Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques, posées à Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la réforme du collège.
Je rappelle que l'auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d'une durée d'une minute au maximum peut être présentée soit par l'auteur de la question, soit par l'un des membres de son groupe. J'espère que chacun aura à cur de respecter son temps de parole.
Je rappelle également que ce débat est retransmis en direct sur France 3 et sur Public Sénat.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme qui nourrit la polémique depuis bientôt un mois s'inscrit dans la continuité de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, portée par votre prédécesseur, M. Vincent Peillon. Elle concerne principalement le contenu des enseignements, les outils pédagogiques et l'organisation du temps scolaire.
Même si nous nous inquiétons du court délai entre la publication du décret et sa mise en uvre, à la rentrée 2016, les membres du groupe RDSE et moi-même tenons à réaffirmer notre soutien au collège unique, cet outil mis au service d'une ambition démocratique forte : assurer au plus grand nombre de jeunes le maximum de chances, comme le prônait Jean Zay, ministre de l'éducation du Front populaire (M. Roger Karoutchi s'exclame.), en 1937, entré hier au Panthéon.
Le collège unique, parachevé par la loi Haby en 1975, a permis d'ouvrir les portes de la connaissance à toute une classe d'âge qui, jusqu'alors, en était privée et entrait prématurément dans le monde du travail.
Les dispositions prévues dans votre réforme visent à dégager davantage de temps trois heures en sixième, une à deux heures les autres années , pour un accompagnement personnalisé. Pouvez-vous, madame la ministre, en définir plus précisément le cadre ?
L'instauration d'enseignements pratiques interdisciplinaires insuffle un renouveau pédagogique, et c'est bien. Mais pensez-vous qu'une année scolaire suffira pour adapter d'urgence l'organisation de la formation continue avant la rentrée 2016 ?
Nous tenons aussi à vous interroger sur la place des enseignements disciplinaires fondamentaux au sein de cette réforme, au premier rang desquels doit figurer le français.
Constatant une diminution du volume horaire accordé au français en sixième et convaincue, avec les membres du groupe RDSE, que la réussite scolaire dépend de la maîtrise de la langue française, tant orale qu'écrite, puisqu'elle rend possible l'apprentissage des connaissances, des savoir-faire, des nouveaux moyens de communication et d'information, sans oublier la formation de l'esprit critique, quels moyens entendez-vous déployer pour en faire la pierre angulaire de la réforme du collège ? Il faut augmenter les heures de français en sixième plutôt que les diminuer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Françoise Laborde, la réforme du collège a un objectif très simple : faire mieux apprendre chaque élève, afin que tous réussissent mieux. Vous avez eu raison de le dire, il nous faut affirmer ici que la réussite scolaire doit être offerte à chaque enfant, et nous partageons évidemment votre ambition. Un bagage commun doit être donné notamment à tous les enfants de moins de quinze ans qui fréquentent le collège que nous voulons unique, nous le réaffirmons ici, mais que nous ne souhaitons plus uniforme.
Ainsi, le collège doit mieux s'adapter aux difficultés ou, parfois, au niveau avancé de chaque collégien accueilli. À cet effet, nous avons voulu innover dans les pratiques pédagogiques, en introduisant davantage d'accompagnement personnalisé, de travail en petits groupes, et en créant les enseignements pratiques interdisciplinaires, sur lesquels je reviendrai ultérieurement.
Permettez-moi de répondre à vos trois questions.
L'accompagnement personnalisé aura vocation à la fois à expliciter aux élèves ce que l'on attend d'eux, à savoir les méthodes d'apprentissage : la façon de réviser ses leçons, de prendre des notes, de s'organiser pour réussir. Vous le savez, il existe un véritable changement entre l'école primaire et le collège, notamment en classe de sixième. C'est pour cette raison que trois heures par semaine seront consacrées à l'accompagnement personnalisé pour les collégiens de sixième.
Cet accompagnement sera évidemment fondé sur les programmes d'enseignement : durant ces trois heures, il ne s'agit pas d'enseigner aux élèves autre chose que ce qui est prévu dans les programmes.
Il permettra à ceux qui sont en difficulté de rattraper le retard pris et à ceux qui sont en avance d'approfondir leurs connaissances. Il ne porte donc en rien préjudice à ceux qui pourraient être les meilleurs. Au contraire, il les rendra excellents.
Les enseignements pratiques interdisciplinaires permettent de faire travailler à la fois des enseignants en équipe le co-enseignement, avec plusieurs enseignants de disciplines différentes , et les enfants en groupes, sous forme de projets concrets et pratiques. Ils font ainsi du learning by doing, comme disent les Britanniques :
M. Bruno Sido. Et le français !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. ils ne se contentent pas des apprentissages théoriques, ils mettent en pratique ce qu'ils apprennent dans les disciplines fondamentales.
Non, le français ne perd rien à cette réforme, madame la sénatrice, comme d'ailleurs aucune des disciplines. En l'occurrence, de la sixième à la troisième, il y aura toujours 17 heures 30 de français par mois, comme c'est le cas actuellement.
M. le président. Il vous faut conclure, madame la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je prendrai un dernier exemple, celui de l'enseignement pratique interdisciplinaire appelé « éducation artistique et culturelle » : la pièce de théâtre que joueront les collégiens a aussi pour objet de renforcer l'acquisition du français. Voilà en quoi cet enseignement sera utile aux fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique, brièvement.
Mme Françoise Laborde. Je serai très brève, monsieur le président. Les questions sont nombreuses, mais je sais que mes collègues en poseront.
J'aurais, madame la ministre, une dernière requête pratique. Pourriez-vous nous dire ultérieurement quelle incidence aura votre réforme sur le brevet des collèges ?
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, la réforme des collèges met en application les choix du Parlement, qui se sont exprimés dans la loi « refondation de l'école ».
Face au constat inacceptable d'une école qui aggrave les inégalités et au choix coupable d'avoir supprimé la formation des enseignants, le collège va désormais davantage concilier personnel mieux préparé, exigence pour tous et attention à chacun.
Dans les territoires où la crise sociale frappe très durement, des équipes travaillent déjà depuis des années avec des résultats remarquables : les enseignements pratiques interdisciplinaires vont accroître leur coopération, à condition que les équipes bénéficient pour cela de temps et de formation.
Cependant, la réussite de tous a besoin de mixité de la population scolaire. D'où ma première question : comment la réforme du collège sera-t-elle accompagnée par une politique volontariste en matière de mixité sociale des élèves ?
