Texte intégral
R. Arzt.- Est-ce que depuis les municipales le Gouvernement traverse une phase difficile ?
- "Je n'en ai pas le sentiment. C'est curieux ! Je me sens un petit peu en décalage ou en déphasage avec tout ce que je lis ou ce que j'entends, y compris chez certains élus politiques ou certains responsables gouvernementaux. J'ai toujours considéré que gouverner était difficile par essence. Gouverner, ce n'est pas une partie de plaisir, il faut surfer sur des vagues. Gouverner c'est se coltiner des problèmes, c'est affronter des difficultés. Je trouve donc normal qu'on ait des difficultés. C'est le contraire qui serait étonnant."
C'est simplement un passage pour vous ?
- "Oui. Le Gouvernement de la France est confronté à des problèmes. Ce n'est pas de sa faute s'il y a des inondations ; ce n'est pas de sa faute si la fièvre aphteuse nous arrive du Royaume-Uni ; ce n'est pas de sa faute si des grands groupes licencient. Mais en même temps, c'est à lui de gérer ces problèmes-là et d'apporter des réponses concrètes aux Français. Je pense que tout cela n'a rien d'extraordinaire, c'est un peu monté en épingle pour de raisons sans doute un peu politiques."
On dit aussi qu'il y a un risque d'usure du pouvoir après quatre ans...
- "C'est un vrai risque. Moi, j'ai la chance d'être arrivé un an et demi après les autres donc je suis peut-être un peu plus frais, encore que cela reste à démontrer. Mais c'est vrai que durer cinq ans au Gouvernement, c'est long, c'est difficile et c'est usant. Je pense que c'est le devoir de tous les ministres et en particulier du Premier ministre de savoir nous redonner du tonus, du dynamisme, du souffle collectif pour rester en phase avec l'opinion et avec les attentes des Français. Effectivement, il nous reste un an : il ne faut pas que pendant un an on s'endorme, on s'use. On doit se remette en mouvement, c'est très important."
Cela signifie-t-il que certains doivent prendre quelques vacances, ainsi que D. Voynet l'a suggéré à L. Jospin ?
- "Je vais vous répondre franchement : je ne suis pas un adepte des petites phrases en général et en particulier je ne suis pas un adepte des petites phrases quand il s'agit de l'équipe dans laquelle je joue. J'ai plutôt l'esprit d'équipe. Je pense qu'on est comme tous les autres, comme tous les Français : quand ils travaillent, ils sont fatigués et ils ont besoin de reprendre des forces, pas plus ni moins au Gouvernement et pas plus ni moins le Premier ministre que le reste des Français. Il y a un week-end de Pâques de trois jours : tant mieux pour tout le monde."
Ce n'est pas scandaleux que même un Premier ministre soit fatigué !
- "Pas plus ni moins que tous les Français qui eux-mêmes ont un dur labeur."
Vous-même, partirez-vous quelques jours ?
- "Lundi est férié. J'en profiterai."
L'objectif pour le Gouvernement aujourd'hui avec le séminaire est de reprendre l'offensive en tout cas ?
- "Je crois qu'au fond il ne faut pas dramatiser les choses. Les élections municipales n'ont pas été cette catastrophe pour la gauche qu'on finit par décrire."
Ce n'est pas vraiment une réussite !
- "Oui mais s'il y avait eu un rejet de la gauche, on n'aurait pas gagné Paris, Lyon, Dijon etc, et même parfois des petites villes Agen, Villeneuve-sur-Lot - des villes de ma région ou du Sud-Ouest. Mais il y a eu des contre-performances qu'il ne faut pas mésestimer ou mépriser non plus. A partir de là, je pense que justement ,pour se remettre en mouvement, pour attaquer l'année qui vient, le Gouvernement doit se remettre en marche d'une manière concrète, lisible, précise sur des sujets qui ont été évoqués tout à l'heure. Je pense qu'effectivement dans le domaine de la lutte contre la violence dans les quartiers, il y a des choses plus concrètes et plus précises à faire encore. Je suis assez d'accord avec ce que disait A. Duhamel à l'instant. De la même façon sur la réduction des inégalités : on a peut-être des choses précises à remettre en perspective ; pour la qualité de la vie dans les villes. Bref, je crois que sur ces sujets-là nous devons sortir du séminaire gouvernemental tout à l'heure avec un programme d'action précis, lisible pour l'année qui vient."
Revenons à votre domaine : l'agriculture. Demain, vendredi, les éleveurs français d'animaux qui sont sensibles à la fièvre aphteuse vont pouvoir recommencer à exporter leur bétail. Cela veut-il dire qu'après la découverte d'un cas en Mayenne, il n'y a plus de risque ?
