Texte intégral
GUILLAUME DURAND
L'invitée politique, Najat VALLAUD-BELKACEM, que je salue, ministre de l'Education nationale.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Bienvenue, merci d'être venue sur l'antenne de Radio classique et de LCI ce matin, pour parler de la situation politique, des 3 ans de François HOLLANDE, et évidemment de cette réforme des collèges dont tout le monde vous parle, ce qui à la fois vous enchante et vous exaspère. D'abord, est-ce que vous êtes certaine que le président de la République, qui vous soutient contre les immobiles, va vous soutenir jusqu'au bout ? Je vous dis ça, parce que vous, comme moi, on a de la mémoire, François MITTERRAND avait soutenu SAVARY, il a fini par le lâcher, Jacques CHIRAC avait soutenu Luc FERRY, il a fini par le lâcher, Lionel JOSPIN avait soutenu ALLEGRE, il a fini par le lâcher, donc cette histoire regardez mon sourire malicieux est quand même une histoire complexe. Est-ce que vous êtes certaine qu'il va vous soutenir jusqu'au bout ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous avez raison de vous replonger dans l'histoire, c'est toujours très instructif quand on mène des réformes du système scolaire, ça sert notamment à se souvenir qu'à chaque réforme il y a eu des invectives échangées, des contestations, des détracteurs, qui ont parfois fait preuve d'une violence inouïe. Et quand on trouve la violence actuelle trop importante, il ne faut pas hésiter en particulier à retourner 40 ans plus tôt, au moment de la réforme HABY, pour se rendre compte qu'à ce moment-là vous aviez des détracteurs de la réforme qui écrivaient des tribunes qui s'appelaient « Non au génocide intellectuel que prépare ce collège unique »
GUILLAUME DURAND
Oui, mais la culture c'est quand même le fondement du pays.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais ce que je veux dire par là c'est que relire cette histoire-là, calmement, avec du recul, ça doit nous inciter tous à retrouver un peu de mesure, un peu de mesure. Que fait la réforme du collège
GUILLAUME DURAND
Mais quand même, est-ce que François HOLLANDE va vous soutenir jusqu'au bout ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui.
GUILLAUME DURAND
Oui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais n'hésitez pas à lui demander directement, ce sera plus simple. Moi je peux vous dire que je soutiendrai cette réforme du collège et je la porterai, je l'assumerai, de toutes mes forces, sans jamais faillir face à ceux qui ne proposent rien, qui ne proposent rien
GUILLAUME DURAND
Comme on est à la télévision, je l'ai là, parce qu'autrement vous allez nous dire encore que
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Face à ceux qui voudraient qu'on reste sur le statu quo actuel. Mais, Monsieur DURAND, le statu quo actuel c'est un collège duquel sortent 1 élève sur 4 sans maîtriser le français. Est-ce que comprenez ce que ça veut dire ?
GUILLAUME DURAND
Oui, j'ai été enseignant.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est un véritable naufrage. Ça c'est un naufrage. C'est un naufrage qui n'a cessé de se creuser depuis, en particulier 10 ans, il y avait en 2002, 13 % de collégiens qui sortaient du collège sans maîtriser les fondamentaux, il y en a aujourd'hui 25 %. Que deviennent ces collégiens ?
GUILLAUME DURAND
C'est un dialogue entre nous, on est d'accord, on va essayer d'y comprendre un certain nombre de choses. Premier - comment peut-on dire argument qui est lancé par beaucoup de gens et ceux que vous avez appelés les pseudo-intellectuels, c'est de dire que, eux, ils sont finalement ils le disent partisans de l'élitisme républicain. Et je vais vous donner une liste de gens, par exemple, parmi lesquels on trouve beaucoup de gens de gauche, parce que vous êtes finalement la tutelle du lauréat du concours général, c'est-à-dire ce qu'il y a de mieux en France, ADLER, BERGSON, BAUDELAIRE, RIMBAUD, MUSSET, JUPPE, POMPIDOU, qui n'étaient pas des gens favorisés, Jean JAURES, Léon BLUM, tous ces gens-là ils sont sortis de l'élitisme républicain, et c'est ça qui vous oppose.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Monsieur DURAND, d'abord permettez-moi . Faisons, j'allais dire, comment dire
GUILLAUME DURAND
Ça a été la gloire de la France.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Soyons originaux dans cette émission et essayons de n'échanger que des arguments de bonne foi, comme ça, au moins, ça éclairera ceux qui nous écoutent. Alors juste, en parlant de bonne foi, lorsque j'ai parlé de pseudo-intellectuels, c'était la semaine dernière, je visais ceux qui commentaient la réforme du collège et non pas la réforme des programmes, ce qui est deux choses différentes, on en reparlera, la réforme du collège, sans l'avoir lue, en lui faisant dire ce qu'elle ne dit pas, à savoir la suppression du latin et la suppression de l'allemand. Je visais ce faisant, je peux même vous le dire très nominativement Pascal BRUCKNER, Alain FINKIELKRAUT, Luc FERRY.
