Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, sur le harcélement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun, Paris le 16 avril 2015.

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Je suis très heureuse de vous accueillir ici aujourd'hui pour échanger autour d'un sujet important pour de nombreuses citoyennes, mais aussi pour notre société : le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun.
Nous avons décidé il y a quelques mois, avec Marisol Touraine, de saisir le HCE sur ce sujet, afin que le gouvernement puisse y apporter rapidement une réponse éclairée et la plus efficace possible.
Avant de m'exprimer plus longuement, et pour donner du temps à la présentation de cet avis d'une grande qualité, je laisse la parole à Danielle BOUSQUET (Présidente du HCE), Elisabeth MOIRON-BRAUD, Ernestine RONAI (Co-présidente de la Commission Violences de genre) ainsi qu'à une partie des personnes auditionnées dans le cadre de ces travaux du HCE.
Je pense notamment aux associations, Stop harcèlement de rue, à osez le féminisme ainsi qu'à l'association mémoire traumatique et victimologie que vous aurez l'opportunité d'entendre car elles ont largement contribué à faire émerger ce sujet, et je tiens à les remercier pour leur engagement.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour ce travail et cette présentation très riche.
Le harcèlement et les violences sexistes auxquels les femmes doivent faire face dans l'espace public sont massifs et constituent un enjeu de société auquel nous devons répondre.
Ces violences qui veulent imposer l'idée que les femmes n'ont pas leur place dans l'espace public, à certaines heures ou dans certains lieux.
Ces violences quotidiennes, qui visent les femmes parce qu'elles sont femmes, sont inacceptables.
Elles n'avaient pas, jusqu'à aujourd'hui, fait l'objet de politique publique à la hauteur des enjeux qu'elles constituent.
C'est pourquoi le gouvernement a décidé de lutter contre les comportements sexistes et d'agir pour l'égal accès à l'espace public.
Notre action se déploie dans plusieurs domaines. Nous entendons mener une politique globale, ambitieuse, qui s'attaque à tous les secteurs où subsiste une domination masculine, même lorsqu'elle n'est pas visible.
Je pense par exemple à l'accès à la pratique sportive. Trop de jeunes femmes sont conduites à arrêter le sport à l'adolescence, ce qui peut malheureusement aboutir à un repli sur la sphère privée.
Je pense aussi à la parité et à l'accès des femmes aux responsabilités.
Dans ce domaine, nous progressons, même si nous devrons encore faire bouger les lignes.
Dernier exemple sur lequel je veux m'attarder, je pense bien entendu à l'accès à l'espace public.
Au-delà de la question de l'urbanisme, trop souvent pensé par des hommes, pour des hommes, la question que nous soulevons également est le fait que le harcèlement est révélateur de dominations et de sexismes qui pèsent sur les femmes.
Une expérimentation de marches exploratoires est en cours dans 12 communes (Arcueil, Bordeaux, Creil, Lille …) en lien avec les structures de médiation sociale, les institutions publiques locales et les associations de proximité.
L'objectif est la réalisation de diagnostics de terrain par des femmes résidant dans un quartier en lien avec les instances locales concernées.
Les enseignements de ces marches exploratoires permettront de mettre en place des mesures adéquates pour améliorer les aménagements urbains et mieux lutter contre les facteurs d'insécurité.
Elles visent aussi à mieux impliquer les femmes dans la démocratie participative locale et dans la construction des politiques publiques.
Dans ce contexte, les transports constituent un espace particulier, notamment en raison du confinement qui les caractérise.
Lors du conseil national de sécurité dans les transports en commun du 16 décembre 2014, nous avons avec Bernard Cazeneuve et Alain Vidalies, lancé un groupe de travail sur les violences faites aux femmes dans les transports en commun, en partenariat avec la SNCF, la RATP, l'union des transporteurs publics et Ferroviaires (UTP) et le groupement des autorités responsables des transports (GART).
Ce groupe de travail a été chargé de mettre en place un plan de prévention et de lutte contre ces violences sexistes, qui devra notamment passer par une large sensibilisation du public, pour que chacun sache réagir au mieux face à ces situations inacceptables.
Les conclusions de ce groupe, seront rendues lors du prochain conseil national de sécurité dans les transports en commun qui devra se tenir à la fin du premier semestre 2015.
Un diagnostic est fondamental pour établir des préconisations pertinentes.
Au-delà des éléments quantitatifs et qualitatifs dont nous disposons ou que nous récoltons, avec Marisol Touraine, nous avons ainsi souhaité saisir le HCE sur cette question.
L'avis que vous nous remettez aujourd'hui est riche, complet et s'inscrit parfaitement dans la logique et les aspirations qui sont les nôtres.
C'est là le premier avis officiel sur ce sujet et il permettra, j'en suis certaine de nourrir utilement la construction de notre politique publique dans ce domaine.
- Les transports exploratoires que vous recommandez nous semblent un outil indispensable de dialogue et de lutte contre les facteurs d'insécurité.
Nous avons d'ailleurs déjà réalisé avec le Secrétaire Général de la SNCF une première marche, le 7 mars, gare du nord à Paris et d'autres sont prévues sur l'ensemble du territoire.
- Le développement des outils numériques, qui favorisent les réseaux d'usagères ou permettraient le signalement d'agressions, constitue également un volet sur lequel nous souhaitons travailler.
- De même, un numéro de téléphone unique de signalement, à l'image du 31 17 de la SNCF est une piste qu'il nous faut étudier.
- La formation des divers professionnels, qui peuvent être confrontés à ces violences sexistes, qu'elles soient dirigées à leur encontre ou à l'encontre des usagères, doit également être développée.
La première réaction de l'autorité responsable est fondamentale car elle marque la bonne prise en compte et la condamnation de ces violences par la société.
Et dans ces situations, comme dans toutes les situations de violences, il faut savoir trouver les mots : les mots de soutien, les mots de conseil, pour agir.
Et cela s'apprend : pour mieux réagir, il faut être formé.
- Enfin, une campagne de sensibilisation nationale doit permettre d'ancrer ce travail, de nommer ces violences et de les dénoncer, fermement.
Car non, une main aux fesses n'est pas un acte banal.
- Une sensibilisation pérenne doit aussi être pensée car changer les mentalités et les comportements cela nécessite du temps.
Je vous remercie donc pour le travail que vous avez réalisé.
Il constituera l'un des piliers de nos réflexions et des actions que nous engagerons au prochain conseil national de sécurité dans les transports en commun afin de mener une politique ambitieuse de lutte contre les violences sexistes.
Source http://femmes.gouv.fr, le 17 avril 2015