Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "RTL" le 1er avril 2015, sur la fin de l'entreprise Moryglobal, les conséquences à tirer des résultats aux élections départementales, les critiques de la politique gouvernementale au sein de la gauche.

Prononcé le 1er avril 2015

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE, vous recevez Stéphane LE FOLL, ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la fin pour le transporteur MORYGLOBAL, ex-MORY DUCROS, 2 150 salariés vont recevoir leur lettre de licenciement fin avril, selon l'avocat du comité d'entreprise, Thomas HOLLANDE. Le gouvernement peut-il faire quelque chose ?
STEPHANE LE FOLL
Le gouvernement a déjà fait quelque chose. Je vous dirais que cette entreprise…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, c'est un dossier qui a été traité.
STEPHANE LE FOLL
… c'était à l'époque où Arnaud MONTEBOURG était ministre, et on en avait discuté, puisqu'on avait des sujets, et il y avait une partie de MORY TNT qui était au Mans, donc je me souviens très bien, qu'on a essayé de restructurer, recapitaliser, on avait trouvé un actionnaire, mais la situation héritée de cette entreprise dès 2012, n'a pas permis de pouvoir la redresser, et malheureusement, de sauver les emplois. Donc maintenant on a un débat, il y a un débat, il doit s'organiser autour d'un plan social qui doit être effectivement à la hauteur de ce que les salariés peuvent légitimement réclamer après ce qui s'est passé. Je ne peux pas dire grand-chose d'autre. Moi je sais que quand je suis arrivé, et je me rappelle très bien de ce problème, il y en a eu d'autres, hein, où il y a eu beaucoup d'entreprises, comme ça, qui ont déposé le bilan, et en même temps il faut qu'on travaille pour redresser cette économie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je vous posais la question, parce qu'on entendait ce matin, sur RTL, le sentiment des salariés, évidemment, dépités et tristes et le sentiment aussi, ils le disaient comme ça, qu'ils sont abandonnés, mais la politique ne peut pas tout.
STEPHANE LE FOLL
Oui, moi je comprends, je ne veux même pas me poser la question de savoir ce que peuvent penser les salariés aujourd'hui. D'abord un immense gâchis de perdre un emploi, est-ce qu'on pourra en retrouver un ? Donc je mesure cette désespérance qui doit être celle des salariés. Et en même temps, je sais aussi, qu'en tant que politiques, depuis que nous sommes arrivés, il y a eu une multitude d'entreprises, on a pu en sauver, et là, la difficulté était telle que même après ce que l'on avait fait, envisagé, l'entreprise n'a pas pu se redresser et malheureusement, malheureusement aujourd'hui, on est dans cette situation, et je pense aux salariés.
JEAN-MICHEL APHATIE
La claque des départementales ne passe pas au Parti socialiste, la maire de Lille, Martine AUBRY, réunissait ses amis hier soir à Paris, et elle demande, selon les informations de Vincent DEROSIER, une réorientation de la politique du gouvernement. Que lui répondez-vous, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien écoutez, moi je réponds en deux temps. Première chose, je comprends que, après cette défaite, même si j'avais dit, au soir du premier tour, défaite il y a, elle est claire, mais quand on regarde le premier tour, seul avec des alliés, 28 % pour le PS…
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne va pas refaire l'élection.
STEPHANE LE FOLL
On ne va pas refaire l'élection, mais je le rappelle quand même, depuis la division de la gauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Réorientation de la politique.
STEPHANE LE FOLL
Alors, maintenant, ce qui vous intéresse, c'est la réorientation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, ce qui m'intéresse, c'est ce qui intéresse les dirigeants socialistes.
STEPHANE LE FOLL
Oui, c'est ce que j'ai déposé, c'est réorienter, est-ce que tous les efforts qui ont été faits, tout ce qui a été engagé, ça consisterait à dire, eh bien, on réoriente, c'est-à-dire que tout ce que l'on a fait jusqu'ici, on l'abandonnerait et pendant les deux ans qui viennent, on fait autre chose. Si c'est ça, même pour ceux qui pensent qu'en faisant ça on pouvait gagner en 2012, je leur dis par avance, si c'est ça que vous pensez, ça veut dire que de toute façon, on ne pourra pas redresser ce pays jusqu'au bout, et on ne pourra pas gagner. Donc c'est le premier point. Donc, réorienter, tel que c'est dit, c'est quelque chose qui serait contraire à l'objectif même qui est celui défendu par Martine, justement d'ailleurs de permettre à la gauche de…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais est-ce que vous pouvez faire quelque chose ?