- "Cela veut dire que semaine après semaine, l'étau se déserre. Je crois que c'est la récompense d'un travail bien fait c'est-à-dire la reconnaissance par l'Europe que la France agit avec efficacité dans le domaine de la fièvre aphteuse. C'est aussi, je crois, un soulagement pour les éleveurs français qui ont fait de très gros sacrifices pour nous protéger d'une épizootie plus dévastatrice. Je veux leur dire mes remerciements pour tous ces efforts qu'ils ont consentis. Maintenant, nous restons sous surveillance : il nous faut débloquer les frontières d'un certains pays de l'Union européenne qui ne veulent pas importer. C'est pour cela que je mets la pression - ce que j'ai fait ce week-end en Suède auprès notamment des Italiens qui sont de gros importateurs de nos animaux- pour qu'ils rouvrent leurs frontières et qu'on reprenne nos flux d'exportation. C'est maintenant urgent pour notre économie de l'élevage."
Pour les vendeurs de bétail qui trouvent que les prix sont très bas, vous avez parlé d'un plan d'accompagnement. Quel est sa signification ?
- "Nous avons un problème dans le traitement de la filière bovine de l'amont - les éleveurs - jusqu'à l'aval - les distributeurs. Nous avons un maillon qui avait été encore non pas oublié mais pas traité avec suffisamment de précisions dans le plan d'accompagnement que nous avons mis en place : c'est celui des commerçants de bestiaux avec qui nous avons travaillé depuis plusieurs semaines. Hier, je leur ai annoncé un plan d'accompagnement que nous avons négocié longuement avec eux : mesures concrètes d'accompagnement pour ces entreprises qui ont été mises en très grandes difficultés avec au fond l'arrêt quasi total de tout transport d'animaux vivants ces dernières semaines. Nous allons les aider concrètement, selon ce plan. Je pense que ce plan est susceptible de mettre fin aux conflits."
A part la fièvre aphteuse, il y a bien sûr les farines animales. On se souvient qu'en Novembre, le Gouvernement avait interdit les farines sans attendre de savoir ce qu'en pensait les experts. Hier, l'Afssa a estimé dans son rapport que c'est bien ce qu'il fallait faire, il fallait interdire. Considérez-vous que c'est un satisfecit ?
- "Le rapport de l'Afssa me satisfait sur deux plans. Le premier, c'est qu'il dit explicitement que le Gouvernement a bien fait de faire ce qu'il a fait, c'est-à-dire d'interdire les farines animales."
C'était en pleine polémique avec J. Chirac que cela avait été fait ?
- "Mais on peut agir avec ou sans polémique. On peut aussi se priver de polémique si on agit encore plus sereinement. En même temps, ce rapport nous dit non pas qu'on a bien fait de prendre notre temps mais presque. Il dit que l'interdiction des farines animales est une mesure simple à prendre mais qu'il y a de très lourdes conséquences. En particulier, ce rapport insiste avec beaucoup de fermeté sur les risques écologiques et environnementaux que représentent maintenant ces montagnes de farines animales, ces stockages qui doivent être stockés à l'abri du vent pour ne pas être disséminés, à l'abri de la pluie pour ne pas être victime de ruissellements et qui doivent être ensuite incinérés. On ne va pas stocker à perte de vue. Ce rapport insiste là-dessus et c'est une manière de répondre à ceux qui nous demandaient ce qu'avait alors attendu le Gouvernement ? D'une certaine manière, il nous dit presque qu'on a agit trop vite dans la mesure où on n'était pas tout à fait prêts à faire face à cette difficulté au moment où nous avons pris la décision. Il y a eu depuis une mission interministérielle conduite par le préfet Proust - qui depuis est devenu préfet de police à Paris - qui a fait un remarquable travail pendant ces quatre mois pour nous mettre en situation de stocker puis d'éliminer ces farines. L'avis de l'Afssa nous montre que ce n'était pas si simple et qu'on a bien fait d'étudier et de prendre notre temps. Peut-être même qu'on aurait dû le prendre un peu plus. En tout cas, maintenant les choses sont engagées. Je suis très satisfait de cette avis qui éclaire d'un commentaire positif les décisions que nous avons prises."
Ce qui ne veut pas dire que toute sécurité est assurée ?
