Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le rôle des forces spéciales dans la stratégie militaire de la France, à Martignas-sur-Jalle le 14 avril 2015.

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Circonstance : Déplacement au camp de Souge à l'occasion du Salon SOFINS (Special Operations Forces Innovation Network Seminar), à Martignas-sur-Jalle (Gironde) le 14 avril 2015

Texte intégral


Madame la Député,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mon général,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui. Je tenais à venir, en dépit d'un emploi du temps particulièrement chargé. J'aurais d'ailleurs souhaité passer plus de temps à vos côtés, mais la présentation du projet de loi sur le renseignement, ces jours-ci, me contraint de repartir rapidement pour Paris.
Je voudrais en tout cas vous dire toute la satisfaction que m'inspire cette seconde édition du SOFINS. En peu de temps, ce salon s'est imposé comme un rendez-vous incontournable pour notre communauté de défense. Il contribue en particulier au développement des ambitions que nous nourrissons pour nos forces spéciales, et je voudrais profiter de cette occasion pour leur rendre hommage. Leur engagement est total, notamment dans la lutte contre le terrorisme, et même si leurs faits d'arme sont rarement révélés au grand jour, nous avons toutes les raisons d'en être fiers.
Il y a deux ans, le Commandement des opérations spéciales et le 13e Régiment de dragons parachutistes ont été fidèles à leur regard visionnaire, lorsqu'ils ont identifié le besoin de rassembler les forces spéciales et les PME innovantes du secteur de la défense. Cette première expérience s'intégrait dans la démarche plus générale du pacte PME Défense, que j'avais lancé quelques mois auparavant.
Le succès du SOFINS 2013, le dynamisme de nos entreprises et l'évolution des besoins de nos unités, ont naturellement conduit à envisager une deuxième édition de ce salon. Je tiens ici à remercier à la fois le Cercle de l'arbalète, association organisatrice de cet évènement, mais aussi les acteurs locaux, en particulier la région Aquitaine, pour leur engagement sans faille au profit du SOFINS.
J'observe avec satisfaction que l'attractivité de l'événement s'est renforcée. 156 entreprises exposantes sont présentes cette année, soit 50% de plus qu'il y a deux ans. Vingt start-up sélectionnées pour leurs produits innovants ont par ailleurs été invitées. J'espère que ce salon contribuera à leur développement. Je me félicite aussi de sa dimension internationale : plus de 40 délégations étrangères sont présentes aujourd'hui. Aux côtés de partenaires plus traditionnels, je tiens à souligner la présence de certains de nos alliés durement engagés dans la lutte contre le terrorisme. Cette présence témoigne de la vitalité et de la réactivité du partenariat qui peut s'instaurer entre les entreprises et les forces spéciales, partenariat qui à l'évidence contribue au succès de nos opérations. Car le SOFINS, je le redis ici, a vocation à répondre aux enjeux d'équipement des forces spéciales en créant un contact direct entre professionnels. Les démonstrations de matériels, les tests d'équipements, les échanges avec les opérateurs, pilotes ou commandos, en sont des illustrations concrètes.
Cette année, le SOFINS s'enrichit aussi d'un colloque sur la problématique particulière de l'équipement des forces spéciales. Je forme le vœu que ces échanges nouveaux permettent de faire émerger des idées constructives que nous pourrons mettre en place rapidement. Car notre démarche est bien aujourd'hui d'intégrer d'emblée le besoin des forces spéciales dans un nombre croissant de programmes d'armement et optimiser le lien avec le monde de l'entreprise. Notre objectif est clair : il vise à raccourcir la boucle innovation / développement / acquisition.
Les forces spéciales sont désormais un élément clé, et reconnu comme tel, de notre stratégie militaire.
Dans le livre blanc puis dans la loi de programmation militaire, elles ont été élevées au rang des priorités stratégiques. Le renforcement des effectifs des unités, le lancement des programmes de remplacement des vecteurs terrestres et la rénovation du parc aéronautique ont été initiés dans cette perspective, et se poursuivent avec des ressources financières à la hauteur de nos ambitions.
Nous devons poursuivre cette dynamique. Les dernières expériences opérationnelles et les nécessités de la lutte contre le terrorisme ont déjà conduit à renforcer certaines capacités, dans le domaine de l'imagerie aéroportée notamment. Elles ont aussi placé les forces spéciales au cœur d'un réseau interservices auquel j'attache une grande importance. En effet, dès lors que les forces spéciales s'engagent contre des groupes terroristes, il est essentiel qu'elles disposent d'un renseignement exhaustif et actualisé, fruit de la fusion d'informations provenant des différents services de renseignement. L'expérience prouve que c'est bien cette intégration en temps réel du renseignement qui nous permet d'anticiper, d'agir vite et loin, et de n'user que de la force strictement nécessaire. Mais, comme le dit le général de Saint Quentin, ces opérations sont abrasives, pour les hommes comme pour les équipements.
