Texte intégral
JEROME CHAPUIS
Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour Jérôme CHAPUIS.
JEROME CHAPUIS
« La porte est ouverte pour des discussions » dit François HOLLANDE, Angela MERKEL également, mais pour quelles discussions ? Qu'est-ce que vous attendez de la Grèce pour que les discussions à Bruxelles aujourd'hui aient un sens ?
MANUEL VALLS
Je crois que chacun doit comprendre que nous sommes à un moment crucial de l'histoire de l'Union européenne. La Grèce n'est pas n'importe quel pays, la Grèce est dans notre patrimoine culturel, philosophique, la Grèce est entrée dans la communauté européenne après plusieurs années sous la dictature des Colonels au début des années 80.
JEROME CHAPUIS
Ce qui ne l'exonère pas de ses obligations.
MANUEL VALLS
Non, bien sûr. La Grèce est une de nos frontières en Méditerranée vis-à-vis de la Turquie. La Grèce aujourd'hui fait face à un afflux massif, comme l'Italie, de réfugiés qui viennent de Syrie et en Irak. La Grèce est donc un des partenaires de l'Union européenne et de la zone euro. La France fait donc tout et fera tout pour que la Grèce reste dans la zone euro, parce que sa place est dans la zone euro, c'est-à-dire au coeur même de la construction européenne.
JEROME CHAPUIS
« Tout faire », qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ça veut dire par exemple qu'on est prêt à réduire une partie de la dette ? Accepter que la Grèce fasse défaut sur une partie de sa dette ?
MANUEL VALLS
Le président de la République hier aux côtés de la chancelière Angela MERKEL a tenu des mots forts. Je crois que le couple franco-allemand, la chancelière et le président de la République, se sont hissés au bon niveau, ont permis je crois de prendre une certaine hauteur de vue en appelant à la fois à la solidarité vis-à-vis de la Grèce après le vote du peuple grec.
JEROME CHAPUIS
Mais la solidarité, est-ce ça veut dire passer par des aides importantes ?
MANUEL VALLS
Il faut bien sûr la solidarité et la responsabilité. J'avais déjà eu l'occasion de le dire la semaine dernière : nous étions tout près d'un accord et chacun connaît les bases de cet accord. Cet accord, c'est à la fois bien sûr les réformes nécessaires pour faire en sorte que l'Etat grec fonctionne, qu'il y ait une fiscalité digne de ce nom, que l'investissement puisse reprendre. Il faut aussi des investissements pour aider l'économie grecque et Jean-Claude JUNCKER, le président de la Commission européenne, s'est engagé sur un plan de trente-cinq milliards concernant la Grèce. Puis oui il faut, mais cette question n'a jamais été taboue pour la France - Michel SAPIN, le ministre des Finances, a déjà eu l'occasion de le dire ici-même à votre micro il n'y a pas de sujet tabou sur la dette, sur le rééchelonnement, sur le fait qu'on reprofile, qu'on retravaille sur la dette qui, je crois, dure de toute façon jusqu'en 2057 si je ne me trompe pas. Ce travail est possible et nous étions près d'un accord la semaine dernière. Bien sûr, il y a eu depuis le référendum ; il n'y a pas que la Grèce, il y a l'ensemble des pays de la zone euro, mais les bases d'un accord, j'en suis convaincu, existent. Cet accord est nécessaire d'abord pour la Grèce parce que sa sortie de la zone euro plongerait le peuple grec dans une situation insupportable et c'est nécessaire aussi pour la cohésion, pour la cohérence de la zone euro et donc de l'Europe.
JEROME CHAPUIS
Mais tout ce que vous nous dites-là, c'était vrai avant le référendum. Qu'est-ce qu'il a changé au fond, Manuel VALLS, ce référendum ?
MANUEL VALLS
Les Grecs se sont exprimés. Est-ce qu'ils se sont exprimés pour sortir de la zone euro ? Non. Est-ce qu'ils se sont exprimés pour affirmer leur fierté ? Oui. C'est important aussi la fierté d'un peuple.
JEROME CHAPUIS
Vous dites non mais Sigmar GABRIEL, vice-chancelier allemand, social-démocrate comme vous dit : « Les Grecs ont coupé les ponts ».
