Interview de M. Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "France Info" le 24 avril 2015, sur le naufrage de migrants en mer Méditerranée, sur le projet de loi sur le renseignement, et sur le sort réservé à Serge Atlaoui, en Indonésie.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

FABIENNE SINTES
Votre invité, donc, ce matin, Jean-François ACHILLI, est porte-parole du gouvernement, ministre de l'Agriculture.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
J'ai envie de vous dire : « tout ça pour ça », l'Union européenne, qui pour répondre au drame des migrants en Méditerranée, au fond, triple triton, c'est-à-dire que l'on vient à mare nostrum des sols italiens, et la France doit attendre un feu vert de l'ONU pour aller frapper des chalutiers dont on ne sait pas bien où est-ce qu'ils se situent, est-ce qu'ils ne seront pas occupés finalement avec des migrants à leur bord. Mais qu'est-ce qui se passe en Europe ? On n'arrive pas à prendre de vraies décisions, solides, pour répondre à l'urgence ?
STEPHANE LE FOLL
Alors, ce que vous dites…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est pas faux ce que je dis, hein.
STEPHANE LE FOLL
Non non, c'est pas faux, c'est qu'il a fallu attendre les drames et ils se sont multipliés depuis quelques jours, quelques semaines, pour qu'on revienne au dispositif qu'avait mis en place l'Italie, à l'échelle de l'Europe. Donc je suis obligé de dire…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est pas terrible, hein.
STEPHANE LE FOLL
… c'est déjà un retour à un peu plus d'engagement de l'Europe, mais on est loin du compte par rapport aux enjeux. Les enjeux sont à la fois ceux des passeurs, des trafiquants, les enjeux ce sont aussi ceux liés à la Libye et à la déstabilisation complète d'un pays, qui fait que c'est devenu une plateforme pour un certain nombre de trafiquants et de l'immigration, et puis ensuite c'est la question de la stabilité et de la stabilisation de toute une région, qui aujourd'hui malheureusement est déstabilisée, ce qui fait qu'il y a une grande partie des populations qui quittent ces pays. C'est la guerre, la Syrie, l'Erythrée, puisqu'il y avait beaucoup des migrants d'Erythrée. Bon, voilà, on est face à un problème qui a besoin de trouver des solutions immédiates, humanitaires, mais on a un problème plus vaste, plus lourd, plus structurel, qui consiste à savoir si demain on est capable de stabiliser des situations entre l'Europe et toute cette périphérie européenne.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Encore un mot sur ces décisions, hier, à Bruxelles. Les 28 ne savent même pas comment se répartir les futurs arrivants.
STEPHANE LE FOLL
Oui, c'est des sujets qui sont extrêmement complexes aujourd'hui, avec…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc il ne se passe rien, en fait, ou pas grand-chose.
STEPHANE LE FOLL
Eh bien on essaie de travailler, pour améliorer les dispositifs, avoir des systèmes d'accueil, mais tout ça, par rapport à l'ampleur du sujet, c'est, je peux l'accepter, peut-être pour un commentateur, de dire « ce n'est pas à la hauteur », donc il faut qu'on continue à travailler et à faire progresser l'action de l'Europe. Je crois qu'on ne peut pas se détourner de tous ces grands enjeux de l'ensemble du périmètre européen, et là, avec des sujets politiques extrêmement compliqués.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le président HOLLANDE dit, à propos de la Libye : « Il faut réparer les erreurs du passé », c'est un petit peu un caillou dans le jardin de Nicolas SARKOZY, ça parle de ça, non ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, parce que crois que jeudi Nicolas SARKOZY a fait des commentaires sur la question de l'immigration, quand on voit la situation de la Libye aujourd'hui, il y a eu une action qui a été conduite, qui avait été soutenue d'ailleurs, par, je m'en souviens, François HOLLANDE à l'époque, mais derrière cette action, rien, mais alors rien, n'avait été anticipé sur la suite à donner. Il y avait eu à la suite des Printemps arabes, une révolte, une montée en puissance de ceux qui contestaient le pouvoir des KADHAFI, ça a été jusqu'à faire chuter KADHAFI, mais derrière la chute de KADHAFI, le constat il a été, une fois que l'action a été conduite au niveau militaire, tout le monde s'est retiré, et on a laissé la Libye dans un état lamentable.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc tout ça est un peu un constat d'impuissance, nous sommes…
STEPHANE LE FOLL
Tout ça est un constat de la nécessité d'un engagement qui n'est pas simplement celui du moment, mais qui va être celui d'une durée, et ça, il faut que l'Europe se mette à travailler plus en coopération, en collaboration. Si je regarde ce qui se passe par rapport, à la lutte sur le terrorisme, le pays qui est engagé, avec des forces militaires, partout, c'est la France.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et ça n'a pas encore changé, tout ça.
