Texte intégral
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Chefs et Membres de délégations,
Aujourd'hui encore, plus de 130 millions d'enfants n'ont pas accès à l'éducation. Cette situation n'est pas acceptable. Elle prive en effet ces enfants d'un des droits humains les plus fondamentaux, dont le respect conditionne l'exercice des autres droits. Elle est aussi un terrible gâchis pour le développement économique et la cohésion sociale de nos pays. Elle constitue enfin un handicap sur la voie d'un monde plus pacifique et plus équitable, où chacun doit trouver sa place. Cheik Anta Diop disait que "quand un enfant ne va pas à l'école, c'est tout un peuple qui ne grandit pas".
Ce constat nous a conduit, tous ensemble, à participer au Forum mondial de Dakar. La France s'est fortement impliquée dans celui-ci. De retour de cet événement, j'avais la conviction qu'un grand progrès avait été fait pour confirmer, mais aussi pour rendre plus opérationnel, l'engagement de la communauté internationale en faveur de l'éducation pour tous.
Aujourd'hui, le défi que nous devons relever collectivement est double : il s'agit d'une part de maintenir ce fort degré de mobilisation, et d'autre part de mettre en oeuvre les engagements pris à Dakar. Pour relever le défi, nous devons conjuguer engagement politique et mise en place d'une stratégie pertinente et efficiente. C'est l'objectif de ce groupe de haut niveau, qui a une lourde et importante responsabilité.
Le cadre d'action adopté lors du forum de Dakar est plus que jamais d'actualité : les grands objectifs d'accès, d'équité et de qualité des systèmes éducatifs sont l'horizon à partir duquel peuvent enfin se définir de manière consensuelle les responsabilités de mise en oeuvre. Le dialogue entre les responsables politique, les acteurs des systèmes éducatifs, la société civile et les partenaires techniques et financiers s'en trouve facilité.
Je veux rappeler ici le soutien politique et technique de la France à l'Unesco qui a reçu le mandat d'assurer le suivi du processus Education pour Tous et de coordonner les initiatives de la communauté internationale en faveur de la scolarisation universelle. Le cadre offert par l'Unesco constitue le gage de l'inscription de l'éducation pour tous dans la perspective universelle d'un futur où le savoir, son usage et son accès, seront déterminants. Je m'inscris là en parfaite cohérence avec le propos de mon collègue Jack Lang, prononcé ici-même le 17 octobre, lors de la XXXIème Conférence générale.
Mais notre crédibilité est d'abord en jeu sur le terrain : sans résultats concrets en matière d'accès, et en particulier d'accès des plus défavorisés, le processus éducation pour tous risque de se vider de sa substance, de ne plus susciter d'espoir ni d'adhésion collective. Or la prolongation des tendances actuelles montre bien que pour la moitié des pays au Sud du Sahara, l'éducation pour tous ne pourra être réalisée d'ici 2015 sans accélération volontariste du processus.
Comment faire ?
Les objectifs de Dakar n'ont aucune chance d'être atteints si les Etats bénéficiaires ne s'impliquent pas eux-mêmes résolument et durablement dans ce processus. A cet égard, le cadre d'action de Dakar est explicite : "le cur de l'activité de l'Education Pour Tous se situe au niveau national".
Cet exercice repose sur le double principe d'appropriation et de participation. Ce qui signifie d'une part qu'il est de la responsabilité des Etats de définir eux-mêmes leur politique, et d'autre part qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre un processus de consultation impliquant l'ensemble des partenaires de l'école : syndicats d'enseignants, associations de parents d'élèves, ONG...
Cette appropriation et cette participation doivent être nourries de diagnostics sur l'état des systèmes, ainsi que de scénarios argumentés entre lesquels opérer des choix. Dans cette perspective, le renforcement des compétences nationales en matière d'analyse, d'élaboration et de mise en oeuvre de politiques est sans doute l'un des champs urgents de la coopération internationale, puisqu'elle permet d'aider à instruire la décision, et non de s'y substituer.
Nous avons en effet la conviction que les ressources supplémentaires dégagées, d'origine nationale ou extérieure, ne doivent pas être investies dans des systèmes parvenus à des phases de rendements décroissants. Les analyses existantes, réalisées au plan national comme au plan international, montrent qu'à niveau de financement comparable, il existe de grands écarts de performance entre les systèmes, et ce pour les trois dimensions de l'accès, de l'équité et de la qualité.
