Déclaration de Mme Carole Delga, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, sur , Paris le 8 avril 2015.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP), à Paris le 8 avril 2015

Texte intégral

Merci, Monsieur le Président, [Antoine Dubout]
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui ; il est important pour moi de vous témoigner mon soutien et de saluer votre action quotidienne dans le secteur sanitaire, social et médico-social.
Victor Hugo disait que « la grande chose de la démocratie, c'est la solidarité », et vous en prenez tous les jours votre part de responsabilité.
Oui, cela fait depuis 1936 que votre Fédération fédère ceux qui s'impliquent auprès des populations les plus fragiles.
Ceux qui incarnent les valeurs de la solidarité, de l'intérêt collectif et de l'utilité sociale.
Ce sont les valeurs de l'Economie Sociale et Solidaire, et ce sont celles que nous voulons diffuser et essaimer, avec la loi ESS du 31 juillet 2014.
La FEHAP a une place singulière dans le paysage de l'ESS, de par son poids : 220.000 salariés, qui accueillent plus de 2.5 millions de personnes par an, sur tout le territoire !
Derrière ces chiffres, il y a une réussite : la réussite du modèle non-lucratif, qui répond à des besoins sociaux, qui crée des emplois et qui tisse du lien social dans nos territoires.
Ce modèle, votre modèle, nous devons l'encourager !
Jean Jaurès à qui l'on reprocha un jour d'être idéaliste, répondit : « oui, je ne sépare pas l'idée de sa mise en oeuvre ». C'est cela faire preuve d'audace et de lucidité. Vous, membres de la FEHAP et acteurs de l'Economie Sociale et Solidaire, vous qui portez des projets qui ont du sens, vous connaissez bien cela, et la loi ESS du 31 juillet s'inscrit dans cette volonté d'être ambitieux et réaliste en même temps.
L'objectif de cette loi est en effet de permettre à la logique non-marchande, détachée des marchés et attachée à la dimension sociale, de fructifier. Elle vous donne les ressources et le terreau fécond que vous méritez.
Tout d'abord, en définissant pour la première fois les entreprises de l'ESS, cette loi leur apporte à la fois la reconnaissance et le cadre dont elles ont besoin pour se développer et changer d'échelle.
La loi ESS prévoit donc des dispositifs pour vous aider à grandir. J'en citerai quelques-uns :
- Les opérations de fusion, de cession d'actifs ou de scission, pour les associations sont facilitées et encadrées.
- Les agréments sont protégées au moment des fusions ;
- Le rescrit administratif en cas de procédure collective.
La loi ESS met en place de nouveaux modèles d'entreprises avec les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) par exemple. C'est une coopérative adaptée au partenariat public privé et qui peut concerner tous les secteurs d'activité, dès lors que les principes de l'Economie Sociale et Solidaire sont respectés.
Pour les années à venir, j'invite les acteurs de la FEHAP à considérer ce modèle de lucrativité limitée et maîtrisée, qui est basé sur la poursuite de l'utilité sociale. Ce modèle pourrait être l'opportunité de donner plus de moyens à vos projets et de changer d'échelle. Et je précise que l'agrément est maintenu en cas de transformation d'une association en SCIC.
Avec la loi ESS, les sociétés coopératives d'intérêt collectif peuvent solliciter les collectivités locales pour investir jusqu'à 50% de leur capital. Quand on sait que les SCIC peuvent intervenir dans tous les secteurs d'activité, en associant les salariés et les bénéficiaires des services à la gouvernance, cela donne beaucoup d'inspiration aux projets d'utilité sociale.
Le problème majeur auquel les associations font face est le manque de financements sur le long terme.
- La loi rend ces outils financiers plus attractifs ; ils sont diversifiés et sécurisés juridiquement.
- Elle donne aussi une définition légale de la subvention, assurant sa sécurisation et l'émancipation du marché public.
- Globalement, elle favorise une acculturation des investisseurs à l'utilité sociale, aux valeurs et aux exigences de l'Economie Sociale et Solidaire.
- En rénovant le titre associatif, elle permet aux associations les plus audacieuses de se financer par des titres de croissance.
Nous avons pris des mesures courageuses qu'aucun responsable politique n'avait mises en oeuvre au cours des vingt dernières années. En toute cohérence, ces choix politiques ont été traduits de manière tangible avec le fonds d'innovation sociale de 40M€, le fonds impact coopératif de 75M€ et la convention agir pour l'emploi 2014-2017
Il vous appartient de faire de vos idées des projets ; nous faisons en sorte que vos projets deviennent des emplois.
Je tiens à saluer l'action de la FEHAP : par exemple, offrir à la population des réponses qui ne sont pas couverts par l'hôpital public et par l'hôpital privé commercial. Défendre par son modèle, l'ambition d'une économie qui réinvestit ses bénéfices dans son développement et qui ne les consacre pas à la rémunération des actionnaires.
Il serait utile que l'esprit qui anime cette action partagée par les acteurs de l'économie sociale et solidaire connaisse un plus grand rayonnement. Je verrais aussi un avantage à ce que vous étudiez de plus près les solutions apportées par les entreprises à lucrativité limitée.
Ainsi, pour répondre aux points que vous avez soulevés, Monsieur le Président, la FEHAP pourrait siéger au Conseil Supérieur de l'ESS, au titre de son adhésion à certaines CRESS
En effet, je suis favorable à l'intégration ou à l'association de la FEHAP aux structures de représentation de l'ESS, notamment de l'UDES. A cette occasion, vous aurez la possibilité d'interroger vos membres sur les nouveaux outils de développement que la loi ESS met à votre disposition et éventuellement ceux à venir qui seront étudiés par le Conseil supérieur de l'ESS.
Enfin, la réflexion concernant le modèle lucratif se poursuit mais il faut être méthodique. Il faut de la concertation : c'est la méthode que le Gouvernement a mis en oeuvre pour trouver un régime d'exonération du versement transport adapté. Cette démarche initiale est indispensable pour reconnaître la particularité du modèle privé non lucratif et pour qu'il ne subisse plus une discrimination négative. Toutefois, la fiscalité est un sujet sensible en raison de sa complexité. Il faut avancer avec prudence, notamment du fait de la diversité des modèles économiques des entreprises de l'ESS. Il faut donc rassembler les éléments d'analyse avec la concertation de tous les acteurs et avancer de conserve sur un objectif à atteindre.
Les membres de la FEHAP sont des acteurs précieux pour notre pays ; il fallait vous donner les moyens de vos ambitions, parce que vous jouez une fonction humaine, sociale, économique et territoriale indispensable. La loi ESS n'oppose pas deux économies, elle reconnaît un modèle robuste et résilient qui sait allier performance économique et utilité sociale. Le sociologue Michel Crozier disait que « l'on ne change pas la société par décret ». Il avait raison. C'est pourquoi ce changement doit venir des alliances entre tous les acteurs de l'économie, de l'ESS et de l'économie dite « classique », les élus locaux dans nos territoires, et les citoyens. Ce changement doit venir de la mobilisation de tous ! Le logiciel gagnant de la France de demain, c'est la coopération ! Merci de votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 13 avril 2015