GUILLAUME DURAND
Vous leur avez répondu d'ailleurs.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà qui je visais en parlant de pseudo-intellectuels. Je refuse clairement
GUILLAUME DURAND
Mais les morts que je viens d'évoquer, qui ont créé la gloire de la France et qui sortent de l'élitisme républicain ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je refuse qu'on laisse croire que ce faisant je m'en suis prise à d'autres intellectuels, qui font leur travail, je pense en particulier à Pierre NORA
GUILLAUME DURAND
J'ai son texte.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui commence la réforme des programmes d'Histoire, et qui la commente à juste titre, il a en effet une légitimité pour parler, il est allé voir ce que disaient ces programmes, et il apporte un éclairage, qui est utile, et d'ailleurs je lui ai proposé, comme à d'autres historiens, de les recevoir la semaine prochaine, pour travailler avec eux sur cette intention des programmes d'Histoire.
GUILLAUME DURAND
Vous n'avez pas totalement répondu. Vous-même vous m'avez dit on a un besoin de réussite et on a un besoin de sortir, de ce que François HOLLANDE appelle l'immobilisme, c'est-à-dire, au fond, de remettre un peu en cause l'élitisme républicain.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors venons-y.
GUILLAUME DURAND
Sur ce point-là, parce qu'après on va parler de NORA. Est-ce que vous considérez que ceux dont je viens de parler, finalement, qui ont fait la gloire de la France, avec ce nouveau système on va pouvoir les modifier ou maintenir un élitisme républicain, ce qui a toujours été le cas de l'école ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, l'élitisme républicain je suis pour.
GUILLAUME DURAND
JAURES, CHEVENEMENT, JUPPE, POMPIDOU
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L'élitisme républicain, je suis pour, il suppose de donner à chaque élève les conditions et les clés de la réussite, pour permettre que seuls l'effort et le mérite les distinguent ensuite. L'élitisme dynastique, je suis contre. Qu'est-ce que l'élitisme dynastique ? C'est celui qui reproduit des avantages sociaux, de certains, en leur offrant, toujours aux mêmes, des classes de contournement, des filières sélectives, des offres de choix qui ne sont réservées qu'à eux. Pourquoi qu'à eux ?
GUILLAUME DURAND
Je peux vous faire une petite remarque
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce que, de fait, seuls eux connaissent les codes, seuls eux savent comment ça fonctionne, et c'est ainsi qu'on se retrouve avec un collège à deux vitesses tel qu'il fonctionne aujourd'hui.
GUILLAUME DURAND
Je vais vous faire une petite remarque. Tous les parents qui envoient leurs élèves, par exemple dans les classes scientifiques, ils ne le font pas par le goût des maths, ils le font par goût de la sélection, vous êtes bien d'accord avec moi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, sauf que les classes scientifiques, précisément, ce ne sont pas des options, c'est ce qui est reproché aujourd'hui, par exemple
GUILLAUME DURAND
Oui, mais ils ne le font pas pour la matière elle-même, ils le font d'abord et avant tout pour distancer leurs camarades qui vont dans des classes littéraires, économiques, qui sont considérées comme
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais les classes scientifiques, Monsieur DURAND, n'importe quel collégien, par goût des mathématiques, peut accéder aux classes scientifiques, bien sûr aussi par efforts et par travail, puisqu'il faut des résultats.
GUILLAUME DURAND
Oui, mais vous dites les codes, vous savez très bien que par exemple dans les endroits qui sont plus défavo
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah, vous pensez qu'il n'y a pas de collégiens qui aiment les maths et qui accèdent aux maths juste pour ça ?
