Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à RTL le 16 mars 2015, sur l'apprentissage de la langue française à l'école et la francophonie.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE, vous recevez Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Education nationale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes le 16 mars, Journée de la langue française, une langue que nous aimons, qu'il faut défendre et promouvoir, et justement, Najat VALLAUD-BELKACEM, RTL rapporte à ses auditeurs ce matin qu'une évaluation du niveau de français sera réalisée l'an prochain auprès des 850 000 élèves Ce2. Donc, de quoi s'agit-il exactement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord c'est exact, bravo pour cette information.
JEAN-MICHEL APHATIE
Tout ce qui se dit sur RTL, en général, est exact.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ensuite, souvenez-vous, au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper-Cacher, au moment où tous les regards se sont tournés vers l'école, j'avais décidé de la mobiliser, cette école, pour répondre notamment à la question de la transmission des valeurs, mais aussi à la question de la transmission des savoirs, parce que l'un et l'autre sont liés. Un enfant qui ne maitrise pas le français, qui n'arrive pas à exprimer ses idées, passera plus vraisemblablement par la violence ou par le rejet des autres, que par la parole, et donc quand on regarde les résultats des petits Français, en lecture, en écriture, on se rend compte qu'ils ne sont pas bons et qu'ils n'ont cessé de se dégrader ces dernières années. C'est pour cela que nous voulons remettre les fondamentaux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Y compris dès le cours élémentaire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, parce que beaucoup de choses commencent au cour élémentaire, bien sûr, même s'il faut continuer ensuite au collège, mais les fondamentaux ça s'acquière notamment dès les premières années du primaire et c'est pour cela que désormais, en effet, en début de classe de Ce2, sera procédé à une évaluation systématique de la lecture, de l'écriture des enfants, pour que l'on puisse adapter, c'est ça l'idée, dans chaque classe, l'apprentissage de ces enfants et ne pas laisser ces décrochages se faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ça sera une évaluation, pas un examen, on ne va pas noter les enfants.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, pas un examen, vous avez raison de poser cette question, il faut rassurer tout de suite les parents, il ne s'agit pas évidemment, pendant les vacances d'été précédant la classe de Ce2, de se mettre à réviser, pour leurs enfants. Non, pas du tout, ça sera un QCM très simple, qui d'ailleurs aura lieu plutôt deux semaines après la rentrée, pas le jour de la rentrée, dans la tension que l'on connait, donc, deux semaines après, classe par classe…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour vérifier le niveau, pour aider les enfants qui ont besoin d'être aidés.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument, sur la base d'un outil de diagnostic que nous, le ministère, sommes en train de préparer et mettrons à la disposition des enseignants, donc, classe par classe. L'idée ce n'est pas que le résultat de ces évaluations QCM remonte ensuite au ministère, c'est que dans chaque classe elles aident l'enseignant à savoir comment adapter ses outils pour faire progresser l'enfant, et d'ailleurs nous travaillons donc sur cette version en français, nous ferons vraisemblablement la même chose en mathématiques aussi, puisque dans la discussion avec nos partenaires, il s'avère que c'est aussi un sujet qu'il faut vérifier dès le plus jeune âge.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a des enseignants, où leurs syndicats acceptent, c'est peut-être une charge supplémentaire, ou…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Quand je dis « nos partenaires », c'est les organisations syndicales. Les enseignants sont demandeurs, un, d'être formés à détecter le plus précocement possible les signes du décrochage, et deux, d'avoir des outils pour adapter leur enseignement et c'est ce que nous faisons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, c'est en anglais, en revanche, que Zlatan IBRAHIMOVIC, un peu énervé hier soir après le match du PSG contre Bordeaux, a dit que la France était un pays de, je laisse les auditeurs imaginer de quoi il s'agit. Ça vous a choquée, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois savoir qu'il a présenté des excuses.