MANUEL VALLS
Ce n'est pas leur message. Je pense que les Grecs sont un peuple profondément européen pour les raisons que je viens d'évoquer. Il faut aussi écouter ce message de dignité mais le Premier ministre grec Aléxis TSÍPRAS le président de la République a eu l'occasion de le rappeler ; il lui a dit directement au cours des conversations qu'il a eu l'occasion d'avoir avec lui au cours de ces derniers jours doit aussi prendre ses responsabilités et faire donc des propositions aujourd'hui au Conseil européen pour permettre une sortie de cette crise. Ces propositions, encore une fois, elles passent par les réformes indispensables, nécessaires pour la Grèce. Encore une fois, il y avait un accord possible, cela portait à la fois sur la TVA, sur les retraites sans toucher aux petites retraites, sur la nécessité d'avoir une véritable fiscalité. Il faut que le gouvernement Tsípras engage la Grèce sur la voie des réformes. Mais solidarité et responsabilité vont de paire et chacun aujourd'hui doit être à la hauteur des responsabilités du moment historique. C'est le message du président de la République, c'est le message de la chancelière Angela MERKEL. Là, le couple franco-allemand a joué pleinement son rôle. Il est cohérent et cette cohérence est indispensable à la cohérence-même de l'Europe.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que la sortie de la Grèce de la zone euro qui est évoquée par Alain JUPPE, par Valéry GISCARD D'ESTAING, est-ce que ça fait partie des options sur lesquelles vous travaillez ?
MANUEL VALLS
Quand nous avons dit qu'il y avait un risque avec le référendum, le jour d'après, dont chacun d'entre vous parle, c'est parce que bien sûr un vote peut provoquer une crise politique et une crise politique peut provoquer ce risque.
JEROME CHAPUIS
Mais on y est, on y est dans la crise politique !
MANUEL VALLS
La France est convaincue que nous ne pouvons pas prendre le risque d'une sortie de la Grèce de la zone euro, à la fois sans doute pour des raisons économiques même si aujourd'hui elles n'auraient rien à voir avec ce que nous avons pu connaître ou le risque qu'il y avait à l'occasion de la première crise grecque il y a trois ou quatre ans, mais surtout pour des raisons politiques. C'est l'Europe qui est en cause et regardez bien ce que le président des Etats-Unis, Barack OBAMA, ou ce que le Premier ministre chinois nous disaient la semaine dernière. Eux-mêmes considèrent que dans la situation économique que nous connaissons, c'est-à-dire avec un ralentissement de la croissance dans les grandes zones économiques du monde, en Amérique comme en Chine, la zone euro doit rester cohérente, fiable, et que la sortie pour la première fois dans son histoire d'un pays non pas de l'Union européenne mais de la zone euro, représente un risque pour la croissance et pour l'économie mondiale. Je rajoute que cela représente un risque politique parce que personne, tous ceux qui aujourd'hui imaginent la sortie de la Grèce de la zone euro, personne ne peut dire aujourd'hui quelles seraient les conséquences politiques, comment réagirait le peuple grec qui se sentirait humilié.
JEROME CHAPUIS
Ça ne peut pas se faire sans drame comme le dit Alain JUPPE ?
MANUEL VALLS
Vous savez, l'Histoire elle peut être tragique. Nous l'avons vu au cours de ces dernières décennies. Il y a aujourd'hui encore des guerres dans le monde ; l'Europe a connu une guerre. La Grèce, je vous le disais il y a un instant, est sur la rive Méditerranée face à la Turquie, dans une zone où l'Europe est encore fragile - je parle bien sûr des Balkans. On ne joue pas avec l'Histoire, on ne joue pas avec un pays comme la Grèce. Il faut faire très attention et c'est pour cela que le président de la République s'est mis au niveau où il fallait : celui de la gravité du moment, appelant à la fois à la solidarité mais aussi à la responsabilité du gouvernement grec qui doit être lui aussi conscient de ce qui se passe aujourd'hui. Le gouvernement grec et son Premier ministre doivent tout faire pour trouver un accord. Je rappelle que c'est le gouvernement grec qui a interrompu les négociations en provoquant ce référendum ; à lui maintenant de trouver les mots et surtout de formuler les propositions qui permettent de sortir de cette crise. La France fait tout, Michel SAPIN rencontrera aujourd'hui même avant le conseil de la zone euro le ministre grec des Finances, le nouveau ministre grec, pour ensemble travailler, trouver des solutions.
