Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Michel SAPIN est notre invité, bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Vous êtes ministre des Finances et des Comptes publics. Vous dévoilez aujourd'hui les prévisions économiques du gouvernement, croissance, déficit, mais avant cela, la question que tout le monde se pose, alors, peut être différemment d'ailleurs, le chômage, va-t-il baisser d'ici à la fin du quinquennat, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
On a tellement glosé les uns ou les autres, moi-même, hein, sur le chômage qui va baisser, la courbe qui va s'inverser, que je crois que dans ce domaine-là, comme dans beaucoup d'autres domaines, il vaut mieux constater, plutôt que d'annoncer. Il faut créer les conditions pour que le chômage baisse, mais on ne commande pas, comme ça, en fonction de sa volonté. Comment est-ce que le chômage peut baisser ? Un, avec un certain nombre de politiques, on appelle ça c'est politiques de l'emploi. Ça a été tout ce que nous avons fait pendant les premières années, parce qu'il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire, pour faire en sorte que par exemple des jeunes puissent ne pas être dans des proportions trop importantes au chômage, ça a plutôt bien marché, mais globalement, le nombre des chômeurs a augmenté. Mais la deuxième condition, et c'est au fond, moi, ma responsabilité, c'est que l'économie elle-même, les entreprises, les commerces, les artisans, créent des emplois, pour permettre à ceux qui sont aujourd'hui au chômage, de trouver un emploi, c'est ce que nous faisons, ce sont les décisions d'hier, c'est l'ensemble du cadrage économique, c'est la confiance qu'il faut créer, c'est la constance de notre politique, c'est la prévisibilité, que chacun à peu près voit où on va, pour pouvoir prendre des décisions qui sont des décisions créatrices d'emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Les prévisions de croissance se font année par année, alors allons-y. 2015, vous confirmez, 1 % de croissance.
MICHEL SAPIN
Oui. Est-ce que je peux dire un mot, non pas sur les chiffres seulement mais sur la manière dont nous agissons et dont nous réagissons. Plusieurs années de suite, c'était vrai avant 2012 comme après 2012, on se fixait un objectif de croissance, et on disait : « voilà comment on va essayer de l'atteindre » et on constatait souvent qu'on n'avait pas atteint cet objectif de croissance. Cette fois-ci nous nous fixons un plancher de croissance. Quand je dis 1 % pour 2015, tout le monde, tous les observateurs, tous les économistes, toutes les organisations internationales nous disent : ça sera au minimum 1 % de croissance, et sur ce plancher, qui est solide, on s'appuie pour aller plus loin, pour aller chercher des points de croissance supplémentaires, et derrière chaque point de croissance supplémentaire, qu'est-ce qu'il y a ? Des emplois.
BRUCE TOUSSAINT
Le plafond, ça serait quoi ?
MICHEL SAPIN
Il n'y a pas de plafond, il y a un plancher.
BRUCE TOUSSAINT
Enfin, il y a bien un plafond, ça ne peut pas être 3,5, Michel SAPIN
MICHEL SAPIN
On est sur le sol solide d'une prévision qui est aujourd'hui quasiment une réalité.
BRUCE TOUSSAINT
La croissance sera-t-elle supérieure, en 2016, à celle de 2015 ?
MICHEL SAPIN
Oui, bien sûr, parce que 1 %, on a l'air, les uns ou les autres, moi le premier, de trouver que 1 % de croissance c'est déjà bien. Pourquoi c'est déjà bien ? Parce que c'est déjà mieux que l'année dernière, mieux que l'année d'avant, mieux que l'année d'avant encore, mieux encore que l'année d'avant, c'est-à-dire que la France vient de passer trois, quatre années successives, avec des chiffres toujours inférieurs à 0,5 % de croissance, c'est-à-dire quelque chose qui produit évidemment du chômage. Donc 1 % c'est le plancher, il faut aller plus loin, et donc les perspectives pour 2016/2017, c'est 1,5 % de croissance, ce qui est aussi extrêmement modeste par rapport ce qu'un certain nombre d'organismes prévoient pour 2016 et 2017.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez transmis vos chiffres à Matignon ? Parce que Manuel VALLS continue de dire que ça sera 1,5 en 2015, donc
Ça circule entre
?
MICHEL SAPIN
Les chiffres, c'est toujours un peu compliqué, mais il faut que je vous corrige. Que dit, à juste titre, Manuel VALLS ? C'est 1 % en moyenne sur 2015, et nous voulons que nous soyons sur un rythme de 1,5 % à la fin de 2015, c'est-à-dire 1,5 % en moyenne pour 2016. Donc il n'y a pas de contradiction, vous n'en trouverez pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Puisque vous voulez créer les conditions de la baisse du chômage, pourquoi ne réformez-vous pas le contrat de travail, puisqu'on sait que beaucoup d'entreprises, avec plus de facilités à rompre un contrat en cas de difficultés, embaucheraient massivement ?
MICHEL SAPIN
De quoi a besoin une entreprise pour embaucher ?
CHRISTOPHE BARBIER
De contrats de travail simples, à défaire en cas de pépin.
