Texte intégral
Madame la Présidente,
Madame la Directrice générale,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Bien sûr, dans les circonstances que vous avez évoquées, au sujet desquels vous avez eu des mots forts, des mots justes, je veux d'abord vous demander d'excuser M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Nous étions ensemble ce matin aux voeux de Laurent Fabius aux personnels du ministère et il se réjouissait de pouvoir ensuite venir vous présenter ses voeux ici. Et puis, malheureusement, sont intervenues les circonstances que vous avez indiquées, le drame effroyable qui a frappé «Charlie Hebdo» et qui endeuille notre pays.
Le ministre est en ce moment même avec le président de la République, avec le Premier ministre en réunion de crise. Il m'a demandé de vous présenter ses excuses, de le représenter ici et de vous lire son message, celui qu'il souhaitait aujourd'hui vous adresser et, à travers vous, à toutes les équipes de l'AFD en France et partout dans le monde. Je suis moi-même toujours très heureux de pouvoir rencontrer ces équipes au cours de mes déplacements. Il y a quelques semaines, en Équateur, nous avons signé la convention de siège pour installer officiellement l'Agence française de développement en Équateur.
Cela étant dit, ces «journées du réseau» sont un moment important : elles permettent de faire le point sur les avancées de l'année écoulée et de tracer des perspectives pour l'année qui s'ouvre. Elles sont un moment de réflexion sur ce qui a été fait et de projection dans ce qui va l'être. Laurent Fabius tenait à être présent, en signe de son attachement à votre Agence et à la politique de développement dont vous êtes les artisans.
Je lis donc son message.
«Je tiens d'abord à vous présenter mes meilleurs vœux pour 2015. Des vœux de succès, de santé et de bonheur personnel. Je n'aurai pas à vous demander de les relayer spécifiquement auprès de vos collaborateurs dans vos agences à travers le monde, car, si mes informations sont exactes, mon intervention sera accessible sous forme dématérialisée. À eux aussi, tous mes vœux.
L'AFD s'est mobilisée en 2014. Elle a suivi les orientations que nous avions tracées conjointement avec la direction générale de l'Agence. Le Contrat d'objectif et de moyens que nous avions validé ensemble avait défini un objectif ambitieux de plus de 8 milliards d'euros : vous l'avez atteint. Vous avez confirmé la priorité africaine assignée à l'AFD : en Afrique, votre activité a représenté 3,5 milliards d'euros en 2014, ce qui constitue un bon résultat pour atteindre l'objectif annoncé par le président de la République de 20 milliards pour le continent africain entre 2014 et 2018.
Je tiens à vous remercier pour la qualité de votre travail, pour votre mobilisation dans les pays dont vous vous occupez. J'adresse aussi, à travers vous, mes vifs remerciements à l'ensemble des agents, qui participent à l'effort collectif, que ce soit depuis le siège ou dans le réseau. J'ai une pensée particulière pour les agents en poste dans des pays en crise, notamment dans des zones de conflit : ils accomplissent un travail courageux, qui mérite notre gratitude.
Grâce à vos efforts, beaucoup de progrès ont été accomplis l'an passé. Il nous faut rester très actifs car le plus difficile - je devrais dire le plus exaltant... - nous attend sans doute en 2015. Je suis un ministre de tutelle exigeant et je sais que l'AFD possède les capacités techniques, humaines pour agir toujours mieux au service de notre politique de développement. 2015 sera une année cruciale, avec la COP21 et l'adoption d'un agenda universel d'objectifs de développement durable, qui succédera aux objectifs du millénaire pour le développement. Cette année placera donc l'action de votre Agence au cœur de l'agenda international.
Annick Girardin, dont je salue l'action à mes côtés, a abordé ce matin devant vous les enjeux principaux auxquels l'AFD doit faire face. Je voudrais insister sur les trois priorités qui devront guider votre action au cours de cette année.
D'abord, le climat.
2015 sera pour la France, et en particulier pour le ministère des affaires étrangères et du développement international, une «année climat». Nous aurons la double tâche d'accueillir la 21e Conférence mondiale des Nations unies sur le climat et de la présider. Celle-ci aura lieu du 30 novembre au 11 décembre.
La tâche est enthousiasmante : il y a urgence à agir, et l'espoir de parvenir à un accord historique pour la préservation de notre planète est réel. Mais la tâche est aussi très complexe : pour mettre d'accord 195 pays, dont les situations sont si diverses, dans des domaines si complexes, les obstacles ne manqueront pas.
Les derniers mois de 2014 ont été riches en avancées : le sommet réussi de New York aux Nations unies en septembre, l'accord européen en octobre, l'accord sino-américain en novembre, la capitalisation du Fonds vert pour le climat en décembre. À Lima, lors de la COP20, les discussions ont été difficiles, même si l'essentiel a été réussi : éviter un blocage et obtenir un avant-projet d'accord qui constitue une base de travail pour l'année qui s'ouvre. Nous devons nous montrer, en ce début 2015, déterminés.