JEROME CHAPUIS
Un mot justement sur Yanis VAROUFAKIS, l'ancien ministre des Finances qui a démissionné hier matin. Son départ, c'est une bonne nouvelle ?
MANUEL VALLS
Mais moi je n'ai pas à commenter les choix d'un gouvernement souverain.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que c'est vraiment un choix d'un gouvernement souverain ? Yanis VAROUFAKIS sous-entend que les créanciers, donc la France, ont demandé sa tête. Est-ce que c'est le cas ?
MANUEL VALLS
La France a été depuis le début respectueuse du choix souverain du gouvernement grec.
JEROME CHAPUIS
Mais est-ce qu'il y avait une condition à la reprise des négociations ? Il n'y a pas eu de conditions ?
MANUEL VALLS
Non. La condition, c'est la responsabilité. C'est que chacun se rende bien compte que nous sommes à un moment crucial de l'Histoire de l'Union européenne.
JEROME CHAPUIS
Il n'était pas responsable de la part du ministre de traiter les créanciers de terroristes par exemple ?
MANUEL VALLS
Tous les mots qui blessent évidemment éloignent les uns et les autres d'une solution de compromis. C'est pour cela que tout le monde se retrouve aujourd'hui à Bruxelles, chefs d'Etat et chefs de gouvernement. Ce que je veux dire à vos auditeurs, à ceux qui nous regardent comme à ceux qui nous écoutent : nous sommes à un moment très important et la France, par la voix du président de la République, joue pleinement son rôle. La France est la deuxième économie de l'Union européenne, la France est un des membres fondateurs et la France sait pourquoi il y a eu cette construction européenne. Le président de la République le disait hier avec des mots très justes. L'Europe, ce n'est pas que de l'économie, ce n'est pas qu'une monnaie. C'est aussi une histoire, ce sont des valeurs, c'est une conception du monde et cette conception du monde se joue là en grande partie. Que chacun en soit bien conscient.
JEROME CHAPUIS
Les Grecs sont consultés par référendum ; les Allemands, les parlementaires allemands, discutent énormément de tout ça et nous, on a l'impression qu'en France on est également concernés, au même titre que les autres pays européens le débat n'a pas lieu. Qu'est-ce que vous dites aux Français ? Est-ce qu'on ne manque pas nous aussi d'un débat digne de ce nom sur l'euro ?
MANUEL VALLS
Michel SAPIN et moi-même avons eu l'occasion de répondre la semaine dernière aux questions des parlementaires, mais après m'être entretenu avec le président de l'Assemblée nationale Claude BARTOLONE, nous proposerons effectivement qu'il puisse y avoir à l'Assemblée nationale de l'organiser un débat si possible dès demain avec l'ensemble des parlementaires après le conseil européen pour faire un point sur la situation. Donc demain à l'Assemblée nationale, si cela est possible, le gouvernement est prêt pour un débat avec les députés.
JEROME CHAPUIS
Un débat sans vote ?
MANUEL VALLS
Aujourd'hui il n'y a pas besoin d'avoir un vote. Un vote sur quoi ? Non mais sur la situation du moment, sur la position bien sûr de la France parce que je crois que dans ce moment-là, il faut bien sûr informer les parlementaires. A travers eux et à travers vous, les Français. Il faut faire preuve de responsabilité et aussi, je crois que c'est important, d'unité et de rassemblement.
JEROME CHAPUIS
On a beaucoup parlé des divisions, des divergences, entre la France et l'Allemagne, hier on a eu le sentiment d'une unité, mais est-ce que ce n'est pas une unité de façade ?
MANUEL VALLS
Non, elle est nécessaire, je pense qu'on a été très injuste, d'ailleurs, sur cette unité. Elle existe depuis très longtemps, elle est fondamentale pour la construction européenne, bien évidemment, et le président de la République et la chancelière MERKEL veulent avancer ensemble, pour trouver une solution, parce que chacun est conscient, je crois, de sa responsabilité et de sa propre responsabilité dans ce moment-là. La France affirme très clairement les choses, nous ne pouvons pas laisser partir la Grèce de la zone euro.