- "Ceci veut dire que ce problème de stockage est un problème énorme mais que nous le gérons avec sérieux. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés que représentent ces stocks de déchets animaux qui sont un poids-lourds à gérer pour la société."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 avril 2001)
- "Je n'en ai pas le sentiment. C'est curieux ! Je me sens un petit peu en décalage ou en déphasage avec tout ce que je lis ou ce que j'entends, y compris chez certains élus politiques ou certains responsables gouvernementaux. J'ai toujours considéré que gouverner était difficile par essence. Gouverner, ce n'est pas une partie de plaisir, il faut surfer sur des vagues. Gouverner c'est se coltiner des problèmes, c'est affronter des difficultés. Je trouve donc normal qu'on ait des difficultés. C'est le contraire qui serait étonnant."
C'est simplement un passage pour vous ?
- "Oui. Le Gouvernement de la France est confronté à des problèmes. Ce n'est pas de sa faute s'il y a des inondations ; ce n'est pas de sa faute si la fièvre aphteuse nous arrive du Royaume-Uni ; ce n'est pas de sa faute si des grands groupes licencient. Mais en même temps, c'est à lui de gérer ces problèmes-là et d'apporter des réponses concrètes aux Français. Je pense que tout cela n'a rien d'extraordinaire, c'est un peu monté en épingle pour de raisons sans doute un peu politiques."
On dit aussi qu'il y a un risque d'usure du pouvoir après quatre ans...
- "C'est un vrai risque. Moi, j'ai la chance d'être arrivé un an et demi après les autres donc je suis peut-être un peu plus frais, encore que cela reste à démontrer. Mais c'est vrai que durer cinq ans au Gouvernement, c'est long, c'est difficile et c'est usant. Je pense que c'est le devoir de tous les ministres et en particulier du Premier ministre de savoir nous redonner du tonus, du dynamisme, du souffle collectif pour rester en phase avec l'opinion et avec les attentes des Français. Effectivement, il nous reste un an : il ne faut pas que pendant un an on s'endorme, on s'use. On doit se remette en mouvement, c'est très important."
Cela signifie-t-il que certains doivent prendre quelques vacances, ainsi que D. Voynet l'a suggéré à L. Jospin ?
- "Je vais vous répondre franchement : je ne suis pas un adepte des petites phrases en général et en particulier je ne suis pas un adepte des petites phrases quand il s'agit de l'équipe dans laquelle je joue. J'ai plutôt l'esprit d'équipe. Je pense qu'on est comme tous les autres, comme tous les Français : quand ils travaillent, ils sont fatigués et ils ont besoin de reprendre des forces, pas plus ni moins au Gouvernement et pas plus ni moins le Premier ministre que le reste des Français. Il y a un week-end de Pâques de trois jours : tant mieux pour tout le monde."
Ce n'est pas scandaleux que même un Premier ministre soit fatigué !
- "Pas plus ni moins que tous les Français qui eux-mêmes ont un dur labeur."
Vous-même, partirez-vous quelques jours ?
- "Lundi est férié. J'en profiterai."
L'objectif pour le Gouvernement aujourd'hui avec le séminaire est de reprendre l'offensive en tout cas ?
- "Je crois qu'au fond il ne faut pas dramatiser les choses. Les élections municipales n'ont pas été cette catastrophe pour la gauche qu'on finit par décrire."
Ce n'est pas vraiment une réussite !
- "Oui mais s'il y avait eu un rejet de la gauche, on n'aurait pas gagné Paris, Lyon, Dijon etc, et même parfois des petites villes Agen, Villeneuve-sur-Lot - des villes de ma région ou du Sud-Ouest. Mais il y a eu des contre-performances qu'il ne faut pas mésestimer ou mépriser non plus. A partir de là, je pense que justement ,pour se remettre en mouvement, pour attaquer l'année qui vient, le Gouvernement doit se remettre en marche d'une manière concrète, lisible, précise sur des sujets qui ont été évoqués tout à l'heure. Je pense qu'effectivement dans le domaine de la lutte contre la violence dans les quartiers, il y a des choses plus concrètes et plus précises à faire encore. Je suis assez d'accord avec ce que disait A. Duhamel à l'instant. De la même façon sur la réduction des inégalités : on a peut-être des choses précises à remettre en perspective ; pour la qualité de la vie dans les villes. Bref, je crois que sur ces sujets-là nous devons sortir du séminaire gouvernemental tout à l'heure avec un programme d'action précis, lisible pour l'année qui vient."
Revenons à votre domaine : l'agriculture. Demain, vendredi, les éleveurs français d'animaux qui sont sensibles à la fièvre aphteuse vont pouvoir recommencer à exporter leur bétail. Cela veut-il dire qu'après la découverte d'un cas en Mayenne, il n'y a plus de risque ?
