Texte intégral
R. Elkrief Demain, c'est une journée d'action à l'initiative de quatre syndicats, dont FO, la CGT, CFE-CGC-CFTC, dans les transports mais aussi La Poste, les hôpitaux, les impôts. Depuis le 11 septembre, le gouvernement Jospin a appelé - les entreprises notamment - au patriotisme économique. Vous, syndicats, vous ne vous sentez pas concernés par cet appel ?
- "Quand j'ai entendu ce mot d'ordre de la part du Gouvernement... "
"Appel".
- "Oui, c'est pratiquement un mot d'ordre, une consigne... J'étais avec les salariés de Moulinex, en train de visiter une des usines vouées à la fermeture. Et je me dis que tout le monde n'a pas, dans ce pays, la même notion du patriotisme économique."
Vous pensez aux patrons qui ferment. Mais concrètement, demain, la journée d'action sera une journée noire dans les transports. C'est comme cela que c'est prévu, notamment à la SNCF, la RAPT, chez les traminots. Avec la conjoncture internationale, vous ne craignez pas que cela, finalement, ne correspondent pas vraiment aux préoccupations des Français ?
-"Non, cette journée d'action à l'appel des quatre confédérations, qui n'a pas été possible depuis très longtemps dans ce pays, est mise au service d'une mobilisation des salariés du privé et du public, contrairement à ce que j'entends."
C'est plus facile dans le public que dans le privé, vous êtes d'accord ?
- "C'est plus facile parce que le droit de grève est davantage respecté dans le public qu'il ne l'est dans le privé. Aussi, parce que les situations sociales et la pression sociale sont beaucoup plus fortes, la précarité dans l'emploi est beaucoup plus intense, ce qui ne permet pas toujours d'exprimer son mécontentement lorsqu'il existe. Et il existe très largement dans les grandes entreprises et dans les petites. On a donc des appels à la mobilisation dans la métallurgie, dans le textile avec quatre fédérations professionnelles, dans les transports urbains, dans les organismes financiers. C'est donc une journée nationale de mobilisation, par des manifestations et des grèves, appelant les salariés à se mobiliser sur leurs revendications, avec des degrés de mobilisation qui seront variables d'un secteur à un autre. Mais ce seront les décisions des entreprises qui pourront le permettre. Le fait que l'on n'en ait pas davantage parlé - cela fait plus de 15 jours que cette décision a été prise et de point de vue, les médias ont une part de responsabilité, pardonnez-moi..."
Quand il y a des événements aussi importants que ceux qui se déroulent, est-ce que c'est le moment de parler de cela ?
- "C'est justement une des questions qui nécessiteraient un débat contradictoire : quelles sont les mesures qui devraient être prises dans ce contexte d'incertitude ? Et au-delà du débat sur cette situation politique très pesante, sur les risques, sur l'inquiétude qui existe dans chacun des foyers, il y a notamment un débat à avoir sur la nature des mesures économiques et sociales, si on ne veut pas qu'à l'avenir, ce soit une nouvelle fois les salariés qui se voient payer l'addition d'une situation économique très incertaine."
Prenons par exemple la SNCF : L. Gallois, son PDG, s'est inquiété du mouvement de demain, puisqu'il pourrait paralyser les transports et donc les trains. Il rappelle que depuis les attentats, les Français, les Européens voyagent moins, que la SNCF a un peu de mal a se remettre des grèves de l'an dernier, qu'il y a des dettes. Est-ce que vous n'allez pas aggraver la situation ?
- "Non, je ne pense pas que nous rendrions service en reléguant les revendications sociales au second plan. La SNCF est une entreprise nationale qui ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour développer son activité ; les trafics ferroviaires sont en croissance, mais les choix budgétaires retenus par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des besoins de développement du transport ferroviaire. Ce qui pose immanquablement un problème dans les moyens à disposition pour les cheminots. Le fait que toutes les organisations syndicales de cette profession partagent le même diagnostic, c'est un message fort en direction du Gouvernement, qui va ouvrir le débat sur la construction du budget 2002, sur les moyens qu'il se donne pour permettre aux entreprises nationales de voir un développement concret, réel dans leurs différentes activités."