JEROME CHAPUIS
Manuel VALLS, quelques questions dans l'actualité de ce mardi. Nous sommes six mois après les attentats de Charlie Hebdo, et on a appris il y a quelques minutes, qu'un dépôt de munitions dans les Bouches-du-Rhône, dépôt militaire, aurait été la cible d'un vol, de nombreux détonateurs et des explosifs auraient été volés. Est-ce que vous avez des précisions à nous donner, des informations à nous donner ?
MANUEL VALLS
Non, je n'ai aucune information sur ce sujet et sur les causes mêmes de ce vol. Donc je n'ai pas d'éléments.
JEROME CHAPUIS
Vous ne pouvez pas nous confirmer ce vol.
MANUEL VALLS
Non, ça, je fais confiance, je vous fais confiance, Jérôme CHAPUIS, mais je n'ai pas d'éléments sur ce vol.
JEROME CHAPUIS
On a entendu ce matin sur RTL, Maryse WOLINSKI, la veuve du dessinateur, elle nous expliquait qu'elle se portait partie civile, et elle nous pose une question : pourquoi, alors qu'il y a eu plusieurs coups de téléphone qui signalaient que les frères KOUACHI, lourdement armés, étaient entrés à Charlie Hebdo, pourquoi est-ce que les premiers policiers à arriver sur les lieux, sont de simples gardiens de la paix ? Est-ce que sur ce point précis vous avez des éléments à apporter ?
MANUEL VALLS
Je comprends parfaitement le questionnement de Maryse WOLINSKI et de l'ensemble des familles des victimes, c'est leur droit de savoir la vérité, il faut qu'on ait tous les éléments, laissons maintenant l'enquête et la justice faire leur travail. Six mois déjà, de ces évènements qui ont marqué la France, et au fond c'est ce qu'on ressent tous, et je le partage au quotidien avec le président de la République, c'est-à-dire la gravité du moment. Bien sûr il y a la vie des Français, ceux qui partent en vacances, ceux qui ne peuvent pas partir en vacances, la priorité, la croissance, la compétitivité de nos entreprises, la lutte contre le chômage, c'est la priorité de mon gouvernement, mais il y a dans ce moment-là, chacun le ressent, avec ce risque terroriste qui est là, devant nous, et pour très longtemps, la crise grecque qui met en cause les valeurs fondamentales, c'est-à-dire celles de l'Europe, il y a une gravité, et chacun doit se hisser au niveau de cette gravité, c'est le message des Français, c'est le message notamment des grandes manifestations après les attentats du mois de janvier.
JEROME CHAPUIS
Vous évoquiez la croissance, deux questions sur l'économie. Le gouverneur de la Banque de France plaide pour une baisse du taux du Livret A qui est actuellement à son plancher, 1 %, c'est son plus bas historique, est-ce que vous envisagez de le baisser au 1er août ?
MANUEL VALLS
Nous serons saisis d'une proposition du gouverneur de la Banque de France à la mi-juillet, mais le gouvernement est sensible, vous le savez, au pouvoir d'achat des Français et notamment des plus modestes, et c'est sur ces bases-là que nous déciderons. A ce stade, je ne peux pas en dire plus.
JEROME CHAPUIS
Ça veut dire que vous pourriez vous exonérer des règles de calcul ? Parce que théoriquement, ce taux devrait baisser.
MANUEL VALLS
Oui, mais la question du pouvoir d'achat est pour nous tout à fait essentielle, attendons la proposition concrète du gouverneur de la Banque de France dans quelques jours.
JEROME CHAPUIS
Et dernière question, la loi croissance/activité qui sera définitivement adoptée très prochainement cette semaine par le biais de l'article 49.3, est-ce que vous avez une idée précise du premier dimanche où les nouvelles règles d'ouverture pourront s'appliquer ?
MANUEL VALLS
Dès la rentrée. Dès cet automne, ces règles pourront s'appliquer, notamment dans les zones touristiques internationales, de même les mesures concernant les permis de conduire, attendues par les jeunes, pourront rentrer très vite en vigueur, et surtout les nouvelles lignes d'autocars, dès le mois d'août, pourront être mises en place. L'idée est bien d'aller vite, parce que c'est une loi qui donne un coup de jeune à notre économie, qui est attendue, ça fait des mois qu'on en parle, elle est nécessaire pour la croissance.
JEROME CHAPUIS
Merci. Merci Monsieur le Premier ministre.
MANUEL VALLS
Merci à vous.
JEROME CHAPUIS
Merci Manuel VALLS, d'avoir été l'invité de RTL ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2015
Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour Jérôme CHAPUIS.
