate en 2017, ce n'est pas mon timing », comment est-ce que vous avez interprété cette déclaration de l'ex-candidate à la présidentielle, vous la connaissez bien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord il n'y a qu'elle qui puisse dire ce à quoi elle aspire et ce dont elle a envie, donc moi je voilà, j'ai accueilli ses propos comme souvent avec Ségolène ROYAL, en saluant intérieurement cette capacité qu'elle a de trancher dans le vif. Voilà ! Elle a annoncé quelles étaient ses intentions ou plutôt qu'elles n'étaient pas ses intentions. Je crois que vraiment là où elle est aujourd'hui, c'est-à-dire au ministère de l'Ecologie, elle a réussi à imprimer très vite sa marque et à démontrer à quel point
BRUCE TOUSSAINT
C'est un atout pour le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, absolument, à démontrer à quel point finalement c'est une conviction sincère qui la porte depuis des années, et qu'elle a la chance de pouvoir réaliser aujourd'hui. Alors elle se sent sans doute comment dire, tenue de continuer ce combat autrement, elle l'a dit elle-même. Et moi, je peux vous dire qu'on aura besoin dans ce combat.
BRUCE TOUSSAINT
Une dernière question, ce n'est pas dans votre domaine de compétence aujourd'hui à l'Education nationale, mais je sais que c'est un sujet qui vous tient à coeur, vous l'aviez porté même à un moment donné, l'abolition de la prostitution, le débat est revenu ce week-end. La question est très simple : est-ce que le gouvernement va la faire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi j'y suis très favorable, ça ne vous surprendra pas, cette proposition de loi qui avait été portée, qui avait été adoptée à l'Assemblée nationale en décembre 2013, moi je pense qu'il faut qu'elle prospère et il faut qu'elle soit discutée au Sénat, il faut que le concept même de responsabilisation des clients revienne dans le texte, parce que je pense
BRUCE TOUSSAINT
La France est prête à ce débat-là ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais c'est toujours un débat (vous savez) qui divise, y compris au sein d'une même famille. Je pense que tous les Français qui en parlent à table se rendent compte que
BRUCE TOUSSAINT
Quand on voit ce qui s'est passé avec le mariage pour tous
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les opinions sont très tranchées Oui mais sur cette question on est sur la question de l'exploitation humaine, vraiment, la prostitution c'est de l'exploitation humaine, c'est des violences faites aux femmes, c'est de la traite. Et donc détourner complaisamment le regard, c'est en réalité alimenter ce système qui Rosen HIRCHER, puisque c'est d'elle que vous parliez, l'a dit fort justement, qui détruit des vies, qui détruit des vies. Et quand vous voyez que Rosen HIRCHER justement, qui serait franchement tout à fait légitime à vouloir se reposer, à vouloir passer à autre chose, elle mène ce combat, elle fait un tour de France, elle parle de ce qu'est la prostitution, la réalité de la prostitution, ça force l'admiration et ça donne envie à tous les combattants de continuer le combat.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Najat VALLAUD-BELKACEM, bonne journée à vous.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 octobre 2014