Texte intégral
FAUSTINE CALMEL
Bonjour Laurence ROSSIGNOL.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
FAUSTINE CALMEL
C'est aujourd'hui le deuxième jour de pollution en région parisienne. C'est particulièrement difficile souvent pour les plus jeunes et les plus âgés qui sont plus vulnérables. Est-ce qu'il faut agir plus vite comme le demandent certains politiques, notamment la maire de Paris Anne HIDALGO ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Je crois que Ségolène ROYAL, qui est d'abord très compétente en matière d'environnement mais qui est aussi capable d'appréhender l'ensemble des sujets de vie quotidienne que pose la pollution pour les familles à la fois effectivement, comme vous l'évoquiez, les risques pour les plus vulnérables mais aussi les besoins de chaque citoyen d'Ile-de-France de se déplacer, a pris la bonne décision pour ce matin : réduire de 20 kilomètres/heure la vitesse autorisée. Nous savons, puisque c'est d'ailleurs comme ça que dans le passé déjà les vitesses avaient été réduites en particulier sur le périphérique, que réduire la vitesse fait chuter le taux de pollution de manière importante. Par ailleurs, elle a dit aussi qu'elle était très vigilante et attentive et prête à prendre une autre décision si c'était nécessaire.
FAUSTINE CALMEL
Donc la circulation alternée, ça n'est pas forcément la panacée ? Ou en tout cas, il faut bien y réfléchir en amont, c'est ce que vous dites ?
LAURENCE ROSSIGNOL
La circulation alternée, elle est à un moment donné le moyen qui permet de limiter l'augmentation de la pollution. Elle ne la fait pas chuter, il ne faut pas aussi se faire trop d'illusions. La circulation alternée, c'est le moment où on a atteint le seuil où il faut limiter. Ceci dit, il ne faut pas sous-estimer les difficultés que ça pose au quotidien. Et puis, il y a quand même quelque chose qui est amusant dans ce débat, c'est que tantôt on dit : « L'Etat se mêle trop de tout » et on veut moins de contraintes, moins d'intervention des pouvoirs publics sur la vie des Français ; tantôt on dit : « C'est à l'Etat de prendre des décisions ». En matière de circulation, on peut chacun d'entre nous se poser la question. J'ai l'habitude de prendre ma voiture, il y a des alternatives, est-ce que c'est le jour où je dois encore prendre ma voiture ou est-ce qu'au contraire c'est le jour d'essayer les alternatives par les transports en commun. Moi, j'ai la conviction qu'en matière d'écologie, il y aura à la fois des décisions publiques d'avenir et immédiates, et aussi une responsabilité individuelle : comment j'adapte mon comportement à une situation qui, sur le plan de la pollution, m'interpelle sur la part que je prends moi. Donc aujourd'hui, on peut aussi sans avoir une décision autoritaire de circulation alternée, réduire nos déplacements en voiture et utiliser davantage le transport collectif ou remettre à plus tard des déplacements qui ne sont pas indispensables.8
FAUSTINE CALMEL
L'autre actualité cette fois vraiment politique ce matin, c'est cette rupture au Front national, ce qui est présenté comme une rupture. Est-ce que ça vous étonne ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non. Je sais bien que je m'occupe des familles au gouvernement.
FAUSTINE CALMEL
Oui, mais ça vous a beaucoup agacée sur Twitter. C'est pour ça que je vous pose la question.
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, oui. Je sais bien que je m'occupe des familles au gouvernement mais celle-là n'est pas de ma responsabilité. D'abord parce qu'elle ne me paraît pas être en grandes difficultés financières et d'autre part, parce que je ne la trouve pas très exemplaire. Ce qui m'étonne, c'est de voir tous ces cadres du Front national qui ont tous adhéré au Front national au moment où Jean-Marie LE PEN en était l'incarnation, subitement s'offusquer de propos de Jean-Marie LE PEN qui ne sont pas différents de ceux qu'il a toujours tenus. Ce que Jean-Marie LE PEN a dit hier dans le journal d'extrême droite Rivarol, c'est exactement le fond de sauce de sa pensée. Donc tous ces gens ont adhéré au Front national, au parti de Jean-Marie LE PEN, avec toutes ces idées-là qui étaient déjà sur la table, ils les connaissaient et aujourd'hui les idées de Jean-Marie LE PEN sont devenues des idées qui gênent leur stratégie. Il faut faire la différence entre des divergences stratégiques et des divergences de fond.