Ces écarts tiennent pour partie à des choix d'architecture des systèmes, plus ou moins favorables à l'éducation de base, mais aussi à des choix pédagogiques et organisationnels, et enfin à des différences dans les coûts unitaires de l'éducation, largement dus à des disparités dans les niveaux de salaires enseignants, ou dans le coût des infrastructures. C'est sur ces points que nous devons concentrer nos efforts.
L'élaboration des plans nationaux d'éducation pour tous, doit se faire selon une approche sectorielle qui intègre les données d'offre et de demande d'éducation, de régulation des flux par le succès et non par l'échec, de financement, de pilotage, de gestion administrative et pédagogique. Il s'agit de définir et mettre en oeuvre des stratégies éducatives nationales cohérentes, fondées sur des analyses sectorielles bien conduites et permettant d'assurer une affectation optimale des ressources eu égard aux priorités définies collectivement.
La stratégie mise en place par l'Unesco pour le suivi de Dakar passe par l'élaboration, au niveau de chaque pays, de plans d'actions nationaux pour l'éducation pour tous. Ces plans nationaux ont pour objectif l'inscription des objectifs de Dakar dans les stratégies sectorielles. L'un des enjeux des mois à venir, pour les pays les plus en retard en matière de scolarisation, est précisément la bonne inscription, sans confusion ni doublon, de ces plans d'actions nationaux dans les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et les initiatives multilatérales et bilatérales de remise de la dette. Ceci est essentiel pour assurer la continuité dans le temps de l'effort, ainsi que pour garantir la soutenabilité financière à long terme.
L'exercice pour lequel ce groupe de haut niveau peut apporter une contribution politique et technique, est la définition des conditions de bonne articulation des plans d'action de l'Education pour tous, des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, et de l'initiative pays pauvres très endettés.
Il doit aussi réfléchir aux appuis que les pays donateurs peuvent apporter. Je voudrais à ce stade vous dire quelles sont les initiatives françaises prises pour appuyer ce processus :
1/ Sur le plan international, nous avons proposé la "sanctuarisation" des budgets sociaux, notamment santé et éducation, lors de la Session exceptionnelle de l'Assemblée générale des Nations unies sur le Sida, et lors des assemblées du FMI et de la Banque mondiale. C'est là un point fondamental pour inscrire nos efforts dans la durée, et veiller à une mobilisation effective des ressources nationales.
La France s'est aussi efforcée de mobiliser le G8. Elle a proposé d'accueillir à Paris la première réunion du groupe de travail chargé de faire des propositions aux chefs d'Etat et de gouvernement sur la meilleure manière de parvenir aux objectifs de Dakar. La décision de convoquer ce groupe a été prise lors du dernier G8 à Gênes. Dans notre esprit, il s'agit de voir comment le G8 peut relayer et appuyer les efforts de l'Unesco et les propositions qui émergeront de votre groupe. C'est pourquoi nous avons souhaité que ce groupe du G8 se réunisse juste après la tenue de cette réunion du groupe de travail de l'Unesco, afin d'assurer une bonne articulation entre ces différents forums.
Enfin, la France a décidé de traduire son soutien politique à l'Unesco par un renforcement de sa coopération technique avec celle-ci. Cela s'est traduit par l'accord passé avec le Bureau régional de l'Unesco à Dakar (le BREDA), qui assure un suivi de l'éducation pour tous pour l'Afrique subsaharienne. Cet accord inclue la mise en place d'un pôle de trois experts de haut niveau à Dakar, en appui aux équipes nationales en charge des plans nationaux de mise en oeuvre de l'éducation pour tous. Le pôle doit aussi permettre d'apporter un appui à nos postes sur le terrain pour assurer une bonne insertion de nos projets de coopération bilatéraux dans la mise en oeuvre du plan d'action de Dakar et des plans nationaux.
Cela s'est également traduit ce matin, avant que ne commencent nos travaux, par la signature entre le directeur général et moi-même, d'un accord qui crée auprès de l'Unesco un fonds français d'expertise; d'étude et de formation de 3,5 MF. Ce fonds sera un outil supplémentaire pour répondre aux besoins exprimés par les pays engagés dans la définition et la mise en ouvre de leur plan national, et renforcer le partenariat de la coopération française et de l'Unesco sur ces objectifs.