Par ailleurs, cette réforme ne peut se faire sans les enseignants. Toujours dans l'esprit de reconstruction d'une école plus juste, je souhaite que la plus grande vigilance soit apportée au remplacement effectif des enseignants absents. Des créations de postes sont annoncées : en Seine-Saint-Denis, on annonce 500 postes dans les trois ans qui viennent. C'est un effort, mais il est insuffisant. Il en faudrait trois fois plus pour que la permanence de l'encadrement et la continuité des cours soient assurées. Aujourd'hui, la situation dans certains territoires n'est pas acceptable. Quelles décisions comptez-vous prendre en la matière ?
Enfin, pour que l'école soit un lieu d'épanouissement pour tous les élèves, elle doit être, selon nous, un lieu bienveillant. Au-delà de cette réforme, ne pensez-vous pas nécessaire, madame la ministre, de transformer en profondeur les méthodes pédagogiques de notre pays, en encourageant davantage l'innovation, afin d'assurer la réussite de tous les enfants, et en favorisant, comme le font certains pays comme la Finlande depuis des années, la coopération et non la concurrence entre les élèves ? Il convient de valoriser toutes les formes d'intelligence, au lieu d'un modèle unique qui en laisse tant de côté. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice Aline Archimbaud, merci de votre question qui me permet de revenir sur le sujet de la mixité sociale.
Nous développerons et nous favoriserons la mixité sociale lorsque nous aurons et c'est là toute l'ambition de la réforme du collège ! réussi à offrir dans chaque collège de France le même niveau d'exigence et le même niveau de qualité d'enseignement. Le collège doit faire en sorte que chaque enfant, quelle que soit sa situation de départ, qu'il ait acquis les fondamentaux lorsqu'il arrive en sixième comme on l'attend de lui ou pas, progresse. Aujourd'hui, beaucoup de parents refusent de scolariser leur enfant dans tel ou tel établissement de secteur car ils craignent que les élèves en difficulté ne soient pas bien pris en compte et tirent leurs propres enfants vers le bas. C'est actuellement la difficulté du collège, et c'est ce contre quoi nous luttons.
C'est pourquoi nous voulons que l'exigence soit la même partout : les programmes vont renforcer l'acquisition des fondamentaux, l'évaluation va évoluer. À cet égard, je répondrai à la question de Mme Laborde sur le brevet.
Oui, le nouveau brevet en 2016 permettra d'évaluer les capacités de l'enfant non seulement à l'écrit, mais aussi à l'oral, la capacité de travailler en groupe, avec les nouvelles compétences que l'on développe dans le nouveau collège.
Mais, pour en revenir à votre question, madame Archimbaud, la première façon de favoriser la mixité sociale, c'est de veiller à ce que chaque établissement offre le meilleur. C'est ce que nous faisons notamment en innovant avec les pratiques pédagogiques.
La deuxième façon de garantir la mixité sociale, c'est de travailler de nouveau c'est ce que nous faisons avec des conseils départementaux, afin de revoir la sectorisation. En effet, il faut que les secteurs soient plus larges, qu'ils englobent plusieurs collèges pour avoir une plus grande possibilité d'agir en termes d'affectation des élèves. Tout en restant dans le secteur de leur domicile, les élèves doivent être répartis de façon plus équilibrée. Ce travail ne peut pas se faire du haut vers le bas, en imposant à tout le monde un même modèle. En la matière, il faut être très pragmatique. À cet égard, je tiens à souligner la qualité du travail que nous réalisons avec des conseils départementaux, de gauche comme de droite, qui ont accepté de se saisir de cette question.
M. le président. Il vous faut conclure, madame la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Enfin, j'aborderai la situation du département de la Seine-Saint-Denis, que vous avez évoquée.
Oui, il nous importe de créer des postes dans ce département et d'avoir des candidats. Ce sont 330 postes qui ont déjà été créés et, vous le savez, nous allons en créer 500
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. dans le premier degré. Il convient bien sûr de poursuivre cet effort.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique, brièvement, je vous prie.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, j'ai pris bonne note des efforts que vous allez réaliser en ce qui concerne la sectorisation. Il y a là un travail fin à faire, en coopération évidemment avec les collectivités locales.
Concernant ma troisième question relative à l'innovation, avec l'introduction ou le renforcement de nouvelles méthodes pédagogiques, je considère qu'il s'agit d'une question importante (Mme la ministre opine.), même si elle va au-delà de la réforme du collège.
Les valeurs et les pratiques de coopération entre les élèves doivent être beaucoup plus encouragées qu'elles ne le sont aujourd'hui, à l'image de ce qui se fait dans certains pays. Cela permettrait à certains élèves de s'épanouir davantage.
De même, certaines formes d'intelligence sont encore aujourd'hui peu valorisées, pour ne pas dire plus. Je n'ai pas le temps de développer ce point, mais nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir une autre fois.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe CRC.
Je demande à chacun de bien respecter les deux minutes de temps de parole imparties.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre, la semaine dernière, ici même, lors de la question d'actualité au Gouvernement posée par notre groupe, vous avez affirmé que votre objectif était que les élèves assimilent mieux les différentes matières, et qu'ils ne sortent pas du collège sans les avoir comprises, cette raison motivant le redécoupage entre enseignements disciplinaires obligatoires et enseignements pratiques interdisciplinaires, les EPI.
Vous indiquez que les horaires des enseignements disciplinaires ne diminuent pas. Pourtant, on passe bien de 108 heures 30 d'enseignements communs à 104 heures pour tout le collège. Et encore je ne comptabilise pas les horaires des enseignements facultatifs.
Ce choix ne peut répondre à la nécessaire élévation du niveau des connaissances, indispensable au regard de l'évolution des savoirs. Comment en effet imaginer bâtir des EPI avec un socle disciplinaire affaibli ?
Vous présentez ces EPI comme une clef de la réussite de tous. Mais comment ne pas voir que leur contenu variera d'un établissement à l'autre, au détriment de disciplines aussi fondamentales que les sciences, la technologie ou les enseignements artistiques ?
D'ailleurs, qui enseignera quoi ? N'est-ce pas mettre le doigt dans le développement de la bivalence, voire de la trivalence ? Les 4 000 postes annoncés pour accompagner cette réforme en découleraient-ils ?
Un autre élément indispensable, absent de votre réforme : la formation continue des enseignants. Celle-ci est en déshérence. Nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter à ce sujet, comme l'atteste le référé d'avril de la Cour des comptes sur la formation continue des enseignants.
Ce chantier est au point mort. Or les enseignants français sont les plus mal lotis de la catégorie A de la fonction publique : ils ne bénéficient que de trois jours annuels de formation continue, contre huit en moyenne dans les pays de l'OCDE.