Vous n'avez pas l'impression que lorsque la SNCF essaie de panser les plaies, de retrouver un peu de prospérité, alors qu'elle est un peu grévée par les mouvements d'action de l'an dernier, croyez-vous vraiment que ce que vous pourrez faire demain, en créant de l'insatisfaction chez les voyageurs, va rendre service à la SNCF ?
- "Dans le cadre de cette journée d'action au service de tous, qu'il s'agisse du public ou du privé, il y en a qui se retrouveront aussi dans l'action avec les cheminots et dans les manifestations qui seront organisées dans tous les départements. Je n'ignore pas non plus que la SNCF subit un désendettement sur les infrastructures ferroviaires qui n'a pas été résorbé ces dernières années. On a modifié les comptes - je n'entre pas dans la technique comptables ou juridique -, il y a un besoin du développement du transport ferroviaire et on demande à la SNCF de supporter toujours le paiement de coûts d'infrastructures qui sont faramineux. Il y a là des mesures structurelles à opérer sans que l'on demande aux cheminots, voire aux usagers, de continuer à en subir les conséquences. D'autant plus que chacun le reconnaît maintenant : il y a un besoin de développement du transport ferroviaire dans ce pays et en Europe."
Un mot sur le plan de relance que met en place le Gouvernement et qui doit être annoncé dans les jours qui viennent : on parle du doublement de la Prime pour l'emploi avant janvier 2002, on parle de geste fiscal en direction des entreprises. Avez-vous le sentiment que ce sont les bonnes mesures ?
- "Non, et de mon point de vue, cette journée d'action est aussi destinée à peser sur le raisonnement du Gouvernement sur les choix qu'il retient pour son budget de l'année prochaine."
Vous demandez une augmentation de salaire systématique ?
- "Il y a la question du pouvoir d'achat, globalement. Cette question est posée aux employeurs ; elle est aussi posée aux pouvoirs publics, dans la mesure où nous ne pensons pas que la formule de Prime pour l'emploi soit le meilleur moyen de réinjecter du pouvoir d'achat dans les foyers. Nous préférerions, par exemple, qu'on s'intéresse à un débat fiscal, pour atténuer la fiscalité indirecte, le poids de la TVA, qui est un impôt très inégalitaire dans notre pays, pour privilégier un impôt calé sur le revenu proportionnel au revenu des ménages, des foyers et des individus. Les choix consistent à accroître les allégements de cotisations patronales - plus de 100 milliards de francs vont être destinés à alléger les cotisations sociales des entreprises dans le budget de l'Etat -, sans que la situation de l'emploi ne s'en trouve améliorée. Je préférerais que le Gouvernement réunisse des moyens financiers, pour par exemple, développer la filière industrielle de l'électroménager. Or, aujourd'hui, on se contente d'un commentaire sur la responsabilité des actionnaires qui n'auraient pas fait ce qu'ils auraient dû faire. Mais les regrets ne permettent pas de développer l'emploi et les activités comme celles-là."
Les bombardements américains ont été condamnés par la CGT. J'ai entendu que l'on vous a un peu forcé la main, que vous n'étiez pas tout à fait d'accord, vous, personnellement ?
- "Nous étions à Bruxelles, la semaine dernière, avec l'ensemble de mes homologues syndicaux, pour analyser cette situation effectivement très préoccupante. Nous avons un diagnostic, qui est à l'évidence partagé, quant à la condamnation tout à fait précise de tous ces actes terroristes inqualifiables qui ont eu lieu aux Etats-Unis, et qui pourraient se manifester ailleurs - d'autres formes de terrorisme peuvent frapper dans d'autres pays du monde. De ce point de vue, il n'y a aucune différence d'analyse entre nous. Et nous sommes aussi d'accord pour considérer que la tendance à se réfugier uniquement sur des actes qui pourraient avoir comme conséquence de généraliser une situation de guerre, ne seraient pas de nature à résorber fondamentalement le terrorisme, comme tout le monde le souhaite. C'est donc une alerte que les organisations syndicales européennes ont lancé quant au type de décisions que peuvent prendre les Etats dans les prochains jours. Chacun voit bien que la seule poursuite de ce qui se produit chaque jour en Afghanistan n'est pas susceptible de résorber fondamentalement le terrorisme dans les années à venir."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 24 octobre 2001)
- "Quand j'ai entendu ce mot d'ordre de la part du Gouvernement... "
"Appel".