JEROME CHAPUIS
« La porte est ouverte pour des discussions » dit François HOLLANDE, Angela MERKEL également, mais pour quelles discussions ? Qu'est-ce que vous attendez de la Grèce pour que les discussions à Bruxelles aujourd'hui aient un sens ?
MANUEL VALLS
Je crois que chacun doit comprendre que nous sommes à un moment crucial de l'histoire de l'Union européenne. La Grèce n'est pas n'importe quel pays, la Grèce est dans notre patrimoine culturel, philosophique, la Grèce est entrée dans la communauté européenne après plusieurs années sous la dictature des Colonels au début des années 80.
JEROME CHAPUIS
Ce qui ne l'exonère pas de ses obligations.
MANUEL VALLS
Non, bien sûr. La Grèce est une de nos frontières en Méditerranée vis-à-vis de la Turquie. La Grèce aujourd'hui fait face à un afflux massif, comme l'Italie, de réfugiés qui viennent de Syrie et en Irak. La Grèce est donc un des partenaires de l'Union européenne et de la zone euro. La France fait donc tout et fera tout pour que la Grèce reste dans la zone euro, parce que sa place est dans la zone euro, c'est-à-dire au coeur même de la construction européenne.
JEROME CHAPUIS
« Tout faire », qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ça veut dire par exemple qu'on est prêt à réduire une partie de la dette ? Accepter que la Grèce fasse défaut sur une partie de sa dette ?
MANUEL VALLS
Le président de la République hier aux côtés de la chancelière Angela MERKEL a tenu des mots forts. Je crois que le couple franco-allemand, la chancelière et le président de la République, se sont hissés au bon niveau, ont permis je crois de prendre une certaine hauteur de vue en appelant à la fois à la solidarité vis-à-vis de la Grèce après le vote du peuple grec.
JEROME CHAPUIS
Mais la solidarité, est-ce ça veut dire passer par des aides importantes ?
MANUEL VALLS
Il faut bien sûr la solidarité et la responsabilité. J'avais déjà eu l'occasion de le dire la semaine dernière : nous étions tout près d'un accord et chacun connaît les bases de cet accord. Cet accord, c'est à la fois bien sûr les réformes nécessaires pour faire en sorte que l'Etat grec fonctionne, qu'il y ait une fiscalité digne de ce nom, que l'investissement puisse reprendre. Il faut aussi des investissements pour aider l'économie grecque et Jean-Claude JUNCKER, le président de la Commission européenne, s'est engagé sur un plan de trente-cinq milliards concernant la Grèce. Puis oui il faut, mais cette question n'a jamais été taboue pour la France - Michel SAPIN, le ministre des Finances, a déjà eu l'occasion de le dire ici-même à votre micro il n'y a pas de sujet tabou sur la dette, sur le rééchelonnement, sur le fait qu'on reprofile, qu'on retravaille sur la dette qui, je crois, dure de toute façon jusqu'en 2057 si je ne me trompe pas. Ce travail est possible et nous étions près d'un accord la semaine dernière. Bien sûr, il y a eu depuis le référendum ; il n'y a pas que la Grèce, il y a l'ensemble des pays de la zone euro, mais les bases d'un accord, j'en suis convaincu, existent. Cet accord est nécessaire d'abord pour la Grèce parce que sa sortie de la zone euro plongerait le peuple grec dans une situation insupportable et c'est nécessaire aussi pour la cohésion, pour la cohérence de la zone euro et donc de l'Europe.
JEROME CHAPUIS
Mais tout ce que vous nous dites-là, c'était vrai avant le référendum. Qu'est-ce qu'il a changé au fond, Manuel VALLS, ce référendum ?
MANUEL VALLS
Les Grecs se sont exprimés. Est-ce qu'ils se sont exprimés pour sortir de la zone euro ? Non. Est-ce qu'ils se sont exprimés pour affirmer leur fierté ? Oui. C'est important aussi la fierté d'un peuple.
JEROME CHAPUIS
Vous dites non mais Sigmar GABRIEL, vice-chancelier allemand, social-démocrate comme vous dit : « Les Grecs ont coupé les ponts ».