Vous évoquez, madame la ministre, une mise en route à l'automne prochain. Pourriez-vous nous communiquer le calendrier précis de la mise en uvre de cette réforme, nous indiquer le contenu des formations et préciser quels moyens y seront consacrés, en détaillant à la fois les crédits de fonctionnement et les équivalents temps plein travaillé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, permettez-moi de répondre d'abord à votre dernière question. Pour que la réforme du collège entre en vigueur dans les meilleures conditions, il est indéniablement nécessaire de former et d'accompagner les enseignants, et c'est bien ce qui est prévu. Je tiens à vous rassurer sur ce point. Nous avons quinze mois devant nous pour former les enseignants.
Nous travaillons d'ores et déjà sur cette question et nous invitons les organisations syndicales à réfléchir avec nous aux décrets d'application, lesquels préciseront, notamment, le nombre exact de journées de formation dont bénéficiera chaque enseignant qui sera amené à mettre en uvre la réforme que nous proposons.
Il est vrai que la réforme que nous mettons en uvre suppose de nouvelles pratiques et même une nouvelle culture, car nous introduisons 20 % d'autonomie dans les établissements et nous innovons dans la pratique pédagogique.
Pour autant, je veux vous rassurer : rien de tout cela ne fragilisera le cadre national et le collège unique, bien au contraire. La liberté que nous laissons aux établissements et aux enseignants est tout de même encadrée par des horaires nationaux tous les collèges respecteront les mêmes horaires , par des programmes, qui sont les mêmes, par une évaluation on évoquait tout à l'heure le brevet.
Vous avez évoqué les enseignements pratiques interdisciplinaires. Eux aussi seront encadrés, huit thèmes nationaux ayant été définis on pourra y revenir plus en détail , qui s'appuient sur les programmes.
Les enseignements pratiques interdisciplinaires ne portent donc en rien préjudice aux disciplines fondamentales, au contraire. Chaque enseignant de ces disciplines est amené à adapter une partie de sa pratique pédagogique afin de faire faire ce que votre collègue évoquait tout à l'heure, notamment davantage de travail en coopération entre les élèves. Il s'agit de sortir d'un schéma parfois un peu théorique et magistral, qui rend les élèves passifs, afin de leur permettre d'être créatifs et acteurs.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voilà ce que je pouvais vous dire.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Merci, madame la ministre, de cette réponse !
Nous attendions des réponses concrètes et détaillées sur les moyens qui seront alloués à la formation continue. Je rappelle que ces moyens sont en stagnation depuis 2010. En outre, on le sait, le remboursement des frais liés à la formation, qu'il s'agisse de la prise en charge du transport ou des repas, ne cesse de diminuer.
Comme l'a pointé la Cour des comptes, il n'est pas certain que les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE, aient totalement anticipé et intégré cette question, sur laquelle j'attire votre attention, madame la ministre.
Pour conclure, permettez-moi de rappeler que, en 2009, l'inspection générale de l'éducation nationale, l'IGEN, avait consacré un rapport à l'expérimentation pédagogique de l'enseignement intégré de science et technologie. Elle avait conclu que si cette expérimentation était un succès, elle n'avait cependant pas vocation à être généralisée. Une telle généralisation serait en effet complexe à mettre en uvre. En outre, elle reposerait sur le volontariat des équipes d'enseignants.
Je souhaite donc qu'une attention particulière soit portée à cette question et qu'elle fasse l'objet d'un suivi spécifique.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste.
Mme Françoise Cartron. Madame la ministre, en mettant en uvre la réforme du collège, vous poursuivez aujourd'hui l'ambitieuse refondation de l'école entamée par Vincent Peillon en 2012. La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, dont j'avais eu l'honneur d'être ici le rapporteur, a été largement débattue et amendée dans cet hémicycle.
Conformément aux engagements qui avaient été pris, la priorité a été accordée à l'école primaire, laquelle était auparavant la grande oubliée des politiques éducatives, alors qu'elle est pourtant le socle essentiel à la réussite des élèves.
Désormais, le temps est venu de procéder à la réforme du collège, moment critique de la scolarité pour un certain nombre d'enfants fragiles.
Au début du mois d'avril, le Conseil supérieur de l'éducation a émis un avis positif sur la réforme du collège. Pour votre part, madame la ministre, vous venez de signer les décrets nécessaires à cette mise en uvre effective.
Cela intervient deux ans après le vote de la loi. Il n'y a donc pas de vitesse ou de précipitation (Rires sur plusieurs travées de l'UMP.), mais une ferme volonté d'avancer.
Les associations de parents d'élèves, qui ont été auditionnées hier par la commission, soutiennent la réforme (M. Philippe Dallier s'exclame.), car elle répond aux besoins qu'elles ont identifiés chez les enfants. Il leur faut, nous ont-elles dit, non pas plus d'heures d'enseignement (Mme Colette Mélot s'exclame.), mais mieux d'enseignement.
Le succès ne sera au rendez-vous qu'à la condition que les enseignants s'approprient les changements qui leur sont proposés. Pour cela, il est nécessaire qu'ils bénéficient d'une formation et d'un accompagnement suffisants, notamment pour la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires.
Madame la ministre, mes questions sont les suivantes : alors que nous passons désormais à la deuxième étape de la réforme, c'est-à-dire à sa mise en uvre pratique, quel est aujourd'hui le calendrier ? Afin de répondre aux inquiétudes exprimées, pourriez-vous nous dire quelles seront les modalités de discussion avec la communauté éducative au cours des semaines et des mois à venir ?
Mes chers collègues, le temps n'est plus à la polémique (Mme Catherine Troendlé s'esclaffe. Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) ; il est au travail de construction afin de réussir ensemble l'école pour tous les enfants de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Pour l'ensemble des jeunes !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est un petit chef-d'uvre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour deux minutes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice Françoise Cartron, merci pour votre question (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Vous pouvez en effet la remercier !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vous aurais remercié tout autant, monsieur le sénateur. (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes bien imprudente !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Votre question, madame la sénatrice, me donne l'occasion de préciser une chose : il a toujours été clair pour moi qu'il fallait faire une distinction entre l'hostilité absolue et par principe à la réforme et les interrogations professionnelles d'un certain nombre d'équipes enseignantes, auxquelles il nous faut apporter des réponses. Nous élaborerons donc bien évidemment les textes d'application de la réforme en concertation avec leurs organisations représentatives.
Pour répondre à certaines de ces interrogations, je rappelle que la réforme du collège ne se fait pas à moyens constants puisque 4 000 postes sont créés. Ils seront bien utiles notamment pour développer les petits groupes de travail dont j'évoquais les vertus tout à l'heure.
