Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à France 2 le 12 mars 2015, sur la réforme des collèges et les rythmes scolaires.

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Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ROLAND SICARD
Avant de parler de la réforme du collège, on va revenir sur la rencontre hier soir, entre les frondeurs du Parti socialiste et François HOLLANDE, à l'Elysée, c'était autour d'un apéro. Est-ce que, d'une certaine façon, il ne leur donne pas un brevet de respectabilité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois que c'est important de se rassembler, vraiment. Quand on voit les échéances qui nous attendent, c'est beaucoup plus important en effet de savoir se retrouver autour de ce qui nous est commun, plutôt que de passer trop de temps sur nos divisions. Bien sûr, chacun doit prendre ses responsabilités, cet esprit de rassemblement on l'attend aussi du côté des frondeurs, ça n'est pas la victoire des uns contre les autres.
ROLAND SICARD
Mais est-ce que vous comprenez l'agacement des députés socialistes qui votent toutes les lois, et qui ne sont pas reçus à l'Elysée ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, le président de la République a pris pour habitude de recevoir régulièrement des députés à l'Assemblée (sic), et ceux dont vous parlez…
ROLAND SICARD
A l'Elysée.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A l'Elysée, pardonnez-moi, et donc ceux dont vous parlez, ceux qui votent les textes sans difficultés, sont aussi reçus à l'Elysée. Donc je crois qu'il ne faut pas non plus faire trop de mousse autour de cet évènement. Le président souhaitait voir des députés, des parlementaires, pour pouvoir tout simplement maintenir un lien qui est important, aussi, dans une période où nous sommes en pleines élections, donc il faut maintenir ce lien avec le terrain. Pour ce qui est de cet esprit de rassemblement, moi je le partage, je souhaite que la gauche soit unie, parce qu'elle n'est forte que quand elle est unie, donc il faut savoir aussi passer à autre chose.
ROLAND SICARD
Alors, la réforme du collège, on serait tenté de dire : encore une. Ça fait beaucoup de réformes et pas beaucoup de résultats. Qu'est-ce qui vous permet de dire que celle-ci va faire avancer les choses ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est vrai que l'on pourrait dire « encore une », parce que depuis 25 ans on a beaucoup essayé de réformer le collège. Ce qui permet à celle-ci, à mon avis, de marcher, c'est d'abord qu'elle est extrêmement pragmatique. Ce n'est pas du tout une réforme idéologique, cherchant à faire gagner les uns contre les autres. Non, on est allé voir sur le terrain, dans les établissements, dans les collèges, là où on a expérimenté des choses nouvelles, ce qui a le mieux marché, et ce qui a le mieux marché on le transpose, on le généralise. Donc chacune des mesures de cette réforme, que ce soit le fait de créer des heures de cours où les élèves travaillent autour de projets concrets, avec plusieurs profs en même temps, avec des réalisations à rendre à la fin, des exposés oraux à faire, que ce soit l'accompagnement personnalisé que l'on offre aux élèves pour mieux les accompagner et leur apprendre des méthodes de travail…
ROLAND SICARD
Ça existait, ça, déjà.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sont des choses qui ont été expérimentées. Ne dites pas que ça existait, comme si c'était la règle au collège, non, ça n'était pas le cas, c'est une nouveauté. En revanche, ça a été expérimenté par des professeurs très inventifs, très innovants, très motivés, et ça a donné des résultats formidables et on se demande pourquoi est-ce que tous les établissements ne l'appliquaient pas jusqu'à présent. Donc c'est ça, c'est très pragmatique, ça s'appuie sur ce qui a marché. La deuxième chose qui fait que cette réforme va fonctionner, c'est que pour la première fois on a tous les leviers entre les mains, c'est-à-dire que l'on change à la fois la façon d'enseigner, c'est ce que je viens de dire, accompagnement personnalisé, mettre les élèves en petits groupes, les faire travailler sur du concret, mais aussi les programmes, ce qu'on leur apprend. On est en train de réviser tous les programmes, pour faire en sorte qu'ils tournent plus autour des fondamentaux. Parce que, ce que disait le sujet précédent est très juste à propos de l'orthographe. C'est terrible de voir des élèves sortir du collège sans maitriser l'orthographe, et c'est vrai que l'on est dans une société du zapping permanent, de l'utilisation des nouvelles technologies, qui vous amène à ne plus bien maitriser l'écriture, donc nous on remet les fondamentaux.