FAUSTINE CALMEL
Ça veut dire que vous ne croyez pas à la dédiabolisation ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Je crois à la volonté des dirigeants du Front national de dédiaboliser leur image et d'être prudent sur les propos qu'ils expriment sur des sujets très sensibles comme le racisme et l'antisémitisme. Mais je ne vois pas pourquoi ces gens se seraient subitement convertis à renoncer à ce qu'a été probablement pour beaucoup d'entre eux soit la raison pour laquelle ils ont adhéré au Front national, soit au moins quelque chose qui ne les gênaient pas tant que ça au moment où ils ont commencé à militer dans ce parti.
FAUSTINE CALMEL
On va revenir à votre domaine au gouvernement. C'est aujourd'hui que s'ouvre le salon des seniors à Paris. Est-ce que les seniors, c'est aujourd'hui juste un marché ? Parce qu'on le voit souvent assez présenté comme ça. Finalement, on parle de la « Silver économie ». Est-ce que c'est d'abord avant tout un marché ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non. Les seniors, c'est d'abord une partie importante de la population. C'est des individus qui sont plus vieux qu'ils n'étaient auparavant, qui vieillissent aujourd'hui dans des bonnes conditions, de plus en plus nombreux, et qui de ce fait participent à l'ensemble de nos activités. Ils sont essentiels dans le monde associatif. Par exemple, les retraités sont les piliers du monde associatif et ils sont aujourd'hui aussi des consommateurs importants. Et puis, le fait de vieillir crée également des besoins nouveaux en termes de technologie et on a vu se développer effectivement la Silver économie qui n'en est encore qu'à ses débuts aujourd'hui. Ce secteur de la Silver économie, c'est à la fois un gisement de technologies nouvelles important, un gisement d'activités et puis aussi peut-être une autre façon d'envisager les produits de consommation quotidienne. Quand on est plus âgé, un produit qui était facile à utiliser je prends souvent l'exemple de la bouteille d'eau ouvrir une bouteille d'eau, c'est simple pour tout le monde tant qu'on a des mains qui fonctionnent bien. Dès que vous commencez à avoir de l'arthrose dans les articulations, ça devient difficile. La Silver économie, c'est aussi une interpellation de l'ensemble des industriels. Est-ce que vos produits sont adaptés à tout le monde et est-ce que les personnes fragilisées peuvent encore consommer ces produits ou est-ce qu'il faut inventer des nouveaux conditionnements pour leur permettre de continuer d'être des bons utilisateurs de ces produits ? Ça, c'est la Silver économie. Puis surtout, c'est un secteur dans lequel il y a des besoins sociaux nouveaux, en particulier dans l'accompagnement. C'est pour ça d'ailleurs que je porte un projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement.
FAUSTINE CALMEL
Le projet de loi vieillissement, oui. On va en dire un mot justement. Le but de ce projet de loi, c'est de maintenir à domicile les personnes âgées même si elles deviennent de moins en moins autonomes. Pourquoi c'est important de le faire et comment on peut le faire ?
LAURENCE ROSSIGNOL
D'abord parce qu'elles le souhaitent. Les gens qui vieillissent souhaitent vieillir le plus longtemps possible et dans les meilleures conditions possibles chez eux. Le but de ce projet de loi, c'est de les aider à rester chez eux. Ça veut dire quoi d'abord ? Prévenir les effets du vieillissement, les anticiper, les repérer pour les retarder. Le projet de loi qui est une mesure extrêmement forte en termes d'investissement social, et je dis ça aujourd'hui parce que j'entends qu'il y a des manifestations sur l'austérité qu'il y aurait en France : l'année prochaine, au 1er janvier 2016, nous allons investir 750 millions d'euros supplémentaires de dépenses sociales en faveur de la prise en charge du vieillissement. Donc un pays qui continue de faire progresser ses dépenses sociales, un pays qui continue de répondre à des besoins sociaux nouveaux, n'est pas un pays qui subit l'austérité. C'est un pays qui adapte ses politiques sociales à l'évolution de la population et aux nouvelles aspirations de cette population.
FAUSTINE CALMEL
Si on aide les personnes âgées de moins en moins autonomes à reste chez elles, est-ce qu'il faut aussi aider ceux qu'on appelle les aidants, ceux qui les accompagnent au quotidien ?