Nous allons travailler sur les points qui restent en suspens. J'y consacrerai au moins la moitié de mon temps. J'entamerai dès ce mois-ci un ou plutôt plusieurs «tours du monde du climat», avec trois mots d'ordre. L'écoute, parce que l'une des clés du succès réside dans la prise en compte des différences de situation entre les pays ; l'esprit de compromis, parce que parvenir à un accord universel implique de rassembler tous les pays sur des sujets lourds, qui nous engagent pour des décennies ; l'ambition, enfin, parce que sans accord ambitieux, nous ne serons pas à la hauteur de l'enjeu, limiter la hausse des températures à 2°C par rapport au niveau pré-industriel, c'est-à-dire permettre la survie pour des régions entières du globe, le maintien d'un environnement vivable pour les autres, et tout simplement la vie plutôt que la disparition pour des dizaines de millions d'habitants sur notre planète.
Nous devrons porter un discours positif : tous les acteurs - États, mais aussi régions, villes, entreprises, société civile - devront mesurer que la lutte contre le dérèglement climatique constitue non seulement une nécessité, mais aussi une opportunité. Ce sera l'occasion, pour la planète entière, de définir de nouveaux modèles de développement, porteurs de croissance et d'emplois.
Le Quai d'Orsay sera donc en 2015 à la pointe du combat pour le climat. Cette «diplomatie climatique», nous devrons la mener ensemble. Seule une mobilisation collective nous conduira au succès. L'AFD devra y prendre toute sa part. Comment ?
Je souhaite d'abord que l'AFD continue ses efforts pour lier aide au développement et lutte contre le dérèglement climatique. Si cette lutte ne doit jamais constituer une entrave au développement, il ne saurait y avoir de développement durable sans changement profond de nos modèles de croissance et de nos modes de consommation. Ces deux défis doivent être relevés ensemble.
Une telle démarche complémentaire a déjà été amorcée : 50 % des engagements financiers de l'AFD présentent désormais des «co-bénéfices» en matière de lutte contre le dérèglement climatique - soit, en 2013, 2,4 milliards d'euros. Cette prise en compte systématique de la dimension climatique rend cohérente notre action pour le développement. Elle doit permettre une durabilité des investissements et intégrer les besoins spécifiques des pays les plus pauvres et les plus vulnérables.
Je souhaite aussi que l'AFD apporte tout son soutien à l'équipe «climat», que cela soit en apportant un appui technique sur les questions d'architecture financière internationale ou en confortant sa stratégie d'influence à l'égard des grands pays parties à la négociation.
Je souhaite enfin que l'AFD joue un rôle important dans la définition des contributions nationales que chaque pays devra présenter en vue de la conférence de Paris - dès le premier trimestre 2015 si possible. De nombreux États africains et des petits états insulaires nous ont indiqué à Lima leur manque de capacités pour parvenir à élaborer leurs contributions. Afin de permettre au maximum de pays d'être prêts avant Paris, plusieurs organisations internationales - en particulier le PNUD - ou certains États - Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni - appuient ce processus. Je compte sur l'AFD pour amplifier cette dynamique et poursuivre le travail déjà entrepris. L'AFD doit, concrètement, à la fois financer des projets d'expertise technique et apporter son expertise propre aux gouvernements et aux porteurs de projets dans ces pays. Ce travail devra s'effectuer en lien étroit avec la nouvelle agence Expertise France, mise en place au 1er janvier. Il y a urgence.
Deuxième enjeu majeur pour l'AFD en 2015 : l'accompagnement des États fragiles pour réagir aux crises et prévenir les conflits.
La France dispose d'une capacité à réagir rapidement aux crises internationales. Nous l'avons démontré au Mali, en Centrafrique, ou en matière sanitaire dans notre lutte contre l'épidémie Ebola.
Sur tous ces fronts, l'AFD a pris sa part du dispositif. Vous avez été à l'origine de la création en 2014 d'un fonds multi-bailleurs spécifique à la RCA, le fonds Bêkou. Objectif : mobiliser de façon rapide et efficace les efforts de la communauté internationale en faveur de la stabilisation et de la reconstruction du pays. Ce projet a fait ses preuves : il a entraîné la mobilisation de l'Union européenne, de l'Allemagne et des Pays-Bas.
Cette initiative réussie peut constituer une référence pour l'avenir ; elle fournit en tout cas un exemple de la façon dont l'AFD a su innover en ajustant ses outils et modes d'intervention.
Sans remettre en cause la pertinence de l'aide bilatérale, cette approche collective, européenne, constitue un instrument novateur de mise en œuvre de l'aide. Elle répond aux exigences de réactivité, d'efficacité, et de coordination qui doivent régir la mise en œuvre de l'aide internationale dans un pays fragile en sortie de crise.