GUILLAUME DURAND
Si, bien sûr, bien sûr que si, mais vous savez très bien aussi qu'il y a quand même moins de gens qui entrent à Normale Sup math, qui viennent des quartiers défavorisés, que de gens qui sont effectivement des héritiers, ce qu'a écrit BOURDIEU.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, donc on est d'accord, donc il y a un problème.
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas pour ça qu'on arrête la sélection des maths.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais moi, ce que je veux arrêter, c'est l'existence de filières qui ne sont réservées qu'à quelques-uns. Je n'estime pas qu'une matière en tant que telle, une discipline en tant que telle, est sélective, qu'une discipline en tant que telle serait élitiste, c'est idiot de dire ça. J'estime qu'une discipline doit être mise à la portée de tout le monde, et en l'occurrence les mathématiques sont à la portée de tout le monde, il faut que le latin et le grec, puisqu'on estime que c'est pareil de toutes les vertus, soient à la portée de tout le monde
GUILLAUME DURAND
Vous avez levé les yeux au ciel, ça n'a pas l'air de vous intéresser quand même le latin et le grec.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, je souris non, au contraire. Moi je vais vous dire pourquoi non seulement ça m'intéresse, mais je trouve ça indispensable, parce que le vrai problème de nos petits collégiens aujourd'hui c'est la maîtrise du français, dont nous avons fait la priorité.
GUILLAUME DURAND
Je reviens à JAURES et BAUDELAIRE, ils ont été lauréats du concours général de latin.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et, pour maîtriser le français, apprendre l'étymologie, apprendre la composition des mots, apprendre les fonctions grammaticales, ça passe par le latin, aussi, et le grec.
GUILLAUME DURAND
Mais quand ils vous disent, par exemple, au fond le problème c'est qu'on va dispenser, et ça Pierre NORA le reconnaît, effectivement toujours du latin, toujours du grec, on maintient la chronologie en histoire, il l'a écrit Pierre NORA, mais ça va devenir un peu la confiture tous fruits. C'est-à-dire qu'au lieu que ce soit des classes de haut niveau, ça va être un peu de latin pour les uns, un peu d'allemand pour les autres, alors qu'avant il y avait des classes bilangues, des classes latin, grec, etc. etc. C'est un argument quand même !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En fait, je ne sais pas si c'est Pierre NORA qui dit ça, mais en tout s'agissant de la droite, qui a rédigé ce fameux courrier
GUILLAUME DURAND
On va l'écouter.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dont vous devriez faire lecture tellement il est intéressant
GUILLAUME DURAND
On va écouter Bruno LE MAIRE.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Permettez-moi d'ironiser un petit peu ; on va l'écouter, alors écoutons-le.
GUILLAUME DURAND
On va écouter Bruno LE MAIRE, il s'est exprimé à l'Assemblée nationale, et Charlotte GAUTHIER l'a retrouvé après, et il vous donne son point de vue, ce qui vous permettra de lui répondre.
INTERVENANT
Il arrive que je les mette sur le trottoir, ou dans le caniveau. Tout le monde fait pareil, donc
GUILLAUME DURAND
Bruno LE MAIRE, on va le retrouver, merci de le retrouver, alors avant de le retrouver je voudrais simplement qu'on aborde un deuxième point ensemble .
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pardonnez-moi, mais je voudrais répondre sur la question du nivèlement par le bas, sauf si c'est ce à quoi vous voulez venir.
GUILLAUME DURAND
Absolument, la confiture tous fruits.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est ce que, en effet, la droite nous reproche aujourd'hui. En fait je voudrais essayer d'être claire pour vos auditeurs. Je l'ai dit tout à l'heure, le collège actuel va mal depuis des années, vraiment, très mal, il est en souffrance. Depuis des années, au lieu de le réformer en profondeur, pour permettre à l'immense majorité de réussir, tout simplement, on a pallié à ces difficultés en créant, en son sein, des îlots de bien-être pour quelques collégiens. Vous l'admettez ? précisément, les classes bilangues, les options latin, etc., c'est des îlots de bien-être, où on met plus de moyens, plus de professeurs, plus d'heures de cours, etc.