STEPHANE LE FOLL
Et ça n'a pas changé.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Je vous ai vu faire la moue tout à l'heure, quand Fabienne SINTES a évoqué le sort de…
STEPHANE LE FOLL
Ah bon ?
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
… de Serge ATLAOUI…
STEPHANE LE FOLL
Oui, bien sûr.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous êtes inquiet.
STEPHANE LE FOLL
Eh bien je suis inquiet, oui, par ce que j'entends…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Parce que les appels du président de la République sont sans suite.
STEPHANE LE FOLL
Les appels du président de la République, la lettre qu'a envoyée le ministre des Affaires étrangères Laurent FABIUS, la pression diplomatique qui est exercée par la France, ne semble pas faire changer le gouvernement indonésien de ce choix terrible, de recours à des exécutions et à la peine de mort. C'est un combat que mène la France, Laurent FABIUS avait engagé au niveau de l'ONU une grande action pour mettre fin, là où ça existe, à la peine de mort, on voit que dans ces moments-là, toute la nécessité de rester plus que jamais mobilisé.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il reste quelques jours.
STEPHANE LE FOLL
Il reste quelques jours et on fera tout ce qui est en notre pouvoir pour essayer d'éviter ce drame.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, Stéphane LE FOLL, vous évoquiez le problème du terrorisme à l'instant. L'enquête sur l'attentat déjoué à Villejuif n'a pas délivré tous ses secrets. Le problème de la surveillance des lieux de culte reste posé. Certains ont reproché au couple exécutif, allez, on va dire, François HOLLANDE, Manuel VALLS, mais aussi Bernard CAZENEUVE, d'avoir un peu sur réagi, d'avoir trop dramatisé autour d'un attentat qui n'a pas eu lieu. Vous avez entendu ces critiques ?
STEPHANE LE FOLL
Oui oui oui, je les ai entendues, j'ai entendu même au point de presse les questions posées, d'un côté pour dire « est-ce qu'il n'y a pas des failles ? », et de l'autre, « est-ce que vous êtes pas en train de toucher à la liberté individuelle ? ». On est toujours dans cette optique…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous parlez de la loi renseignement.
STEPHANE LE FOLL
Oui, j'ai eu ces questions et de la même manière sur « fallait-il en parler ou pas ? ». Imaginons, on le sait maintenant, que la presse sorte cette information, qui consiste à dire : la police a trouvé quelqu'un qui était prêt à faire un attentat, sur les églises, le gouvernement n'a rien dit. Qu'est-ce qu'on aurait dit ? Il cherche à cacher quelque chose. On dit les choses, ça veut dire qu'il veut en parler, et donc qu'il utilise. Restons sur une chose simple et claire. Il y a des évènements, on doit jouer la transparence, à la fois dire les choses telles qu'elles sont et bien faire prendre la mesure de ce qu'est la menace terroriste, elle existe, elle est là. Il s'est passé ce qui s'est passé dimanche dernier, avec un meurtre, d'ailleurs, d'une jeune femme. Il peut y avoir et il y a eu des attentats déjoués. On doit rester d'une vigilance extrême. Voilà ce que l'on veut dire, et ça on ne le dit pas, parce que c'est un choix de politique gouvernementale, parce que c'est une nécessité, c'est une responsabilité.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
On évoquait Nicolas SARKOZY à l'instant, qui a parlé de vous, tiens, à Nice, c'était mercredi soir…
STEPHANE LE FOLL
Ah bon ?
