Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le lancement de la plateforme francealumni.fr, un nouveau réseau social français destiné aux anciens étudiants étrangers ayant fait des études en France, à Paris le 26 novembre 2014.

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Texte intégral

Chère Madame,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues et Amis,
Madame la Ministre, Chère Geneviève,
Mesdames et Messieurs,
Tout d'abord, merci d'être là pour le lancement de cette plateforme dont l'objectif, comme cela vient d'être très bien dit par Mme Grillo c'est que, dans une société en réseau, les alumni soient également en réseau. Très gentiment, Mme Grillo a dit que j'y étais pour quelque chose mais c'est surtout le hasard en fait.
Je vais vous raconter l'une de mes colères. J'étais dans un pays d'Asie, que je ne nommerai pas, et l'on avait préparé une réception à mon intention. Je discutais avec les uns et les autres et l'on me présente un homme, qui parlait le français comme vous et moi ; personne ne m'avait expliqué son curriculum vitae - c'est là où j'étais un peu en colère - ; nous parlons de choses et d'autres, je lui demande : «que faites-vous ?» Il me dit : «je suis professeur de mathématiques dans une grande université américaine et l'année dernière, j'ai eu la médaille Fields.» J'avais l'air malin ! Je bredouille. Il me dit : «moi, c'est la France qui m'a tout apporté. J'ai fait la filière des grandes écoles, etc., et je voudrais rendre à la France ce qu'elle m'a donné.» Formidable me disais-je, et il le disait de façon tout à fait forte et émouvante. Je me tourne donc vers l'ambassadeur qui, je le précise, est toujours en poste et je lui dis qu'il faudrait fournir à notre ami la liste de toutes les personnes de ce pays qui sont passées par les écoles françaises. Il me dit : «le problème c'est qu'on ne l'a pas».
À partir de là, de ma propre expérience personnelle, j'ai réalisé qu'effectivement nous n'avions pas eu, sauf cas particulier, ce réflexe, dans un monde désormais en réseau, de nous mettre aussi en réseau.
J'ai donc incité aimablement Campus-France et d'autres organismes à s'y mettre. Aujourd'hui, je pense que nous avons avancé et c'est le sens de cette petite cérémonie.
Au-delà de cette anecdote réelle, j'ai souhaité créer ce réseau pour deux ou trois raisons qui paraissent évidentes.
Les étudiants qui poursuivent des études dans un autre pays que le leur étaient en 2012 quatre millions. Ils seront huit millions en 2020. Il y aura, et c'est une très bonne chose, un développement des échanges mondiaux dans le domaine de l'enseignement supérieur et, ce qui va avec, un accroissement de la concurrence mondiale dans ce même domaine.
Dans cette compétition, la France a de nombreux atouts. Le premier, c'est la qualité de son enseignement et je veux saluer en particulier les recteurs, les présidents ou directeurs d'institutions universitaires et de grandes écoles qui sont là et tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, contribuent à cette qualité, car c'est grâce à eux, aux équipes et aux personnels administratifs de l'enseignement supérieur que nous avons ce rayonnement universitaire et scientifique.
On parle beaucoup du déclin de la France et je pense que de temps en temps, on peut faire preuve d'un peu d'humour. Je dis, c'est formidable ! Un pays en déclin qui, la même année, a eu - je dis cela d'autant plus que le gouvernement n'y est pour rien - le prix Nobel de littérature, le prix Nobel d'économie et la médaille Fields. Des déclins comme ceux-là, on en voudrait chaque année !
Ce qui est certain, c'est que la France est l'une des destinations les plus attractives au monde pour les étudiants étrangers. En 2013-2014, près de 300.000 étudiants étrangers ont accompli tout ou partie de leur cursus universitaire chez nous et nous sommes le troisième pays d'accueil des étudiants étrangers en mobilité au monde, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. C'est-à-dire le premier pays d'accueil non anglophone, même si maintenant, on peut aussi apprendre en anglais en France.
C'est une situation qu'il faut non seulement préserver mais développer parce que la présence d'étudiants étrangers est une grande chance pour la France et non pas une menace, comme je crois me souvenir ou ne pas me souvenir que c'était la conviction de certains. La présence d'étudiants étrangers est une grande chance pour la France.