ROLAND SICARD
Donc, vous maintenez le collège unique.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et le collège unique…
ROLAND SICARD
Est-ce que le même enseignement, pour tous les élèves, c'est réaliste ? Beaucoup d'experts en doutent.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, le collège unique, d'abord, c'est une ambition, et c'est un projet de société…
ROLAND SICARD
Ça fait 40 qu'il existe, et depuis 40 ans ça ne s'est pas amélioré.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça fait 40 ans qu'il existe, oui, mais on voit bien que dans les faits il n'est pas si unique que ça, ce collège, parce qu'il y a énormément d'inégalités sociales au sein du collège. Vous le savez bien, ça n'est pas la même chose d'être dans le collège d'un centre-ville parisien ou de telle banlieue. Il y a énormément d'inégalités qu'il faut corriger, et c'est ce que nous faisons avec cette réforme. Par exemple, lorsque nous comptons nous attaquer à la carte scolaire, c'est bien pour faire en sorte qu'il y ait une mixité sociale dans les établissements, qui n'existe aujourd'hui pas, et que chaque élève de France, chaque collégien, ait ses chances de réussir. Pourquoi est-ce que l'on tient à avoir un collège unique ? Parce que certains disent, après tout, peut-être qu'une partie des élèves de 11 à 14 ans pourrait faire autre chose que le collège, puisqu'ils ne sont pas suffisamment doués pour aller au collège. Mais c'est terrible de dire ça. Moi je tiens à un collège unique, parce que j'ai pour ambition, pour chacun des jeunes de 11 à 15 ans de ce pays, qu'ils puissent acquérir les connaissances fondamentales qui leur seront utiles ensuite dans la vie. On sait bien dans quel monde on vit, dans quelle société on vit, on sait bien les risques que prend un jeune qui n'a pas de diplôme, en termes de travail, en termes de mobilité sociale, personnelle, professionnelle, eh bien nous devons donner tous les chances à nos jeunes de réussir, c'est pour ça que le collège, qui est un passage qui doit être obligé et un tremplin pour la suite, ce collège il doit permettre de faire réussir chaque élève et pas simplement ceux qui sont en condition sociale de réussir ou qui ont des talents spontanément. Non, je pense que, entre 11 et 15 ans on est capable de progresser, c'est à nous d'adapter nos enseignements pour les faire progresser et c'est l'objet de la réforme.
ROLAND SICARD
Les départementales, ça s'annonce plutôt mal pour le Parti socialiste, Manuel VALLS et François HOLLANDE disent qu'ils ne changeront rien, quelque soit le résultat. Est-ce qu'une élection ça n'est pas là pour tirer la sonnette d'alarme ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, quand vous regardez autour de nous, dans d'autres pays, Angela MERKEL, Barack OBAMA, David CAMERON, vous voyez bien que chacun d'entre eux mène des politiques depuis plusieurs années, quatre, dix ans même, et que l'on a besoin de temps et de constance pour voir arriver les effets des politiques, quoi qu'on pense des politiques qui sont conduites. Donc on ne peut pas demander à François HOLLANDE qu'il conduise sa propre politique depuis deux ans, d'en changer aujourd'hui. La réalité, en plus, c'est que la politique qu'il conduit depuis deux ans commence à produire ses effets, vous le voyez bien, les indicateurs sont en effet au vert, je parle bien des indicateurs économiques…
ROLAND SICARD
Vous êtes optimiste.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, bien sûr, quand vous voyez que la consommation repart à la hausse, que les exportations repartent aussi, quand vous voyez aussi ce qui se passe autour de nous, la baisse du prix du pétrole, la baisse de l'euro, voilà, les choses sont aujourd'hui en train de tourner plutôt du bon côté, et les décisions que nous avons prises et je pense notamment au crédit d'impôt compétitivité emploi, au pacte de responsabilité qui redonne des marges de manoeuvre aux entreprises, commencent à produire des effets sur l'emploi, sur la lutte contre le chômage, qui était notre priorité.
ROLAND SICARD
Manuel VALLS et François HOLLANDE ciblent leurs attaques sur Marine LE PEN. Est-ce qu'ils en font pas la vedette, finalement, de cette élection ? On a l'air d'avoir l'impression que tout tourne autour de Marine LE PEN.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord je n'ai pas le sentiment que Manuel VALLS cible ses attaques sur Marine LE PEN, mais contre l'extrême droite, c'est différent, je crois même que c'est le combat d'une vie politique pour le Premier ministre, ça se dent d'ailleurs, c'est un profond républicain, qui est en effet malheureux de voir ses concitoyens se tourner vers le parti du rejet, du repli sur soi, de la concurrence des identités, et moi je suis honnêtement plutôt rassuré de voir qu'une voix aussi forte que celle-là, celle du Premier ministre, s'élève pour se révolter contre la banalisation du Front national. Ça fait trop d'années que le Front national est en train de prospérer dans les esprits et dans les urnes, et d'apparaitre, pour beaucoup de nos concitoyens comme un choix neutre, en surfant sur la désespérance sociale, mais ça n'est pas un choix neutre, et moi je partage tout à fait l'avis du Premier ministre en la matière, il faut réveiller les consciences, et il faut dire en particulier à nos concitoyens qui s'apprêteraient peut être à s'abstenir à l'occasion des élections départementales, que ces élections ne sont pas mineures, que ces élections elles concernent la vie quotidienne des Français, la santé, les collèges, tiens, puisqu'on vient d'en parler, les protection de l'enfance, les personnes âgées. On ne peut pas simplement resté indifférent et se dire qu'après tout c'est pas grave si le Front national prospère dans ces conditions-là.
ROLAND SICARD
Merci. William, c'est à vous.
WILLIAM LEYMERGIE
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2015