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, il a dit : les socialistes sont d'abord socialistes et ensuite républicains. Qu'est-ce que vous répondez au président de l'UMP qui a fait la promo de la future appellation du parti, là ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, je crois qu'il avait essayé de, dans un discours qui devait être en 2007, d'évoquer JAURES, et JAURES avait dit que « le socialisme c'est la République jusqu'au bout », donc il faudrait qu'il regarde, de temps en temps un peu les penseurs du socialisme, ils avaient déjà pensé, et le socialisme, et la République. Il se trouve que la République est arrivée, c'est vrai, avant le socialisme, mais les socialistes ont épousé les enjeux de la République, et dans ses trois dimensions, parce que j'avais été très intéressé par l'interview de Nicolas SARKOZY au Journal du Dimanche, quand il parlait de la République, il faisait : réussite, mérite, liberté. Je rappelle que la République c'est : liberté, égalité et fraternité. Donc les socialistes, c'est la liberté, c'est l'égalité et c'est la fraternité.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça va être compliqué d'affronter politiquement un parti qui s'appelle « Les républicains », qui capte au fond le symbole, à lui seul…
STEPHANE LE FOLL
Ça ne cachera jamais ce qu'est, derrière le mot républicain, ceux qui incarnent ce parti, Nicolas SARKOZY et d'autres, et je l'ai dit, et je le répète, dans la République il y a trois grands principes, les socialistes sont attachés aux trois grands principes. Il semble que le parti de Nicolas SARKOZY, Nicolas SARKOZY c'est une République rabougrie.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Stéphane LE FOLL, je rappelle que vous êtes également ministre de l'Agriculture. Est-ce que vous l'avez oubliez ? Non, vous êtes toujours sur le…
STEPHANE LE FOLL
C'est une plaisanterie, là, hein ?
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
J'ai une question à vous poser : la bactérie…
STEPHANE LE FOLL
J'étais hier à Saint-Jean-Pied-de-Porc, congrès de la Confédération paysanne.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
La bactérie Xylella, qui vient notamment d'Italie, menace les oliviers. Là encore c'est un défaut d'Europe. Quelles sont les mesures prises pour empêcher cette bactérie de venir faire des ravages qui seraient considérables en France, et notamment je pense aussi à la Corse qui s'inquiète ?
STEPHANE LE FOLL
Oui…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Non, c'est pas du particularisme, hein.
STEPHANE LE FOLL
Je pense aussi à la Corse, je pense à toutes les régions…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pourquoi est-ce qu'on n'interdit pas les plans supposément infestés de rentrer chez nous, en France ? Pourquoi l'Europe ne fait rien ?
STEPHANE LE FOLL
Parce qu'il y a en Europe des règles qui font…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
L'Europe ne fait rien.
STEPHANE LE FOLL
Je peux le dire, la France a saisi, depuis 2013 l'Europe, à plusieurs reprises, on a, nous, engagé des systèmes de contrôle, d'information, et on a pris une décision il y a un mois, pour fermer les importations venant des Pouilles. Bon. Et on travaille au niveau européen, pour dire trois choses. La première c'est qu'on sait qu'une partie de ce qui a touché l'Europe et l'Italie est venu d'ailleurs. Donc il y a des mesures globales à la frontière européenne, par rapport à cette question de bactérie. Le caféier qu'on a trouvé à Rungis, venait du Honduras, premier point. Le deuxième, c'est qu'on a maintenant un certain nombre d'éléments scientifiques pour savoir comment traiter la question de cette bactérie et il faut que l'Europe prenne une décision pour que ça s'applique partout. Et troisième point, et je l'ai dit et je l'ai demandé, les premières victimes aujourd'hui ce sont les agriculteurs italiens, c'est ceux qui ont tout perdu, c'est eux. Qu'est-ce que l'on fait ? Il est temps aussi qu'on regarde comment on vient en aide à ces agriculteurs. Donc le courrier est parti, j'espère que demain, au niveau européen, il y a un comité qui va se réunir et qu'on va enfin prendre des décisions.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Sujet important qui a été traité, cette semaine, un reportage sur France Info. Une dernière question, une nouvelle patronne, enfin une patronne pour France Télévisions, Delphine ERNOTTE, venue d'ORANGE. Vous la connaissez ?
STEPHANE LE FOLL
Non, je ne la connais pas. Je ne peux pas dire autre chose, je laisse le CSA au travail qu'il a engagé, il l'a fait, il y a eu un choix, il y a eu un vote, d'après ce que j'ai pu lire ici ou là. Je ne connais pas la nouvelle présidente de France Télévisions. Voilà.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et c'est bien de pouvoir dire « je ne sais pas, je ne connais pas », c'est honnête.
STEPHANE LE FOLL
Ce n'est pas ni bien, ni mal, c'est un constat et comme je n'ai pas l'habitude de raconter des histoires, ni de dire des choses que je ne connais pas ou je ne pense pas, je dis « je ne connais pas ».
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Mais elle a sûrement toutes les qualités.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci Stéphane LE FOLL.
FABIENNE SINTES
En revanche, vous connaissez Guy BIRENBAUM.
STEPHANE LE FOLL
Oui. Je l'ai déjà rencontré.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2015