Texte intégral
Q - Après la réunion du G8 la semaine dernière, une solution politique semblait se dessiner dans la crise au Kosovo, qu'en est-il aujourd'hui ?
R - En effet, la réunion des ministres des Affaires étrangères des Huit à Bonn, le 6 mai, a permis de dégager les grands principes d'un règlement politique. C'était la première fois, depuis le début de l'action de l'OTAN, que les Occidentaux et les Russes travaillaient ensemble, qui plus est dans une cohérence complète avec les fameuses cinq conditions posées par les alliés et reprises à son compte par Kofi Annan. Il reste encore un gros travail à faire pour passer du texte du G8 à une résolution du Conseil de sécurité. D'autant que, depuis lors, deux obstacles sont survenus dont nous nous efforçons de surmonter les effets : le bombardement de l'ambassade de Chine et les changements à Moscou.
Q - Prenez-vous au sérieux les menaces d'Eltsine de quitter la négociation ?
R - Je ne pense pas que les Russes se retirent du processus de mise au point de la résolution. Ce ne serait pas leur intérêt. Igor Ivanov, le ministre des Affaires étrangères russe, a travaillé avec moi sur ce texte mardi ; mercredi, avec le secrétaire d'Etat adjoint américain Strobe Talbott ; jeudi, les présidents Eltsine et Chirac en ont parlé. Vous voyez donc qu'on continue de discuter et d'avancer, même si c'est difficile.
Q - Que doit comporter la résolution ?
R - Elle doit reprendre, en y conférant l'autorité du Conseil de sécurité, tous les principes que nous avons mis en avant : l'arrêt des exactions, le retrait des forces serbes du Kosovo, la proclamation et le début de la mise en oeuvre du droit au retour pour les Kosovars chassés de chez eux. Deux points demeurent à trancher dans le détail : quelle administration internationale pour le Kosovo, garantie par quelle force ? Il y a accord pour que le Kosovo, demain, soit autonome et pas indépendant. Mais nous pensons que, compte tenu de ce qui s'est passé, il devra être administré internationalement sous le contrôle du Conseil de sécurité. Par qui, comment devra-t-il être administré ? Les Quinze ont proposé que ce soit par l'Union européenne ; mais les Russes et les Américains, ainsi que d'autres organisations telle l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ayant également un rôle important à jouer, l'Union européenne aura naturellement à travailler en liaison avec les pays et institutions concernés.
Ensuite il y a le problème de la force. Nous savons ce que nous voulons. C'est acquis sur le plan des principes entre Occidentaux et Russes : une force armée (les Russes disent "présence internationale de sécurité", mais il s'agit de la même chose) capable de garantir la sécurité et la paix dans le Kosovo de demain. Nous travaillons à la façon de faire marcher ensemble de façon efficace et coordonnée des contingents issus de pays de l'OTAN, de la Russie, et de pays tiers, et à la manière de se répartir les rôles sur le terrain. La France est naturellement prête à participer à cette force.
Q - Milosevic vient d'annoncer le retrait de ses troupes au Kosovo, le prenez-vous au sérieux ?
R - Jusqu'ici aucune des annonces venues de Belgrade ne s'est révélée être un changement sérieux. Et je rappelle que Belgrade n'a même pas présenté ce retrait comme le début d'acceptation de l'une des cinq conditions, mais comme un réaménagement technique rendu possible par le démantèlement de l'UCK.
Q - Certaines voix en Europe - Régis Debray, Paul Quilès, l'ancien président italien Scalfaro, les Verts allemands - s'élèvent pour réclamer l'arrêt des frappes ? Que leur répondez vous ?
