Déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les relations entre l'Education et l'économie, Paris le 3 décembre 2014.

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Vous qui donnez de votre temps, de votre énergie pour participer aux travaux de ce conseil national éducation économie, je suis venue vous remercier pour votre engagement au sein de cette instance et vous dire tous les espoirs que je place en elle. Que je place en vous.
Je vais vous faire une confidence : lorsque j'ai pris mes fonctions de ministre des droits des femmes, il y a deux ans et demi, j'ai trouvé dans mon ministère six conseils. Six conseils qui se réunissaient de manière irrégulière et dont l'activité était réduite. J'ai alors décidé d'en structurer deux, qui ont ensuite été parmi mes plus précieux leviers pour construire la politique d'égalité femmes hommes. Leurs propositions ont abondamment nourri la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ensuite, dans le cadre de mon portefeuille ministériel suivant, je me suis appuyée sur le Haut conseil à la vie associative pour construire les mesures qui ont permis aux associations de bénéficier du choc de simplification.
C'est dire la confiance que je place dans ces instances de concertation qui réunissent un tel capital d'expertise et d'expérience, la place centrale que je leur accorde et le rôle que je souhaite vous voir jouer pour accélérer le rapprochement entre l'éducation et le monde professionnel.
C'est pour moi une priorité.
C'est d'ailleurs la première fois que le ministre participe à l'une de vos séances de travail. Cela n'est bien entendu pas anodin.
D'abord parce que je suis convaincue que l'école et le monde professionnel ne peuvent pas se passer l'une de l'autre.
L'horizon de l'école ne s'arrête pas à la porte de la salle de classe.
La communauté éducative a besoin d'appréhender le monde professionnel, d'y avoir des repères et d'en mesurer les évolutions, parce que l'orientation et l'insertion professionnelle des jeunes font pleinement partie des missions de l'école.
La mission de l'école, c'est certes de transmettre des connaissances et des compétences aux élèves ; c'est certes de les aider à se forger une réflexion, un esprit critique.
Mais c'est aussi d'aider les élèves à comprendre le monde dans lequel ils évoluent, et l'économie fait partie de ce monde.
C'est aussi de transmettre une formation initiale solide et de permettre aux élèves de développer leur capacité à apprendre, pour s'adapter tout au long de leur vie et se maintenir dans l'emploi.
Au fond, rapprocher éducation et économie, c'est mettre en œuvre le droit à l'éducation, précisé à l'article 1er du Code de l'éducation, selon lequel "Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté".
De leur côté, je suis convaincue que les acteurs du monde professionnel, et notamment les entreprises, ont eux aussi besoin de mieux connaître le monde de l'éducation et d'en avoir -disons-le- une vision parfois plus nuancée. Le niveau de diplôme, le cursus suivi sont bien souvent des critères de recrutement par les entreprises et ont donc un impact direct sur les viviers de recrutement.
Lors de la grande conférence sociale de cet été, à laquelle plusieurs d'entre vous ont été associés voire ont participé, le gouvernement a pris des engagements forts et précis pour accélérer le rapprochement entre le monde de l'éducation et le monde professionnel. J'y ai à ma place de ministre de la Jeunesse de l'époque fortement contribué, tant le destin de ces jeunes insuffisamment préparés à trouver leur place et à évoluer dans le monde professionnel me préoccupait.
Ces chantiers lancés à la grande conférence sociale, nous sommes en train de les traduire en actes.
Nous mobilisons toutes nos équipes pour adapter les diplômes aux besoins en compétences du marché du travail, pour améliorer l'orientation, développer l'apprentissage, valoriser toutes les voies de formation et notamment l'enseignement professionnel, vaincre le décrochage scolaire.
Dans cet esprit et très concrètement, j'ai demandé, sitôt arrivée ici, aux recteurs de m'adresser des propositions pour nourrir le parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel (PIIODMEP), dont vous avez parlé ce matin avec le président du CSP. Il sera expérimenté dès janvier 2015 et généralisé à la rentrée prochaine : son succès est un enjeu majeur.
L'un des temps fort de ce parcours sera ainsi la journée de découverte du monde professionnel, qui sera organisée tous les ans, par chaque établissement et pour chaque élève, pour préparer les collégiens et lycéens à leurs choix d'orientation et de formation. Je veux aussi que l'on travaille sur la séquence d'observation en milieu professionnel de 3ème, car ce sera un moment clé du parcours.
Notre action bénéfice d'un contexte favorable : une volonté politique forte et partagée, mais aussi votre engagement, à tous, pour agir au sein de ce conseil national.