Un autre champ de coopération stratégique possible avec l'Unesco concerne la problématique Sida et Education. Nous savons tous que le sida a déjà et aura dans l'avenir des incidences très fortes sur la situation des systèmes éducatifs (personnels infectés, enfants infectés ou contraints d'assurer des charges de famille du fait de la disparition des adultes). Nous avons aussi la conviction que l'école peut jouer un rôle moteur dans la prévention de l'extension de la pandémie. C'est pourquoi je souhaite annoncer ici notre disponibilité à travailler avec l'Unesco sur ce dossier. Cette coopération pourrait prendre la forme d'un projet bi-multilatéral financé sur le fonds de solidarité prioritaire.
2/ Je voudrais aussi souligner que sur le plan interne, nous nous efforçons de mettre notre dispositif de coopération en ordre de marche pour appuyer nos partenaires dans la poursuite des objectifs de l'éducation pour tous.
Cette adaptation est bien engagée, notamment par une réorientation de notre aide-projet au service des stratégies nationales en éducation, notamment sur les fonctions d'évaluation, d'analyse, de pilotage et d'accompagnement des processus de déconcentration et de décentralisation. Ce choix a été inscrit dans des orientations stratégiques qui ont été adressées à tous nos postes de la zone de solidarité prioritaire en début d'année. Elles trouveront une autre traduction dans la mise en oeuvre prochaine des contrats de désendettement-développement, élaborés avec nos partenaires bilatéraux dans le cadre de l'initiative PPTE. La France fera en effet un effort exceptionnel d'allégement de la dette, évalué à 10 milliards d'Euros. Nous souhaitons que ces allégements de dette bénéficient en priorité aux secteurs sociaux, et notamment au secteur éducatif.
Ces nouvelles fonctions obligent à un rééquilibrage de l'expertise française permanente et de court terme, avec la définition de nouvelles compétences, et donc une plus grande diversité de recrutement, et un effort particulier portant sur la formation et la capitalisation des savoir-faire.
A l'effort de recrutement et de formation des 350 assistants techniques français résidents engagés dans le secteur éducatif des pays concernés par l'Education pour tous, nous avons ajouté de nouveaux modes d'intervention et de nouveaux partenariats.
Ainsi nous pouvons citer le pôle Sised de Dakar, sur les systèmes d'information statistiques, en liaison avec l'Adea (l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique) et l'institut de statistiques de l'Unesco. Nous poursuivons également l'appui au programme Pasec de la Confemen, qui a déjà contribué, dans les pays francophones, à instruire des choix de politique éducative sur des bases empiriques solides. Ces deux projets sont situés à Dakar. Avec le dispositif mis en place auprès du Breda dont je parlais précédemment, ils devraient permettre la réunion à Dakar d'une plate-forme d'expertise technique de qualité.
Citons enfin, cette année, l'organisation en partenariat avec la Banque mondiale de deux séminaires sous-régionaux sur la mise en oeuvre des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté dans le secteur de l'éducation. Ces séminaires ont rassemblé des cadres nationaux et experts des agences, en position de responsabilité dans des pays Afrique francophone et lusophone.
Pour sa part, l'Agence française de Développement, a fait de l'Education pour Tous l'un de ses thèmes mobilisateurs. Son approche consiste à décliner localement, dans une région donnée, le programme sectoriel d'investissement et donc à étendre le réseau d'infrastructures scolaires, tout en soutenant et en testant, en grandeur institutionnelle réelle, les réformes et innovations décidées par le gouvernement et soutenues par l'ensemble des partenaires. Cette approche la conduit tout naturellement à construire des partenariats avec les autres agences, ainsi qu'avec les ONG internationales qui sont ses partenaires de terrain.