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est une très belle mesure de ce projet de loi que de reconnaître effectivement les aidants, quatre millions et demi de personnes, qui au quotidien s'occupent d'un conjoint, d'un parent qui est âgé et en perte d'autonomie. Ce sont des gens qui sont souvent extrêmement fatigués parce que c'est quotidien, c'est usant de prendre en charge une personne vieillissante qui a un besoin de soutien important. La loi reconnaît d'abord l'existence des aidants et ensuite, elle leur accorde un droit au répit, c'est-à-dire une allocation annuelle d'environ 500 euros qui leur permettra de faire appel soit à des gens pour les aider à la maison pendant une semaine, soit de trouver un hébergement temporaire pour que la personne en perte d'autonomie puisse être accueillie et que l'aidant puisse souffler et se reposer. Les aidants, c'est vraiment une fonction sociale aujourd'hui qui repose sur la solidarité familiale, qui mérite d'être reconnue, soutenue, et les aidants méritent aussi toute notre attention. Souvent, ils s'oublient au profit de la personne dont ils s'occupent.
FAUSTINE CALMEL
Laurence ROSSIGNOL, secrétaire d'Etat chargée de la famille et des personnes âgées, est avec nous ce matin sur France Bleu 107.1.
BILL DEBRUGE
La suite dans quelques minutes. [ ] L'invitée politique de France Bleu 107.1 ce matin est Laurence ROSSIGNOL, secrétaire d'Etat chargée de la famille et des personnes âgées. S'il fallait choisir un programme télé pour ce soir, je vous propose deux programmes de France 3 : d'abord, le film « Populaire » avec Romain DURIS ou bien à 23 heures 35, un documentaire sur les relations Nicolas SARKOZY-KADHAFI, ça s'appelle « Le président et le dictateur ». Vous choisissez quoi ?
LAURENCE ROSSIGNOL
On peut choisir les deux ? Ils sont successifs ?
BILL DEBRUGE
Oui.
LAURENCE ROSSIGNOL
Alors je choisirais probablement le film pour commencer et le documentaire ensuite, ou alors j'attendrais demain matin pour en lire dans les journaux ce qui s'y est dit. C'est tard quand même.
BILL DEBRUGE
Je vous en propose 18 secondes du documentaire.
[Extrait du documentaire « Le président et le dictateur »]
FAUSTINE CALMEL
Laurence ROSSIGNOL, un dispositif est testé en Seine-Saint-Denis depuis deux mois : c'est un portable d'urgence pour les personnes âgées, un petit peu sur le modèle de celui qu'il y avait eu pour les femmes victimes de violences. Est-ce que vous avez un premier retour d'expérience ? Est-ce que ça marche ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Je n'ai pas de premiers retours d'expérience encore. Je ne sais pas si une personne en situation de danger a utilisé ce téléphone portable. Ce que je sais, c'est que d'une part ça rassure les personnes âgées qui ont ce dispositif. Ça leur donne de la liberté et de l'autonomie, ce qui est extrêmement important dans la philosophie que j'ai de l'accompagnement du vieillissement. C'est-à-dire que c'est des personnes qui avaient peur de sortir parce qu'elles avaient peur d'être agressées et le fait d'avoir un téléphone portable, ça leur permet de sortir beaucoup plus facilement, et puis ça a aussi une autre vertu. Je pense que ça dissuade les voyous et je leur redis, au cas où ils nous écouteraient ce matin peut-être que c'est un peu tôt pour les voyous que les personnes âgées en Seine-Saint-Denis ont des téléphones portables d'urgence et que donc, il ne faut pas les attaquer : elles vont tout de suite appeler la police.
FAUSTINE CALMEL
Un autre dispositif est expérimenté en région parisienne, c'est à Paris en Seine-et-Marne : c'est la garantie contre les pensions alimentaires impayées. Est-ce que là, vous avez un premier retour et comment ça fonctionne ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Ça fonctionne bien. C'est un dispositif que nous avons testé dans une série de Caisses d'allocations familiales cette année dans plusieurs départements et qui permet de garantir aux mères seules dont les pensions alimentaires ne sont pas payées une allocation mensuelle de 100 euros qui contrebalance l'absence de pension alimentaire. Les Caisses d'allocations familiales ensuite se retournent elles-mêmes contre le débiteur mal intentionné. Dans certains cas, le débiteur ne paye pas parce qu'il ne peut pas payer mais dans d'autres cas, il a organisé son insolvabilité ou il est de très mauvaise volonté. Ça permet à la fois aux mères d'avoir une ressource pour leurs enfants qui est régulière, qui les sécurise et aussi de s'épargner les actions en justice pour recouvrer ces pensions alimentaires. C'est un très beau dispositif, nous en aurons les retours probablement en fin d'année. Je crois que les femmes qui déjà en bénéficient en sont extrêmement satisfaites.
