Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes à LCI le 10 septembre 2014, sur l'accompagnement des personnes âgées et le vieillissement.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


GUILLAUME DURAND
Bonjour à vous ! Nous sommes avec Marisol TOURAINE donc qui est chargée des Affaires sociales. Bonjour…
MARISOL TOURAINE
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Donc et de la santé et des droits de la femme au gouvernement. Il y a plusieurs niveaux d'entretien ce matin, il y a cette affaire THEVENOUD, il y a les grands équilibres économiques, et puis il y a évidemment cette loi que vous portez. Commençons par THEVENOUD, il n'était pas à l'Assemblée hier, est-ce que vous croyez que de lui-même, il est en train de se demander s'il serait vraiment utile de persévérer ?
MARISOL TOURAINE
Je souhaite qu'il revienne à une forme de raison et de responsabilité, j'ai dit que c'est une affaire absolument lamentable, qui produit des effets, au-delà de ce que, j'imagine, il pouvait, lui, imaginer, et donc le sens des responsabilités l'amènerait à se retirer…
GUILLAUME DURAND
Donc maintenant, d'après vous, c'est à lui de décider de ne plus retourner à l'Assemblée ?
MARISOL TOURAIN
Ah, mais il est le seul à pouvoir prendre la décision qui s'impose, puisque personne ne peut lui imposer…
GUILLAUME DURAND
Et François HOLLANDE ne peut pas l'appeler en lui disant : Thomas, reste chez toi !
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, il n'est ni sourd ni aveugle, et il entend ce qui se passe autour de lui, il voit bien les dégâts que son affaire a provoqués, franchement, je ne sais pas, si j'étais d'humeur badine, je dirais qu'il a besoin de voir un médecin. Simplement, l'affaire est trop sérieuse pour que l'on ait envie d'en rire. Et donc…
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous croyez, comme l'a dit Marine LE PEN hier, ici-même, qu'il aurait pu y avoir un accord entre lui et CAMBADELIS sur justement le vote utile, car il n'est plus au PS, mais on vote quand même…
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, je ne crois pas une seconde à ces petits arrangements, et franchement, ce que je regrette, c'est que toute cette affaire vient alimenter précisément le sentiment de l'impunité des politiques, du caractère malhonnête de certains responsables politiques, dont Marie LE PEN joue à l'envi, alors que l'écrasante majorité des responsables politiques exercent leur métier, leurs fonctions dans des conditions irréprochables. Et c'est ça qui est insupportable, c'est que ça jette le discrédit…
GUILLAUME DURAND
Mais c'est peut-être un problème d'autorité…
MARISOL TOURAINE
Sur absolument tout le monde…
GUILLAUME DURAND
Oui, d'accord, mais ça rejoint le problème d'autorité qui a été reproché à François HOLLANDE, comment peut-on envisager…
MARISOL TOURAINE
Quelle autorité ? Parce que moi, je voudrais…
GUILLAUME DURAND
Je ne sais pas, ça veut dire que ça ne fonctionne mal, on va chercher quelqu'un…
MARISOL TOURAINE
Je voudrais quand même rappeler deux choses, la première, c'est que cette affaire a éclaté parce qu'il y a eu une loi, une loi sur la transparence qui a été votée à la demande et à l'instigation du président de la République. Et le président de la République l'a même imposée à l'ensemble des parlementaires qui n'en voulaient pas. C'est cette loi de transparence qui fait que, aujourd'hui, on sait que Thomas THEVENOUD n'était pas en règle avec les impôts. Et puis, la deuxième chose, c'est que le président de la République, il n'a pas hésité une demi-seconde avant de demander à Thomas THEVENOUD de quitter ses fonctions au gouvernement. Donc il n'y a pas de problème d'autorité, au contraire, le président de la République a fait preuve de l'autorité qui était nécessaire et qui s'imposait.
GUILLAUME DURAND
Mais vous qui travaillez tous les jours, comme de nombreux ministres ou des responsables de l'opposition, vous vous retrouvez avec l'affaire THEVENOUD avant l'affaire TRIERWEILER, avant l'affaire MONTEBOURG, avant l'affaire Cécile DUFLOT, est-ce que, être une responsable de gauche aujourd'hui, ce n'est pas tout simplement suicidaire ?
MARISOL TOURAINE
Etre une responsable de gauche aujourd'hui, c'est montrer ce à quoi nous travaillons et ce pourquoi nous travaillons.
GUILLAUME DURAND
Et ce n'est pas qu'entendent…
MARISOL TOURAINE
Et aujourd'hui… oui, mais justement, moi, ce que…
GUILLAUME DURAND
Vous avez vu les journaux !
MARISOL TOURAINE
Moi, ce que je regrette, c'est que…
GUILLAUME DURAND
La moitié des Unes des journaux sont consacrées à l'affaire THEVENOUD…
MARISOL TOURAINE
Ce que je regrette, c'est que…
GUILLAUME DURAND
Je ne vous dis pas qu'ils ont raison, mais…
MARISOL TOURAINE
C'est que des affaires comme celle-là viennent occulter le travail qui est mené…
GUILLAUME DURAND
Mais pas simplement celle-là !