- "Cela veut dire que semaine après semaine, l'étau se déserre. Je crois que c'est la récompense d'un travail bien fait c'est-à-dire la reconnaissance par l'Europe que la France agit avec efficacité dans le domaine de la fièvre aphteuse. C'est aussi, je crois, un soulagement pour les éleveurs français qui ont fait de très gros sacrifices pour nous protéger d'une épizootie plus dévastatrice. Je veux leur dire mes remerciements pour tous ces efforts qu'ils ont consentis. Maintenant, nous restons sous surveillance : il nous faut débloquer les frontières d'un certains pays de l'Union européenne qui ne veulent pas importer. C'est pour cela que je mets la pression - ce que j'ai fait ce week-end en Suède auprès notamment des Italiens qui sont de gros importateurs de nos animaux- pour qu'ils rouvrent leurs frontières et qu'on reprenne nos flux d'exportation. C'est maintenant urgent pour notre économie de l'élevage."
Pour les vendeurs de bétail qui trouvent que les prix sont très bas, vous avez parlé d'un plan d'accompagnement. Quel est sa signification ?
- "Nous avons un problème dans le traitement de la filière bovine de l'amont - les éleveurs - jusqu'à l'aval - les distributeurs. Nous avons un maillon qui avait été encore non pas oublié mais pas traité avec suffisamment de précisions dans le plan d'accompagnement que nous avons mis en place : c'est celui des commerçants de bestiaux avec qui nous avons travaillé depuis plusieurs semaines. Hier, je leur ai annoncé un plan d'accompagnement que nous avons négocié longuement avec eux : mesures concrètes d'accompagnement pour ces entreprises qui ont été mises en très grandes difficultés avec au fond l'arrêt quasi total de tout transport d'animaux vivants ces dernières semaines. Nous allons les aider concrètement, selon ce plan. Je pense que ce plan est susceptible de mettre fin aux conflits."
A part la fièvre aphteuse, il y a bien sûr les farines animales. On se souvient qu'en Novembre, le Gouvernement avait interdit les farines sans attendre de savoir ce qu'en pensait les experts. Hier, l'Afssa a estimé dans son rapport que c'est bien ce qu'il fallait faire, il fallait interdire. Considérez-vous que c'est un satisfecit ?
- "Le rapport de l'Afssa me satisfait sur deux plans. Le premier, c'est qu'il dit explicitement que le Gouvernement a bien fait de faire ce qu'il a fait, c'est-à-dire d'interdire les farines animales."
C'était en pleine polémique avec J. Chirac que cela avait été fait ?
- "Mais on peut agir avec ou sans polémique. On peut aussi se priver de polémique si on agit encore plus sereinement. En même temps, ce rapport nous dit non pas qu'on a bien fait de prendre notre temps mais presque. Il dit que l'interdiction des farines animales est une mesure simple à prendre mais qu'il y a de très lourdes conséquences. En particulier, ce rapport insiste avec beaucoup de fermeté sur les risques écologiques et environnementaux que représentent maintenant ces montagnes de farines animales, ces stockages qui doivent être stockés à l'abri du vent pour ne pas être disséminés, à l'abri de la pluie pour ne pas être victime de ruissellements et qui doivent être ensuite incinérés. On ne va pas stocker à perte de vue. Ce rapport insiste là-dessus et c'est une manière de répondre à ceux qui nous demandaient ce qu'avait alors attendu le Gouvernement ? D'une certaine manière, il nous dit presque qu'on a agit trop vite dans la mesure où on n'était pas tout à fait prêts à faire face à cette difficulté au moment où nous avons pris la décision. Il y a eu depuis une mission interministérielle conduite par le préfet Proust - qui depuis est devenu préfet de police à Paris - qui a fait un remarquable travail pendant ces quatre mois pour nous mettre en situation de stocker puis d'éliminer ces farines. L'avis de l'Afssa nous montre que ce n'était pas si simple et qu'on a bien fait d'étudier et de prendre notre temps. Peut-être même qu'on aurait dû le prendre un peu plus. En tout cas, maintenant les choses sont engagées. Je suis très satisfait de cette avis qui éclaire d'un commentaire positif les décisions que nous avons prises."
Ce qui ne veut pas dire que toute sécurité est assurée ?
- "Ceci veut dire que ce problème de stockage est un problème énorme mais que nous le gérons avec sérieux. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés que représentent ces stocks de déchets animaux qui sont un poids-lourds à gérer pour la société."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 avril 2001)