Concrètement, chaque collège verra sa dotation horaire globale augmenter et disposera ainsi de davantage de marge de manuvre pour renforcer ici ou là en fonction de ce que l'établissement c'est cela la marge d'autonomie aura décidé comme prioritaire pour ses élèves compte tenu de leurs besoins. La grande nouveauté de cette réforme est qu'elle permettra à chaque établissement de « mettre le paquet » sur les matières dans lesquelles ses élèves sont en retard, que ce soit en français ou en langues vivantes.
Voilà pour ce qui est des moyens affectés à la réforme.
J'en viens maintenant à l'accompagnement et à la formation. Concrètement, les cadres, c'est-à-dire les chefs d'établissement, les inspecteurs, mais aussi les enseignants, seront formés cet automne. Il est donc important de préparer le cadre dès à présent.
S'agissant des enseignants, ils seront formés sur site. Concrètement, cela signifie que des équipes de formateurs se déplaceront dans les établissements, afin de former ensemble les enseignants qui seront invités et appelés à travailler en collaboration demain.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Telles sont les quelques indications que je peux aujourd'hui vous donner, madame la sénatrice.
Vous le savez, aucune réforme ne peut entrer en vigueur ou être mise en uvre dans de bonnes conditions sans accompagnement de ses principaux acteurs, en l'occurrence les enseignants.
Mme Catherine Troendlé. Ils n'ont pas été respectés !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je leur redis donc aujourd'hui que les quinze mois à venir serviront bien évidemment à cela. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique, brièvement, afin de permettre à nos collègues de bénéficier de la retransmission télévisée.
Mme Françoise Cartron. Merci, madame la ministre, de votre réponse !
Si la formation est nécessaire au sein des ESPE, il faut également mobiliser tous les corps d'encadrement, en particulier les inspecteurs et les inspecteurs départementaux, car étant au plus près du terrain, ils pourront répondre à l'inquiétude, parfois légitime, des enseignants, en tout cas leur dire qu'ils ne seront pas seuls, qu'ils seront accompagnés.
Un sénateur du groupe UMP. On est sauvés !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, si le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République mentionne la nécessité de « repenser le collège unique », jamais les modalités précises d'une future réforme n'ont été évoquées lors des débats au Parlement. Aussi les préoccupations demeurent-elles vives et nombreuses parmi les élus, mais aussi parmi les enseignants, que nous avons eu l'occasion d'auditionner hier, et qui nous disent ne pas avoir été consultés. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
L'une de ces préoccupations fondamentales est une inconnue de la réforme, à savoir la question de l'orientation.
L'arrêté prévoit la suppression des options de découverte professionnelle en classe de troisième, tandis que les classes dites « prépa-pro » demeurent, mais sans horaires attribués. À ce jour, le nouveau parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel, qui remplace le parcours de découverte des métiers et des formations, ne bénéficie, lui non plus, d'aucun horaire spécifique et devra donc être organisé sur du temps disciplinaire.
Dès lors, comment permettre aux élèves de choisir leurs études et leur profession ? Y a-t-il là une volonté délibérée de retarder le choix de l'orientation à la seconde et de limiter l'orientation vers les études professionnelles ?
Enfin, le Gouvernement est déjà passé en force sur la réforme des rythmes scolaires. Cette fois, il nous explique que le délai d'ici à la rentrée 2016 permettra de réfléchir aux contenus des formations des enseignants. Soit !
Toutefois, personne ne semble se préoccuper d'un autre aspect très concret de la mise en uvre de la réforme, à savoir la rédaction et l'achat des nouveaux manuels scolaires. Je ne vois pas comment les collectivités pourront faire face à une dépense inédite par son ampleur alors que toutes subissent déjà le contrecoup de la baisse des dotations de l'État. Il faut savoir que toutes les disciplines, mes chers collègues, dans toutes les classes du primaire et du collège, sont concernées. (M. Claude Kern opine.)
D'où ma question : comment les collectivités ont-elles été associées à la mise en uvre de la réforme ? Un financement spécifique par l'État de cette dépense est-il prévu ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice Catherine Morin-Desailly, d'une certaine façon, on pourrait presque nous reprocher d'avoir attendu trop longtemps avant de publier le décret.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Ah non !
M. Didier Guillaume. Si !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ce décret résulte de l'adoption d'une loi, la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui a été définitivement adoptée au Parlement il y a vingt-deux mois.
Vous dites, madame la sénatrice, qu'il n'a pas été question de la réforme du collège lors de l'examen au Parlement de cette loi. Je vous invite donc à relire les comptes rendus des débats parlementaires. Je suis prête à répondre aux questions qui vous viennent aujourd'hui, mais je regrette que vous n'ayez pas eu l'occasion de les poser au cours des cinq mois qu'ont duré les débats sur cette loi.
Certains d'entre vous se demandent pourquoi on ne se préoccuperait pas d'abord de l'école primaire avant le collège. Je rappelle que la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a précisément prévu d'aborder de façon chronologique tous les problèmes que connaît notre système éducatif.
Nous avons donc commencé par l'école primaire, à laquelle nous avons donné la priorité, notamment en mettant en uvre le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Nous avons également favorisé la préscolarisation des enfants avant trois ans à la maternelle.
Le temps du collège est aujourd'hui venu.
C'est ainsi qu'il faut procéder, notamment pour permettre à tous les enfants d'acquérir le fameux socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu dans la loi pour la refondation de l'école de la République. Celui-ci doit être décliné afin que les enseignements fondamentaux figurent au cur des programmes repensés, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Par ailleurs, un fonctionnement par cycles de trois ans doit être mis en uvre afin de permettre de mieux s'assurer de la maîtrise de ces connaissances par les enfants.
J'en viens à votre question sur l'information des élèves en matière d'orientation professionnelle. L'orientation est pour moi un enjeu fondamental. C'est d'ailleurs pour cela que l'un des huit enseignements pratiques interdisciplinaires qui sera mis en uvre au collège s'intitule « Monde économique et professionnel ». Il permettra aux enfants d'aborder dès la classe de cinquième des sujets qui, jusqu'à présent, n'étaient évoqués qu'à la fin de la troisième (M. Claude Kern s'exclame.), à savoir la construction de l'orientation, la découverte des métiers et de l'apprentissage. Tout le monde se gargarise de l'apprentissage. Or, pour changer notre culture en matière d'apprentissage, il faut peut-être le valoriser plus tôt au collège. C'est ce qui sera fait dans cet enseignement pratique interdisciplinaire. Il permettra par exemple aux élèves de construire, à l'aide de leur professeur, des mini-entreprises, à l'établissement
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. de s'ouvrir sur son environnement économique et de signer des partenariats avec les entreprises qui l'entourent. (M. Claude Kern s'exclame.)