STEPHANE LE FOLL
Je poursuis, donc, deuxième étape, après, est-ce qu'il faut tirer un certain nombre d'enseignements, est-ce qu'il y a des choses à corriger, est-ce qu'il faut écouter et avoir une discussion sur un certain nombre de points ? Oui. Je pense.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quels points ? Une partie de… Le pacte de responsabilité pourrait être partiellement remis en cause, il parait que c'est ce que François HOLLANDE a évoqué la semaine dernière, avec Jean-Marc AYRAULT et Martine AUBRY.
STEPHANE LE FOLL
Non, pas remis en cause. Mais quel a été le débat ? La question de la compétitivité aujourd'hui, et moi j'en suis très heureux, a fini par être acceptée par les socialistes, comme un enjeu économique mais aussi social au travers de l'emploi, mais le débat il porte sur la contrepartie. C'était ça le sujet depuis le départ.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et alors ? Vous êtes déçu…
STEPHANE LE FOLL
C'est qu'est-ce qui fait que quand on donne de l'argent aux entreprises, elles s'engagent aussi à embaucher. Donc, là, il y a bien question des contreparties. Donc le Premier ministre a évoqué ces questions et ces pistes. Il faudra qu'on soit effectivement vigilant, et en même temps…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pourriez y revenir sur une partie de ce pacte de responsabilité…
STEPHANE LE FOLL
Non, je n'ai pas du tout envie d'y revenir, mais en tout cas ce que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pourriez le remettre en cause en partie.
STEPHANE LE FOLL
Ce sur quoi on va discuter et on va réfléchir.
JEAN-MICHEL APHATIE
J'essaie de comprendre.
STEPHANE LE FOLL
Mais vous avez parfaitement raison.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je n'y arrive pas tout à fait, là.
STEPHANE LE FOLL
Mais c'est très simple. Je vous ai expliqué qu'il y a un pacte de responsabilité, d'accord…
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui ne marche pas bien.
STEPHANE LE FOLL
Qui ne marche pas bien… qui a marché, il y a six ou sept branches qui ont signé, mais il en reste beaucoup, donc si ça n'avance pas plus vite, il va falloir faire comprendre, pour être clair, au patronat, que la contrepartie de 32 milliards d'euros d'aides, nécessaires à la compétitivité, elle doit être, comment dirais-je, engagée en même temps que emploi et investissement sont aussi les objectifs du patronat.
JEAN-MICHEL APHATIE
Manuel VALLS, Premier ministre, a eu cette phrase ambigüe hier, alors, peut être que porte-parole du gouvernement vous pourrez l'éclairer.
STEPHANE LE FOLL
Je vais essayer, pas forcément, on va voir.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va voir.
STEPHANE LE FOLL
Allez-y, posez la question.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut lever le frein à l'embauche.
STEPHANE LE FOLL
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est quoi ça ?
STEPHANE LE FOLL
Ça veut dire que, aujourd'hui, quand on dit qu'il faut 1,5 de croissance pour créer de l'emploi, formule des économistes qui disent que c'est à partir de 1,5 % de croissance qu'on peut créer de l'emploi. Pourquoi ? Parce qu'en France il y a beaucoup de jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi. Tant mieux ! Donc il faut être capable de créer une activité économique qui permette d'embaucher. Mais en même temps, la question qu'on doit se poser, c'est : est-ce qu'il n'y a pas, dans notre système, des freins qui font qu'on pourrait embaucher plus avec le même niveau de croissance.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a des freins.
STEPHANE LE FOLL
Des freins ou des obstacles.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y en a ?
STEPHANE LE FOLL
Le patronat indique qu'il y a un certain nombre d'obstacles qui font que l'on a peur d'embaucher, parce qu'on a peur de licencier.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, parce qu'on ne peut pas licencier, c'est ce que dit le patronat.
STEPHANE LE FOLL
Donc la grande question qui est posée, c'est comment, en même temps qu'on garantit la sécurité pour les salariés, on doit aussi être capable de discuter pour voir comment on fait pour améliorer la création d'emploi, à niveaux de croissance, constants, supérieurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Rendre les licenciements moins difficiles, c'est ça que ça veut dire.