C'est d'abord une grande chance sur le plan économique parce qu'une large part de ces étudiants étrangers en France ont ensuite envie de travailler avec nos entreprises, de revenir le cas échéant pour des séjours touristiques et de consommer des produits que M. Montebourg aurait appelé «made in France».
C'est aussi une chance pour l'image de la France dans le monde. Il y a eu un sondage récent, réalisé à la demande de Campus-France, qui montre que deux étudiants sur trois repartent avec une meilleure image de la France et des Français et avec l'envie de recommander notre pays pour y travailler. C'est aussi une chance pour les Français eux-mêmes et leur ouverture au monde parce que le fait que nous ayons beaucoup d'étudiants venus d'Afrique, d'Europe, d'Asie, d'Amérique, du Moyen-Orient, crée un brassage culturel extrêmement précieux, à la fois au sein de nos établissements d'enseignement supérieur et bien au-delà.
Certains alumni, qui sont encore plus brillants que les autres si c'est possible, constituent vraiment une illustration magnifique de ce que peut donner le mélange entre origine internationale et enseignement supérieur français.
Je veux remercier toutes celles et tous ceux qui nous font l'amitié d'être présents ce soir et tout particulièrement vous-mêmes, Cher Ami, qui avez la gentillesse d'être là, ministre de la santé publique de la République amie tunisienne - ce n'est pas le nom officiel de la Tunisie mais j'ajoute cela -, Mme Flay qui est la directrice de la FIAC et M. John Parkes qui est le directeur général d'Ubisoft France.
Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, il faut donc tout faire, non seulement pour attirer davantage d'étudiants étrangers en France mais aussi de garder un contact étroit avec eux pour tirer le meilleur parti de ce lien spécifique qu'ils ont noué avec notre pays.
C'est là l'objet de la plateforme numérique francealumni.fr, je dis bien «alumni» qui est un mot latin et non pas «alumny» qui est un mot anglo-saxon car je pense que cela répond à un vrai besoin. D'abord parce que les outils de mise en réseau numérique d'anciens étudiants constituent un phénomène de société et, sur beaucoup de continents, à commencer par l'Amérique du Nord, il y a énormément d'associations d'anciens diplômés de telle ou telle université et il y a des plateformes numériques mises à leur disposition par ces universités.
En France, il y a bien sûr un certain nombre d'écoles qui ont créé des plateformes d'alumni : Science po, HEC, etc. Mais nous n'avions pas jusqu'à présent un instrument national et international fédérateur qui soit ouvert à tous et qui soit susceptible d'accueillir des partenaires nombreux de tous horizons. La plateforme France alumni, dont CampusFrance a piloté la mise en oeuvre, va constituer maintenant cet instrument.
Cette plateforme s'adresse à tous les anciens étudiants étrangers en France, à toutes les associations d'alumni. Elle est également à la disposition des anciens élèves de nos établissements scolaires à l'étranger et des anciens stagiaires de nos entreprises. Si cela fonctionne - et cela doit fonctionner -, cela va permettre à nos alumni, que très souvent nous perdons de vue ou que nous n'avons même pas dans notre vue, de maintenir un lien avec la France. Nous voulons susciter, avec cet instrument, des réseaux interactifs entre alumni, entreprises, collectivités locales, établissements d'enseignement supérieur, opérateurs culturels ou scientifiques, ambassades.
Cette plateforme va offrir les caractéristiques des réseaux sociaux en ligne à travers toute une série d'outils : la participation à des groupes de discussions thématiques, les contacts directs entre membres, les recherches ciblées au moyen d'un annuaire multicritères.
Donc, à partir d'aujourd'hui-même et jusqu'au début de l'année 2015, j'ai demandé à une dizaine d'ambassades expérimentatrices d'intégrer la plateforme à travers la création de sites locaux. Pour joindre le geste à la parole, le site du Brésil est lancé aujourd'hui même. Viendront ensuite celui de l'Allemagne, de la Colombie, du Gabon, du Japon. Tout au long de l'année 2015 et peut-être plus vite si c'est possible, une cinquantaine d'autres sites vont être créés afin de former une sorte de constellation internationale autour du site central qui sera géré et animé à Paris par Campus-France.
