Déclarations de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la nécéssaire adaptation des entreprises avant le passage concret à l'Euro, Paris, le 7 juin 2001.

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Circonstance : Remise des "Trophées 2001 des entreprises performantes" à la Maison de la Radio, à Paris le 7 juin 2001

Texte intégral

Intervention de Laurent Fabius,
Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie
REMISE DES " TROPHÉES 2001 DES ENTREPRISES PERFORMANTES "
JEUDI 7 JUIN 2001 - MAISON DE LA RADIO
Mesdames, Messieurs,
Le palmarès 2001 des PME performantes nous met face à 200 lauréats dont je salue la qualité. Cette excellence, ces 200 entreprises l'ont atteinte dans les secteurs d'activité les plus divers. Vitalité, diversité, innovation, tout cela fait un beau paysage. Qu'en est-il du passage à l'euro -qui est le sujet que je voudrais aborder ce soir- pour ces entreprises ?
Du sondage que vous avez mené dans cette population choisie, il résulte d'abord un degré de préparation nettement supérieur à la moyenne : 60 % des entreprises auront réalisé fin juin la totalité du travail qui leur est nécessaire. Pour octobre 2001, ce taux est annoncé à 84 %. Comme pour la moyenne des entreprises en France, la taille est fortement corrélée au degré de préparation. Les acteurs économiques qui sont les plus petits ou qui disposent des moyens les plus faibles sont souvent moins informés que les autres : raison de plus pour nous adresser à eux avec un soin tout particulier.
Précisément, qu'en est-il des différents domaines dans lesquels il faut s'investir pour une adaptation complète à l'euro ? Dans la campagne d'information et de communication lancée en février à destination des entreprises, nous distinguions cinq domaines d'action : les logiciels, la comptabilité, la paie, la formation du personnel et l'adaptation des tarifs à l'euro. Ce que l'on constate dans l'échantillon privilégié dont nous parlons, c'est que les choses sont allées plus vite lorsqu'un partenaire de l'entreprise s'en mêle pour donner des conseils ou fournir des matériels. L'intérêt direct de ces partenaires aide les choses à avancer.
La mise à l'euro de la comptabilité des systèmes de paie ou des logiciels devient alors comme naturelle. Trois quarts des entreprises de l'échantillon s'y sont attelées.
En revanche, la formation du personnel et l'adaptation des tarifs à l'euro sont un peu à la peine : près de 70 % des entreprises concernées déclarent n'avoir encore entamé aucune démarche de formation et 63 % ne sont pas prêtes en ce qui concerne les tarifs. Or, ce sont des domaines essentiels, dans l'entreprise et au-delà, pour la réussite du passage complet à l'euro et le retrait du franc.
La formation est évidemment indispensable, je passe vite, vous ne m'entendrez pas aligner des évidences là-dessus. C'est aussi un élément de différenciation entre les entreprises. Je ne suis pas certain du bon effet sur la clientèle d'une entreprise de vendeurs mal formés qui passeraient leur temps à dire qu'ils n'e comprennent pas grand chose à l'euro. Des explications claires et assurées, venant de salariés formés et eux-mêmes convaincus, c'est un atout supplémentaire dans l'offre de l'entreprise. Plus vite elle sera répandue, plus vite cette formation influera sur le climat général. Les Français étaient 64 % à se déclarer bien informés sur l'euro, il y a trois mois, (ceci mesuré par le baromètre AFP-IPSOS). Aujourd'hui, ils sont désormais 68 %. C'est bien, notamment si l'on compare aux autres pays, mais cela ne suffit encore pas.
C'est pourquoi par exemple nous avons décidé que tous les agents de l'État recevront une formation. C'est pour des raisons analogues qu'à l'Éducation nationale, la semaine du 22 au 27 octobre 2001 sera particulièrement consacrée à la préparation à l'euro. Je souhaite que les entreprises saisissent cette opportunité.
L'adaptation des tarifs à l'euro, maintenant. Ici encore, c'est très important pour l'entreprise elle-même. Réussir à construire des prix et des tarifs nouveaux, clairs et lisibles en euros, avec ce qu'il faut de prix psychologiques, de chiffres ronds sans donner l'impression qu'on en a " profité ", cela ne se fait pas sur un coin de table. Cela peut devenir un avantage concurrentiel. Plus tôt cela sera fait, plus tôt on verra le double affichage se répandre et passer à titre principal à l'euro, plus vite se répandra l'usage de l'euro scriptural pour les paiements, plus nombreuses seront les occasions de se construire des références nouvelles pour ne pas être désorienté. Deux chiffres : plus de 2,3 millions de chèques en euros ont été émis en mai dernier, soit une augmentation de 47 % par rapport à avril. De bons chiffres, conformes à nos attentes. Ils ont été multipliés par plus de 13 par rapport décembre dernier, avant que nous lancions le mouvement. 2,3 millions de chèques en euros le mois dernier. C'est un premier chiffre. Second chiffre : 7 millions, c'est le nombre de chéquiers en euros dont on m'indique qu'ils ont été distribués. Mettez-les en regard : la plupart des chéquiers en euros n'avaient pas encore servi en mai. Il faut donc que les moyens de payer en euros se répandent, que les commerces acceptent et encouragent leur utilisation.
Nous y encouragerons, à la fois par nos campagnes et par l'attitude des administrations et des services publics. On voit bien que cela resterait artificiel si les prix et les tarifs eux-mêmes n'étaient pas pensés en euros. Il faut le faire d'autant plus vite que la période estivale ne sera pas propice.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais pour conclure m'éloigner un peu de ces aspects pratiques, qui sont essentiels pour l'entreprise, pour aborder la question des attentes liées à l'euro. A lire les résultats de votre sondage les chefs d'entreprise, même performants, même passés à la monnaie nouvelle, ont l'euro un peu désenchanté. On traîne souvent les pieds, c'est une obligation, parfois dérangeante, même si elle simplifiera les choses pour ceux qui traitent beaucoup hors de France. J'ai pour ma part la conviction qu'il doit en aller autrement.
L'euro est à la fois abstrait -une monnaie nouvelle, pour 12 pays différents, à une échelle continentale -et très concret (les pièces de monnaie dans nos sacs ou nos poches, les prix inscrits à la craie sur l'ardoise du marché le dimanche). Lorsque ces deux aspects se rejoindront, lorsqu'on aura un euro complet, nous ferons parti d'un grand mouvement. Ce mouvement s'appelle la réforme, l'Europe, le progrès.
Ensemble, préparons-le.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 11 juin 2001)