MARISOL TOURAINE
Et c'est aussi ce que je dis à ceux qui engagent le débat au sein de la majorité. On peut avoir des débats légitimes sur l'orientation économique, sur les choix de ligne politique de l'offre, politique de la demande, mais ce qui est important lorsque l'on appartient à la gauche, et qu'on est dans la majorité, c'est de mettre en évidence le travail qui a été réalisé, le travail que nous faisons…
GUILLAUME DURAND
Mais l'accumulation de tout ce qu'on a dit, Madame, c'est…
MARISOL TOURAINE
Et que la droite n'aurait pas fait. Et je voudrais en venir à la loi que nous portons à l'Assemblée sur le vieillissement…
GUILLAUME DURAND
Mais on va… ne vous inquiétez pas, on a le temps. Mais l'accumulation, c'est quand même une manière de saper l'autorité de François HOLLANDE, quand Cécile DUFLOT dit qu'il n'est plus le président de personne, et que vous avez cette accumulation sur des sujets différents, vous avez raison, eh bien, le résultat de tout ça, c'est 13% dans les sondages, et encore, ce n'est peut-être pas fini.
MARISOL TOURAINE
Eh bien, la vérité, c'est qu'il y a des responsables de gauche qui peut-être ne sont pas à la hauteur des responsabilités qui sont les leurs et qui leur ont été confiées. Parce que les Français n'attendent pas…
GUILLAUME DURAND
Donc ça, c'est pour MONTEBOURG et DUFLOT ?
MARISOL TOURAINE
Les Français n'attendent pas…
GUILLAUME DURAND
C'est pour MONTEBOURG et DUFLOT ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, en tout cas, lorsque je vois les déclarations de l'ancienne ministre du Logement, je m'interroge, et franchement, les Français n'attendent pas que les responsables de gauche s'envoient des piques et s'adressent des amabilités par la Poste, ils attendent d'eux qu'ils travaillent et qu'ils travaillent à changer le quotidien des Français. On ne peut pas d'un côté réclamer sur l'air des lampions une politique de transformation sociale, plus sociale en direction des Français, et faire en sorte de brouiller les messages qui sont portés par ce gouvernement, parce que, je veux le dire, la politique de ce gouvernement, c'est une politique à la fois de responsabilité financière, et nous ne pouvons pas nous exonérer d'une politique de responsabilité, de soutien aux entreprises…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais là, les gens vont vous dire : vous avez vu qu'on a augmenté considérablement les impôts et que le déficit finit par ne pas baisser…
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, en matière sociale par exemple…
GUILLAUME DURAND
Les chiffres…
MARISOL TOURAINE
Le déficit de la Sécurité sociale diminue, et dans le même temps, non seulement, nous n'avons pas demandé d'efforts nouveaux aux Français, il n'y a pas eu de franchise, il n'y a pas eu de déremboursement, mais je suis fière de pouvoir constater que depuis deux ans, la charge qui pèse en matière de santé sur les ménages, sur vous, sur moi, sur l'ensemble des Français, a diminué. C'est-à-dire que lorsque les Français vont se faire soigner, ce qui reste à payer de leurs poches a diminué alors qu'au cours des années précédentes, ça avait augmenté. Eh bien, ça, c'est le résultat d'une politique volontariste, que j'ai engagée, et franchement, je considère que c'est une politique de gauche.
GUILLAUME DURAND
La loi que vous portez sur le vieillissement sera votée globalement le 17 septembre, je crois, quelle est sa caractéristique essentielle ?
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, c'est une loi que je porte avec la secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, Laurence ROSSIGNOL, et qui a pour ambition de changer le quotidien, la vie quotidienne, de personnes âgées et de leurs proches. Nous avons des mesures extrêmement concrètes, on le sait tous, nous vieillissons, enfin, nous, la société vieillit, et il y a, malheureusement, des personnes qui ont besoin d'être soutenues et accompagnées, et qui souhaitent rester à domicile. La ligne conductrice de cette loi, c'est que des gens qui veulent rester à domicile, alors même qu'ils vieillissent, qu'ils ont des problèmes pour se déplacer, pour faire leurs courses, puissent le faire. Et donc il y a des mesures très concrètes, plus d'aide à domicile, lorsque vous êtes peu autonome, une heure d'aide de plus par jour, et cela vous coûtera moins cher, puisque, il y aura une prise en charge par la collectivité plus importante. Donc plus d'aide moins chère, et puis, un soutien, et ça, c'est une petite révolution, un soutien à ceux que l'on appelle les aidants, le conjoint, les enfants, qui sont là, jour après jour…
GUILLAUME DURAND
Et c'est financé comment ?
MARISOL TOURAINE
Par la solidarité nationale, c'est financé par la solidarité nationale…
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire, c'est quoi ? C'est sur les retraites ?