Je tenais à vous répondre en détail, madame la sénatrice, parce que je pense que le nouveau collège veillera à donner aux élèves les clés de leur avenir professionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Kern. Et les financements ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je regrette, madame la ministre, de ne pas avoir obtenu de réponse sur le réalisme de la refonte de tous les manuels scolaires en même temps, en moins d'une année. Les éditeurs nous disent que ce n'est simplement pas réaliste. Et je ne parle même pas du coût d'une telle refonte.
Il faut bien évidemment changer notre culture sur l'apprentissage, madame la ministre. Mais alors pourquoi est-on revenu il y a un an dans la loi pour la refondation de l'école sur les dispositifs d'initiation aux métiers en alternance, les DIMA, qui favorisaient l'apprentissage ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
On fait les choses complètement à l'envers, à coups d'aller-retour et d'atermoiements très préjudiciables à la refonte du collège.
Le collège unique, ce n'est pas le collège uniforme.
Nous sommes extrêmement attachés à ce que chaque enfant, à partir du socle commun, trouve son parcours de réussite et puisse se voir offrir une orientation qui corresponde à la fois à ses aptitudes et ses appétences.
De ce point de vue, nous ne voyons pas en quoi l'actuelle réforme, telle qu'elle est proposée, pourra faciliter les choses.
Enfin, dans le texte de loi proprement dit, jamais les mots « réforme des collèges » n'ont été employés. (M. Roger Karoutchi opine.) Quant au rapport annexé, nous nous étions posé beaucoup de questions à l'époque sur le statut de ce document assez verbeux.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Catherine Morin-Desailly. La surprise du Parlement et de la communauté éducative est donc légitime. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour le groupe UMP.
Je demande à chacun de respecter le temps de parole qui lui est imparti. Maîtriser le temps, c'est aussi un apprentissage.
Mme Catherine Troendlé. Nombreuses furent les personnalités de tous bords à vous alerter, madame la ministre, sur les difficultés que soulèvent la réforme du collège et celle des programmes scolaires.
Nous avons assisté à une levée de boucliers contre la suppression du latin et du grec, contre l'annonce selon laquelle l'enseignement des Lumières deviendra facultatif en histoire en classe de cinquième de même, le christianisme médiéval deviendra une option parmi d'autres , ou encore contre la disparition des classes bilangues et européennes, qui menacera, c'est certain, l'apprentissage de la langue allemande.
Un sénateur du groupe UMP. C'est sûr !
Mme Catherine Troendlé. Les groupes d'amitié France-Allemagne du Sénat et de l'Assemblée nationale sont intervenus contre la suppression des classes bilangues et européennes. (M. Jean-Pierre Raffarin opine.) J'ai moi-même pris l'initiative d'une tribune en ce sens (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste.), qui a été cosignée par plus de cinquante de mes collègues sénateurs.
Nous pouvons relever encore l'appel de 250 parlementaires et les pétitions demandant la suppression de la réforme, signées par des dizaines de milliers de personnes. Malgré cela, rien n'y a fait, vous avez refusé de revoir votre copie !
Et vous avez encore fait la sourde oreille, en refusant de comprendre que la majorité des Français est opposée à votre réforme.
M. Didier Guillaume. Vous parlez en connaisseurs !
Mme Catherine Troendlé. La semaine dernière, ce sont les principaux acteurs de l'éducation nationale, les enseignants, qui se sont massivement mobilisés en manifestant à leur tour contre cette réforme. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Leurs voix font écho aux inquiétudes de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie, à celles des professeurs de lettres, mais aussi à celles des professeurs d'arts plastiques et des professeurs de langues vivantes. Tous se mobilisent contre cette réforme qui, comme ils le rappellent, se soldera « par la perte d'heures d'enseignement disciplinaire » au moment où les élèves en ont le plus grand besoin. (M. Roger Karoutchi opine.)
Malgré cela, vous avez décidé de passer en force. Affront suprême à tous ceux qui expriment leurs profondes inquiétudes sur vos réformes, vous avez publié au Journal officiel, en catimini, au lendemain d'une grève nationale, le décret ainsi que l'arrêté portant sur la réforme ! (M. Didier Guillaume s'exclame.)
M. le président. Posez votre question, ma chère collègue !
Mme Catherine Troendlé. Madame la ministre, vous refusez tout dialogue.
M. Didier Guillaume. Nous en parlons aujourd'hui !
Mme Catherine Troendlé. Voici ma question. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Il est temps !
Mme Catherine Troendlé. Dans une société en crise et une école en perte de repères, alors qu'une réelle crise de confiance s'installe entre les Français et leur école, entendez-vous enfin ouvrir une réelle et large concertation sur la réforme du collège et celle des programmes scolaires ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre, à laquelle je demande de pratiquer la contraction de texte, qui est un utile exercice. (Mme la ministre sourit.)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je voudrais tout d'abord répondre en quelques mots à Mme la sénatrice Catherine Morin-Desailly.
M. Ladislas Poniatowski. Ce n'est pas la règle du jeu !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous proposiez en somme de décider d'office, dès l'âge du collège, que tel enfant s'orienterait vers l'apprentissage et l'enseignement professionnel, tandis que tel autre aurait droit à un enseignement plus général. Nous proposons de sensibiliser tous les élèves à l'ensemble des matières, qu'elles soient intellectuelles ou manuelles, afin qu'ils puissent construire leur orientation professionnelle en s'ouvrant toutes les perspectives possibles. (M. Ladislas Poniatowski s'exclame.) Il y a une différence fondamentale entre ces deux conceptions, et j'insiste sur la nécessité de bien préparer les enfants à leur future orientation professionnelle.
Madame la sénatrice Catherine Troendlé, nous devons faire preuve de sérénité, en commençant par bien distinguer réforme du collège et réforme des programmes.
La refonte des programmes est un dossier lourd, qui ne fait que commencer. En effet, le Conseil supérieur des programmes, instance indépendante au sein de laquelle siègent des élus de gauche et de droite, a conçu des projets de programmes sur toutes les matières enseignées à l'école primaire et au collège. Je remercie d'ailleurs les membres du Conseil supérieur pour le travail considérable qu'ils ont accompli. Ces projets sont soumis pour consultation à 800 000 enseignants pendant un mois, et c'est seulement après que nous validerons la version définitive. En la matière, j'insiste sur ce point je suis très à l'écoute des différents avis qui peuvent être formulés. Étant donné le nombre de disciplines et de niveaux d'apprentissage concernés, personne ne peut se croire omniscient.