MANUEL VALLS
Ce n'est pas leur message. Je pense que les Grecs sont un peuple profondément européen pour les raisons que je viens d'évoquer. Il faut aussi écouter ce message de dignité mais le Premier ministre grec Aléxis TSÍPRAS le président de la République a eu l'occasion de le rappeler ; il lui a dit directement au cours des conversations qu'il a eu l'occasion d'avoir avec lui au cours de ces derniers jours doit aussi prendre ses responsabilités et faire donc des propositions aujourd'hui au Conseil européen pour permettre une sortie de cette crise. Ces propositions, encore une fois, elles passent par les réformes indispensables, nécessaires pour la Grèce. Encore une fois, il y avait un accord possible, cela portait à la fois sur la TVA, sur les retraites sans toucher aux petites retraites, sur la nécessité d'avoir une véritable fiscalité. Il faut que le gouvernement Tsípras engage la Grèce sur la voie des réformes. Mais solidarité et responsabilité vont de paire et chacun aujourd'hui doit être à la hauteur des responsabilités du moment historique. C'est le message du président de la République, c'est le message de la chancelière Angela MERKEL. Là, le couple franco-allemand a joué pleinement son rôle. Il est cohérent et cette cohérence est indispensable à la cohérence-même de l'Europe.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que la sortie de la Grèce de la zone euro qui est évoquée par Alain JUPPE, par Valéry GISCARD D'ESTAING, est-ce que ça fait partie des options sur lesquelles vous travaillez ?
MANUEL VALLS
Quand nous avons dit qu'il y avait un risque avec le référendum, le jour d'après, dont chacun d'entre vous parle, c'est parce que bien sûr un vote peut provoquer une crise politique et une crise politique peut provoquer ce risque.
JEROME CHAPUIS
Mais on y est, on y est dans la crise politique !
MANUEL VALLS
La France est convaincue que nous ne pouvons pas prendre le risque d'une sortie de la Grèce de la zone euro, à la fois sans doute pour des raisons économiques même si aujourd'hui elles n'auraient rien à voir avec ce que nous avons pu connaître ou le risque qu'il y avait à l'occasion de la première crise grecque il y a trois ou quatre ans, mais surtout pour des raisons politiques. C'est l'Europe qui est en cause et regardez bien ce que le président des Etats-Unis, Barack OBAMA, ou ce que le Premier ministre chinois nous disaient la semaine dernière. Eux-mêmes considèrent que dans la situation économique que nous connaissons, c'est-à-dire avec un ralentissement de la croissance dans les grandes zones économiques du monde, en Amérique comme en Chine, la zone euro doit rester cohérente, fiable, et que la sortie pour la première fois dans son histoire d'un pays non pas de l'Union européenne mais de la zone euro, représente un risque pour la croissance et pour l'économie mondiale. Je rajoute que cela représente un risque politique parce que personne, tous ceux qui aujourd'hui imaginent la sortie de la Grèce de la zone euro, personne ne peut dire aujourd'hui quelles seraient les conséquences politiques, comment réagirait le peuple grec qui se sentirait humilié.
JEROME CHAPUIS
Ça ne peut pas se faire sans drame comme le dit Alain JUPPE ?
MANUEL VALLS
Vous savez, l'Histoire elle peut être tragique. Nous l'avons vu au cours de ces dernières décennies. Il y a aujourd'hui encore des guerres dans le monde ; l'Europe a connu une guerre. La Grèce, je vous le disais il y a un instant, est sur la rive Méditerranée face à la Turquie, dans une zone où l'Europe est encore fragile - je parle bien sûr des Balkans. On ne joue pas avec l'Histoire, on ne joue pas avec un pays comme la Grèce. Il faut faire très attention et c'est pour cela que le président de la République s'est mis au niveau où il fallait : celui de la gravité du moment, appelant à la fois à la solidarité mais aussi à la responsabilité du gouvernement grec qui doit être lui aussi conscient de ce qui se passe aujourd'hui. Le gouvernement grec et son Premier ministre doivent tout faire pour trouver un accord. Je rappelle que c'est le gouvernement grec qui a interrompu les négociations en provoquant ce référendum ; à lui maintenant de trouver les mots et surtout de formuler les propositions qui permettent de sortir de cette crise. La France fait tout, Michel SAPIN rencontrera aujourd'hui même avant le conseil de la zone euro le ministre grec des Finances, le nouveau ministre grec, pour ensemble travailler, trouver des solutions.