La plateforme va donc progressivement se déployer d'une manière déconcentrée. Je pense qu'au-delà des services qu'elle va rendre à ces alumni, la plateforme va être un atout important pour notre pays parce que ce sera un argument supplémentaire pour notre attractivité universitaire. Les étudiants étrangers sauront que par cet outil numérique, ils pourront disposer d'un réseau virtuel extrêmement puissant qui leur permettra après leurs études d'avoir à la fois accès aux milliers d'autres alumni qui ont étudié en France et à un nombre important d'institutions publiques et d'entreprises. En elle-même, cette plateforme constituera une composante de l'attractivité de la France.
Je dis en passant que nous allons lancer une campagne, pas seulement autour d'alumni mais d'une façon générale autour du thème - parce que c'est celui qui me paraît le mieux résumer la spécificité de la France - «Créative France ».
Quand on parle de la France, c'est cette notion de créativité qui apparaît au premier rang.
De même, la plateforme sera une contribution à notre diplomatie économique par le soutien qu'elle apportera à nos entreprises. francealumni.fr doit devenir une sorte de vitrine de leur excellence, un vecteur de communication à destination des alumni auxquels les entreprises pourront proposer informations économiques, offres de stages et d'emplois. Nos entreprises pourront s'appuyer sur ces réseaux et sur ces talents pour se développer à l'international.
De même, pour nos universités et nos écoles que j'invite à s'approprier dès aujourd'hui cet outil, francealumni offrira la possibilité de demeurer en contact avec leurs anciens étudiants mais aussi de se faire mieux connaître, de proposer des bourses, de susciter des envies de parcours complémentaires de formations.
Enfin, je pense que cette plateforme va constituer un vecteur d'influence et de rayonnement pour notre pays tout entier parce qu'elle va permettre à tous ceux qui un jour ont fait le choix de faire des études en France, de prolonger leur expérience française, de rester en contact avec la France, ses territoires, sa culture et son art de vivre.
Elle va permettre de tisser des liens avec nos ambassades, nos établissements d'enseignement supérieur, nos entreprises, nos opérateurs culturels et scientifiques.
Ce sera donc un instrument démultiplicateur de l'influence française dans le monde.
Ce sera l'un des outils de ce que j'essaie de mettre en oeuvre, ce que j'appelle la diplomatie globale qui ne se soucie pas simplement des grandes questions stratégiques comme le nucléaire iranien, que sais-je encore, mais qui développe la totalité des facettes par lesquelles la France rayonne dans le monde.
Je suis convaincu que la diplomatie universitaire et scientifique, dont francealumni.fr va constituer un pilier, est une composante essentielle de cette diplomatie globale.
Je veux, pour terminer, exprimer des remerciements aux équipes de Campus-France d'abord qui ont accompli un travail remarquable. Nous allons voir tout à l'heure si tout est au rendez-vous, sans vouloir faire monter la pression.
Je veux remercier pour le passé et le futur nos ambassades, établissements d'enseignement supérieur, chambres de commerce et d'industrie, notamment la CCI Paris-Île-de-France, les entreprises, les collectivités locales, les opérateurs culturels et les associations d'alumni qui ont été peu ou prou associés à ce projet. Et à tous, je veux vraiment dire nos félicitations pour leur engagement.
Il s'agit, vous l'aurez compris, non pas de créer une espèce de réplique des Carbonari, ce n'est pas du tout une affaire de complot, c'est vraiment un réseau mondial qui doit permettre de démultiplier notre influence avec ce qu'est aujourd'hui une société en réseau.
Je compte sur vous toutes et sur vous tous pour accompagner la croissance et l'épanouissement de cette plateforme que nous lançons ensemble aujourd'hui. Je vous invite à donner l'exemple en vous connectant vous-même très vite sur France alumni.
C'est un beau jour que celui où naît un nouvel enfant qui va être démultiplié par centaines de milliers. Je pense que l'on peut vous remercier toutes et tous pour ce que vous avez fait ou pour ce que vous allez faire afin que le bébé grandisse très vite.
Merci beaucoup d'être là.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2014