Tout ceci n'est qu'un début. Nous devons, collectivement, concilier la réponse à des besoins immédiats, profonds, avec la nécessité de tenir la distance sans jamais lâcher prise, jusqu'à ce que soient atteints les objectifs d'éducation pour tous. Le ministère français des affaires étrangères, comme l'agence française de développement, sont bien déterminés à s'inscrire dans cette perspective. Je vous remercie./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2001)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Chefs et Membres de délégations,
Aujourd'hui encore, plus de 130 millions d'enfants n'ont pas accès à l'éducation. Cette situation n'est pas acceptable. Elle prive en effet ces enfants d'un des droits humains les plus fondamentaux, dont le respect conditionne l'exercice des autres droits. Elle est aussi un terrible gâchis pour le développement économique et la cohésion sociale de nos pays. Elle constitue enfin un handicap sur la voie d'un monde plus pacifique et plus équitable, où chacun doit trouver sa place. Cheik Anta Diop disait que "quand un enfant ne va pas à l'école, c'est tout un peuple qui ne grandit pas".
Ce constat nous a conduit, tous ensemble, à participer au Forum mondial de Dakar. La France s'est fortement impliquée dans celui-ci. De retour de cet événement, j'avais la conviction qu'un grand progrès avait été fait pour confirmer, mais aussi pour rendre plus opérationnel, l'engagement de la communauté internationale en faveur de l'éducation pour tous.
Aujourd'hui, le défi que nous devons relever collectivement est double : il s'agit d'une part de maintenir ce fort degré de mobilisation, et d'autre part de mettre en oeuvre les engagements pris à Dakar. Pour relever le défi, nous devons conjuguer engagement politique et mise en place d'une stratégie pertinente et efficiente. C'est l'objectif de ce groupe de haut niveau, qui a une lourde et importante responsabilité.
Le cadre d'action adopté lors du forum de Dakar est plus que jamais d'actualité : les grands objectifs d'accès, d'équité et de qualité des systèmes éducatifs sont l'horizon à partir duquel peuvent enfin se définir de manière consensuelle les responsabilités de mise en oeuvre. Le dialogue entre les responsables politique, les acteurs des systèmes éducatifs, la société civile et les partenaires techniques et financiers s'en trouve facilité.
Je veux rappeler ici le soutien politique et technique de la France à l'Unesco qui a reçu le mandat d'assurer le suivi du processus Education pour Tous et de coordonner les initiatives de la communauté internationale en faveur de la scolarisation universelle. Le cadre offert par l'Unesco constitue le gage de l'inscription de l'éducation pour tous dans la perspective universelle d'un futur où le savoir, son usage et son accès, seront déterminants. Je m'inscris là en parfaite cohérence avec le propos de mon collègue Jack Lang, prononcé ici-même le 17 octobre, lors de la XXXIème Conférence générale.
Mais notre crédibilité est d'abord en jeu sur le terrain : sans résultats concrets en matière d'accès, et en particulier d'accès des plus défavorisés, le processus éducation pour tous risque de se vider de sa substance, de ne plus susciter d'espoir ni d'adhésion collective. Or la prolongation des tendances actuelles montre bien que pour la moitié des pays au Sud du Sahara, l'éducation pour tous ne pourra être réalisée d'ici 2015 sans accélération volontariste du processus.
Comment faire ?
Les objectifs de Dakar n'ont aucune chance d'être atteints si les Etats bénéficiaires ne s'impliquent pas eux-mêmes résolument et durablement dans ce processus. A cet égard, le cadre d'action de Dakar est explicite : "le cur de l'activité de l'Education Pour Tous se situe au niveau national".
Cet exercice repose sur le double principe d'appropriation et de participation. Ce qui signifie d'une part qu'il est de la responsabilité des Etats de définir eux-mêmes leur politique, et d'autre part qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre un processus de consultation impliquant l'ensemble des partenaires de l'école : syndicats d'enseignants, associations de parents d'élèves, ONG...
Cette appropriation et cette participation doivent être nourries de diagnostics sur l'état des systèmes, ainsi que de scénarios argumentés entre lesquels opérer des choix. Dans cette perspective, le renforcement des compétences nationales en matière d'analyse, d'élaboration et de mise en oeuvre de politiques est sans doute l'un des champs urgents de la coopération internationale, puisqu'elle permet d'aider à instruire la décision, et non de s'y substituer.
Nous avons en effet la conviction que les ressources supplémentaires dégagées, d'origine nationale ou extérieure, ne doivent pas être investies dans des systèmes parvenus à des phases de rendements décroissants. Les analyses existantes, réalisées au plan national comme au plan international, montrent qu'à niveau de financement comparable, il existe de grands écarts de performance entre les systèmes, et ce pour les trois dimensions de l'accès, de l'équité et de la qualité.
