Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à RTl le 21 novembre 2014, sur les "décrocheurs scolaires" et l'échec scolaire.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
07h50, Jean-Michel APHATIE, vous recevez la ministre de l'Education nationale, Najat VALLAUD-BELKACEM.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils sont 140 000 collégiens ou lycéens à sortir chaque année du système scolaire sans diplôme, on les appelle « les décrocheurs ». L'Education nationale a déjà présenté beaucoup de plans pour lutter contre cet échec de masse, sans grand succès, vous en présentez un ce matin avec le Premier ministre à Lens, dans le Nord. Qu'apporterez-vous de nouveau pour traiter ce problème, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord, ce chiffre est insupportable, parce que sortir du système scolaire sans qualification, ça veut dire pour le jeune, ne pas maitriser son destin, et le subir, et se retrouver au chômage…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on est face à cette réalité depuis un moment.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Depuis un moment elle n'a cessé de se creuser, depuis 10 ans, pour être particulièrement clair, er se retrouver donc, je le disais, au chômage, mais aussi pour beaucoup d'entre eux, dans la pauvreté, voire la grande pauvreté. Donc il fallait que les pouvoirs publics agissent, ils ont tenté d'agir ces dernières années…
JEAN-MICHEL APHATIE
Déjà… bien sûr, il y a déjà eu des plans.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Depuis 2012, en particulier, nous avons agit sur le raccrochage de ces jeunes. Par exemple, lorsque nous avons développé, on en a souvent parlé, la garantie jeunes, qui permet à des jeunes d'être accompagnés pour revenir en insertion, c'était une forme de réponse. La nouveauté, avec ce que nous présentons aujourd'hui, c'est qu'il s'agit d'une stratégie interministérielle, intégrée, qui va de la prévention du décrochage, jusqu'au raccrochage, qui n'oublie aucune dimension et qui associe tout le monde, parce que pour pouvoir aider un enfant à persévérer et à s'en sortir, lorsqu'il est en situation de décrochage, il faut l'appui à la fois des personnels de l'Education nationale, bien sûr mais aussi des parents eux-mêmes, des régions, des entreprises, des associations, qui entourent l'établissement scolaire, et c'est cela que nous organisons.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est sûrement très bien sur le papier, comment est-ce qu'on saura que ça marche ? Comment est-ce que l'on rend compte de ces plans qui sont toujours…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
… des plans formidables, quand on les présente, mais quels résultats ils ont ensuite ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est une très bonne question, je le dis, parce que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Parfois j'en pose, pas souvent.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je le dis, parce que lorsque je suis arrivée aux responsabilités dans ce ministère, j'ai été relativement surprise par le peu d'évaluations que l'on porte sur nos propres politiques publiques en matière éducative. Précisément, ce plan que nous présentons aujourd'hui, figurez-vous que c'est le résultat d'un travail qui est conduit depuis un an, pour évaluer chacune de nos politiques publiques, à nous l'Etat, aux régions, qui étaient disparates jusqu'à présents…
JEAN-MICHEL APHATIE
Dispersées, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
… très peu lisibles, et pour remettre de la simplification et de la cohérence dans tout cela. Et donc c'est un plan, celui-ci, qui sera à son tour évalué, toutes les actions que nous installons, on pourra en parler, le seront progressivement et nous voulons réduire au minimum par deux, le nombre de décrocheurs d'ici 2017, c'est-à-dire passer des 140 000 à 70 000, ce sera déjà un vrai pas de fait.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'était la promesse de François HOLLANDE en 2012, mais…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'est cette même promesse.