FAUSTINE CALMEL
Une des craintes avancées au moment du lancement de l'expérimentation, c'était que ça pouvait augmenter le nombre de mauvais payeurs.
LAURENCE ROSSIGNOL
Il y a déjà beaucoup de mauvais payeurs. Je ne pense pas ça parce que je pense que le fait que ce soit les Caisses d'allocations familiales qui soient subrogées se retournent vers les mauvais payeurs, c'est d'un certain point de vue une menace plus grande parce que c'est plus facile pour une institution d'engager des poursuites judiciaires que pour une femme qui elle-même est souvent dans une situation encore conflictuelle, compliquée, parfois il y avait des violences auparavant. Je crois que c'est une critique, on pouvait l'évoquer, mais elle ne résiste pas à la réalité des relations entre les mauvais payeurs et les mères.
FAUSTINE CALMEL
Laurence ROSSIGNOL, nous sommes le 9 avril 2015. Ça fait tout juste un an que vous êtes au gouvernement. Est-ce que c'est compliqué de faire partir d'un gouvernement qui est critiqué, même dans les rangs de sa majorité parfois ouvertement et très fort ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Bien entendu, on préférerait que tout le monde applaudisse et ne recevoir que des louanges. En même temps, c'est une belle tâche, c'est une belle mission et ce qui nous fait tous avancer c'est la volonté de redresser les comptes publics de la France, de relancer la croissance et de faire progresser la justice sociale. Ce que fait la gauche au gouvernement aujourd'hui, c'est d'abord ça.
FAUSTINE CALMEL
Ce n'est pas ce que disent certains, pour ne citer qu'Arnaud MONTEBOURG.
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, oui, « Ce n'est pas ce que disent certains » : Arnaud MONTEBOURG dit d'autres choses en effet, mais ce qui unit les membres du gouvernement, c'est la certitude que ce que nous faisons va, et ça commence déjà à apparaître, produire des résultats sur le plan économique et que ces résultats sur le plan économique vont à la fois nous permettre de prendre des mesures en faveur de la justice sociale, de transformer et de réformer notre société et de lutter contre le chômage de masse qui s'est installé en France depuis déjà bien longtemps.
FAUSTINE CALMEL
Une dernière question. En 2005, vous aviez signé une tribune intitulée : « Non messieurs, la parité ne suffit pas ». Est-ce que dix ans après les choses ont changé ? Les élections à la tête des départements finalement nous montrent que non ; il n'y a que dix femmes.
LAURENCE ROSSIGNOL
Sur cette critique qui est faite sur les élections dans les départements, commençons d'abord par nous réjouir du nouveau système électoral et de la modification du mode de scrutin qui a permis dans les départements où il y avait en gros à peu près 10-12 % de femmes qu'on passe à 50 % de femmes. C'est une progression exceptionnelle de passer de 10 % à 50 % de femmes. Déjà nous nous réjouissons de ça, ensuite nous pouvons regretter qu'il n'y ait pas plus de présidentes encore de département mais c'est des processus qui ne se font pas en une fois. Je prends un exemple, celui du Finistère, qui est un département dans lequel la gauche a depuis longtemps mis en place la parité, bien avant la loi. Le Finistère vient d'élire une femme à la tête de son département. C'est la preuve que quand on commence d'abord par organiser la parité dans l'Assemblée, ensuite les femmes émergent et sont en situation de prendre des présidences. C'est bien qu'on pointe l'absence, le faible nombre de présidentes aujourd'hui dans les départements, mais il faut aussi qu'on pointe une autre chose : c'est que ce gouvernement a fait progresser comme ça n'avait jamais été le cas la place des femmes dans les départements.
FAUSTINE CALMEL
Merci beaucoup Laurence ROSSIGNOL, secrétaire d'Etat chargée de la famille et des personnes âgées d'être passée ce matin par France Bleu 107.1.
LAURENCE ROSSIGNOL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2015