GUILLAUME DURAND
Oui, c'est ce qu'on appelle l'élitisme républicain.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, pour quelques collégiens, pour quelques collégiens. Et aujourd'hui, ce que fait la réforme, c'est que, parce qu'elle a la chance de pouvoir être accompagnée de moyens forts, 4000 postes de professeurs créés, c'est qu'elle donne ces opportunités, plus d'heures de cours, plus de latin, plus de bilinguisme plus tôt dans la scolarité, plus d'accompagnement personnalisé, plus de travail en petits groupes, elle donne ça à l'ensemble des collégiens. Comment est-ce qu'on peut être opposé à cela ? On ne peut être opposé à cela qu'à un seul titre, c'est vouloir préserver la possibilité qui existait avant, pour quelques-uns, malgré tout d'avoir un avantage comparatif par rapport aux autres, en faisant mieux.
GUILLAUME DURAND
Ça vous l'avez dit plusieurs fois, et on a compris, votre argument on le comprend très bien.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais ça ce n'est pas acceptable. Pourquoi ce n'est pas acceptable ?
GUILLAUME DURAND
C'est ce que François HOLLANDE appelle l'immobilisme.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce que, à l'âge du collège ; enfin je veux dire on parle de gamins, de 11, 12, 13 ans ; à l'âge du collège, est-ce que notre obsession ça doit être de faire du tri sélectif pour en extraire quelques-uns et laisser les autres sur le carreau, les fameux 140.000 qui sortent du système scolaire sans qualification, ou est-ce que notre obsession ce doit être de garantir à chacun de ces élèves un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui soit véritablement acquis, c'est-à-dire ne pas laisser un enfant, à l'âge de 15 ans, ne pas savoir maîtriser le français, maîtriser les maths, maîtriser l'histoire ?
GUILLAUME DURAND
Mais alors pourquoi les syndicats gueulent pardonnez-moi d'être vulgaire pourquoi les syndicats gueulent, pourquoi les intellectuels gueulent, pourquoi des gens comme Jacques JULLIARD, que vous n'avez pas cité comme les autres qui ne sont pas d'accord je vous lis quelques lignes de Pierre NORA, parce qu'on est là pour réfléchir. « Ces programmes portent à l'évidence » - parce que lui, ce qu'il reproche NORA, ce n'est pas tellement le détail de tout ça, il dit au fond, c'est un changement de fond dans la culture française et il fallait le dire par un texte politique bien clair - « ces programmes portent à l'évidence la marque d'une époque, une forme de culpabilité nationale qui fait la part belle à l'Islam, aux traites négrières, à l'esclavage, et qui tend à réinterpréter l'ensemble du développement de l'occident et de la France à travers le prisme du colonialisme et de ses crimes. » Et il vous rend hommage, pas hommage, mais en tout cas quitus, il vous donne quitus, quant au retour de la chronologie, etc. etc., donc c'est plutôt la question de fond qui vous oppose, on est en train de changer de culture.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez
GUILLAUME DURAND
Et vous allez le recevoir, c'est vous-même qui me l'avez dit, donc il va vous le dire, je vous le dis avant.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, oui, bien sûr, j'ai eu l'occasion de discuter longuement avec lui aussi. Moi je vous l'ai dit, je prends très au sérieux ces remarques et je redis, ici, pour que ce soit bien clair pour tout le monde, que la réforme des programmes, cette fois-ci, qui d'ailleurs vise aussi bien les programmes de la primaire que les programmes du collège, parce que pour l'instant on ne parle que de l'histoire au collège, mais enfin tous les programmes, tous les programmes sont concernés, la réforme des programmes est conduite, dans un premier temps, par le Conseil Supérieur des Programmes qui est une instance indépendante, créée par la loi, pour le faire, pour qu'il rédige ces projets de programmes, qui sont ensuite soumis à consultation des enseignants, tous les enseignants concernés par les marnières
GUILLAUME DURAND
Et puis après à vous, c'est vous qui
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et puis ensuite je les validerai. Pourquoi est-ce que la loi
GUILLAUME DURAND
Est-ce que certaines critiques vous allez les reprendre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous réponds tout de suite. Pourquoi est-ce que la loi a prévu que ce soit sous l'égide d'une instance indépendante comme le Conseil Supérieur des Programmes, composé d'experts, de professeurs et de membres de la société civile, notamment des parlementaires, de gauche et de droite, pourquoi la loi a prévu que ce soit une instance indépendante qui fasse ces projets de programmes dans un premier temps ? Précisément pour que ce ne soit pas l'idéologie d'un ministre de gauche, ou de droite, qui l'emporte en tenant la plume.
