Texte intégral
ANNE PINCZON DU SEL
Najat VALLAUD-BELKACEM, bonjour.
MADAME LA MINISTRE NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ANNE PINCZON DU SEL
Vous êtes notre invitée ce matin. Vous allez répondre tout à l'heure à 08 heures et quart aux questions des auditeurs dans La ligne ouverte. Question épineuse depuis la rentrée de cette réforme des rythmes scolaires à Marseille, vous avez dîné avec Jean-Claude GAUDIN hier soir. Il y avait des oursins dans votre assiette ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, je n'ai pas dîné avec Jean-Claude GAUDIN. Pour votre information, j'ai dîné avec tous les ministres qui sont venus des dix pays que nous réunissons aujourd'hui à Marseille. C'est d'ailleurs un grand événement, on en parlera peut-être, autour du 5 + 5 Euroméditerranée qui vise à préparer notamment l'insertion professionnelle des jeunes de ces différents pays en mettant en commun un certain nombre de formation, de grandes entreprises qui tissent leurs réseaux sur cet espace Euroméditerranée.
ANNE PINCZON DU SEL
Pour en revenir à cette réforme des rythmes scolaires, pourquoi est-ce que c'est si compliqué à mettre en place à Marseille ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est compliqué à mettre en place à Marseille parce que, disons-le clairement, la volonté politique locale n'a pas forcément été au rendez-vous au moment où elle aurait dû l'être. Par définition, ce qu'on n'a pas anticipé, ce qu'on n'a pas voulu construire en temps utiles et mal construit quand arrive la rentrée scolaire, et c'est ce qui s'est passé à Marseille. La réforme des rythmes scolaires, je rappelle d'abord ce que c'est. C'est la décision prise par l'Etat, et c'est de la compétence de l'Etat que de prendre cette décision, de mieux aménager le temps scolaire des enfants. Au lieu qu'ils apprennent tout ce qu'ils ont à apprendre dans leur scolarité en maternelle et en primaire en quatre jours par semaine, ils l'apprennent en cinq matinées par semaine, ce qui permet d'étaler le temps d'apprentissage et de mieux leur faire intégrer ces apprentissages. Ça, c'est la décision que nous avons prise. Ensuite, cette réforme du temps scolaire a été l'occasion de dégager du temps pour qu'il soit consacré à ce qu'on appelle du périscolaire, c'est-à-dire des activités artistiques, culturelles, sportives, cette fois-ci prises en charge par les villes mais qui sont bien entendu aidées financièrement, qui ne sont pas livrées à elles-mêmes pour le faire.
ANNE PINCZON DU SEL
Justement, Jean-Claude GAUDIN nous dit que pour l'instant, il n'a pas reçu un centime de la part de l'Etat. C'est vrai ? c'est faux ? Ça en est où ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord très concrètement, cette année la ville de Marseille, compte tenu du nombre d'enfants qu'elle contient, devra recevoir près de sept millions d'euros de l'Etat. Et encore sept millions de l'Etat, ça ne correspond qu'au montant de quatre-vingt-dix euros par enfant et par an qui s'applique à elle. A ce montant de sept millions d'euros, la ville de Marseille, si elle jouait le jeu, pourrait même prétendre à plus encore, à près de quatre millions d'euros de plus, pour la simple et bonne raison qu'à chaque fois qu'une ville ouvre un centre de loisirs agrée, elle est financée par la CNAF, la Caisse Nationale d'Allocations Familiales, pour le faire.
ANNE PINCZON DU SEL
Mais très concrètement, la ville de Marseille a commencé à toucher les sous ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Concrètement, sur les près de sept millions d'euros, ces jours-ci c'est plus de deux millions d'euros qui arrivent dans ses caisses. Ces jours-ci, sur la fin du mois d'octobre. J'ai signé tout ce qu'il fallait pour que cela soit rendu possible. Il y a donc un premier versement de plus de deux millions d'euros qui est réalisé, 2,2 millions d'euros précisément, et le reste de la somme sera versé au printemps prochain comme pour l'ensemble des villes. Comme pour l'ensemble des villes ! L'engagement que nous avions pris est respecté. Je le redis : pour Marseille, c'est près de sept millions d'euros venant du fonds d'amorçage des rythmes scolaires, parce que Marseille touche quatre-vingt-dix euros par enfant et par an. Plus, elle pourrait prétendre à un financement de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales si elle faisait agréer les centres de loisirs qu'elle ouvre, mais encore faudrait-il que les ouvre pour cela.
ANNE PINCZON DU SEL
Mais la ville dit que cela va coûter au final beaucoup plus, près de vingt millions d'euros.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, quand on fait nos calculs, on arrive au schéma suivant. En engageant le nombre d'animateurs qui sont nécessaires pour faire ces trois heures hebdomadaires de périscolaire pour tous les enfants de Marseille, on arrive grosso modo à un coût de dix millions d'euros. Or, je viens de vous dire qu'entre ce que l'Etat verse et ce que la CNAF pourrait verser si Marseille se contentait simplement de remplir des papiers en quelque sorte, et d'agréer ses centres de loisirs, on est à dix millions d'euros. Vous voyez qu'en réalité, notre financement étatique et CNAF couvre quasi la totalité de ce qu'il faut pour bien assurer du périscolaire dans cette ville et c'est le cas ailleurs aussi.