J'ai donc demandé à ce que la consultation soit largement ouverte, au-delà même du corps enseignant. Ainsi, de grands historiens seront invités, lors d'un forum que nous organiserons le 3 juin prochain, à venir apporter leur éclairage et à dire comment l'histoire de France, dans sa singularité, doit être enseignée aux enfants en fonction de leur âge.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En la matière, nous devons véritablement faire preuve d'esprit d'apaisement et chercher à élaborer les programmes les plus clairs, les plus progressifs et les plus efficaces possibles, afin que les enfants les acquièrent. Tel est notre objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour la réplique.
Mme Catherine Troendlé. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Ma remarque sur la concertation visait à la fois la réforme du collège et celle des programmes. Ces deux choses sont liées, madame la ministre ; vous ne pouvez pas les dissocier. (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Ce sont deux choses différentes !
Mme Catherine Troendlé. Elles sont liées ! Dès lors que les enseignants ont largement manifesté leur mécontentement et leur rejet de la réforme du collège, comment voulez-vous parler d'une concertation sereine sur les programmes ?
Vous ne les avez pas entendus une première fois Comment pouvez-vous aujourd'hui nous parler de sérénité ? (Mme Marie-Annick Duchêne et M. Gérard Bailly applaudissent. M. Didier Guillaume s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste, pour deux minutes.
M. Christian Manable. Merci, monsieur le président. Madame la ministre, au moment où certains s'interrogent sur les débats, la réflexion et la concertation qui entourent la réforme du collège les questions posées par nos collègues siégeant à la droite de cet hémicycle en témoignent , il me paraît opportun de rappeler toute l'ambition et la portée de la loi de refondation de l'école, défendue initialement par Vincent Peillon.
En effet, dans le rapport annexé à la loi promulguée en 2013, et qui vise à présenter l'ensemble des orientations et des chantiers engagés au service de la réussite de ce grand dessein éducatif, les objectifs fixés par la Nation sont très clairs : une école à la fois juste pour tous et exigeante pour chacun. La refondation de l'école doit en priorité permettre une élévation générale du niveau de tous les élèves. Et l'ensemble des composantes du système éducatif, notamment le premier et le second degré, doivent se mobiliser pour la réalisation de ces objectifs.
Ainsi, Jean-Paul Delahaye, l'un de ceux qui ont contribué à cette loi, écrivait encore récemment : « La refondation concerne bien sûr tous les élèves, et il n'est pas question de réduire les écarts en baissant le niveau des meilleurs. Refonder l'école, ce n'est pas niveler par le bas, c'est élever le niveau de tous en centrant l'attention du système éducatif en priorité en direction des plus fragiles, ceux dont les destins scolaires sont liés à leur origine sociale. »
Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous puissiez préciser la place du collège dans la démarche de refondation de l'école et mettre ainsi en perspective la réforme qui nous préoccupe aujourd'hui.
Pour illustrer cette nécessité d'agir sur l'ensemble du continuum éducatif, je souhaiterais également vous interroger sur l'un des engagements de la loi de refondation, à savoir le développement des compétences numériques et sa traduction dans la réforme du collège.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Christian Manable. En effet, le collège doit être en phase avec les usages du numérique d'aujourd'hui. Nous devons apprendre aux collégiens, qui s'en servent par ailleurs quotidiennement, à utiliser, maîtriser et comprendre ces outils.
M. le président. Votre temps est écoulé, monsieur Manable !
M. Christian Manable. Certes, mais comme vous êtes un républicain soucieux d'égalité, monsieur le président,
M. le président. Attendez deux jours ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. Sourires.)
M. Christian Manable. je vous demande de pouvoir disposer du même temps de dépassement que les orateurs qui m'ont précédé.
Quel est le rôle des collectivités territoriales dans ce « service public du numérique éducatif » ?
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut payer !
M. Christian Manable. Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser les mesures et engagements pris en la matière, lesquels s'inscrivent dans la réforme du collège et le plan numérique annoncé par le Président de la République voilà quelques semaines ?
M. le président. Monsieur Manable, vous avez consommé le temps qui vous était imparti pour la réplique !
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le sénateur Christian Manable, je vous remercie d'avoir posé cette question (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.), et d'avoir fait allusion à l'excellent rapport de Jean-Paul Delahaye, travail qui a eu pour vertu de remettre dans le paysage public le million d'enfants pauvres qui fréquentent nos écoles, nos collèges et nos lycées (Mme Maryvonne Blondin opine.), et dont on parle rarement. Sont ainsi décrites les difficultés que ces enfants éprouvent au quotidien pour s'alimenter, s'habiller et se concentrer sur leurs devoirs, de même que la façon dont ils en viennent à décrocher très vite, parce que leurs familles sont malheureusement elles-mêmes dans une instabilité économique qui ne leur permet pas de suivre les progrès de leurs enfants. Ce rapport était essentiel également pour rappeler l'objectif premier de la refondation de l'école. Celle-ci s'intéresse aussi à ces enfants-là, pour veiller à lutter contre l'autocensure qui les guette parfois, lorsqu'ils ne croient plus la réussite possible pour eux. Nous voulons être à leurs côtés pour les aider à développer le meilleur d'eux-mêmes.
J'en profite pour compléter ma réponse sur le latin et le grec. Non, ces matières ne sont pas supprimées dans la réforme du collège ; elles sont offertes à tous les collégiens,
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. là où elles ne bénéficiaient jusqu'à présent qu'à 18 % d'entre eux.
Pourquoi certains collégiens, parce qu'ils ne connaissent pas les codes, parce que leurs familles ne sont pas informées, parce qu'ils n'ont pas, à leur arrivée en classe de sixième, des performances scolaires optimales n'auraient-ils pas la possibilité de s'élever par la pratique du latin et du grec ? C'est précisément ce qu'offre cette réforme du collège, qui a vocation aussi à moderniser nos enseignements.
L'utilisation du numérique constitue à cet égard un formidable potentiel, une formidable opportunité.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Même si l'annonce est passée quelque peu inaperçue, le Président de la République a annoncé voilà dix jours un plan de 1 milliard d'euros sur trois ans pour permettre d'équiper tous les collèges et de former les enseignants.
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous voulons que les élèves connaissent les outils, les utilisent et apprennent aussi la civilité numérique, qui constitue, comme vous le savez, un enjeu majeur.
M. le président. Monsieur Manable, vous avez presque consommé vos « arrêts de jeu » ; deux mots !
M. Jean-Pierre Raffarin. Merci ! (Rires.)
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Oui, merci !
M. Christian Manable. Merci, madame la ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ces mots viennent de m'être soufflés par mes collègues.
Cette réponse d'une ancienne Amiénoise à un actuel Amiénois me convient parfaitement ! Au-delà de ce dénominateur commun géographique, je voudrais insister sur l'importance des infrastructures sur la question du numérique.