JEAN-MICHEL APHATIE
Là il vous reste deux ans en gros pour y arriver, ça va être difficile, hein.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, comme je le disais, depuis deux ans nous n'avons pas rien fait, nous avons agit sur le raccrochage, sur le raccrochage, de fait, plusieurs dizaines de milliers de jeunes ont trouvé une solution, avant 2012. La situation, je vous l'accorde, était particulièrement critique. Aujourd'hui nous progressons, et nous progressons notamment sur cette question de la prévention sur laquelle je voudrais revenir, parce que notre système scolaire souffre de ce que notamment au collège, on traite tous les enfants, tous les élèves, de la même façon, sans forcément s'adapter aux difficultés qui sont les leurs. Les enfants ne sont pas forcément adaptés au fonctionnement classique, traditionnel, des cours tels qu'on les leur propose, et donc, dans ce plan, vous avez des choses assez nouvelles, qui vont permettre à un enfant, par exemple à l'âge de 15 ans, dont les difficultés sont avérées et le décrochage vraiment un risque, qui risque d'arriver rapidement, de pouvoir faire une pause dans sa scolarité, de pouvoir sortir du milieu éducatif pour aller faire un stage en entreprise, et en service civique, voir autre chose, prendre du recul, tout en restant sous statut scolaire et revenir ensuite avec une formation plus adaptée. On ne va…
JEAN-MICHEL APHATIE
La prévention est peut-être la clef de votre plan, par rapport à ce qui a été fait avant.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La prévention est absolument essentielle, le fait d'associer les parents à cette démarche, l'est tout autant et associer les parents ça veut dire faire en sore qu'ils aient leur mot à dire au moment de l'orientation de leur élève, de leur enfant, pardon, ça veut dire les associer à la vie de l'établissement pour qu'ils comprennent les codes et les règles, ce que l'on attend de leurs enfants et qu'ils soient en mesure d'aider aussi lorsqu'un enfant décroche. Et puis ça veut dire par exemple, pour les parents qui ne pratiquent pas la langue française et qui sont particulièrement en difficultés, pour aider leurs enfants, y compris leur offrir des formations, ça c'est tout à fait nouveau, des formations par des professeurs rémunérés pour se faire, des formations au fonctionnement de l'institution scolaire, pour qu'ils soient mieux à même d'accompagner leurs enfants.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous suivrons votre déplacement tout à l'heure à Lens, avec le Premier ministre et puis le détail de ce plan, les auditeurs de RTL pourront le retrouver sur RTL.fr et au passage, parce que certains sont peut être un peu irrités quand ils vous entendent dire ça, peut-être qu'avant 2012 il y avait aussi un traitement du décrochage, mais depuis 2012, on l'a compris, selon vous, il est plus important.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non non, mais pardonnez-moi, Jean-Michel APHATIE, ça n'était pas un propos simplement polémique, ce sont les chiffres…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il avait cette teinte là, donc je l'ai juste souligné.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sont les chiffres, alors qu'il y a dix ans de cela, le décrochage, ça existait mais ça allait en baissant. Depuis 10 ans, le décrochage n'a cessé de s'aggraver.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, polémique, pour polémique, quel avenir pour la grande réforme des rythmes scolaires, que vous tentez de mettre en place, non sans difficultés, Nicolas SARKOZY en a parlé à Mulhouse avant-hier.
INTERVENANT
Ma question porte sur les rythmes scolaires. Est-ce que vous abrogerez cette réforme ?
NICOLAS SARKOZY
Oui !
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, c'est clair, c'est net, ça ne durera pas longtemps les rythmes scolaires, si une alternance se produit en 2017. Décidément, cette réforme, personne n'en veut.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais enfin, Nicolas SARKOZY c'est à chaque meeting son abrogation, on a bien compris, et puis en plus, s'agissant de ces sujets d'éducation, avec le sérieux qu'on lui connait, c'est-à-dire qu'à chaque meeting une idée nouvelle. D'abord c'est 30 % d'enseignant en moins, donc 300 000 profs en moins.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est bien, la politique, quand elle a des idées nouvelles.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le lendemain c'est 30 % de paie en plus, le surlendemain c'est 30 % de temps de travail en plus, avec pour ses porte-paroles beaucoup de contorsions à faire pour expliquer tout cela ensuite. La vérité c'est que, je vais vous dire, lorsqu'on a laissé l'école dans l'état de déshérence dans lequel Nicolas SARKOZY l'a laissé, on n'a vraiment pas de leçons à donner.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une députée socialiste, Anne-Yvonne LE DAIN, dit : le hachich c'est une réalité, notamment parmi les jeunes, on peut imaginer une vente sous contrôle de l'Etat. C'est un rapport parlementaire qu'elle présente. Vous pouvez l'imaginer, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, honnêtement, non, ça ne fait pas partie…
JEAN-MICHEL APHATIE
Le statuquo, on préfère le trafic à quelque chose qui règlerait peut être la question du trafic ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La meilleure façon de mettre fin au statuquo en question, c'est précisément ce que nous préparons dans le cadre de la loi santé de Marisol TOURAINE, je vous invite à regarder cela de près, il y a dans cette loi santé, un parcours de santé à l'école, qui va permettre aux élèves d'être très tôt…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de vente en tout cas sous le contrôle de l'Etat.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non. D'être surtout très tôt préservé des dangers de la drogue, parce que je pense que c'est cela qu'il faut faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et pour les choco-rêve, vous ne pouvez rien faire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour les choco-rêve, on va en reparler.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va en reparler une autre fois. Najat VALLAUD-BELKACEM était l'invitée de RTL.
YVES CALVI
Diminuer par deux les décrocheurs d'ici 2017, notamment en aidant certains parents dans la pratique du Français. Merci à tous les deux, et puis pour Jean-Michel, si si, vous posez d'excellentes questions, je vous rassure. Merci à tous les deux…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, la dernière était bonne.
YVES CALVI
Et entretien à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2014