L'AFD a également su se mobiliser pour contribuer à la lutte contre le virus Ebola. En Guinée, l'Agence a pris part à l'effort exceptionnel de la France, par l'octroi d'une subvention de 4 Meuro pour la création d'un centre d'expertise de l'Institut Pasteur et d'une contribution budgétaire de 5 Meuro pour la mise en place d'un nouveau Centre de traitement Ebola (CTE) en Guinée forestière. En Côte d'Ivoire, l'Agence a financé le programme de réponse à Ebola à travers l'octroi d'une subvention de 6,8 Meuro.
Nous savons que l'exclusion et la pauvreté constituent le terreau des crises. Les menaces sanitaires pèsent davantage sur les pays pauvres. En luttant contre ces fléaux, l'AFD concourt à la prévention des conflits dans ces territoires mais aussi dans les territoires limitrophes de zone de tension, qui restent sous la menace d'une extension des conflits : je pense notamment à la périphérie du conflit syrien ou des zones d'action de Boko Haram.
Troisième enjeu majeur : la contribution de l'AFD à la diplomatie économique.
La diplomatie économique est un pilier de notre diplomatie globale. Elle contribue au redressement économique de notre pays et à son rayonnement. Elle n'entre nullement en contradiction avec notre politique d'aide au développement. Elle ne traduit aucun reniement de nos engagements, fermes, en faveur du déliement de l'aide. Elle se fonde sur deux idées simples.
La première est que, pour que la France soit forte, pour que sa voix puisse être entendue dans le monde, pour qu'elle ait la capacité de venir en appui à tous les États qui en ont besoin, il faut qu'elle soit forte économiquement. Et le juge de paix en la matière, c'est le solde de notre commerce extérieur. Tant que celui-ci sera négatif, des efforts devront être menés pour redresser la situation.
La seconde idée est que nos partenaires du Sud attendent, non pas uniquement des financements, mais aussi des solutions techniques et industrielles, de l'expertise, des produits et services de haute qualité. Tout cela, nos entreprises sont bien placées pour l'apporter. C'est donc une démarche collective qu'il faut mener : nous devons nous appuyer, partout où nous le pouvons, sur le savoir-faire et sur les compétences de nos entreprises.
Votre directrice générale m'a présenté les résultats obtenus : ils montrent que, dans des processus d'attribution ouverts - gages de compétitivité des entreprises -, nous parvenons à valoriser un savoir-faire et une compétence qui nous sont demandés par nos partenaires.
La démarche engagée commence donc à porter ses fruits. Il ne faut en aucun cas relâcher l'effort car la situation demande sur ce point une mobilisation accrue. L'AFD possède toutes les cartes pour contribuer à créer des «écosystèmes» favorables à la promotion des intérêts économiques français partout dans le monde.
D'une manière générale, le rôle dévolu au secteur privé dans nos actions en faveur du développement doit être encore mieux pris en compte. L'AFD a un rôle important à jouer en ce sens. Elle doit faire office d'interface entre une demande et une offre d'expertise et de savoir-faire.
Dans les projets de développement qu'elle promeut, l'Agence doit prendre l'habitude de mobiliser les initiatives privées dans son sillage, afin d'inscrire ces projets dans la durée. Sur ce sujet, le rapport d'Emmanuel Faber et de Jay Naidoo, remis à Annick Girardin en juin dernier, contient des éléments intéressants : il met en évidence l'efficacité du secteur privé pour diffuser et généraliser les projets de développement, lorsque ceux-ci reposent sur un modèle économique solide. À l'AFD de créer ces synergies avec le secteur privé en faveur du développement.
Dans le cadre de ce travail, l'Agence doit promouvoir la responsabilité sociétale des entreprises, non seulement dans différentes enceintes internationales, mais aussi au cas par cas dans les projets que vous portez. La loi «développement» de juillet 2014 en fait d'ailleurs une obligation pour l'AFD. L'AFD doit encourager les entreprises qui le souhaitent à franchir un pas de plus. De multiples actions sont déjà engagées par de grands groupes : Orange, Schneider Electric, Essilor, Bel, Danone, Lafarge, Total et bien d'autres. L'AFD doit travailler avec l'ensemble de ces acteurs.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Tels sont les principaux chantiers qui attendent l'AFD cette année. Ils sont vastes. Je vous fais pleine confiance pour les mener à bien, car je connais votre compétence et votre engagement.
L'aide au développement est une composante essentielle de notre action extérieure. Partout où je me rends, je constate que la France est une nation attendue et écoutée. Par le travail que vous menez au service des pays du Sud, vous y prenez toute votre part.
Je vous souhaite toute l'énergie nécessaire pour les défis de l'année qui viennent. En les relevant, vous ferez honneur à la France et à la République. Pour tout cela, je vous adresse à nouveau mes chaleureux remerciements».
Vous me permettrez de me joindre à Laurent Fabius pour vous souhaiter à toutes et à tous, une bonne année 2015.
Merci à vous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 janvier 2015