M. le président. Le temps est largement écoulé, monsieur Manable ! Votre horloge aussi est picarde ! (Sourires.)
M. Christian Manable. Car pour rester parfaitement « connecté », il faut des « tuyaux ». La décision prise par le Président de la République et le Gouvernement va dans le bon sens. J'insiste toutefois sur le fait que l'intervention publique reste indispensable en zone rurale, où, nous le savons, les opérateurs privés rechignent à investir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe UMP.
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, la réforme du collège, que vous avez menée avec brutalité et dogmatisme (Protestations sur les travées du groupe socialiste.),
Mme Catherine Troendlé. C'est vrai !
M. Jacques Grosperrin. a dressé contre le Gouvernement auquel vous appartenez les acteurs de la communauté éducative, l'opinion publique et de nombreux intellectuels des vrais intellectuels !
Mme Françoise Cartron. Car il y aurait de faux intellectuels ?
M. Jacques Grosperrin. Comment en est-on arrivés là, alors que vous partiez d'une bonne intention, si l'on en croit vos déclarations, madame la ministre ? Il s'agissait, disiez-vous, de partir de ce qui marche déjà sur le terrain, de libérer les capacités d'initiative.
M. Didier Guillaume. C'est ce qui va arriver !
M. Jacques Grosperrin. Je vous donne acte de la mise en uvre de votre intention de libérer les initiatives : l'accroissement de l'autonomie va dans le bon sens.
Mais, pour le reste, quel échec ! Vous prétendez en effet partir de ce qui marche sur le terrain (M. Didier Guillaume s'exclame.) et vous commencez par supprimer les expériences pédagogiques, qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur attractivité. Je parle bien entendu des classes bilangues et de l'enseignement des langues anciennes en tant que matière à part entière.
S'agissant des classes bilangues, vous supprimez une proposition pédagogique qui permet l'apprentissage de deux langues dès la sixième, qui concerne actuellement 80 000 élèves de sixième et qui a permis, à partir de 2005, de maintenir les effectifs en langue allemande.
En remplacement de cette proposition, qui fonctionne sur le terrain, vous proposez que tous les élèves puissent apprendre une deuxième langue de leur choix dès la cinquième. Cette modification pose trois problèmes. D'abord, comme l'a relevé M. Ayrault, il y a fort à craindre que les élèves ne fassent le choix de l'espagnol contre l'allemand. Ensuite, nos élèves n'auront pas le niveau suffisant pour appréhender une deuxième langue dès la cinquième, et vous les conduirez à l'échec. Enfin, de nombreuses familles vont fuir le collège public pour aller dans les établissements privés, qui proposeront, eux, des classes bilangues.
Sur les langues anciennes, vous prétendez les offrir à tous alors que vous les supprimez en tant qu'enseignements autonomes. Qui peut croire que les mesures de votre réforme permettront de les sauvegarder ?
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue, afin de permettre à Mme Garriaud-Maylam de bénéficier de la retransmission télévisée.
M. Jacques Grosperrin. En réalité, votre réforme s'emploie à tirer tous les élèves vers le bas et révèle une fois de plus combien le socialisme a un problème avec l'excellence et la méritocratie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Grosperrin. Ne serait-il pas encore temps, madame la ministre, de retirer ce texte pour travailler en véritable concertation avec les acteurs, pour faire en sorte que les enfants de la République réussissent.
Enfin, à quel moment le Parlement s'est-il prononcé sur le contenu de cette réforme du collège qui, d'après vous, fait suite à la loi de refondation de l'école ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour deux minutes. Je suis certain que Jacques Grosperrin contractera son temps de parole lors de sa réplique.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le sénateur Jacques Grosperrin, vous me demandez à quel moment les parlementaires se sont prononcés. Ils l'ont fait lors du vote sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, en 2013 ; c'était il y a vingt-deux mois.
M. Roger Karoutchi. Nous ne nous sommes pas prononcés sur la réforme du collège !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Que prévoit la réforme du collège s'agissant des langues vivantes étrangères ? Elle prévoit que l'apprentissage de la deuxième langue vivante se fera plus précocement qu'aujourd'hui : dès la classe de cinquième, et non en plus en classe de quatrième.
M. Didier Guillaume. Très bonne mesure !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Toutes les enquêtes démontrent qu'une exposition plus précoce à une langue vivante étrangère en renforce la maîtrise. Il est évidemment dans l'intérêt de tous ces jeunes qui seront sans doute amenés à rejoindre le marché du travail en 2023 de pratiquer de façon aisée deux langues vivantes étrangères, quel que soit le métier qu'ils exerceront.
La logique des classes bilangues, qui consiste à faire pratiquer deux langues vivantes étrangères dès la classe de sixième à une minorité de collégiens 15 % , est non seulement préservée, mais également étendue à tous les collégiens. Vous êtes d'accord avec moi, le bilinguisme sera désormais offert à tous les collégiens en classe de cinquième.
J'insiste de nouveau sur un point : ce qui demeurera dans la réforme du collège, c'est la possibilité, pour tous les élèves et pas seulement pour ceux de certains collèges, sur la base du volontariat qui ont appris à l'école primaire, comme première langue vivante, une autre langue que l'anglais, d'accéder à l'anglais comme deuxième langue vivante dès la classe de sixième.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que nous savons que, ce qui peut arrêter les parents dans le choix d'une autre langue que l'anglais comme première langue, c'est la crainte que leur enfant n'aborde l'anglais, langue indispensable de notre monde, que trop tard, en classe de quatrième.
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous leur garantissons aujourd'hui que leur enfant pourra apprendre l'anglais comme deuxième langue vivante dès la classe de sixième. C'est une formidable façon de diversifier le choix des langues.
Mme Françoise Cartron. C'est du plurilinguisme !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En effet, c'est du plurilinguisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Vous n'écoutez pas en classe, madame la ministre !
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour une réplique rapide. Je suis le garant de l'équité dans cet hémicycle.
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, vous savez très bien que, comme les associations de parents d'élèves nous l'ont dit avant-hier, il n'était pas question de la réforme du collège dans la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Vous avez confisqué la parole au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Bérit-Débat. C'est excessif !
M. Jacques Grosperrin. C'est un rétropédalage, parce que vous vous êtes rendu compte qu'il fallait passer en force. Si vous vouliez organiser une concertation, il fallait débattre avec le Parlement. Travailler sous forme de décrets, ce n'est pas honorable pour une ministre de la République. (M. Didier Guillaume s'exclame.) On a très bien vu le rétropédalage. Il fallait passer en force. Vous sentiez que les acteurs de la vie éducative allaient agir. Il aurait été plus judicieux de réaliser des expérimentations dans certains départements si vous vouliez vraiment réformer le collège. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Claude Kern applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe UMP.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les Français sont mondialement réputés pour leur piètre maîtrise des langues étrangères.