MARISOL TOURAINE
500 euros par an pour les personnes qui aident pour qu'elles puissent prendre une semaine de vacances, souffler, ce qu'on appelle le droit au répit. Alors nous avons créé un budget spécifique, qui est financé, il y a 650 millions d'euros qui sont réservés pour cela, et c'est une avancée sociale très concrète, très quotidienne, et je crois qui devrait rassembler l'ensemble des parlementaires, je ne suis pas certaine que tous les parlementaires votent cette loi, mais au fond, ça fait dix ans qu'on nous dit : il faut faire quelque chose pour les personnes âgées, dix ans que rien n'avait été fait, eh bien, nous, nous portons cette réforme.
GUILLAUME DURAND
En dehors des grands équilibres économiques, il y a aussi ce matin des indiscrétions qui commencent à sortir sur le fait que Bercy soit tenté par la vente des médicaments hors pharmacies, est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est faux ?
MARISOL TOURAINE
Alors, je ne sais pas si Bercy est tenté, en tout cas, un rapport le préconisait, c'est vrai…
GUILLAUME DURAND
Oui, ça, tout le monde le sait…
MARISOL TOURAINE
Puisque le rapport est sorti…
GUILLAUME DURAND
Mais maintenant…
MARISOL TOURAINE
Moi, je le dis, je ne suis pas favorable à une évolution de ce type-là…
GUILLAUME DURAND
Et pourquoi ?
MARISOL TOURAINE
Parce que les médicaments ont un prix qui est fixé par la négociation avec l'Etat, avec mes services, et je crois que ce qui est important, c'est de garantir la sécurité des médicaments, et de faire en sorte que les Français consomment moins de médicaments…
GUILLAUME DURAND
Mais si les pharmaciens rentrent dans les grandes surfaces par exemple, c'est toujours des pharmaciens !
MARISOL TOURAINE
Oui, mais à ce moment-là, c'est des pharmacies. Donc une pharmacie qui est à la campagne par exemple, elle assure des heures de garde, elle assure la possibilité pour les patients de se fournir en médicaments dont ils ont besoin à peu près à toute heure du jour et de la nuit, ça ne sera sans doute pas le cas d'une grande surface. Mais vous savez, puisque…
GUILLAUME DURAND
Vous avez dit « sans doute »…
MARISOL TOURAINE
Il y a le sujet du pouvoir d'achat, je vous disais il y a un instant que ce qui reste à la charge des Français en matière de santé a diminué, comment est-ce qu'on a fait ? En développant les médicaments génériques, je crois que c'est la première manière de faire en sorte que les médicaments coûtent moins cher, en luttant contre les dépassements d'honoraires, les Français ont moins à dépenser, et donc il y a des mesures qui ont été portées…
GUILLAUME DURAND
Mais pas celle-là ?
MARISOL TOURAINE
Il y a des modernisations qui doivent se faire, et je dis aux pharmaciens qu'ils doivent s'engager fortement…
GUILLAUME DURAND
Mais ça ne veut pas dire que votre opposition soit un arbitrage définitif ?
MARISOL TOURAINE
Non, je dis qu'ils doivent s'engager fortement, les pharmaciens, dans ce que j'ai lancé, c'est-à-dire la vente des médicaments à l'unité, moi, je vous donne ma position, ça n'est pas un arbitrage, je vais discuter avec mon collègue Emmanuel MACRON de l'Economie, je crois que nous pouvons moderniser le travail des pharmaciens, nous pouvons réfléchir à des évolutions. La bonne solution est-elle d'aller vendre les médicaments dans les grandes surfaces ? Je ne le pense pas.
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi de vous demander de répondre très brièvement, cet après-midi, François REBSAMEN reçoit les partenaires sociaux, parce qu'il y a un problème avec les patrons, en dehors de la chimie, ils ne signent pas grand-chose dans le domaine du pacte, est-ce que vous considérez ce matin que les patrons ne vous aident pas, malgré ce qui s'est passé justement à l'université d'été du MEDEF ? Je parle de l'équipe que vous représentez.
MARISOL TOURAINE
Le patron doit s'engager… les patrons – pardon – les patrons doivent s'engager plus fortement. Le MEDEF soutient le pacte de responsabilité, les entreprises vont en voir les résultats très concrets…
GUILLAUME DURAND
Mais pour l'instant…
MARISOL TOURAINE
A travers les baisses de cotisations, moi, je le dis, un pacte, ça se fait à deux, il y a les salariés…
GUILLAUME DURAND
Et ce n'est pas le cas…
MARISOL TOURAINE
Il y a le patronat, et je souhaite que le patronat s'engage plus fortement parce que sinon, ce ne serait pas compréhensible que, il puisse aller de l'avant, avoir le soutien du gouvernement sans s'engager pour la collectivité.
GUILLAUME DURAND
Merci Marisol TOURAINE. Bonne journée à vous. Je rappelle que cette loi sur le vieillissement sera votée définitivement, si ma mémoire est bonne, donc je vous le disais tout à l'heure, le 17 septembre prochain.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2014