GUILLAUME DURAND
Le pédagogisme, c'est une idéologie, j'ai été enseignant, je sais ce que c'est, le jargon lui-même de ce texte qu'on a ensemble, vous savez très bien, vous l'avez lu, c'est quand même comique par moment !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, j'ai eu l'occasion de m'exprimer là-dessus, comme vous le disiez d'ailleurs tout à l'heure dans votre édito, j'ai entendu, le jargon, c'est quelque chose qui a toujours existé dans ce ministère comme dans d'autres d'ailleurs, il y a une forme technicité au métier d'enseignant qui fait que, oui, les syndicats enseignants parfois sont attachés à un certain vocabulaire, moi, comme ministre, clairement, dans la phase finale, lorsque ces programmes, enfin, seront validés et officialisés
GUILLAUME DURAND
Vous allez réécrire ça en français
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, je veillerai à ce que ce soit écrit en langage lisible et compréhensible par tous
GUILLAUME DURAND
Alors, je voudrais qu'on écoute puisqu'on a dépassé, mais c'est important cette affaire, puisque beaucoup de gens considèrent que ça devient un véritable affaire politique nationale, Nicolas SARKOZY, il disait hier, dans Le Figaro : c'est une réforme détestable, LARCHER dit : il faut changer absolument tout, des députés maintenant sont partis au combat à l'Assemblée nationale, ils sont plus de 150 je voudrais qu'on écoute enfin Bruno LE MAIRE, vous pourrez lui répondre, et on clôturera cette conversation, car nous avons débordé, je m'en excuse à mes amis de LCI. Ecoutons Bruno LE MAIRE, et vous lui répondrez.
BRUNO LE MAIRE, DEPUTE UMP DE L'EURE
Moi, le combat que je mène est un combat pour la langue française, pour le maintien des racines de la langue française, de l'apprentissage du latin.
GUILLAUME DURAND
Voilà, alors là, on a passé évidemment une version courte, mais qu'est-ce que vous répondez à LE MAIRE, détestable, dit SARKOZY, il faut tout reprendre, disait Gérard LARCHER, et même Julien DRAY trouve ça approximatif.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord, pour commencer par
GUILLAUME DURAND
Vous avez raison de tousser un peu
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, pardonnez-moi, je m'éclaircis la voix pour être parfaitement audible. D'abord, pour commencer par la droite, moi, j'ai un principe simple, c'est que, il faut être modeste dans la vie, il faut être modeste, quand on appartient à une majorité qui a supprimé 80.000 postes d'enseignants dans l'Education nationale, qui a mis fin à la formation initiale des enseignants, en envoyant dans des salles de classe des professeurs non formés face à des élèves, ce qui a aggravé les difficultés du collège dont on parle aujourd'hui
GUILLAUME DURAND
Mais ce n'est pas le contenu.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Comment ça, ce n'est pas le contenu ?