ANNE PINCZON DU SEL
C'est donc vraiment un manque de volonté. L'un des buts de cette réforme, c'était de lisser avec le périscolaire notamment, de permettre à tous les enfants d'avoir accès à des activités extra-scolaires, ce qui n'est pas forcément le cas dans toutes les familles. Dans ces cas-là, pourquoi ce n'est pas directement le ministère de l'Education nationale qui a pris cela en charge mais les communes et, du coup, avec de grosses, grosses différences entre les villes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord, c'est la loi. Ce qui relève du scolaire, c'est l'Etat ; ce qui relève du périscolaire, c'est laissé à la discrétion des communes. C'est vrai que ce qui change avec la réforme des rythmes scolaires, c'est qu'avant qu'on fasse cette réforme, il y avait les communes qui étaient volontaristes, qui se rendaient compte que les gamins de leur ville avaient un problème, des inégalités entre ceux qui pouvaient accéder à des activités culturelles payantes et ceux qui ne pouvaient pas, que ces inégalités se creusaient entre eux et expliquaient aussi les échecs et les réussites scolaires in fine de ces enfants. Dans ces communes volontaristes, on a crée du périscolaire financé par la commune. Et puis, il y avait les autres communes dans lesquelles il ne se passait rien parce qu'il n'y avait pas de volontarisme. Ce qui a changé avec la réforme des rythmes scolaires, c'est qu'en changeant le temps scolaire, de fait on a libéré du temps et on a incité les communes à utiliser ce temps pour y mettre du périscolaire mais on les y a incités pas gratuitement, juste par incantation. On les y a incités en mettant un fonds d'amorçage en place. Cette année scolaire 2014-2015, le fonds d'amorçage des rythmes scolaires versé par l'Etat aux communes coûte quatre cents millions d'euros. C'est quatre cents millions d'euros au niveau national qui sont versés par l'Etat aux communes pour qu'elles organisent ce périscolaire pour les enfants. Ça coûte donc à l'Etat mais nous le faisons parce que nous sommes persuadés que c'est tout simplement dans l'intérêt des enfants de le faire. Il y a des collectivités qui l'ont parfaitement bien compris et je tiens à le dire ici. Vous pouvez aussi aller regarder un peu ce qui se passe dans d'autres villes.
ANNE PINCZON DU SEL
Justement, on est là en période de vacances. La rentrée va reprendre un mois et demi, deux mois après la rentrée scolaire. Au final, les inégalités sont toujours là puisqu'il y en a qui ont de la garderie, il y en a qui n'ont rien du tout, il y en a qui ont effectivement des activités périscolaires plutôt sympas, qui sont plutôt bien adaptées. C'est au final très inégal.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je suis d'accord avec vous. Quand la réforme des rythmes scolaires est mal mise en oeuvre par manque de volonté politique ou par mauvaise organisation, elle est alors même susceptible de creuser les inégalités. Vous avez absolument raison et il faut faire très attention à cela.
ANNE PINCZON DU SEL
Quels moyens de pression avez-vous du coup ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le moyen, c'est simplement de continuer à inciter très fortement la mairie de Marseille à mettre en place du périscolaire non pas pour quelques écoles mais pour toutes les écoles, c'est-à-dire à ne pas creuser d'inégalités. Je constate que le tribunal administratif de Marseille s'est quand même prononcé sur ce sujet, et il faut quand même le rappeler à vos auditeurs, en enjoignant la mairie de Marseille de mettre en oeuvre ce périscolaire dès la rentrée des vacances de la Toussaint. Maintenant, il s'agit aussi de respecter une décision de justice. Je redis ici que les financements à verser par l'Etat sont versés, sont en cours de versement. La mairie de Marseille ne peut pas se dédouaner de cela. Enfin, je conclurai en incitant en réalité tout le monde quand même à un esprit constructif. J'ai eu Jean-Claude GAUDIN à plusieurs reprises au téléphone, nous avons parlé longuement de ce dossier. J'ai vu aussi les parents d'élèves, j'ai voulu les recevoir parce que je souhaite qu'on trouve des solutions. Ces solutions passeront notamment par deux choses : par la mise en place d'un comité de suivi de la réforme des rythmes scolaires que j'ai demandé aux recteurs de prendre en charge ici et qui va s'installer d'ici la mi-novembre. Ce comité de suivi de la réforme des rythmes scolaires associera l'Etat, donc nous, mais aussi la mairie et les associations de parents d'élèves pour que chacun puisse constater sur le terrain les avancées du dossier et alerter lorsque ça ne va pas suffisamment vite. Et puis la deuxième chose que je souhaite, c'est qu'on puisse signer avec la mairie de Marseille un plan éducatif territorial. Parce qu'un plan éducatif territorial, c'est en fait un contrat qui nous lie, aussi bien l'éducation nationale que la mairie et que tous les acteurs qui peuvent être intéressés, à la Caisse d'Allocations Familiales par exemple, pour mettre ensemble nos forces et apporter aux Marseillais en l'occurrence le meilleur service possible pour leurs enfants.
ANNE PINCZON DU SEL
Vous allez donc faire quelque chose de particulier avec la ville de Marseille, vu les difficultés. Najat VALLAUD-BELKACEM, vous restez avec nous. Les auditeurs vous interpelleront dans la ligne ouverte, ce sera à 08 heures et quart. Vous pouvez nous appeler dès maintenant au 04 42 38 08 08.
source : Service d'information du Gouvernement, le 29 octobre 2014