Je le sais, vous êtes ici à titre gracieux et vous représentez l'engagement conjoint des partenaires sociaux, des collectivités territoriales, des administrations centrales pour l'insertion professionnelle des jeunes. Permettez-moi, de vous adresser mes plus chaleureux remerciements, au nom de l'éducation nationale, au nom de la communauté éducative et au nom de nos élèves.
Ensemble, saisissons-nous de ce contexte favorable ! Ayons, tous autour de la table, conscience de l'urgence à agir ! Les enquêtes "Génération" du Cereq montrent qu'en 2013, trois ans après leur sortie du système éducatif, 21% des jeunes sont en recherche d'emploi, contre 14% pour la génération précédente. C'est le niveau le plus élevé jamais observé dans les enquêtes d'insertion. Le taux de chômage des non-diplômés monte jusqu'à 48%, en hausse de 16 points par rapport à la génération d'avant.
Je compte sur vous pour que nous avancions vite, sans attendre et dans un calendrier serré, sur les sujets inscrits dans votre feuille de route. Pour n'en citer que quelques-uns : l'adaptation des diplômes et notamment l'introduction de "blocs de compétences" pour permettre des certifications intermédiaires ; le contenu du parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel, j'en ai parlé, qui doit être à la hauteur des attentes ; la labellisation des campus des métiers et qualifications, etc. J'insiste sur l'importance qu'il faut accorder à ces derniers.
Je suis convaincue qu'ils peuvent constituer de véritables pôles d'attraction sur le territoire et avoir des effets d'entraînement sur l'ensemble de l'enseignement professionnel. Et, au-delà, je trouve qu'ils correspondent aux besoins de notre époque : une demande sociale forte, de la part des jeunes, de pouvoir accéder à une formation qualifiante ; une articulation croissante entre l'offre de formation et les projets industriels de territoire, parfois sur des secteurs de pointe : l'aéronautique, les énergies renouvelables, le numérique, etc.
Cette articulation entre territoire et formation, les campus des métiers et des qualifications la permettent. Ils le font en mettant autour de la table l'Etat et les Régions. C'est une grande force. Une chance. Là aussi, il faut s'en saisir. En 2013, 14 campus ont été labellisés et nous avons déjà pour cette année un potentiel de 26 projets : c'est encourageant. Je sais que vous êtes très impliqués dans la deuxième campagne de labellisation des nouveaux projets de campus : c'est pour moi la preuve d'un CNEE vivant et dynamique et je vous en remercie. Sur la base de votre avis, j'arrêterai la liste des projets retenus en lien avec les autres ministres concernés, et les résultats de cette deuxième campagne seront annoncés en janvier.
Sur ce sujet comme sur les autres, je vous le dis, les membres de mon cabinet sont à votre disposition en continu pour dialoguer avec vous, en continu, sur l'avancée et le contenu de vos travaux.
Au-delà de vos recommandations, je compte aussi sur vous pour participer à renouveler les relations entre l'Éducation et l'Économie et pour le faire dans la confiance réciproque et dans la concertation constructive. C'est là, à mon sens, une mission centrale du Conseil national Éducation-Économie, en bonne articulation avec le Comité sup'emploi, parce que le parcours d'un élève fait fi de la séparation entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur.
J'attends des propositions communes entre vos deux conseils sur des sujets comme le développement de l'alternance ou de partenariats avec le monde économique, dans le cadre de l'évaluation de politiques publiques pilotée par Christiane Demontes. Vos deux instances doivent travailler ensemble et d'ailleurs aussi construire avec vos présidents un processus de rapprochement, tant il est vrai qu'il faut rassembler nos forces.
Par concertation constructive, j'entends également relations avec le Conseil National de l'Industrie, le Céreq, France-Stratégie, qui sont amenés à vous apporter leur appui, leur expertise et leur vision pour vous aider à explorer tous les moyens, toutes les voies possibles pour mieux répondre aux besoins en compétences nouvelles, à élever le niveau de qualification et à sécuriser, à enrichir les parcours de formation des jeunes.
Mesdames et messieurs, le CNEE est un gisement d'expertise, d‘expérience et d'ouverture en qui j'ai confiance pour accélérer le mouvement de rapprochement entre l'éducation et le monde professionnel. J'ai confiance en vous, et je vous remercie une nouvelle fois pour votre mobilisation au sein de cette instance.
Source http://www.education.gouv.fr, le 4 décembre 2014