STEPHANE LE FOLL
C'est regarder comment on peut faire pour que les entreprises, dès qu'il y a un peu plus de croissance, dès qu'elles ont besoin, puissent embaucher, c'est quand même ça l'objectif.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez toucher un peu au code du travail.
STEPHANE LE FOLL
Mais, la discussion, dans le cadre d'un dialogue qui est ouvert d'ici juin…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez y toucher, il n'y a pas de tabou.
STEPHANE LE FOLL
Il y a… oh, arrêtez avec ces histoires de « pas de tabou »…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ne vous énervez pas…
STEPHANE LE FOLL
… là, ça me rappelle un ancien président de la République qui n'arrêtait pas de dire : il n'y a pas de tabou, il n'y a pas de tabou…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah bon ?
STEPHANE LE FOLL
Il y a des choses à discuter pour être efficace.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je sais à qui vous pensez…
STEPHANE LE FOLL
Oui ? Je ne sais pas du tout, non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous pourriez toucher au code du travail.
STEPHANE LE FOLL
A qui je pense, moi, c'est à l'efficacité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pourriez toucher au code du travail.
STEPHANE LE FOLL
Je pense qu'il faut qu'on discute de toutes les questions qui peuvent nous permettre de créer plus d'emploi, c'est quand même ça l'objectif.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez peur que Martine AUBRY compte ses partisans au prochain congrès ?
STEPHANE LE FOLL
Non, je n'ai pas peur que Martine AUBRY compte ses partisans, j'ai simplement une envie, c'est qu'on soit rassemblés, forts, rassemblés, il faut qu'on soit…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous demandez à Martine AUBRY de soutenir…
STEPHANE LE FOLL
Je vais lui dire, il faut qu'on soit un pôle de stabilité, et ce congrès ça doit être ça l'objectif, avec un projet, pour rassembler la gauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous demandez à Martine AUBRY de soutenir le Premier ministre.
STEPHANE LE FOLL
Je demande à… oh je ne demande rien à Martine AUBRY, puisque je ne suis pas là pour lui demander quoi que ce soit. Martine AUBRY est une grande responsable politique et elle a des choix qui lui sont propres. Moi, ce que je sais, c'est qu'il faut qu'on soit rassemblés. Ce congrès, ça doit être un objectif de rassemblement et de porter un projet, et de penser la fin du quinquennat et en même temps de rassembler la gauche. Voilà ce que je pense. Donc pour rassembler la gauche, on se rassemble, d'abord, et puis après on évolue pour rassembler plus large.
JEAN-MICHEL APHATIE
Petite phrase de Cécile DUFLOT, hier, dans Le Monde : « La détermination est une qualité, mais l'entêtement peut être une faute ».
STEPHANE LE FOLL
Je ne sais pas à qui elle pense, Cécile DUFLOT, quand elle dit ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
A vous, peut-être.
STEPHANE LE FOLL
A moi, voilà. Déterminé et Breton, voilà, et têtu, bien sûr, c'est ça ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, elle pense à Manuel VALLS.
STEPHANE LE FOLL
Ah bon !
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui est catalan d'origine.
STEPHANE LE FOLL
Je pense que Cécile DUFLOT, j'ai bien lu son article hier, je pense qu'il y a un processus qui est engagé au niveau des partis, il faut que ça soit collectif.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ouh, c'est compliqué ça.
STEPHANE LE FOLL
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, ce que vous dites, là, c'est compliqué.
STEPHANE LE FOLL
PS et Verts, réfléchissez bien, PS et Verts ont engagé une discussion, il y a des groupes de travail, il faut au moins discuter, on ne peut pas commencer par dire non, voilà, c'est ça que je veux dire, vous savez, un collectif.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes entêté, vous ?
STEPHANE LE FOLL
Pas du tout.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, ça ne vous ressemble pas.
STEPHANE LE FOLL
Pas du tout.
JEAN-MICHEL APHATIE
Stéphane LE FOLL, porte-parole du gouvernement, invité de RTL ce matin.
YVES CALVI
On peut discuter de tout même du code du travail, quand on veut combattre le chômage, vient de nous dire il y a quelques instants, le porte-parole…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y a pas de tabou !
YVES CALVI
Eh ben voilà, il n'y aurait pas de tabou, mais il ne faut pas le dire, parce que ça c'était Nicolas SARKOZY.
STEPHANE LE FOLL
Exactement.
YVES CALVI
Entretien à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr. Merci à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2015