R - Les dirigeants de l'Alliance se sont posé cette question, mais ils ont conclu qu'un arrêt des frappes risquait d'une part de permettre à l'armée yougoslave de se regrouper, de se réorganiser et de reprendre les offensives, et d'autre part de donner le sentiment à Milosevic qu'il avait gagné. Or chacune des conditions qui ont été posées reste parfaitement justifiée. C'est pourquoi d'ailleurs les Russes sont en train de se rapprocher de nous et ne réclament pas, comme préalable à la discussion, l'arrêt des frappes, même s'ils souhaitent qu'il en soit ainsi. Nous en revenons donc à la priorité des prochains jours : travailler d'arrache-pied avec les Occidentaux, nos partenaires russes, les Chinois, à la mise au point et à l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité. La diplomatie française s'y consacre sans relâche.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 1999)
R - En effet, la réunion des ministres des Affaires étrangères des Huit à Bonn, le 6 mai, a permis de dégager les grands principes d'un règlement politique. C'était la première fois, depuis le début de l'action de l'OTAN, que les Occidentaux et les Russes travaillaient ensemble, qui plus est dans une cohérence complète avec les fameuses cinq conditions posées par les alliés et reprises à son compte par Kofi Annan. Il reste encore un gros travail à faire pour passer du texte du G8 à une résolution du Conseil de sécurité. D'autant que, depuis lors, deux obstacles sont survenus dont nous nous efforçons de surmonter les effets : le bombardement de l'ambassade de Chine et les changements à Moscou.
Q - Prenez-vous au sérieux les menaces d'Eltsine de quitter la négociation ?
R - Je ne pense pas que les Russes se retirent du processus de mise au point de la résolution. Ce ne serait pas leur intérêt. Igor Ivanov, le ministre des Affaires étrangères russe, a travaillé avec moi sur ce texte mardi ; mercredi, avec le secrétaire d'Etat adjoint américain Strobe Talbott ; jeudi, les présidents Eltsine et Chirac en ont parlé. Vous voyez donc qu'on continue de discuter et d'avancer, même si c'est difficile.
Q - Que doit comporter la résolution ?
R - Elle doit reprendre, en y conférant l'autorité du Conseil de sécurité, tous les principes que nous avons mis en avant : l'arrêt des exactions, le retrait des forces serbes du Kosovo, la proclamation et le début de la mise en oeuvre du droit au retour pour les Kosovars chassés de chez eux. Deux points demeurent à trancher dans le détail : quelle administration internationale pour le Kosovo, garantie par quelle force ? Il y a accord pour que le Kosovo, demain, soit autonome et pas indépendant. Mais nous pensons que, compte tenu de ce qui s'est passé, il devra être administré internationalement sous le contrôle du Conseil de sécurité. Par qui, comment devra-t-il être administré ? Les Quinze ont proposé que ce soit par l'Union européenne ; mais les Russes et les Américains, ainsi que d'autres organisations telle l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ayant également un rôle important à jouer, l'Union européenne aura naturellement à travailler en liaison avec les pays et institutions concernés.
Ensuite il y a le problème de la force. Nous savons ce que nous voulons. C'est acquis sur le plan des principes entre Occidentaux et Russes : une force armée (les Russes disent "présence internationale de sécurité", mais il s'agit de la même chose) capable de garantir la sécurité et la paix dans le Kosovo de demain. Nous travaillons à la façon de faire marcher ensemble de façon efficace et coordonnée des contingents issus de pays de l'OTAN, de la Russie, et de pays tiers, et à la manière de se répartir les rôles sur le terrain. La France est naturellement prête à participer à cette force.
Q - Milosevic vient d'annoncer le retrait de ses troupes au Kosovo, le prenez-vous au sérieux ?
R - Jusqu'ici aucune des annonces venues de Belgrade ne s'est révélée être un changement sérieux. Et je rappelle que Belgrade n'a même pas présenté ce retrait comme le début d'acceptation de l'une des cinq conditions, mais comme un réaménagement technique rendu possible par le démantèlement de l'UCK.
Q - Certaines voix en Europe - Régis Debray, Paul Quilès, l'ancien président italien Scalfaro, les Verts allemands - s'élèvent pour réclamer l'arrêt des frappes ? Que leur répondez vous ?
R - Les dirigeants de l'Alliance se sont posé cette question, mais ils ont conclu qu'un arrêt des frappes risquait d'une part de permettre à l'armée yougoslave de se regrouper, de se réorganiser et de reprendre les offensives, et d'autre part de donner le sentiment à Milosevic qu'il avait gagné. Or chacune des conditions qui ont été posées reste parfaitement justifiée. C'est pourquoi d'ailleurs les Russes sont en train de se rapprocher de nous et ne réclament pas, comme préalable à la discussion, l'arrêt des frappes, même s'ils souhaitent qu'il en soit ainsi. Nous en revenons donc à la priorité des prochains jours : travailler d'arrache-pied avec les Occidentaux, nos partenaires russes, les Chinois, à la mise au point et à l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité. La diplomatie française s'y consacre sans relâche.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 1999)