MICHEL SAPIN
Est-ce qu'elle a besoin de facilités pour licencier ?
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, quand même, au cas où la conjoncture se retourne.
MICHEL SAPIN
Ah, au cas où !
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, quand même !
MICHEL SAPIN
Mais ce qu'elles nous demandent, aujourd'hui, monsieur BARBIER, c'est : est-ce qu'il y a des commandes en France ? Est-ce que vous, moi, l'ensemble des Français, vous allez avoir un peu plus de pouvoir d'achat pour pouvoir m'adresser une commande ? S'il n'y a pas de commande, vous pouvez faire ce que vous voulez, avec les contrats de toute nature, il n'y aura pas d'embauche.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais s'il y a des commandes, je n'embauche pas, parce que ça sera trop compliqué après.
MICHEL SAPIN
La première chose qu'on nous demande, c'est des commandes. Aujourd'hui, la consommation, comme on dit, la consommation des ménages augmente, premier signe extrêmement positif pour les entreprises. Deuxième signe positif, il y a des entreprises qui se battent, soit contre des produits étrangers vendus en France, soit pour vendre des produits français à l'étranger. Le prix de l'euro, la valeur de l'euro, a continuellement baissé, considérablement baissé, nous le voulions, c'est le produit d'une volonté politique et ce qui permet d'exporter. Deuxième signal fondamental pour les entreprises, il y a des commandes à l'étranger. Avec des commandes en France, des commandes à l'étranger, avec des taux d'intérêt faibles, avec un euro faible, les conditions pour embaucher sont là, pour investir et pour embaucher. Vous êtes toujours pessimiste
CHRISTOPHE BARBIER
Non non mais
MICHEL SAPIN
Les conditions sont là pour, embaucher, est-ce qu'il faut par ailleurs
CHRISTOPHE BARBIER
Rajouter un contrat de travail souple.
MICHEL SAPIN
est-ce qu'il faut par ailleurs réformer le marché du travail ? Mais, nous l'avons déjà fait. Est-ce que vous
si, vous en trouvez
CHRISTOPHE BARBIER
Votre loi, la loi
MICHEL SAPIN
Il y a une loi, il y a une loi qui permet de licencier dans de meilleures conditions, des licenciements économiques, hein, quand on licencie plus de dix personnes, dans des conditions plus sécurisées pour l'entreprise, mais plus sécurisées pour le salarié lui-même, parce qu'on l'accompagne, parce que ça lui permet de retrouver un emploi, parce que ça lui permet de retrouver une formation, donc moi, mon boulot, aujourd'hui, c'est de faire en sorte que les entreprises, c'est le cas, elles voient les commandes augmenter, elles voient leurs marges. Leurs marges c'est quoi, c'est ce qui leur reste lorsqu'elles ont tout dépensé, donc c'est la capacité d'initiatives et d'investissements, et ces marges, dont les entreprises se plaignaient en disant : « elles vont baisser », elles montent aujourd'hui, donc tout est là pour investir et pour embaucher. Il faut le faire.
BRUCE TOUSSAINT
Claire FOURNIER.
CLAIRE FOURNIER
Michel SAPIN, vous parlez des carnets de commandes des entreprises, alors hier, le gouvernement a jugé utile de faire un nouveau plan de relance de l'investissement, qui va couter d'ailleurs 2,5, milliards d'euros sur 5 ans. Alors, c'est une dépense qui n'était pas prévue, est-ce que ça ne va pas plomber notre déficit ?
MICHEL SAPIN
Alors, je vais répondre aux deux aspects de la question. Prenons un ménage, aujourd'hui il constate
il veut acheter un appartement ou une maison, il constate que les prix commencent à baisser légèrement, que les taux d'intérêt sont très faibles, mais il est en discussions avec le vendeur, eh bien à un moment donné le vendeur il lui dit : allez, cette fois-ci, là, pendant 15 jours, je vous fais 5 000 de réduction. C'est ça qui peut débloquer celui qui va acheter. Eh bien là c'est pareil, c'est pas un plan de relance de l'investissement, c'est pendant une année, un avantage fiscal réel, pour acheter des machines, pour acheter des éléments qui permettent de produire, et derrière la production il y a de l'emploi. Est-ce que ça coûte quelque chose ? Oui, en quoi ? Parce que c'est de l'impôt en moins. Ce n'est pas de la dépense publique. Ont dit « ça coûte quelque chose », ce n'est pas de la dépense publique, ce n'est pas du crédit budgétaire, c'est de la baisse d'impôts, plutôt quelque chose qui est demandé par les uns et par les autres, c'est de la baisse d'impôts. Est-ce que nous avons pris en compte cette moindre recette ? La réponse est oui. En 2015, cette moindre recette sera compensée, intégralement, par des économies budgétaires, et pour 2016/2017 c'est pris dans le plan de baisse de l'impôt sur les sociétés qui était déjà prévu.
BRUCE TOUSSAINT
Michel SAPIN, je vous repose la première question : le chômage va-t-il baisser d'ici à la fin du quinquennat ?