GUILLAUME DURAND
Mais ce n'est pas le contenu, c'est effectivement des problèmes d'effectifs, c'est effectivement des problèmes d'organisation de l'Education nationale, mais ce n'est pas le contenu, là, ce dont parle LE MAIRE
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça, c'est le coeur du coeur du coeur de la réussite des élèves que de savoir s'ils ont
GUILLAUME DURAND
Eh bien, les enseignants, ce n'est pas le contenu !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que de savoir s'ils ont des enseignants devant eux, et que de savoir si ces enseignants savent leur apprendre ou pas
GUILLAUME DURAND
Détestable dit Nicolas SARKOZY sur le fond
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bon, je continue
GUILLAUME DURAND
C'est ça
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je continue, Nicolas SARKOZY, vous en souvenez-vous seulement, Nicolas SARKOZY qui vouait aux gémonies la princesse de Clèves, considérée comme une oeuvre trop intellectuelle pour les classes populaires et les guichetières, Nicolas SARKOZY qui critiquait les épreuves de culture générale dans les concours de la Fonction publique. Mais Nicolas SARKOZY n'a aucune leçon à donner, aucune leçon à donner en matière d'Education
GUILLAUME DURAND
Mais c'est un problème de politique !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Maintenant, je reviendrai, parce que c'est le vrai sujet de fond, et vous avez eu raison
GUILLAUME DURAND
Mais après, il faut qu'on s'arrête, parce que là, ils vont me tuer si
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce sera mon dernier mot. Ce sera mon dernier mot. Je reviendrai sur le vrai sujet de fond, qui est celui que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est au fond ce qui oppose la gauche et la droite, c'est cette question de la lutte contre les inégalités, parce que là où la gauche combat les inégalités, notamment dans l'accès à la réussite scolaire, là où la gauche combat les inégalités, la droite en théorise la nécessité. C'est la différence entre nous, et je voudrais juste terminer d'un mot en vous disant que ce que ne comprennent pas ces responsables de droite qui s'expriment ou qui font semblant de ne pas comprendre, c'est que ce sont les inégalités scolaires qui provoquent la médiocrité scolaire, c'est que dans un système où on a plus d'égalité d'accès à la réussite, plus d'égalité des chances pour tous les élèves, le niveau général s'élève
GUILLAUME DURAND
Non, mais ça, j'ai compris je ne suis pas complètement sourd
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tous les pays qui sont mieux classés que nous dans le classement PISA par exemple le savent, qui savent que lorsqu'on élève le niveau de chacun de nos petits écoliers, eh bien, on a à la fois ceux qui étaient en difficulté qui sont tirés vers le haut et qu'on protège du décrochage, qu'on protège du décrochage, dois-je rappeler ici que les petits décrocheurs français, ça nous coûte plusieurs milliards d'euros chaque année, et pour quelle situation sociale, pour quels drames économiques ? Est-ce qu'on n'aurait pas plus intérêt à ce que ces petits décrocheurs sortent avec une qualification, montent leur entreprise, créent de l'activité pour la croissance du pays
GUILLAUME DURAND
Ça, j'ai compris
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et deuxième point
GUILLAUME DURAND
Mais il n'empêche que les syndicats sont contre, que LANG est réservé, et que AYRAULT est réservé, que CHEVENEMENT est réservé
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et deuxième point, je vous réponds, et deuxième point, créer de l'égalité des chances à l'école et au collège, c'est aussi bon pour les meilleurs, pourquoi ? Parce que c'est en les challengeant qu'on les rend encore meilleurs, ça n'est pas en les laissant dans l'entre-soi, l'entre-soi souvent, encore une fois, fait de reproduction sociale, qu'on les rend meilleurs, notre élite française n'est pas meilleure que les autres élites de pays qui ont compris qu'il fallait s'ouvrir davantage.
GUILLAUME DURAND
Dernier point, et si vous n'étiez pas dans le gouvernement, est-ce que vous feriez comme Christiane TAUBIRA, qui a dit qu'elle aurait pu manifester si elle n'était pas au gouvernement contre la loi concernant le renseignement ? A quoi elle joue, elle, depuis le début, je suis là, je ne suis pas là, je suis à l'intérieur, mais je suis peut-être à l'extérieur ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A vrai dire, je n'avais pas connaissance de cette déclaration de Christiane TAUBIRA, mais je constate que la loi Renseignement a été adoptée, à une très large majorité
GUILLAUME DURAND
Oui, ça, on est tous d'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que c'est un texte très utile, très utile à la fois pour notre protection et très protecteur de la liberté fondamentale
GUILLAUME DURAND
Mais à quoi joue-t-elle, c'est-à-dire, de dire à la fois : je suis à l'intérieur, mais je suis à l'extérieur, parce qu'elle est très attaquée, elle aussi, sur ce sujet-là ? Vous l'êtes, elle l'est !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, il faudra le lui demander en direct, je ne parle pas en son nom
GUILLAUME DURAND
Eh bien, si j'ai une interview de François HOLLANDE, je le ferai, d'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà.
GUILLAUME DURAND
Merci d'être venue ce matin donc parler de cette affaire, qui est une affaire évidemment très importante, puisque ça concerne l'éducation de nos enfants. Bonne journée à vous
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci
GUILLAUME DURAND
Et pardon à mes amis de LCI, ça ne se reproduira plus.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mai 2015