Ces écarts tiennent pour partie à des choix d'architecture des systèmes, plus ou moins favorables à l'éducation de base, mais aussi à des choix pédagogiques et organisationnels, et enfin à des différences dans les coûts unitaires de l'éducation, largement dus à des disparités dans les niveaux de salaires enseignants, ou dans le coût des infrastructures. C'est sur ces points que nous devons concentrer nos efforts.
L'élaboration des plans nationaux d'éducation pour tous, doit se faire selon une approche sectorielle qui intègre les données d'offre et de demande d'éducation, de régulation des flux par le succès et non par l'échec, de financement, de pilotage, de gestion administrative et pédagogique. Il s'agit de définir et mettre en oeuvre des stratégies éducatives nationales cohérentes, fondées sur des analyses sectorielles bien conduites et permettant d'assurer une affectation optimale des ressources eu égard aux priorités définies collectivement.
La stratégie mise en place par l'Unesco pour le suivi de Dakar passe par l'élaboration, au niveau de chaque pays, de plans d'actions nationaux pour l'éducation pour tous. Ces plans nationaux ont pour objectif l'inscription des objectifs de Dakar dans les stratégies sectorielles. L'un des enjeux des mois à venir, pour les pays les plus en retard en matière de scolarisation, est précisément la bonne inscription, sans confusion ni doublon, de ces plans d'actions nationaux dans les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et les initiatives multilatérales et bilatérales de remise de la dette. Ceci est essentiel pour assurer la continuité dans le temps de l'effort, ainsi que pour garantir la soutenabilité financière à long terme.
L'exercice pour lequel ce groupe de haut niveau peut apporter une contribution politique et technique, est la définition des conditions de bonne articulation des plans d'action de l'Education pour tous, des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, et de l'initiative pays pauvres très endettés.
Il doit aussi réfléchir aux appuis que les pays donateurs peuvent apporter. Je voudrais à ce stade vous dire quelles sont les initiatives françaises prises pour appuyer ce processus :
1/ Sur le plan international, nous avons proposé la "sanctuarisation" des budgets sociaux, notamment santé et éducation, lors de la Session exceptionnelle de l'Assemblée générale des Nations unies sur le Sida, et lors des assemblées du FMI et de la Banque mondiale. C'est là un point fondamental pour inscrire nos efforts dans la durée, et veiller à une mobilisation effective des ressources nationales.
La France s'est aussi efforcée de mobiliser le G8. Elle a proposé d'accueillir à Paris la première réunion du groupe de travail chargé de faire des propositions aux chefs d'Etat et de gouvernement sur la meilleure manière de parvenir aux objectifs de Dakar. La décision de convoquer ce groupe a été prise lors du dernier G8 à Gênes. Dans notre esprit, il s'agit de voir comment le G8 peut relayer et appuyer les efforts de l'Unesco et les propositions qui émergeront de votre groupe. C'est pourquoi nous avons souhaité que ce groupe du G8 se réunisse juste après la tenue de cette réunion du groupe de travail de l'Unesco, afin d'assurer une bonne articulation entre ces différents forums.
Enfin, la France a décidé de traduire son soutien politique à l'Unesco par un renforcement de sa coopération technique avec celle-ci. Cela s'est traduit par l'accord passé avec le Bureau régional de l'Unesco à Dakar (le BREDA), qui assure un suivi de l'éducation pour tous pour l'Afrique subsaharienne. Cet accord inclue la mise en place d'un pôle de trois experts de haut niveau à Dakar, en appui aux équipes nationales en charge des plans nationaux de mise en oeuvre de l'éducation pour tous. Le pôle doit aussi permettre d'apporter un appui à nos postes sur le terrain pour assurer une bonne insertion de nos projets de coopération bilatéraux dans la mise en oeuvre du plan d'action de Dakar et des plans nationaux.
Cela s'est également traduit ce matin, avant que ne commencent nos travaux, par la signature entre le directeur général et moi-même, d'un accord qui crée auprès de l'Unesco un fonds français d'expertise; d'étude et de formation de 3,5 MF. Ce fonds sera un outil supplémentaire pour répondre aux besoins exprimés par les pays engagés dans la définition et la mise en ouvre de leur plan national, et renforcer le partenariat de la coopération française et de l'Unesco sur ces objectifs.