MICHEL SAPIN
Avec tout ce que je viens de dire, des conditions qui sont aujourd'hui des conditions positives pour les entreprises, avec des commandes supplémentaires, avec une capacité de financement des investissements, avec un avantage fiscal pour l'investissement, l'objectif fondamental de tous, c'est quel le chômage baisse. Dans les chiffres, dans les prévisions qui sont les miennes, oui, le chômage est en situation de baisser, en 2016, de se stabiliser au cours de l'année 2015 et de baisser en 2016, mais c'est pas moi qui le dis pour le plaisir de le dire, ce sont les observateurs.
BRUCE TOUSSAINT
De combien ?
MICHEL SAPIN
Puis-je me permettre de vous redire...
BRUCE TOUSSAINT
De combien ?
MICHEL SAPIN
Puis-je me permettre de vous redire...
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez parlé d'objectif, alors c'est quoi votre objectif ?
MICHEL SAPIN
Je connais la méthode, etc. Nous créons les conditions. Je vous ai déjà dit depuis le début, que je ne veux plus annonce, je veux constater. Je pense que quand on constate que les entreprises vont mieux, que quand on constate qu'elles investissent, c'est mieux que simplement quand on les incite à le faire.
BRUCE TOUSSAINT
Vous constatez que nos engagements vis-à-vis de Bruxelles seront tenus ?
MICHEL SAPIN
Oui, bien sûr, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, pas de problème ?
MICHEL SAPIN
Eh bien, je ne sais pas, tout ce que je viens de présenter, en termes de perspective de baisse de nos déficits, parce qu'on n'a pas parlé de déficit, on n'en parle pas, parce qu'ils vont baisser, donc c'est une bonne nouvelle, et une bonne nouvelle ne se commente pas, ou elle se commente moins que la mauvaise nouvelle, c'est bien naturel. Oui, nous avons même des perspectives de baisse de notre déficit, qui sont plus positives encore, que celles que nous recommandait la Commission.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, Christophe.
CHRISTOPHE BARBIER
Baisse des déficits, aide aux entreprises, vous aurez un formidable bilan de droite à la fin du quinquennat.
MICHEL SAPIN
Vous pensez qu'on mesure la gauche à la hauteur du déficit ?
CHRISTOPHE BARBIER
Eh bien quand je lis la motion des frondeurs, qui se prépare
MICHEL SAPIN
Mais vous savez quel serait le plus à gauche de tous les hommes politiques de ces dernières années ?
CHRISTOPHE BARBIER
Nicolas SARKOZY ?
MICHEL SAPIN
Voilà. Donc voyez, ça ne doit pas être le bon critère. Donc moi je sais qu'un déficit, ce n'est pas de gauche ou de droite, un déficit c'est mauvais pour la France.
BRUCE TOUSSAINT
Deux questions d'actualité pour terminer.
CLAIRE FOURNIER
Sur les autoroutes, Michel SAPIN, parce qu'on n'y comprend pas grand-chose, Manuel VALLS a confirmé hier le maintien du gel des péages, quelle contrepartie va être accordée aux sociétés autoroutières ?
MICHEL SAPIN
Eh bien c'est, quelles sont les autres contreparties que les sociétés autoroutières vont aussi mettre en jeu, parce qu'on parle beaucoup
CLAIRE FOURNIER
Parce que pour l'instant il y a une action en justice contre l'Etat français.
MICHEL SAPIN
Oui. On parle beaucoup
On pourrait aussi faire des actions en justice contre les autoroutes. On parle beaucoup des péages, c'est normal, parce que c'est vous et moi qui passons le péage, mais il y a aussi la contribution qui est demandée aux sociétés d'autoroutes, qui font beaucoup de bénéfices, aux travaux qui sont nécessaires, donc on leur demande de contribuer à des travaux, à des travaux sur les autoroutes mais aussi à des travaux sur les routes nationales. Et derrière ces travaux, qu'est-ce qu'il y a monsieur TOUSSAINT ? De l'activité et de l'emploi et donc du chômage qui recule.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question. Le Front national en crise ouverte. Jean-Marie LE PEN qui est d'une certaine façon répudié par sa fille, ça vous réjouit ?
MICHEL SAPIN
Il y a ceux qui voudraient faire de cette question une affaire de famille, ou qui vaudraient gloser sur la déchéance de la vieillesse, mais ce n'est pas ça la question, ce que dit monsieur LE PEN, c'est le reflet d'une réalité du Front national. Lorsque des tout-jeunes candidats aux élections départementales ont tenu des propos aussi racistes que ceux qu'il tient aujourd'hui, c'était aussi un reflet d'une réalité du Front national. Ce que chacun doit avoir en tête, c'est qu'on n'est pas dans une bataille père-fille ou fille-père, on est véritablement là dans le reflet d'une réalité profonde du Front national, et chacun doit y penser, parce que ceux qui votent pour le Front national, ils ne pensent pas forcément, comme vient de le dire monsieur LE PEN, mais ils doivent comprendre qu'ils votent pour des gens qui pensent et parfois parlent, comme monsieur LE PEN.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Michel SAPIN, merci d'avoir été notre invité ce matin, sur I Télé.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2015