- "Oui, c'est pratiquement un mot d'ordre, une consigne... J'étais avec les salariés de Moulinex, en train de visiter une des usines vouées à la fermeture. Et je me dis que tout le monde n'a pas, dans ce pays, la même notion du patriotisme économique."
Vous pensez aux patrons qui ferment. Mais concrètement, demain, la journée d'action sera une journée noire dans les transports. C'est comme cela que c'est prévu, notamment à la SNCF, la RAPT, chez les traminots. Avec la conjoncture internationale, vous ne craignez pas que cela, finalement, ne correspondent pas vraiment aux préoccupations des Français ?
-"Non, cette journée d'action à l'appel des quatre confédérations, qui n'a pas été possible depuis très longtemps dans ce pays, est mise au service d'une mobilisation des salariés du privé et du public, contrairement à ce que j'entends."
C'est plus facile dans le public que dans le privé, vous êtes d'accord ?
- "C'est plus facile parce que le droit de grève est davantage respecté dans le public qu'il ne l'est dans le privé. Aussi, parce que les situations sociales et la pression sociale sont beaucoup plus fortes, la précarité dans l'emploi est beaucoup plus intense, ce qui ne permet pas toujours d'exprimer son mécontentement lorsqu'il existe. Et il existe très largement dans les grandes entreprises et dans les petites. On a donc des appels à la mobilisation dans la métallurgie, dans le textile avec quatre fédérations professionnelles, dans les transports urbains, dans les organismes financiers. C'est donc une journée nationale de mobilisation, par des manifestations et des grèves, appelant les salariés à se mobiliser sur leurs revendications, avec des degrés de mobilisation qui seront variables d'un secteur à un autre. Mais ce seront les décisions des entreprises qui pourront le permettre. Le fait que l'on n'en ait pas davantage parlé - cela fait plus de 15 jours que cette décision a été prise et de point de vue, les médias ont une part de responsabilité, pardonnez-moi..."
Quand il y a des événements aussi importants que ceux qui se déroulent, est-ce que c'est le moment de parler de cela ?
- "C'est justement une des questions qui nécessiteraient un débat contradictoire : quelles sont les mesures qui devraient être prises dans ce contexte d'incertitude ? Et au-delà du débat sur cette situation politique très pesante, sur les risques, sur l'inquiétude qui existe dans chacun des foyers, il y a notamment un débat à avoir sur la nature des mesures économiques et sociales, si on ne veut pas qu'à l'avenir, ce soit une nouvelle fois les salariés qui se voient payer l'addition d'une situation économique très incertaine."
Prenons par exemple la SNCF : L. Gallois, son PDG, s'est inquiété du mouvement de demain, puisqu'il pourrait paralyser les transports et donc les trains. Il rappelle que depuis les attentats, les Français, les Européens voyagent moins, que la SNCF a un peu de mal a se remettre des grèves de l'an dernier, qu'il y a des dettes. Est-ce que vous n'allez pas aggraver la situation ?
- "Non, je ne pense pas que nous rendrions service en reléguant les revendications sociales au second plan. La SNCF est une entreprise nationale qui ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour développer son activité ; les trafics ferroviaires sont en croissance, mais les choix budgétaires retenus par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des besoins de développement du transport ferroviaire. Ce qui pose immanquablement un problème dans les moyens à disposition pour les cheminots. Le fait que toutes les organisations syndicales de cette profession partagent le même diagnostic, c'est un message fort en direction du Gouvernement, qui va ouvrir le débat sur la construction du budget 2002, sur les moyens qu'il se donne pour permettre aux entreprises nationales de voir un développement concret, réel dans leurs différentes activités."
Vous n'avez pas l'impression que lorsque la SNCF essaie de panser les plaies, de retrouver un peu de prospérité, alors qu'elle est un peu grévée par les mouvements d'action de l'an dernier, croyez-vous vraiment que ce que vous pourrez faire demain, en créant de l'insatisfaction chez les voyageurs, va rendre service à la SNCF ?