JEROME CHAPUIS
Un mot justement sur Yanis VAROUFAKIS, l'ancien ministre des Finances qui a démissionné hier matin. Son départ, c'est une bonne nouvelle ?
MANUEL VALLS
Mais moi je n'ai pas à commenter les choix d'un gouvernement souverain.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que c'est vraiment un choix d'un gouvernement souverain ? Yanis VAROUFAKIS sous-entend que les créanciers, donc la France, ont demandé sa tête. Est-ce que c'est le cas ?
MANUEL VALLS
La France a été depuis le début respectueuse du choix souverain du gouvernement grec.
JEROME CHAPUIS
Mais est-ce qu'il y avait une condition à la reprise des négociations ? Il n'y a pas eu de conditions ?
MANUEL VALLS
Non. La condition, c'est la responsabilité. C'est que chacun se rende bien compte que nous sommes à un moment crucial de l'Histoire de l'Union européenne.
JEROME CHAPUIS
Il n'était pas responsable de la part du ministre de traiter les créanciers de terroristes par exemple ?
MANUEL VALLS
Tous les mots qui blessent évidemment éloignent les uns et les autres d'une solution de compromis. C'est pour cela que tout le monde se retrouve aujourd'hui à Bruxelles, chefs d'Etat et chefs de gouvernement. Ce que je veux dire à vos auditeurs, à ceux qui nous regardent comme à ceux qui nous écoutent : nous sommes à un moment très important et la France, par la voix du président de la République, joue pleinement son rôle. La France est la deuxième économie de l'Union européenne, la France est un des membres fondateurs et la France sait pourquoi il y a eu cette construction européenne. Le président de la République le disait hier avec des mots très justes. L'Europe, ce n'est pas que de l'économie, ce n'est pas qu'une monnaie. C'est aussi une histoire, ce sont des valeurs, c'est une conception du monde et cette conception du monde se joue là en grande partie. Que chacun en soit bien conscient.
JEROME CHAPUIS
Les Grecs sont consultés par référendum ; les Allemands, les parlementaires allemands, discutent énormément de tout ça et nous, on a l'impression qu'en France on est également concernés, au même titre que les autres pays européens le débat n'a pas lieu. Qu'est-ce que vous dites aux Français ? Est-ce qu'on ne manque pas nous aussi d'un débat digne de ce nom sur l'euro ?
MANUEL VALLS
Michel SAPIN et moi-même avons eu l'occasion de répondre la semaine dernière aux questions des parlementaires, mais après m'être entretenu avec le président de l'Assemblée nationale Claude BARTOLONE, nous proposerons effectivement qu'il puisse y avoir à l'Assemblée nationale de l'organiser un débat si possible dès demain avec l'ensemble des parlementaires après le conseil européen pour faire un point sur la situation. Donc demain à l'Assemblée nationale, si cela est possible, le gouvernement est prêt pour un débat avec les députés.
JEROME CHAPUIS
Un débat sans vote ?
MANUEL VALLS
Aujourd'hui il n'y a pas besoin d'avoir un vote. Un vote sur quoi ? Non mais sur la situation du moment, sur la position bien sûr de la France parce que je crois que dans ce moment-là, il faut bien sûr informer les parlementaires. A travers eux et à travers vous, les Français. Il faut faire preuve de responsabilité et aussi, je crois que c'est important, d'unité et de rassemblement.
JEROME CHAPUIS
On a beaucoup parlé des divisions, des divergences, entre la France et l'Allemagne, hier on a eu le sentiment d'une unité, mais est-ce que ce n'est pas une unité de façade ?
MANUEL VALLS
Non, elle est nécessaire, je pense qu'on a été très injuste, d'ailleurs, sur cette unité. Elle existe depuis très longtemps, elle est fondamentale pour la construction européenne, bien évidemment, et le président de la République et la chancelière MERKEL veulent avancer ensemble, pour trouver une solution, parce que chacun est conscient, je crois, de sa responsabilité et de sa propre responsabilité dans ce moment-là. La France affirme très clairement les choses, nous ne pouvons pas laisser partir la Grèce de la zone euro.
JEROME CHAPUIS
Manuel VALLS, quelques questions dans l'actualité de ce mardi. Nous sommes six mois après les attentats de Charlie Hebdo, et on a appris il y a quelques minutes, qu'un dépôt de munitions dans les Bouches-du-Rhône, dépôt militaire, aurait été la cible d'un vol, de nombreux détonateurs et des explosifs auraient été volés. Est-ce que vous avez des précisions à nous donner, des informations à nous donner ?