M. Didier Guillaume. Ça, c'est aujourd'hui, pas demain !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cette sous-performance est bien sûr liée à notre système d'apprentissage des langues à l'école et au collège. Il n'y a pas de miracle : deux ou trois heures de cours par semaine ne suffisent pas à devenir bilingue.
La plupart des postes à responsabilité, y compris en France, exigent aujourd'hui un véritable plurilinguisme. Les classes bilangues, européennes et internationales permettent de l'atteindre. En plus d'un volume horaire renforcé en langues, elles favorisent l'enseignement en langue étrangère de disciplines non linguistiques. Un enseignement pluridisciplinaire ludique ne parviendra jamais aux mêmes résultats.
Ces classes sont dites « élitistes », mais quel mal y a-t-il à permettre aux élèves qui le peuvent de maîtriser réellement des langues étrangères, tandis que les élèves en difficulté dans l'acquisition du socle fondamental en écriture ou en lecture seraient aidés par petits groupes ? Pourquoi contraindre l'ensemble des élèves à s'initier, dès la cinquième, à deux langues étrangères, alors que certains ne maîtrisent pas les fondamentaux et pourraient développer sur ce créneau horaire des talents non linguistiques ? Un vernis de LV2 est-il utile à la réussite professionnelle ?
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La « bilangue pour tous » dès la cinquième est un mensonge.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le collège unique a fait la preuve de son échec.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pourquoi s'enfoncer encore dans la même mauvaise direction en généralisant le saupoudrage pour les langues vivantes et anciennes ? Plus que d'enseignement ludique, les élèves ont besoin de repères. Le collège doit leur donner les bases de leur future réussite.
N'oublions pas la dimension diplomatique des classes bilangues européennes. Leur suppression est très mal perçue outre-Rhin. Il est à craindre que, par le jeu de la réciprocité, l'enseignement du français en Allemagne n'en pâtisse durement.
L'enjeu est aussi celui de l'attractivité internationale de notre système éducatif.
M. le président. Il est temps de poser votre question, madame Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La renommée des lycées français à l'étranger est fondée sur celle de l'éducation « à la française ». Remettre en cause ce modèle, c'est affaiblir nos établissements dans un contexte de vive concurrence internationale.
Je m'interroge aussi sur la mise en uvre pratique de la réforme.
M. Claude Raynal. Elle a dépassé son temps de parole !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Sachant que 480 millions d'euros seraient nécessaires pour accompagner les nouveaux programmes, pourquoi votre ministère a-t-il inscrit seulement 60 millions d'euros dans son budget triennal ? Qui pâtira des arbitrages budgétaires ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pour éviter qu'une génération de collégiens ne soit sacrifiée sur l'autel d'une réforme précipitée, pourquoi ne pas échelonner son entrée en vigueur sur deux ou trois ans ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre. Je vous demande d'être brève, madame la ministre, pour favoriser la compréhension de votre réponse. La classe est indisciplinée aujourd'hui !
M. Jean-Claude Lenoir. C'est la dernière fois que des questions cribles thématiques sont inscrites à l'ordre du jour !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, dans votre propos, il y a une chose que je ne peux pas admettre, une chose contre laquelle je m'élève. Vous dites que, demain, les postes à responsabilité requerront une bonne maîtrise des langues étrangères, et que c'est pour cela qu'il faut former une élite à les maîtriser.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pas de saupoudrage !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En réalité, tous les postes, à responsabilité ou non, requerront une maîtrise des langues étrangères ; c'est pour cela qu'il faut veiller à offrir cette maîtrise à tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Il s'agit de savoir à quels métiers nous préparons les élèves qui commenceront à travailler en 2023. Je le répète, je ne crois pas qu'il restera des métiers faiblement qualifiés, et donc sous-payés, en 2023. Notre siècle exige un niveau de qualification élevé pour l'ensemble de la population. C'est l'objectif de cette réforme du collège. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Vous semblez croire que la réforme du collège va imposer exactement le même fonctionnement à tous les établissements, et vous rejetez cette forme d'uniformité. Je vous comprends : moi aussi, je suis contre l'uniformité. Je rappelle que, si la réforme prévoit d'accorder 20 % d'autonomie aux collèges à partir de 2016, c'est précisément pour que, eux qui sont les mieux placés, ils décident s'ils consacrent davantage de temps à de l'accompagnement personnalisé ce sera le cas si beaucoup d'enfants sont en difficulté
M. le président. Il vous faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. ou à des enseignements pratiques interdisciplinaires, par exemple en langues vivantes étrangères. Si un collège souhaite développer l'enseignement des langues étrangères, il pourra le faire. C'est à cela que sert l'autonomie.
Je terminerai par deux remarques. Il était bien question de la réforme du collège dans la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Cessez de dire le contraire. Voici ce qu'on trouve dans la loi : réaffirmation du principe du collège unique, possibilité de proposer des enseignements complémentaires, autonomie des établissements et diversification des pratiques
M. Didier Guillaume. Tout y était !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Un dernier mot : les manuels scolaires seront prêts pour l'entrée en vigueur de la réforme en 2016. (Mme Colette Mélot s'exclame.) Il était important de travailler en même temps à la réforme de l'organisation et des pratiques pédagogiques du collège et à la rédaction de nouveaux programmes et de nouveaux manuels en cohérence.
M. le président. Je vous en prie, il faut arrêter de jouer chacun pour soi !
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour la réplique. Je vous demande d'être brève, ma chère collègue.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à ma question sur le coût de la réforme.
Par ailleurs, 15 % des collégiens étudient aujourd'hui en classe bilangue. Il aurait fallu augmenter cette proportion. Cela, ça aurait été important ! Aujourd'hui, que se passe-t-il, madame la ministre ? Nous n'avons pas suffisamment de professeurs de langues vivantes.
M. Didier Guillaume. Vous avez supprimé des postes, alors que nous en avons créé !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Nous n'avons pas les moyens de former. Au CAPES d'allemand, de nombreux postes restent non pourvus. De qui se moque-t-on ?
M. le président. Merci, ma chère collègue !
M. Michel Delebarre. C'est terminé !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. S'il s'agit d'imposer des cours de langues
M. Michel Delebarre. Terminé !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. dispensés par des enseignants qui n'ont pas les capacités requises, ce sera un échec ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la réforme du collège. J'invite chacun à méditer sur la nécessité de respecter les temps de parole, en prévision de la prochaine réforme de notre règlement. C'est la seule manière de partager l'expression. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
Source http://www.senat.fr, le 4 juin 2015