Un autre champ de coopération stratégique possible avec l'Unesco concerne la problématique Sida et Education. Nous savons tous que le sida a déjà et aura dans l'avenir des incidences très fortes sur la situation des systèmes éducatifs (personnels infectés, enfants infectés ou contraints d'assurer des charges de famille du fait de la disparition des adultes). Nous avons aussi la conviction que l'école peut jouer un rôle moteur dans la prévention de l'extension de la pandémie. C'est pourquoi je souhaite annoncer ici notre disponibilité à travailler avec l'Unesco sur ce dossier. Cette coopération pourrait prendre la forme d'un projet bi-multilatéral financé sur le fonds de solidarité prioritaire.
2/ Je voudrais aussi souligner que sur le plan interne, nous nous efforçons de mettre notre dispositif de coopération en ordre de marche pour appuyer nos partenaires dans la poursuite des objectifs de l'éducation pour tous.
Cette adaptation est bien engagée, notamment par une réorientation de notre aide-projet au service des stratégies nationales en éducation, notamment sur les fonctions d'évaluation, d'analyse, de pilotage et d'accompagnement des processus de déconcentration et de décentralisation. Ce choix a été inscrit dans des orientations stratégiques qui ont été adressées à tous nos postes de la zone de solidarité prioritaire en début d'année. Elles trouveront une autre traduction dans la mise en oeuvre prochaine des contrats de désendettement-développement, élaborés avec nos partenaires bilatéraux dans le cadre de l'initiative PPTE. La France fera en effet un effort exceptionnel d'allégement de la dette, évalué à 10 milliards d'Euros. Nous souhaitons que ces allégements de dette bénéficient en priorité aux secteurs sociaux, et notamment au secteur éducatif.
Ces nouvelles fonctions obligent à un rééquilibrage de l'expertise française permanente et de court terme, avec la définition de nouvelles compétences, et donc une plus grande diversité de recrutement, et un effort particulier portant sur la formation et la capitalisation des savoir-faire.
A l'effort de recrutement et de formation des 350 assistants techniques français résidents engagés dans le secteur éducatif des pays concernés par l'Education pour tous, nous avons ajouté de nouveaux modes d'intervention et de nouveaux partenariats.
Ainsi nous pouvons citer le pôle Sised de Dakar, sur les systèmes d'information statistiques, en liaison avec l'Adea (l'Association pour le développement de l'éducation en Afrique) et l'institut de statistiques de l'Unesco. Nous poursuivons également l'appui au programme Pasec de la Confemen, qui a déjà contribué, dans les pays francophones, à instruire des choix de politique éducative sur des bases empiriques solides. Ces deux projets sont situés à Dakar. Avec le dispositif mis en place auprès du Breda dont je parlais précédemment, ils devraient permettre la réunion à Dakar d'une plate-forme d'expertise technique de qualité.
Citons enfin, cette année, l'organisation en partenariat avec la Banque mondiale de deux séminaires sous-régionaux sur la mise en oeuvre des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté dans le secteur de l'éducation. Ces séminaires ont rassemblé des cadres nationaux et experts des agences, en position de responsabilité dans des pays Afrique francophone et lusophone.
Pour sa part, l'Agence française de Développement, a fait de l'Education pour Tous l'un de ses thèmes mobilisateurs. Son approche consiste à décliner localement, dans une région donnée, le programme sectoriel d'investissement et donc à étendre le réseau d'infrastructures scolaires, tout en soutenant et en testant, en grandeur institutionnelle réelle, les réformes et innovations décidées par le gouvernement et soutenues par l'ensemble des partenaires. Cette approche la conduit tout naturellement à construire des partenariats avec les autres agences, ainsi qu'avec les ONG internationales qui sont ses partenaires de terrain.
Tout ceci n'est qu'un début. Nous devons, collectivement, concilier la réponse à des besoins immédiats, profonds, avec la nécessité de tenir la distance sans jamais lâcher prise, jusqu'à ce que soient atteints les objectifs d'éducation pour tous. Le ministère français des affaires étrangères, comme l'agence française de développement, sont bien déterminés à s'inscrire dans cette perspective. Je vous remercie./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2001)