MANUEL VALLS
Non, je n'ai aucune information sur ce sujet et sur les causes mêmes de ce vol. Donc je n'ai pas d'éléments.
JEROME CHAPUIS
Vous ne pouvez pas nous confirmer ce vol.
MANUEL VALLS
Non, ça, je fais confiance, je vous fais confiance, Jérôme CHAPUIS, mais je n'ai pas d'éléments sur ce vol.
JEROME CHAPUIS
On a entendu ce matin sur RTL, Maryse WOLINSKI, la veuve du dessinateur, elle nous expliquait qu'elle se portait partie civile, et elle nous pose une question : pourquoi, alors qu'il y a eu plusieurs coups de téléphone qui signalaient que les frères KOUACHI, lourdement armés, étaient entrés à Charlie Hebdo, pourquoi est-ce que les premiers policiers à arriver sur les lieux, sont de simples gardiens de la paix ? Est-ce que sur ce point précis vous avez des éléments à apporter ?
MANUEL VALLS
Je comprends parfaitement le questionnement de Maryse WOLINSKI et de l'ensemble des familles des victimes, c'est leur droit de savoir la vérité, il faut qu'on ait tous les éléments, laissons maintenant l'enquête et la justice faire leur travail. Six mois déjà, de ces évènements qui ont marqué la France, et au fond c'est ce qu'on ressent tous, et je le partage au quotidien avec le président de la République, c'est-à-dire la gravité du moment. Bien sûr il y a la vie des Français, ceux qui partent en vacances, ceux qui ne peuvent pas partir en vacances, la priorité, la croissance, la compétitivité de nos entreprises, la lutte contre le chômage, c'est la priorité de mon gouvernement, mais il y a dans ce moment-là, chacun le ressent, avec ce risque terroriste qui est là, devant nous, et pour très longtemps, la crise grecque qui met en cause les valeurs fondamentales, c'est-à-dire celles de l'Europe, il y a une gravité, et chacun doit se hisser au niveau de cette gravité, c'est le message des Français, c'est le message notamment des grandes manifestations après les attentats du mois de janvier.
JEROME CHAPUIS
Vous évoquiez la croissance, deux questions sur l'économie. Le gouverneur de la Banque de France plaide pour une baisse du taux du Livret A qui est actuellement à son plancher, 1 %, c'est son plus bas historique, est-ce que vous envisagez de le baisser au 1er août ?
MANUEL VALLS
Nous serons saisis d'une proposition du gouverneur de la Banque de France à la mi-juillet, mais le gouvernement est sensible, vous le savez, au pouvoir d'achat des Français et notamment des plus modestes, et c'est sur ces bases-là que nous déciderons. A ce stade, je ne peux pas en dire plus.
JEROME CHAPUIS
Ça veut dire que vous pourriez vous exonérer des règles de calcul ? Parce que théoriquement, ce taux devrait baisser.
MANUEL VALLS
Oui, mais la question du pouvoir d'achat est pour nous tout à fait essentielle, attendons la proposition concrète du gouverneur de la Banque de France dans quelques jours.
JEROME CHAPUIS
Et dernière question, la loi croissance/activité qui sera définitivement adoptée très prochainement cette semaine par le biais de l'article 49.3, est-ce que vous avez une idée précise du premier dimanche où les nouvelles règles d'ouverture pourront s'appliquer ?
MANUEL VALLS
Dès la rentrée. Dès cet automne, ces règles pourront s'appliquer, notamment dans les zones touristiques internationales, de même les mesures concernant les permis de conduire, attendues par les jeunes, pourront rentrer très vite en vigueur, et surtout les nouvelles lignes d'autocars, dès le mois d'août, pourront être mises en place. L'idée est bien d'aller vite, parce que c'est une loi qui donne un coup de jeune à notre économie, qui est attendue, ça fait des mois qu'on en parle, elle est nécessaire pour la croissance.
JEROME CHAPUIS
Merci. Merci Monsieur le Premier ministre.
MANUEL VALLS
Merci à vous.
JEROME CHAPUIS
Merci Manuel VALLS, d'avoir été l'invité de RTL ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2015