JEAN-MICHEL APHATIE
Exact.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des excuses sans doute sincères, mais un peu forcées, aussi, il faut dire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais c'est, enfin, écoutez, c'est un grand footballeur.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah d'accord, c'est un grand footballeur.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, on regrette toujours, évidemment, les dérapages à la télévision, à des heures de grande écoute, avec des jeunes qui, voilà, qui sont forcément impactés ou influencés et donc il a présenté des excuses, c'est très bien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. Quelqu'un le dit ce matin dans un journal : il l'aurait dit dans les vestiaires, ça se serait passé tout seul, mais il l'a dit devant des caméras, donc c'est un problème. Premier tour des élections départementales dimanche prochain, en évoquant ce que les sondages et l'ère du temps annoncent, c'est-à-dire une défaite probablement très lourde de la gauche dimanche prochain, Marine LE PEN a expliqué dans le journal Le Parisien, hier, qu'il serait difficile de ne rien changer et qu'il serait normal, a-t-elle dit, que VALLS, valse. Est-ce qu'elle a vraiment tort ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce que je sais, moi, c'est que ces élections départementales, au fond, il y avait deux stratégies possibles : soit les laisser avoir lieu sans s'y intéresser plus que cela, et c'était la tentation naturelle de bien des observateurs, avouez-le, soi faire comme nous avons décidé de le faire avec Manuel VALLS et un certain nombre de membres de ce gouvernement, se déployer, faire campagne, parce qu'il s'agit d'un sujet qui ne peut pas être minoré, quand on pense aux compétences des départements, à l'action sociale, à la protection de l'enfance, aux personnes âgées, on ne peut pas simplement laisser une abstention, qui risque d'être grande, en effet s'installer. La différence avec, si vous me le permettez…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc vous vous y êtes intéressée, avec…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La différence avec les élections cantonales précédentes, des précédentes années, c'est que, auparavant, ces cantonales elles étaient toujours couplées avec une autres « grande élection » qui était les régionales ou les municipales, ce qui fait qu'on contrait l'abstention de fait, parce que les gens se déplaçaient pour les autres élections.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y a pas que l'abstention que vous cherchez à combattre…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cette fois-ci les cantonales se déroulent seules…
JEAN-MICHEL APHATIE
… on a compris que le Premier ministre avait plutôt un adversaire en tête, ce n'est pas l'abstention.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais précisément, l'adversaire que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il n'en a pas fait contre le Front national ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L'adversaire que le Premier ministre a en tête, à savoir le Front national, est porté par l'abstention, et c'est pour cela que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il n'en a pas trop fait contre le Front national ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais je viens, bien sûr je réponds à votre question, mais d'abord le premier message que nous devons envoyer aux électeurs, c'est : mobilisez-vous, parce que plus vous vous abstiendrez et plus le Front national aura de chances ou de risques de l'emporter dans un certain nombre de cantons et qu'on ne peut pas admettre cela quand on sait les compétences des départements, l'importance de son rôle et donc, première chose. La deuxime chose, c'est que, au fond, on nous dit « est-ce qu'il n'en fait pas trop contre le Front national »…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ce que je vous dis, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
… enfin, pardonnez-moi, mais moi mon sentiment c'est que depuis quelques années on n'en fait pas assez contre le Front national, ça n'est pas diaboliser le Front national comme je l'entends, ici ou là, que de dénoncer le Front national pour ce qu'il est, que de dire au sein du Front national, vous avez pléthore de candidats qui sont des candidats racistes, antisémites, sexistes, homophobes, et que de donner à voir ce qu'ils racontent sur les réseaux sociaux, de donner à voir que ce sont des candidats fantômes, qui plus est.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce sont des candidats, le Front national prend ses distances avec ces candidats, en général, vous diriez que… parce que vous dites « le Front national pour ce qu'il est », qu'est-ce qu'il est, républicain ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, il est le parti de la haine, le parti de la haine.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas un parti républicain ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, quel sens donne-t-on au mot républicain ? Moi, à titre personnel…
JEAN-MICHEL APHATIE
De votre point de vue.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
… la République c'est des valeurs, c'est des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, et je ne vois nulle fraternité, nulle solidarité et nul désir d'égalité dans le programme du Front national. Donc, oui, nous avons raison de le dénoncer pour ce qu'il est, sans doute d'ailleurs aurait-il fallu le faire plus tôt, parce que je pense que ces dernières années on l'a au contraire banalisé, plus que dénoncé, et que au fond, ce qui est à l'oeuvre dans notre société, cette tentation de l'extrême, est grave, et d'ailleurs on retrouve cette tentation de l'extrême à la faveur de la crise dans plusieurs pays européens, et c'est pour ça que mardi, pour ce qui me concerne, je réunirai tous mes homologues en charge de l'éduction, d'Europe, et que, ensemble, nous veillerons à prendre des dispositions, y compris au niveau européen, pour que ces questions de citoyenneté et de transmission de valeurs, de lutte contre les haines, contre les discriminations, contre le racisme et l'antisémitisme, soient mises au coeur de nos projets communs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et je vous avais demandé, en citant Marine LE PEN : est-ce qu'il faut que VALLS valse, si le résultat est mauvais aux élections départementales ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois qu'il faut que Manuel VALLS continue à se mobiliser, pour que ces élections départementales soient les meilleures possibles pour les partis républicains.
JEAN-MICHEL APHATIE
Najat VALLAUD-BELKACEM était l'invitée de RTL ce matin.
YVES CALVI
En français, les résultats… en français, les résultats des petits Français ne sont pas bons, il faut faire quelque chose qui confirme…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Du coup on n'a pas parlé…
JEAN-MICHEL APHATIE
… nous dit Najat VALLAUD-BELKACEM, qui vient de confirmer l'évaluation en Ce2, dès septembre. Merci à tous les deux. Un entretien à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2015