C'est pourquoi l'actualisation de la LPM, à laquelle je me consacre depuis plusieurs semaines et qui a été décidée par le Président de la République et qui fera l'objet d'un examen à l'Assemblée nationale au mois de juin, constitue une occasion unique d'examiner les besoins nouveaux. A l'évidence, ceux des forces spéciales sont importants. Ils sont justifiés par un engagement opérationnel qui ne décroît pas. Dans ce contexte, nous sommes appelés à conduire un triple effort : premièrement au profit de nos hommes et de leur équipement individuel, optronique notamment ; deuxièmement au profit de leur aéromobilité ; troisièmement au profit de la fiabilisation de la boucle de décision, qui nécessite de pouvoir disposer de systèmes d'information et de communication redondants.
Les différents équipements que j'ai pu voir lors de mon passage parmi vous tout à l'heure me confortent dans l'idée que le SOFINS contribue à notre politique de renforcement des forces spéciales. Ces équipements touchent à tous les secteurs de l'innovation et de notre industrie de défense. Il y a bien sûr le sujet complexe de l'aéromobilité, avec un vaste champ de réflexion qui va du buggy volant à l'armement de nos avions, en passant par le renforcement de notre flotte d'hélicoptères, très sollicités par les opérations. Dans le même temps, le développement des drones et des capteurs techniques ouvre des perspectives nouvelles en termes de renseignement humain, électromagnétique ou image. Le défi des systèmes d'informations, incluant le champ du cyber, est constant pour le COS qui doit intégrer de multiples systèmes en temps réel. L'équipement individuel conserve enfin toute son importance pour des commandos appelés à combattre isolément et loin de leurs bases. L'optronique, l'armement, la protection, les radios, doivent sans cesse améliorer leurs performances au profit d'opérations qui sont en soi complexes et exigeantes, mais encore menées conduites contre des adversaires qui se renforcent eux-mêmes.
Je voudrais, pour finir mon propos, m'adresser plus directement aux forces spéciales présentes aujourd'hui.
Il y a deux ans, alors que se tenait le premier SOFINS, les forces spéciales venaient de prendre une part déterminante à notre victoire au Mali. Je conserve à titre personnel un souvenir émouvant de ces nuits du début de l'année 2013, au cours desquelles quelques poignées de commandos, seuls ou aux côtés des Maliens, ont permis de stopper puis de repousser la déferlante jihadiste qui se dirigeait sur Bamako. Votre audace, votre haut degré d'intégration et votre abnégation avaient alors fait la différence.
Je pourrais faire un constat identique aujourd'hui, quelques jours après la libération d'un otage néerlandais qui était détenu depuis quatre ans au nord-Mali. Cette dernière opération, dont les médias se sont fait l'écho, est révélatrice du degré absolu de précision qu'exige une opération spéciale. Au-delà, elle met en relief le triptyque qui constitue selon moi votre force : un système, une culture et des hommes.
Vous constituez d'abord un système, j'irais jusqu'à dire un système de systèmes de forces spéciales, qui a réussi à capitaliser sur des différences pour accroître son efficacité. L'intégration aux plus bas échelons des expertises issues des trois armées, des différents vecteurs, aériens, terrestres et maritimes, de multiples moyens de communication, agit de fait comme un véritable démultiplicateur de puissance. Elle conditionne la fulgurance, la discrétion et in fine le succès de vos opérations.
Mais ce système ne serait rien sans une culture qui vous est aussi propre. Vous êtes animés d'un esprit singulier qui vous pousse sans cesse à « faire autrement », pour améliorer votre efficacité militaire. La richesse des savoir-faire, des expertises et des compétences réunis sur ce salon en sont d'indiscutables illustrations. Sans m'étendre sur la nature des opérations que vous conduisez aujourd'hui, je veux aussi témoigner du fait que vous mettez toute cette culture de l'initiative et ce sens de la mission au service de nombreux partenaires et alliés.
Vous formez enfin et surtout une communauté humaine remarquable, dont je salue l'engagement total, un engagement de tous les instants au service de notre pays. Certains d'entre vous sont allés jusqu'au sacrifice ultime, et j'ai ici une pensée pour Thomas Dupuy, tombé au combat le 29 octobre dernier, mais aussi pour tous ceux qui l'ont précédé, comme pour ceux qui, blessés, portent dans leur chair les durs combats qu'ils ont livrés pour la Nation.
Au nom du Président de la République, je veux saluer la valeur de votre engagement et vous féliciter pour vos succès opérationnels. Pour m'être rendu à de nombreuses reprises à vos côtés, sur les théâtres d'opérations, je mesure le haut degré d'exigence demandé à chacun d'entre vous et les sacrifices qu'impose l'exercice de ce métier. Vous avez toute notre reconnaissance, et vous pouvez compter sur mon soutien.
Au moment de conclure, je suis tenté de vous donner rendez-vous pour une troisième édition. Je souhaite au SOFINS le meilleur développement. Je vois en tout cas réunis devant moi tous les éléments qui permettront de garantir et des collaborations fructueuses, pour les années à venir, entre le monde de l'entreprise et les forces spéciales.
Je vous remercie.Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 avril 2015