- "Dans le cadre de cette journée d'action au service de tous, qu'il s'agisse du public ou du privé, il y en a qui se retrouveront aussi dans l'action avec les cheminots et dans les manifestations qui seront organisées dans tous les départements. Je n'ignore pas non plus que la SNCF subit un désendettement sur les infrastructures ferroviaires qui n'a pas été résorbé ces dernières années. On a modifié les comptes - je n'entre pas dans la technique comptables ou juridique -, il y a un besoin du développement du transport ferroviaire et on demande à la SNCF de supporter toujours le paiement de coûts d'infrastructures qui sont faramineux. Il y a là des mesures structurelles à opérer sans que l'on demande aux cheminots, voire aux usagers, de continuer à en subir les conséquences. D'autant plus que chacun le reconnaît maintenant : il y a un besoin de développement du transport ferroviaire dans ce pays et en Europe."
Un mot sur le plan de relance que met en place le Gouvernement et qui doit être annoncé dans les jours qui viennent : on parle du doublement de la Prime pour l'emploi avant janvier 2002, on parle de geste fiscal en direction des entreprises. Avez-vous le sentiment que ce sont les bonnes mesures ?
- "Non, et de mon point de vue, cette journée d'action est aussi destinée à peser sur le raisonnement du Gouvernement sur les choix qu'il retient pour son budget de l'année prochaine."
Vous demandez une augmentation de salaire systématique ?
- "Il y a la question du pouvoir d'achat, globalement. Cette question est posée aux employeurs ; elle est aussi posée aux pouvoirs publics, dans la mesure où nous ne pensons pas que la formule de Prime pour l'emploi soit le meilleur moyen de réinjecter du pouvoir d'achat dans les foyers. Nous préférerions, par exemple, qu'on s'intéresse à un débat fiscal, pour atténuer la fiscalité indirecte, le poids de la TVA, qui est un impôt très inégalitaire dans notre pays, pour privilégier un impôt calé sur le revenu proportionnel au revenu des ménages, des foyers et des individus. Les choix consistent à accroître les allégements de cotisations patronales - plus de 100 milliards de francs vont être destinés à alléger les cotisations sociales des entreprises dans le budget de l'Etat -, sans que la situation de l'emploi ne s'en trouve améliorée. Je préférerais que le Gouvernement réunisse des moyens financiers, pour par exemple, développer la filière industrielle de l'électroménager. Or, aujourd'hui, on se contente d'un commentaire sur la responsabilité des actionnaires qui n'auraient pas fait ce qu'ils auraient dû faire. Mais les regrets ne permettent pas de développer l'emploi et les activités comme celles-là."
Les bombardements américains ont été condamnés par la CGT. J'ai entendu que l'on vous a un peu forcé la main, que vous n'étiez pas tout à fait d'accord, vous, personnellement ?
- "Nous étions à Bruxelles, la semaine dernière, avec l'ensemble de mes homologues syndicaux, pour analyser cette situation effectivement très préoccupante. Nous avons un diagnostic, qui est à l'évidence partagé, quant à la condamnation tout à fait précise de tous ces actes terroristes inqualifiables qui ont eu lieu aux Etats-Unis, et qui pourraient se manifester ailleurs - d'autres formes de terrorisme peuvent frapper dans d'autres pays du monde. De ce point de vue, il n'y a aucune différence d'analyse entre nous. Et nous sommes aussi d'accord pour considérer que la tendance à se réfugier uniquement sur des actes qui pourraient avoir comme conséquence de généraliser une situation de guerre, ne seraient pas de nature à résorber fondamentalement le terrorisme, comme tout le monde le souhaite. C'est donc une alerte que les organisations syndicales européennes ont lancé quant au type de décisions que peuvent prendre les Etats dans les prochains jours. Chacun voit bien que la seule poursuite de ce qui se produit chaque jour en Afghanistan n'est pas susceptible de résorber fondamentalement le terrorisme dans les années à venir."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 24 octobre 2001)